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HISTOIRE


LA RÉSISTANCE EN ALLEMAGNE 3e partie

L’orchestre Rouge

Arvid et Mildred Harnack

Au début des années 30 se formèrent des cercles de résistance autour du conseiller supérieur du gouvernement et scientifique Arvid Harnack et du lieutenant Harro Schulze-Boysen, employé au ministère de l'aéronautique. Ces deux cercles, qui rassemblaient une centaine d'opposants au régime nazi, se rejoignirent à la fin des années 30, et formèrent ainsi l'Organisation Harnack / Schulze-Boysen, qui fut nommée par la Gestapo l'Orchestre Rouge (Rote Kapelle). 

Harros et Liberta Schulza-Boysen

Les membres de cette organisation, unis par leur volonté de mettre fin au régime nazi et à la guerre, venaient d'horizons divers et de couches sociales différentes. Leurs activités étaient multiples. Pour attirer l'attention de la population allemande sur le caractère criminel du régime nazi, ils écrivirent de nombreux tracts et les distribuèrent. Grâce à la diversité de ses membres, le groupe put se procurer maintes informations sur les crimes et les projets du régime nazi, dont il voulait faire part à la population.

Mais le travail de résistance de ce groupe ne se limitait pas aux tracts et aux affiches. Lorsque les résistants apprirent le projet nazi de conquérir l'Europe, ils en avertirent les pays menacés. Ils informèrent entre autres l'Union soviétique de l'attaque imminente de la Wehrmacht, mais ils ne furent pas pris au sérieux. A partir de la fin de l'année 1941, ils coopérèrent avec les bureaux des renseignements soviétiques à Paris et à Bruxelles, sans pour autant devenir des agents soviétiques et perdre leur indépendance, comme les autorités nazies l'ont prétendu par la suite. L'organisation souhaitait plutôt œuvrer pour une Allemagne socialiste mais souveraine.

Le travail du groupe consista alors à rassembler des informations, à rédiger des tracts, à les reproduire et à établir le contact avec d'autres groupes de résistance à Berlin, à Hambourg, en Allemagne centrale et en Bavière. Le groupe réussit ainsi à élargir la zone de distribution de ses tracts, et parvint même à en envoyer aux soldats du front. Pendant l'hiver 1942, il entra en contact avec le groupe de résistance La Rose Blanche à Munich par l'intermédiaire du frère d'Arvid Harnack, Falk Harnack, qui rencontra des membres de ce groupe.

Outre le travail visant à informer la population allemande des crimes commis par le régime nazi, en particulier dans les territoires occupés à l'Est, l'organisation œuvrait de toutes ses forces pour la défaite militaire de l'Allemagne nazie. Dans ce but, ils transmirent des secrets militaires à l'URSS par radio, à l'aide d'émetteurs fournis par les renseignements soviétiques. Les transmissions présentaient un grand risque, et les résistants devaient toujours changer très rapidement de lieu d'émission pour ne pas être découverts par la Gestapo. La maintenance et la réparation des émetteurs-radio posaient de grands problèmes. Les membres du groupe organisèrent des rencontres avec des agents parachutistes soviétiques qui pouvaient alors effectuer les réparations les plus compliquées.

A la fin de l'année 1942, l'organisation fut démantelée par la Gestapo, et 119 personnes furent arrêtées. 50 personnes furent condamnées à mort et exécutées.

Le groupe de résistance La Rose Blanche fut fondé au printemps 1942, à l'université de Munich, par Hans Scholl et Alexander Schmorell.

Alexander Schmorell

Hans et Sophie Scholl, Christoph Probst

Les jeunes étudiants refusaient d'accepter le totalitarisme dans lequel avait sombré l'Allemagne, et voulaient sauvegarder leur indépendance d'esprit face au nihilisme intellectuel que représentait le nazisme. Ils parlèrent de la situation politique avec Kurt Huber, professeur à l'université de Munich, réputé pour ses cours de philosophie qui impressionnaient et influençaient beaucoup les étudiants. Kurt Huber les encouragea à résister et devint le mentor de la Rose Blanche.

Révoltés par  la dictature hitlérienne et les souffrances causées par la guerre, les étudiants se décidèrent à agir pendant l'été 1942. Hans Scholl et Alexander Schmorell rédigèrent les quatre premiers tracts ; ils les envoyèrent par la poste de la fin du mois de juin à la mi-juillet à des destinataires soigneusement choisis à Munich, principalement des intellectuels. Les étudiants se référèrent dans leurs tracts à d'éminents penseurs et écrivains comme Schiller, Goethe, Novalis, mais aussi Lao Tseu, Aristote, et citèrent également la Bible. Les destinataires de ces tracts, pour la plupart écrivains, professeurs d'université, directeurs d'établissements scolaires, libraires et médecins de Munich et de ses environs, étaient censés reproduire les tracts et les envoyer au plus grand nombre possible de gens. 

En juillet 1942, Hans Scholl, Alexander Schmorell et Willi Graf furent incorporés dans la Wehrmacht en tant qu'étudiants en médecine,  pour servir comme infirmiers au front de l'Est ; ils furent envoyés en URSS pour trois mois. De retour en Allemagne, ils prirent contact avec d'autres groupes de résistance. Hans Scholl et Alexander Schmorell se mirent ainsi en relation avec Falk Harnack, le frère d’Arvid Harnack, l'un des dirigeants de l'organisation Harnack-Schulze-Boysen. Pendant l'hiver 1942-1943,  lorsque la bataille de Stalingrad atteignit son paroxysme, les étudiants rédigèrent avec leur professeur Kurt Huber le cinquième tract de la Rose Blanche. Des milliers d'exemplaires furent imprimés et distribués non seulement à Munich, mais aussi à Augsbourg, Francfort, Stuttgart, Salzburg, Linz et Vienne.

Les étudiants écrivirent sur les murs des slogans pacifistes et antifascistes, collectèrent du pain pour des détenus de camps de concentrations et s'occupèrent de leurs familles. Les actions de la Rose Blanche furent prises en exemple à partir de janvier 1943 par des intellectuels du sud de l'Allemagne et de Berlin. Leurs tracts furent également recopiés et distribués à Hambourg par un groupe de jeunes gens en contact avec la Rose Blanche, qui s'était constitué autour de Hans Konrad Leipelt, étudiant en chimie. En février 1943, après la défaite de Stalingrad, Kurt Huber rédigea le sixième tract. Il fut imprimé à plus de 2 000 exemplaires, distribué et envoyé par la poste. Le 18 février 1943, Hans Scholl et sa sœur Sophie lancèrent des centaines de tracts dans la cour intérieure de l'université de Munich ; le concierge les arrêta et les livra à la Gestapo. Ils furent condamnés à mort, car leurs appels au ressaisissement éthique des consciences allemandes furent considérés par les nazis comme un crime politique majeur. Le réseau de Hambourg fut lui aussi démantelé par la Gestapo à l'automne 1943. Hans et Sophie Scholl, ainsi que Christoph Probst, un autre membre du groupe, furent guillotinés le jour même de leur condamnation, le 22 février 1943 ; d'autres résistants, Alexander Schmorell, Willi Graf et le Professeur Kurt Huber furent exécutés quelques mois plus tard. Dix autres membres de la Rose Blanche furent assassinés les années suivantes, dont huit à Hambourg. 80 personnes furent arrêtées dans le sud de l'Allemagne, et 50 personnes dans la région de Hambourg ; elles furent condamnées à des peines de prison allant jusqu'à cinq ans, pour avoir été en contact avec la Rose Blanche.

