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ARRÊSTATION ET DÉPORTATION

Tola, Karol et les enfants Assassinés à Treblinka

Mon cher Papa.

Ils vont nous chasser d’ici et nous irons je ne sais où et nous ne savons pas si nous te reverrons encore. Je t’embrasse.

Ton fils Karol.

C’était la dernière lettre de Karol à son papa. Il avait 9 ans à la veille du départ pour l’inconnu, un inconnu nommé Treblinka.

La dernière lettre de Karol à son papa

Tola et Karol, à l’hiver 1940 à Falenica près de Varsovie. Sur la photo destinée à son père, Karol a écrit de sa main maladroite : Ton fils Karol

Le 21 août 1942, s’échappant du crématoire de Treblinka, la fumée a formé des centaines de nuages semblables de petits agneaux noirs. Deux cents enfants juifs venaient d’être conduits dans ce camp de la mort pour y être exterminés par le gaz. Ils venaient de Falenica, près de Varsovie, où ils séjournaient en cure dans le sanatorium de Medem à Miedzeszyn.

Le docteur Tola Mintz, médecin pédiatre, était de ce dernier voyage ainsi que son petit garçon de 9 ans nommé Karol.

Ils auraient pu se sauver, fuir en Hongrie. C’est bien ce que demandait le mari de Tola, Henryk Mintz, interné au camp pour militaires polonais d’Eger. A deux reprises il envoya clandestinement à son épouse des messages la suppliant de fuir. Tout était organisé. Mais Tola, Tauba la Colombe de son prénom juif, refusait. Comment cette femme qui avait toute sa vie montré son engagement au service des autres aurait-elle pu se résigner à abandonner les enfants du sanatorium ?

Tola, Karol et Henryk quelques jours avant la guerre à Varsovie

Avec les deux cents enfants du sanatorium, Tola et Karol ont disparu ce 21 août 1942.

Car Tola Mintz était une femme de caractère, fidèle à ses idées. Née le 1er septembre 1901 à Mława en Pologne, elle avait grandi à Lodz, dans un milieu social-démocrate actif, et elle avait tout naturellement adhéré adulte au Bund, le Parti Socialiste Juif des Travailleurs, tout en mettant ses qualités au service de tous ; le médecin-pédiatre du sanatorium était aussi une amie pour le personnel, une protectrice pour tous ceux qui l’approchaient. Brillante élève malgré sa santé fragile, elle est reçue en 1920 à la faculté de Philosophie de Varsovie. Mais, c’est la Faculté de Médecine de l’Université de Stefan Batory à Vilnius qu’elle décide brusquement de rejoindre.

Tola à Miedzeszyn. L’étoile jaune annonce déjà le destin de la jeune femme.

En 1928, la toute jeune diplômée épouse un étudiant en Médecine, Henryk Maurycy Mintz. Les débuts d’un jeune couple de médecins sont financièrement difficiles et imposent de fréquents déménagements. Qu’importe. En 1933, naît Oskar, surnommé à la maison Karol. Au printemps 1936, Tola devient médecin au Sanatorium de Medem à Miedzeszyn, près de Varsovie.

Alors que la vie de la famille commence à se stabiliser, c’est l’invasion de la Pologne par les armées allemandes : en septembre 1939, les bombes s’abattent sur Varsovie.  Henryk est mobilisé en tant qu’officier-médecin, tandis que Tola s’active au service de son quartier et préserve de son mieux ses proches. Le 9 septembre, lors d’une des attaques aériennes, une bombe incendiaire atteint d’ailleurs l’appartement où Tola, son fils Karol et quelques membres de sa famille sont sauvés grâce à un abri anti-aérien.  Après l’occupation de la capitale par les troupes allemandes, elle rejoint avec Karol son poste au Sanatorium de Medem à Miedzeszyn et elle y reste jusqu’à ce 20 août 1942, jour où les nazis entreprennent la liquidation des ghettos de Falenica et du sanatorium de Miedzeszyn.

Un témoin, Mieczyslaw Chocko écrit : 

Vers environ 4 h du matin arrivèrent des SS, des gendarmes avec le bien connu gendarme allemand - bourreau Luobscher et leurs collaborateurs, des SS ukrainiens dont la barbarie était déjà bien connue.

Toute la population du ghetto avait été réunie sur la place devant la Judenrat près des rails du chemin de fer. Tout le monde devait être assis par terre. Les malades de l’hôpital ainsi que les personnes âgées n’avaient pas ce privilège, elles furent fusillées dans leurs lits.

Les enfants du Sanatorium quelques mois avant le départ pour Treblinka.

Il faisait très chaud ce jour là. Sur la place il n’y avait pas d’ombre et la soif était pénible pour tous.

On dit que les bourreaux sont des barbares ? Eux ? Cela est faux, ils s’occupent si bien des enfants. Ils leur donnent même deux longues heures pour rassembler leurs affaires à ces enfants du Sanatorium de Medem avant de venir au rassemblement macabre.

Vers 6h du matin, deux cents enfants environ, avec des sacs à dos préparés d’avance, arrivèrent sur la place en rangs disciplinés, les enfants du Sanatorium. Ils marchaient en rang par 3. Chaque enfant portait un sac à dos. Il y avait un silence exceptionnel. Les adultes marchaient à droite des enfants. C’étaient les éducateurs et le personnel du Sanatorium. Au premier rang, menant cette colonne, le Dr Tola, avec son fils Karol de 9 ans. Pour les enfants du Sanatorium il n’y a plus d’illusions : un enfant devine, comprend, sait mais le moral endurci par leur vie quotidienne depuis l’occupation, aucun ne s’effondre.

Un wagon les attend. A l’entrée du wagon, il y a une femme au profil doux, menue, brune, jeune. C’est le Dr Tola Mintz, accompagnée comme toujours de son fils Karol.

Elle aide les enfants à monter pour ce voyage qui sera leur dernier voyage.

Ils sont si jeunes.

Puis les grosses portes métalliques du wagon se ferment dans un bruit infernal et le train prend la direction de Treblinka.

Ils se sont tous envolés au ciel en fumée.



01/03/2013
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