Le cercle de Kreisau

Le cercle de Kreisau était un cercle de discussion et de réflexion constitué d'amis unis par le rejet du régime hitlérien et soudé par la volonté de préparer le renouveau de l'Allemagne post-hitlérienne. Il comptait, de 1938 (depuis la crise des Sudètes) jusqu'à l'attentat du 20 juillet 1944, vingt membres actifs et environ vingt sympathisants. Son nom de cercle de Kreisau, qui lui a d'ailleurs été assigné par la Gestapo, se réfère au lieu de rencontre du cercle de discussion, le domaine de la famille von Moltke, situé à Kreisau, en Silésie, où se sont réunis de 1940 à 1943, pour réfléchir aux mesures à prendre contre le régime nazi et à une nouvelle Allemagne après la dictature, des fonctionnaires, des ecclésiastiques des deux confessions chrétiennes, des officiers ainsi que des politiciens sociaux-démocrates et conservateurs. Une grande partie des membres du cercle avait appartenu à des mouvements de jeunesse qui mettaient l'accent sur le dialogue entre les générations et les différentes couches sociales, en organisant des camps et des activités en plein air qui permettaient aux enfants de fréquenter des gens de tous les milieux et de tous les âges. Cette expérience a donné à ce cercle son profil caractéristique, qui consistait en la consultation mutuelle de personnes issues d'horizons divers, en un échange alliant expérience et idées progressistes.

Helmut James Graf von Moltke

Le cercle a été créé par Helmut James Graf von Moltke, petit-neveu du Feld-maréchal du XIXe siècle. Sa mère étant originaire d'Afrique du Sud, il a reçu une éducation de tradition britannique. Il s'est intéressé très tôt, pendant sa jeunesse passée à Berlin, à des problèmes sociaux, ce qui lui a valu le surnom de comte rouge. Il s'est engagé entre autres dans les camps de travail volontaires en Silésie, sensés ouvrir le dialogue entre les différentes couches sociales et les générations. Von Moltke fit des études de droit, mais refusa après la prise du pouvoir d’Hitler en 1933 un poste de juge, préférant être actif en tant qu'avocat et essayer d'agir contre l'injustice et les jugements arbitraires, en offrant son aide juridique à ses amis et connaissances juifs. Sa mère l'incita à aller en Angleterre pour entrer en contact avec des amis de sa famille, et il y passa des examens qui lui permirent d'ouvrir un cabinet d'avocat en Angleterre et de conserver ainsi des contacts dans le monde libre.

Von Moltke, qui n'hésitait pas à énoncer ses critiques ouvertement, condamna dès le début l'ascension et la prise du pouvoir d’Hitler. Le régime nazi allait à l'encontre de sa vision du monde humaniste fondée sur l'éthique chrétienne, et déjà avant la prise de pouvoir d’Hitler en 1933, il mit son entourage en garde contre le NSDAP et Hitler, étant persuadé que celui-ci, s'il était au pouvoir, représenterait un danger de guerre immédiat. Très tôt, il fut au courant des crimes commis par le régime nazi en Pologne, envers les prisonniers de guerre et les juifs en Europe. En octobre 1942, il apprit l'existence des fourneaux SS où étaient traitées 6 000 personnes par jour. Von Moltke fut arrêté au début de l'année 1944, condamné à mort le 11 janvier 1945 et exécuté le 23 janvier 1945.

Peter Graf Yorck von Wartenburg

Au début de l'année 1940, une autre personnalité, qui elle aussi allait énormément déterminer le travail et les objectifs que le cercle se fixait, se joignit au cercle de Kreisau : Peter Graf Yorck von Wartenburg, un cousin lointain de von Moltke, qui avait également fondé en 1938 un groupe de résistance. Haut fonctionnaire de l'État depuis 1938, il portait lui aussi un grand nom de l'histoire allemande, lié à la fin de l'occupation napoléonienne et au rapprochement germano-russe. Au début, le jeune juriste vit dans le national-socialisme une chance pour surmonter l'humiliation du peuple allemand après la défaite de 1918. Mais avec le temps, il s'en détourna de plus en plus, la violence, l'injustice et le traitement de la population juive lui ayant ouvert les yeux sur le véritable visage de l'idéologie nazie. 

En 1938, il se mit alors à la recherche de gens partageant ses idées. C'est au printemps 1940 que Yorck et von Moltke se revirent lors d'une rencontre familiale, et qu'ils échangèrent leurs avis et préoccupations. Par la suite, ils firent connaissance de leurs cercles d'amis respectifs, ce qui fit s'agrandir entre 1940 et l'automne 1941 le cercle de Kreisau. C'est dans la maison de Peter Graf Yorck von Wartenburg à Berlin-Lichterfelde qu'eurent lieu la plus grande partie des rencontres de discussion. En 1942, il fut incorporé dans la Wehrmacht, ce qui lui permit de fortifier et d'élargir ses contacts avec des opposants du régime au sein de l'appareil militaire. A la suite de l'arrestation de von Moltke en janvier 1944, il proposa ses services à Claus Schenk Graf von Stauffenberg pour la préparation et l'exécution du putsch du 20 juillet 1944. Il fut arrêté pendant la nuit du 20 au 21 juillet, quelques heures après l'attentat, et fut exécuté le 8 août 1944.

En 1938, les résistants comprirent qu'il serait illusoire de tenter un putsch contre Hitler, étant donné qu'une grande partie de la population soutenait le dictateur après l'Anschluß et l'annexion des Sudètes. Ils se rassemblèrent alors pour essayer de concrétiser un renouveau de l'Allemagne, et prirent contact avec des spécialistes divers pour discuter les fondements d'une nouvelle Allemagne post-hitlérienne.

Le lien qui unissait les membres du cercle était le refus du régime national-socialiste et la protestation - motivée pour la plupart des résistants par l'éthique chrétienne - contre les crimes de ce régime et la guerre, beaucoup d'entre eux ayant fait l'expérience douloureuse de la Première Guerre Mondiale. Mais l'on ne peut pas dire qu'il s'agissait d'un cercle religieux. Certes, les valeurs chrétiennes étaient pour la plupart des membres du cercle une base fondamentale de discussion, mais ce sont surtout des thèmes étatiques, économiques et culturels qui prévalaient dans les débats. Ce groupe n'était pas pour autant un cercle d'intellectuels sans relation avec la pratique, car tous les membres étaient confrontés dans leur vie professionnelle et dans leurs engagements personnels aux réalités de l'existence et faisaient preuve de réalisme.

Les membres du cercle de Kreisau se représentaient l'Allemagne post-hitlérienne comme un État démocratique et civil, un État de droit assurant le respect des droits de l'homme. Le droit au travail et la socialisation du secteur économique étaient deux autres principes fondamentaux pour le nouvel État, dans lequel la propriété privée serait protégée, mais où les unités de production les plus importantes seraient pour le bien commun entre les mains de l'État. Les citoyens, et c'est là que réside l'aspect le plus moderne du "programme" du cercle de Kreisau, devaient pouvoir bénéficier de libertés et d'une large responsabilité dans la nouvelle Allemagne. Celle-ci, débarrassée du modèle du Deuxième Reich d'un État autoritaire, devait être reconstituée à partir de la base, c'est à dire que l'État devait reposer sur des petites communautés bénéficiant d'une autonomie administrative. Cet aspect dénote la méfiance conservatrice à l'égard des sociétés de masse modernes. Mais ceci ne représentait en aucun cas un repli sur soi. Le cercle de Kreisau, qui défendait des valeurs humaines, s'opposait à ce que l'Etat soit dominé par l'économie, et souhaitait que la nouvelle Allemagne soit ouverte au monde occidental, dans la perspective d'une union européenne.

Mais avant tout, l'État allemand devait être renouvelé de manière démocratique en commençant par la base. Von Moltke et Yorck savaient que les Allemands auraient besoin d'une éducation pour apprendre à faire bon usage de leur nouvelle liberté, dont ils avaient été démunis pendant plus d'une décennie. Ceci ne pouvait selon eux se réaliser sans les principes éthiques chrétiens. C'est pour cette raison que le cercle n'était pas en faveur d'une séparation stricte de l'Église et de l'État, parce que les Églises catholique comme protestante devraient être ancrées dans une société œcuménique et y agir en tant qu'instances politiques et morales. Le citoyen serait alors en mesure de s'épanouir et de découvrir ainsi par lui-même l'ordre naturel, puis d'œuvrer vers sa réalisation dans la société. Pour réaliser ce renouveau de la société et de l'État à partir du bas, les membres du cercle voulaient transformer l'appareil administratif anonyme et oppressant en une administration plus immédiate et concrète, permettant le maximum d'autarcie aux plus petites unités locales ainsi reliées dans un système démocratique et extrêmement décentralisé.

Une autre revendication essentielle du cercle de Kreisau était la sécurité juridique, donc le rétablissement d'un État de Droit, qui garantirait la liberté de conscience, la tolérance et le respect envers les peuples d'Europe. Sans la constitution d'un État de Droit, aucune politique extérieure ne serait possible. Les crimes commis par les nazis au nom du peuple allemand seraient à punir sans laisser valoir l'excuse d'avoir eu à obéir à un ordre. Ceux qui avaient donné des ordres blessant le Droit naturel et le Droit International Public seraient à inculper en premier lieu. L'Allemagne devrait porter la responsabilité des crimes commis contre les peuples européens, mais les poursuites judiciaires devraient être du ressort d'une nouvelle justice allemande. Le cercle concevait un Droit International Public des Peuples du Monde comme fondement d'une nouvelle communauté internationale des peuples, qui serait alors empreinte d'une nouvelle autorité morale et juridique. Le projet prévoyait la constitution d'un tribunal international de guerre constitué des vainqueurs, de deux représentants de pays neutres et d'un juge du pays vaincu. L'idée était de créer ainsi le règne du Droit parmi les peuples du monde entier.

Le cercle de Kreisau à tenté d'établir, par l'intermédiaire de ses différents membres, un contact avec d'autres groupes de résistance, comme le groupe qui s'était constitué autour de Franz Sperr au sud de l'Allemagne et qui était en contact avec de hauts officiers, ou encore avec un groupe de leaders travaillistes catholiques de Cologne, et avec le cercle de Fribourg. Malgré tous les efforts pour établir le contact avec la Rose Blanche à Munich, ceci n'a pas pu se réaliser avant l'arrestation de ce groupe. Le cercle avait également des contacts avec des communistes modérés non staliniens. A partir de 1943, divers membres du cercle de Kreisau décidèrent de participer activement à des conspirations et prirent contact avec Ludwig Beck, Carl Friedrich Goerdeler, Ulrich von Hassel et Claus Schenk von Stauffenberg. La plupart des membres du cercle furent inculpés de haute trahison après le putsch échoué du 20 juillet 1944, et furent condamnés à mort.

Les membres principaux du cercle de Kreisau 

Adam von Trott zu Solz
Ce juriste fit des séjours d'études à Oxford et en Chine. Ces séjours à l'étranger, pendant lesquels il fut en contact avec des opposants au régime nazi, l'ont beaucoup marqué. En 1937, il fit la connaissance de von Moltke à Oxford, et en 1940, de Yorck von Wartenburg. La même année, il reçut un poste au ministère des Affaires étrangères, où il commença à prendre contact avec les groupes constitués autour de Hans von Dohnanyi et Dietrich Bonhoeffer. Adam von Trott zu Solz était dans le cercle le spécialiste des Affaires étrangères. Il fut arrêté cinq jours après l'attentat du 20 juillet 1944 et exécuté le 26 août 1944.

Hans-Bernd von Haeften
Juriste, issu d'un milieu empreint du protestantisme libéral, il passa un an d'étude en Angleterre, à Cambridge. Il était lié d'amitié avec Dietrich Bonhoeffer et fut en contact étroit avec Martin Niemöller. Il travailla à partir de 1933 au ministère des Affaires étrangères, dont il devint l'un des plus hauts fonctionnaires, et où il était protégé par le secrétaire d'État von Weizsäcker, personnage-clé de la conspiration menée par von Stauffenberg. Malgré sa fonction de diplomate, il refusa d'adhérer au NSDAP. Proche du cercle de Kreisau, il aurait obtenu le poste du secrétaire d'État au ministère des Affaires étrangères après le putsch du 20 juillet 1944. Il fut condamné à mort et exécuté le 15 août 1944.

 

Julius Leber
Cet ancien parlementaire social-démocrate de la République de Weimar était spécialiste en matière de défense. Le 31 janvier 1933, il fut arrêté pour la première fois, puis libéré grâce aux manifestations de masse organisées pour sa libération. Arrêté de nouveau, il fut interné dans des camps de concentration jusqu'en 1937. A partir de l'automne 1943, il entra en contact avec le cercle de Kreisau par l'intermédiaire de Carlo Mierendorff. Julius Leber, qui fut une figure marquante de la Résistance allemande, faisait également partie du groupe de Goerdeler, et serait devenu après le putsch 20 juillets ministre de l'Intérieur, ou même chancelier du Reich. Dénoncé, il fut arrêté début juillet 1944, avant l'attentat, fut condamné à mort le 20 octobre 1944, puis exécuté le 5 janvier 1945.

Theodor Haubach
Theodor Haubach était l'ami étroit de Carlo Mierendorff, avec lequel il publiait les Neue Blätter für den Sozialismus, auxquelles ont collaboré entre autres le pasteur Harald Poelchau, Adolf Reichwein et Otto Heinrich von der Gablentz. En 1923, Theodor Haubach soutint sa thèse sous la direction du philosophe Karl Jaspers. En 1929, il devint le porte-parole du ministère de l'Intérieur. En 1934, il fut arrêté et interné dans le camp de concentration d'Esterwegen. A partir de l'automne 1942, il fut membre du cercle de Kreisau, qui prévoyait pour lui le poste du porte-parole du gouvernement. Il fut arrêté quelques semaines après l'attentat du 20 juillet 1944 et exécuté le 23 janvier 1945.

Carlo Mierendorff
Membre du SPD et membre du Reichstag à partir de 1930, il fut l'un des derniers à encore oser s'opposer ouvertement au NSDAP et à son chef de propagande Josef Goebbels au Parlement. Après la prise de pouvoir d’Hitler, il fut arrêté, maltraité et emprisonné dans les camps de concentration d'Osthofen, de Lichtenberg, de Papen burg, de Börgermoor, de Torgau et de Buchenwald jusqu'en 1938. Après sa libération, il entra en contact avec le cercle de Kreisau, où il influença largement la discussion sur la politique sociale. Il fut un médiateur entre les catholiques et les socialistes du cercle, et parvint à leur faire surmonter leurs divergences. Mierendorff mourut en décembre 1943 lors d'un bombardement allié à Leipzig.

Adolf Reichwein
Ce social-démocrate et pédagogue réformateur, qui avait perdu en 1933 son poste de professeur d'Histoire et d'Instruction civique à l'Académie pédagogique de Halle, rejoignit le cercle de Kreisau en 1940. Il était prévu par le cercle qu'Adolf Reichwein devienne ministre de l'Éducation et de la Culture après l'attentat du 20 juillet 1944. Il était non seulement en contact avec le cercle de Kreisau, avec le cercle constitué autour de Wilhelm Leuschner et de Julius Leber, depuis l'été 1944 avec l'opposition militaire, mais aussi avec des représentants de groupes de résistance communistes qui s'étaient formés autour d’Anton Saefkow, Franz Jakob et Bernhard Bästlein. En raison de ces contacts, il fut arrêté début juillet 1944 et exécuté le 20 octobre 1944.

 

 

Claus Schenk Graf von Stauffenberg, le lieutenant Fritz-Dietlof Graf von der Schulenburg, le lieutenant von Kleist et le capitaine Axel Freiherr von der Bussche-Streithorst voulaient tuer Hitler le 11 février en faisant exploser une bombe lors d'une présentation d'uniformes dans la Wolfsschanze, le Rempart des loups, le quartier général d'Hitler. Von der Bussche était prêt à dissimuler l'explosif dans la poche agrandie de son pantalon, à déclencher le détonateur et à se jeter sur Hitler pour l'empêcher de fuir jusqu'à l'explosion. Il devait utiliser un détonateur de grenade avec un mécanisme de retardement de 4,5 secondes qui était bruyant, mais il pensait pouvoir couvrir le bruit en faisant semblant de tousser pour s'éclaircir la voix. Il avait également un long couteau caché dans sa botte, au cas où le détonateur ne fonctionne pas. L'attentat échoua, car la présentation d'uniformes ne put avoir lieu, étant donné que le matériel à présenter avait brûlé dans le train qui le transportait lors d'un bombardement allié.

 

Le 11 mars, Claus Schenk Graf von Stauffenberg et son entourage chargèrent le capitaine de cavalerie Eberhard von Breitenbuch de tuer Hitler à coups de feu lors d'une réunion au Obersalzberg, où von Breitenbuch, en tant qu'officier d'ordonnance, avait l'une des rares opportunités de pouvoir approcher le dictateur. Mais l'attentat échoua en raison des mesures de sécurité renforcées : en dernière minute, il fut décidé d'interdire la présence des officiers d'ordonnance.

 

Claus Schenk Graf von Stauffenberg voulait faire un attentat à la bombe contre Hitler dans la Wolfsschanze le 6 juillet, mais ni Hitler ni Göring ne purent venir.

Enfin se présenta l'occasion tant attendue pour l'attentat, et von Stauffenberg fit sauter la bombe dans le quartier général d'Hitler le 20 juillet. Mais Hitler survécut, et les conjurés furent exécutés.

Claus Schenk Graf von Stauffenberg

Le colonel Claus Schenk Graf von Stauffenberg fut le centre de la Résistance au sein du commandement suprême des forces armées après que le général Hans Oster ait été limogé, après le démantèlement du groupe de résistants au sein du contre-espionnage, et après l'envoi de Henning von Tresckow au front de l'Est. Von Stauffenberg fut du 1er juin au 20 juillet 1944 le chef de l'état-major du commandant des troupes de réserve. Il était convaincu que seule la mort d’Hitler pourrait inciter la Wehrmacht à agir. Au début ébloui comme tant d'autres par les succès militaires d’Hitler, ce n'est que pendant la guerre qu'il saisit le caractère criminel de la politique nazie. Blessé grièvement en Afrique, il perdit un œil, la main droite et des doigts de la main gauche, fut transféré à Berlin et y reçut en septembre 1943 un poste de chef d'état-major. Son supérieur, le général Friedrich Olbricht, qui était déjà depuis 1938 l'une des forces motrices pour un putsch au sein de l'armée, lui demanda d'entrer dans la Résistance active. Et c'est Friedrich Olbricht qui mit von Stauffenberg en contact avec Henning von Tresckow, Ludwig Beck et Carl Friedrich Goerdeler. Grâce à sa position centrale, tant sur le plan géographique que hiérarchique au sein de l'armée, von Stauffenberg œuvra pour l'unification des divers cercles et groupes de Résistance, afin d'assurer leur coordination lors d'un coup d'État. Par l'intermédiaire de Fritz-Dietlof Graf von der Schulenburg, il entra en contact avec le social-démocrate Julius Leber. Puis il entra en contact avec le cercle de Kreisau en faisant la connaissance d'Adam von Trott zu Solz, qui lui présenta son cousin Peter Graf Yorck von Wartenburg. Enfin, il rencontra Ludwig Beck dans la maison du grand chirurgien Sauerbruch. Von Stauffenberg étant parvenu à coordonner l'action de ces divers groupes, c'est lui qui dirigea les opérations à partir de Berlin lors du coup d'État.

A la suite de l'échec des tentatives d'attentats en 1943, et après l'arrestation des conjurés Julius Leber et Adolf Reichwein, von Stauffenberg se décida à exécuter en personne l'attentat à la bombe le 20 juillet 1944. Il en informa les résistants ayant des positions clés dans l'armée et dans l'administration. L'idée de tuer Hitler dans son quartier général, sa Tanière du Loup près de Rastenburg en Prusse Orientale, lors de la conférence quotidienne l'informant de la situation militaire, était de von Tresckow. Tous les précédents plans et tentatives d'éliminer le dictateur lors de ses rares déplacements s'étaient avérés irréalisables, puisque Hitler était trop prudent pour se tenir aux heures fixées et à l'itinéraire convenu, et puisqu'il se désistait trop souvent pour qu'il soit possible d'arranger un attentat et un putsch.

Le matin du 20 juillet 1944, von Stauffenberg partit de son appartement à Berlin-Nikolassee et prit l'avion pour Rastenburg, en Prusse Orientale, avec son aide de camp, le lieutenant Werner von Haeften. Dans la Tanière du Loup, von Stauffenberg et von Haeften allèrent, sous prétexte de vouloir se rafraîchir et changer de chemise avant la conférence avec Hitler, dans la chambre de l'aide de camp de Keitel, le commandant Ernst John von Freyend. C'est là qu'ils voulaient amorcer les détonateurs des explosifs afin qu'ils déclenchent l'explosion 10 à 12 minutes plus tard, et mettre ceux-ci dans le porte-documents de von Stauffenberg. Les deux hommes furent dérangés par l'adjudant-chef Werner Vogel, qui les appela à venir à la conférence, c'est pourquoi ils ne purent amorcer que l'une des deux bombes prévues. La deuxième bombe resta dans le porte-documents de Werner von Haeften.

Le barraquemnt après l'explosion

A 12h30, von Stauffenberg se rendit dans le baraquement où avait lieu la conférence. A son arrivée, Keitel annonça à Hitler que von Stauffenberg lui exposerait les mesures prises pour la mise sur pied d'unités de remplacement. Von Stauffenberg déposa alors son porte-documents près d’Hitler, sous la table, et quitta le baraquement vers 12h40, sous prétexte de devoir aller téléphoner.

Vers 12h50, juste au moment où Hitler se pencha au-dessus de la table en chêne pour étudier des cartes, la bombe explosa. Cinq des vingt-quatre personnes présentes dans le baraquement furent tuées, les autres blessées. Hitler n'eut que quelques petites égratignures.

Von Stauffenberg entendit l'explosion et partit tout de suite en voiture avec von Haeften. Leur voiture, conduite par le lieutenant Erich Kreutz, passa à environ 70 mètres à côté du baraquement enfumé et sortit de la zone de haute surveillance juste avant que l'alerte soit donnée et que toutes les sorties soient fermées. Arrivés au corps de garde extérieur, l'adjudant-chef Kolbe ne voulut pas les laisser passer. Von Stauffenberg téléphona alors au capitaine de cavalerie von Möllendorff à l'état-major de place, qui les autorisa à passer. Sur la route vers l'aérodrome, von Stauffenberg jeta le deuxième paquet d'explosifs par la fenêtre. Arrivés à l'aérodrome à 13h15, ils prirent aussitôt l'avion pour Berlin, où von Stauffenberg devait déclencher l'Opération Walkyrie et diriger le coup d'État.

 

L'Opération Walkyrie était au départ un plan qui organisait de façon très détaillée le déploiement de troupes de réserve vers le front. En 1943, ces plans furent élargis et transformés en un ordre d'alerte générale, au cas où les nombreux travailleurs étrangers et prisonniers de guerre détenus en Allemagne déclencheraient des émeutes ; l'état de siège aurait alors été déclaré et l'armée aurait pris le contrôle du pays. Ce plan n'avait en soi rien à voir avec un putsch éventuel, mais les conjurés y avaient ajouté des ordres secrets sous la forme d'enveloppes scellées que les commandants des unités concernées n'étaient autorisés à ouvrir que lors du déclenchement de l'Opération Walkyrie par le mot clé Walkyrie. Ces unités auraient dû alors occuper les bâtiments du gouvernement et des ministères, les émetteurs radio, les bureaux de téléphone et de télégraphie, les camps de concentration, et contrôler les nœuds de communication. De plus, ces enveloppes contenaient l'ordre de désarmer les unités SS et d'arrêter leurs dirigeants.

Vers 14h, le chef de la SS, Heinrich Himmler, demanda à la présidence de la police du Reich à Berlin de charger des spécialistes d'élucider l'attentat. Il donna l'ordre d'arrêter von Stauffenberg. Ce n'est que vers 15h que le général Olbricht reçut à Berlin une vague information sur un attentat avec plusieurs victimes. Mais il se décida à attendre des nouvelles de von Stauffenberg, pour ne pas avoir à retirer l'ordre Walkyrie au cas où ce ne soit qu'une feinte. A 15h, von Stauffenberg était à Berlin et von Haeften diffusa la nouvelle de la mort d’Hitler. Comme le commandant en chef Fromm refusa de participer à l'opération, Keitel lui ayant assuré qu’Hitler était toujours en vie, les conjurés l'arrêtèrent et confièrent le commandement suprême au feld-maréchal von Witzleben.

A partir de 17h30 furent donnés les ordres lançant l'Opération Walkyrie. Il fut donné pour mission à Hoepner, un général limogé par Hitler, d'exécuter les ordres du plan en Allemagne, puis Ludwig Beck et Hoepner tinrent au Bendlerblock un discours devant les chefs de sections. Le général Friedrich Olbricht, alors que les troupes à Berlin et aux alentours étaient déjà en route pour exécuter l'opération, hésita avant d'envoyer ses spécialistes prendre possession des émetteurs radio et diffuser la déclaration du nouveau gouvernement au peuple allemand, car il jugeait la situation encore trop instable.

Un fonctionnaire du ministère de la propagande, qui était cet après-midi-là au bataillon de garde Großdeutschland, put persuader le commandant qu'il serait préférable de demander à Goebbels avant d'entreprendre quoi que ce soit. Ce dernier fut ainsi informé du lancement de l'Opération Walkyrie et en avertit Hitler, qui ordonna tout de suite une contre-attaque. Goebbels fit diffuser à la radio la nouvelle qu'un attentat contre Hitler avait eu lieu, mais que celui-ci était en vie. Cette contre-réaction et l'ordre de ne pas tenir compte des ordres en provenance de Berlin semèrent l'inquiétude dans les troupes, qui demandèrent alors au Bendlerblock qui détenait le pouvoir de commandement.

Une contre-attaque eut également lieu au Bendlerblock. Fromm parvint à fuir après avoir propagé la nouvelle qu’Hitler était en vie. Plusieurs officiers, qui jusqu'alors n'avaient pas pris parti, prirent ainsi les armes pour combattre les conjurés. De plus, ils appelèrent des troupes de renfort, alors que les troupes appelées par les conjurés venaient de faire marche-arrière. Les conjurés furent arrêtés, et le général Fromm fit fusiller sur le champ quatre d'entre eux dans la cour du bâtiment : le général Olbricht, les colonels von Stauffenberg et Mertz, ainsi que le lieutenant von Haeften. Fromm donna à Ludwig Beck l'opportunité de se suicider.

A Paris, contrairement à la plupart des districts militaires, où les nouvelles annonçant la mort de Hitler et les informations contradictoires assurant qu'il avait survécu se croisèrent et semèrent la confusion, l'Opération Walkyrie fut exécutée avec davantage de succès. Le commandant en chef Carl-Heinrich von Stülpnagel y avait tout organisé lui-même, et certains de ses officiers, comme le lieutenant-colonel Cäsar von Hofacker, étaient au courant de tous les détails de l'opération. Celui-ci était un cousin de Stauffenberg ; il était non seulement en contact avec les conspirateurs berlinois et parisiens, mais également avec la Résistance française. Les conjurés mirent en état d'arrestation environ 1 200 personnes du service de la sécurité, de la SS et de la Gestapo, et allèrent voir le Generalfeldmarschall von Kluge, qui avait la fonction d'Oberbefehlshaber West (commandant en chef du front de l'Ouest) en France et dont l'attitude vis-à-vis de la conjuration était restée très indécise, afin de lui demander d'établir le contact avec les Alliés, mais celui-ci refusa. Il destitua von Stülpnagel et von Hofacker de leurs fonctions et leur conseilla de s'enfuir. Von Stülpnagel se résigna lorsque les mauvaises nouvelles en provenance de Berlin se multiplièrent, et donna l'ordre de libérer les prisonniers. Il tenta alors de se suicider et se blessa grièvement ; il fut arrêté par la Gestapo, condamné à mort et exécuté à Berlin-Plötzensee le 30 août 1944. Von Hofacker fut arrêté à Paris le, 26 juillet 1944, condamné à mort le 30 août 1944 et exécuté à Berlin-Plötzensee le 20 décembre 1944. Le Feld-maréchal von Kluge, après avoir reçu l'ordre de se rendre à Berlin, se suicida le 19 août 1944 sur un champ de bataille de la Marne.

En Allemagne commença alors une terrible chasse aux conjurés et à leurs sympathisants. La commission chargée d'élucider l'attentat et le coup d'État était constituée de 400 hommes de la Gestapo. Par la suite eurent lieu de très nombreux procès-simulacres sous la présidence du juge Freisler. Des milliers de personnes, les conjurés, ainsi que leurs proches et leur famille, en tout 5 000 à 7 000 personnes - cette méthode d'intimidation était pratiquée de façon systématique par la Gestapo - furent arrêtées ; 5 000 personnes furent condamnées à mort et exécutées à la suite de cette action de représailles.

Les étrangers de la Résistance

Les espagnols et la Résistance à Lorient

Roque CARRION, Commandant FTP

En janvier 1942, venant de Brest, un convoi de Républicains Espagnols, internés en France puis contraints à travailler pour les allemands, arrive à Lorient. Ils sont logés dans des baraques montées sur l’ancien polygone du,  IIème Régiment d’Artillerie Coloniale, où se trouvent déjà au moins dix mille travailleurs étrangers amenés pour travailler à la construction de la base de sous-marins.

Parmi ces travailleurs espagnols se trouvent Ramon GARRIDO, qui sera plus connu sous le pseudonyme Léon CARRERO, membre du mouvement de Résistance Front National depuis le début de 1941, et qui fut à l’origine de la formation des premiers "Groupes d’Action" dans la région brestoise, et de nombreux anciens de l’armée républicaine espagnole qui s’engagèrent dans la Résistance française pour chasser l’occupant nazi.

Il retrouve son camarade Juan SANCHEZ CASTILLO qui appartient lui aussi au Front National, entre en contact avec les responsables pour la région lorientaise, Georges LE SANT, domicilié près du Polygone, Albert LE BAIL, Jean Louis PRIMAS, ancien combattant des Brigades Internationales en Espagne.

L’action contre l’occupant se renforce par la formation de groupes de sabotage qui deviendront les groupes FTPF de la région lorientaise et s'étendront bien vite dans le Morbihan et le sud du Finistère. Nous sommes alors à la fin du mois de février 1942, plus d’une vingtaine de Groupes d’Action sont constitués. Ils ont pour responsables quelques jeunes l’orientais qui ont combattu pendant la guerre 1939-1940 et surtout des étrangers ayant combattu pendant la guerre d’Espagne. A partir du 15 mars 1942, les actions contre l’occupant se multiplieront à une cadence rapide. Les sources d’énergie électrique sont surtout visées; plus de dix transformateurs et échangeurs sont mis hors de service en ce 15 mars 1942. Presque toutes les nuits par la suite, il y a eu des actions contre les occupants.

Les milieux de la collaboration dépêchèrent à Lorient le Service de Police Anti-communiste, connu sous ses initiales SPAC. Au début du mois de juillet 1942, les arrestations de dix huit membres responsables du Front National, parmi lesquels quelques républicains espagnols, n’empêchèrent pas les actions contre l’occupant de continuer.

GARRIDO, qui avait un domicile 73 rue Ratier à Lorient, fut obligé de fuir après l’arrestation de son camarade Ignacio PORTILLO à son logis; la police avait cru avoir affaire au locataire du logement recherché pour son action résistante. GARRIDO quitta Lorient pour Rennes d’où il continua le contrôle des résistants espagnols des départements bretons dont les effectifs approchaient alors de 450.

Il fut arrêté à Paris le 30 novembre 1942, jugé par un Tribunal Spécial, condamné à deux ans de prison, transféré à la Centrale d’EYSSES le 17 décembre 1943, il fut déporté à Dachau et libéré le 1er juin 1945. Son camarade PORTILLO est mort en déportation. 


09/03/2013
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LA RÉSISTANCE EN ALLEMAGNE 2e partie

La résistance des sociaux-démocrates

Les sociaux-démocrates ont été avec les communistes les premiers opposants et résistants au nazisme, et furent de ce fait les premières victimes du régime. Les persécutions de la Gestapo ont causé d'énormes pertes humaines dans les rangs de ces partis.

Contre la dictature et la tyranie. Manifestation en faveur de la Répubique. Berlin 1930.

Les sociaux-démocrates s'identifiaient à la République de Weimar et ont combattu pour sa survie. Dès la fin des années 20 furent organisées de grandes manifestations pour protester contre la montée du nazisme, et les organisations paramilitaires républicaines, les Reichsbanner et le Eiserner Front, composées essentiellement de sociaux-démocrates, ont combattu le Harzburger Front  formé du NSDAP, des nationalistes du Deutsch nationale Volkpartei de Hünenberg et du Stahlhelm. Les Reichsbanner, qui comptaient plus de trois millions de membres, et le Eiserner Front étaient toujours en alerte pour contrer des tentatives de putsch et défendre la République de Weimar. Mais les dirigeants du SPD étaient divisés et indécis quant à la stratégie à adopter en cas de putsch ; certains voulaient organiser une grève générale et de grandes manifestations, et privilégiaient l'intervention de troupes paramilitaires pour la défense de la démocratie, d'autres préféraient opter pour des solutions non-violentes et parlementaires, dans le cadre des mesures fixées par la loi.

Manifestation du Eiserne front. Nuremberg le 12 février 1933.

Après l'arrivée au pouvoir d’Hitler, le 30 janvier 1933, les dirigeants du parti, divisés quant à l'attitude à adopter face au gouvernement hitlérien, n'ont pas donné de consignes pour organiser une action coordonnée contre Hitler. Des militants du SPD ont dans toute l'Allemagne rassemblé des armes en attendant un signal du parti, qui n'a pas eu lieu. A défaut de soulèvement, de grandes manifestations ont été organisées pour protester contre l'arrivée au pouvoir d’Hitler. Ainsi, 20 000 sociaux-démocrates ont manifesté le 7 février à Berlin, 15 000 à Lübeck le 19 février, plusieurs dizaines de milliers également à Dortmund le 26 février. Les troupes nazies ont arrêté lors de ces manifestations des dirigeants du parti, et les SA et SS n'ont pas hésité à tirer dans la foule le 2 février à Lübeck, lors d'une manifestation de protestation contre l'arrestation du député social-démocrate Julius Leber, qui fut par la suite libéré pendant quelques temps, avant d'être arrêté de nouveau. Cela se reproduisit le 13 février à Francfort-sur-l'Oder. A partir de la mi-février, les manifestations et les rencontres de militants furent systématiquement dispersées par la police, les SS et les SA.

La dictature nazie s'est mise en place extrêmement rapidement et a instauré la terreur dans le pays : après l'incendie du Reichstag, le 27 février, plus de 4 000 sociaux-démocrates, communistes et libéraux ont été arrêtés. Le 28 février, Hindenburg s'est appuyé sur l'article 48 de la Constitution, conférant au Président de la République les pleins pouvoirs en cas de crise, pour promulguer une ordonnance pour la protection du peuple et de l'État. Les droits fondamentaux, notamment les libertés d'expression, de réunion, d'association, le droit de propriété, le secret postal, l'inviolabilité du domicile, furent suspendus. Le gouvernement du Reich s'est octroyé le droit d'intervenir dans les Länder, et des peines de mort ou de travaux forcés étaient prévues pour les opposants qui menaceraient l'ordre public. Le 1er mars fut publié un décret qui assimilait l'incitation à la grève à la haute trahison. Le 6 mars, les sièges du SPD et du KPD, ainsi que des syndicats et des maisons d'édition, furent occupés et le parti communiste fut interdit. Et le 21 mars ont été créés les camps de concentration de Dachau et d'Oranienburg, pour emprisonner les opposants politiques.

Une cinquantaine de camps secondaires, contrôlés par les SA, furent créés au cours des mois suivants. Les résistants allemands furent les premiers prisonniers des camps de concentration et durent même aider à construire certains d'entre eux, comme le camp de Buchenwald, en 1937. Au printemps 1933, plusieurs dizaines de milliers de personnes, essentiellement des sociaux-démocrates et des communistes, ont été envoyées en camp de concentration. 

Camp de concentration d'Oranianburg. avril 1933.

Étant donné ce climat de terreur, les perquisitions, les arrestations et les tortures, la liberté d'action des sociaux-démocrates était particulièrement infime. A la fin du mois de mars 1933, lorsque le Reichstag fut convoqué pour accorder au gouvernement hitlérien les pleins pouvoirs, 94 députés du SPD ont pris part au vote, malgré les menaces des SS et des SA. 26 députés du SPD avaient été arrêtés par les nazis ou s'étaient enfui et n'ont pas pu voter. Les sociaux-démocrates furent la seule fraction parlementaire qui vota contre la loi des pleins pouvoirs accordés à Hitler ; le parti communiste avait été interdit le 6 mars et tous les députés communistes étaient emprisonnés. Le chef de la fraction du SPD, Otto Wels, protesta officiellement devant les diplomates étrangers présents lors du vote contre cette atteinte à la liberté et à l'État de Droit. Hitler, en obtenant du Reichstag le droit de légiférer sans le contrôle du parlement pendant quatre ans, est devenu légalement dictateur. La démocratie parlementaire a été abolie par ce vote, ce fut la fin de l'État de Droit et le début officiel de la Gleichschaltung, la mise au pas de la population allemande.

 

En mai, les syndicats sociaux-démocrates furent interdits et dissous. Le 22 juin 1933, le SPD fut dissous, et le 14 juillet, le NSDAP fut proclamé parti unique. Une partie des dirigeants du SPD s'exila alors en Tchécoslovaquie, et tenta de coordonner l'action des militants à partir du siège de Prague. Des cellules locales de sociaux-démocrates existaient depuis 1932 ; ainsi, il y avait environ 250 groupes de ce type à Leipzig. A Hanovre, les militants recevaient une formation spéciale pour résister aux interrogatoires, et un organe de presse, les Sozialistische Blätter, diffusait les informations. Mais le contact avec d'autres groupes de résistance était très difficile, la Gestapo parvenait régulièrement à démanteler les réseaux et arrêtait les militants. Ce système de cellules locales, qui n'avaient la plupart du temps aucun contact entre elles, était la base du travail clandestin des sociaux-démocrates. Mais le manque de préparation et de coordination, ainsi que les persécutions de la part de la Gestapo ont freiné considérablement le travail de résistance, dont l'efficacité était de ce fait très réduite. Les militants se rencontraient dans des associations diverses, comme par exemple des clubs d'échecs ou de randonneurs, mais la Gestapo démantelait rapidement ces réseaux. 

Les sociaux-démocrates exilés à Prague, à Paris puis à Londres après les accords de Munich et l'occupation de la France, ont tenté de rester en contact avec les résistants restés dans le Reich. Le 8 janvier 1934, la direction du SPD exilée à Prague a publié le Manifeste de lutte du socialisme révolutionnaire. La coopération entre la SOPADE, direction exilée du SPD, et les partis sociaux-démocrates des pays voisins a permis de mettre en place des réseaux pour passer les frontières, diffuser des journaux, acheminer clandestinement de l'argent, des tracts et des machines à polycopier, et rassembler des fonds pour soutenir les familles des militants arrêtés et déportés. Des sociaux-démocrates ont également combattu aux côtés des antifascistes espagnols, au sein des Brigades internationales. En 1938 ou 1939, ils se réfugièrent pour la plupart en France, mais ceux qui ne sont pas parvenus à fuir ont été arrêtés par la police française après la déclaration de guerre, en tant que ressortissants d'un pays ennemi. Plus de vingt mille Allemands ont ainsi été envoyés dans les camps de concentration du Vernet, de Rieucros, de Gurs ou des Milles. Après la défaite, ces prisonniers furent livrés à la Gestapo en raison de l'article 19 de la convention d'armistice. Les sociaux-démocrates Rudolf Breitscheid et Rudolf Hilferding, antinazis engagés pour la défense de la paix et la réconciliation franco-allemande, furent ainsi livrés à la Gestapo et déportés à Buchenwald, où ils sont morts. Certains résistants allemands qui ont pu échapper aux persécutions ont combattu dans le maquis aux côtés des Français. Dans un article publié dans Le Populaire du 2 septembre 1939, Otto Wels et Hans Vogel avaient appelé les antifascistes allemands, au nom du comité directeur du SPD, à s'allier avec les mouvements de résistance des pays dans lesquels ils avaient trouvé refuge : La défaite de Hitler est  le but que nous devons poursuivre avec les forces démocratiques d'Europe. Nous serons pendant la guerre aux côtés des adversaires d’Hitler, de ceux qui luttent pour la liberté et la civilisation européenne.

 

Des militants sociaux-démocrates ont su aussi s'allier à des résistants issus d'autres mouvements. Ainsi, Julius Leber, Theodor Haubach, Carlo Mierendorff et Adolf Reichwein ont coopéré avec les civils et les militaires pour organiser l'attentat contre Hitler et la tentative de putsch du 20 juillet 1944. La plupart des résistants qui ont pris part à cette action ont été exécutés le 5 janvier 1945 à Berlin-Plötzensee.

Les jeunesses socialistes ont également participé activement à la résistance. Ainsi, un groupe d'adolescents socialistes de Francfort a organisé un réseau pour permettre aux personnes recherchées par la Gestapo de fuir à l'étranger. D'autre part, les jeunesses socialistes publiaient une revue clandestine, Blick in die Zeit, qui diffusait des articles sur la situation en Allemagne parus dans la presse étrangère.

Par ailleurs, d'autres sociaux-démocrates ont mis en place des réseaux de résistance qui se distanciaient de la direction du parti exilée à Prague. En novembre 1933 fut ainsi créé le mouvement de résistance Roter Stoßtrupp, constitué d'étudiants et de jeunes travailleurs sociaux-démocrates, et dirigé par Rudolf Küstermeier et Karl Zinn. Dans leurs journaux, ils critiquaient les erreurs commises par les directions du SPD et du KPD et appelaient à la formation d'un nouveau parti de travailleurs qui combattrait pour la révolution prolétarienne. Mais cette organisation fut très vite démantelée, et ses membres furent arrêtés à la fin de l'année 1933.

 

Neu Beginnen était une autre organisation sociale-démocrate qui s'est distanciée de la ligne fixée par la direction du parti. Dès 1929, de jeunes sociaux-démocrates et communistes critiques vis-à-vis de la stratégie du SPD et du KPD avaient formé ce groupe en espérant renouveler ainsi le mouvement ouvrier. Cette organisation fut tenue secrète dès sa création, ce qui favorisa le passage dans la clandestinité. Un siège de Neu Beginnen, dirigé par Karl Frank, fut créé à Prague en 1933 ; son travail consistait à se procurer de l'argent pour financer les militants vivant dans le Reich et à informer l'étranger sur les exactions du régime nazi. Le programme de ce groupe, qui décrivait la situation des travailleurs en Allemagne et proposait des lignes directrices pour combattre le national-socialisme, a trouvé un grand écho dans le Reich et à l'étranger. Des cercles de discussion clandestins se sont constitués en Allemagne et de nombreux sympathisants se sont joints au mouvement. Neu Beginnen se fixait pour objectifs de former des cadres capables d'encadrer les militants et de les préparer au travail clandestin, à la transmission illégale d'informations et au maintien du contact avec l'étranger. Ces mesures étaient censées préparer une prise de pouvoir lors de la chute du régime hitlérien. Mais à partir de 1935, la Gestapo a commencé à démanteler ces réseaux, ce qui a freiné leurs activités. Le rapprochement avec le Volksfront, alliance éphémère de communistes et de sociaux-démocrates créée en novembre 1935, permit une coopération entre ces mouvements de résistance, qui publièrent en 1938 un programme commun, intitulé Deutsche Freiheit, qui insistait sur la nécessité d'une forme de résistance non seulement morale, mais également politique et active. Mais les dirigeants de ces réseaux furent arrêtés à l'automne 1938, et le mouvement se désagrégea progressivement. Les dernières cellules furent démantelées en 1944.

 

Parallèlement à ces mouvements de résistance, d'autres groupuscules, issus de partis sociaux-démocrates minoritaires comme le SAP (Sozialistische Arbeiterpartei), qui s'était constitué en 1931 par l'alliance de membres de l'aile gauche du SPD et d'anciens communistes, ont essayé d'œuvrer pour l'unification des partis de gauche contre le nazisme, mais sans succès ; un front unitaire des partis de travailleurs n'a pas vu le jour en raison des divergences entre les différents courants. Certains membres du SAP se sont exilés, comme par exemple Willy Brandt, président de la section du SAP de Lübeck, futur chancelier de la RFA et prix Nobel de la paix en 1971, qui a trouvé refuge à Oslo et a contribué à la mise en place et au maintien d'organisations clandestines dans le Reich en effectuant plusieurs missions en Allemagne. Après l'occupation de la Norvège en 1940, il a fondé à Stockholm une agence de presse pour informer l'opinion internationale sur ce qui se passait en Allemagne. Une direction exilée du parti fut fondée à Paris ; ses membres publièrent pendant l'été 1933 une brochure intitulée Der Sieg des Faschismus und die Aufgaben der Arbeiterklasse (La victoire du fascisme et les tâches de la classe ouvrière), qui analysait la nature du régime hitlérien. La section des jeunes membres du SAP organisa des actions plus éclatantes, mais qui entraînèrent des vagues d'arrestations. Ainsi furent distribués en mai 1933 devant une grande usine de Dresde des tracts appelant à la lutte contre le gouvernement nazi ; une centaine de militants furent arrêtés par la Gestapo après cette action. De nombreux résistants appartenant à d'autres sections furent arrêtés et déportés en camp de concentration à la suite de trahisons ou d'imprudences, ce qui conduisit la direction du parti à transformer les cellules de cinq personnes en groupuscules de trois personnes, pour limiter au maximum les risques de démantèlement des réseaux, et on renonça aux grandes actions. Le contact avec l'étranger devenant de plus en plus difficile, la liberté d'action de ces cellules était extrêmement limitée. Grâce au soutien de l'étranger, en particulier des syndicats de transporteurs et de marins suédois, des tracts et des informations ont cependant être acheminés clandestinement en Allemagne et rompre ainsi l'isolement des opposants.

 

D'autres organisations sociale-démocrates comme le Internationaler Sozialistischer Kampf-Bunn (ISK), fondé par Leonhard Nelson, ont continué le combat contre le nazisme dans la clandestinité. Willy Eichler a fondé à Paris vers la fin de l'année 1933 une direction exilée de l'ISK, qui a maintenu le contact avec la section clandestine en Allemagne, dirigée par Helmut von Rauschenplat ; les militants ont réussi à diffuser des tracts, grâce au soutien du syndicat international des transporteurs. De nombreux membres de l'ISK, en particulier des cadres de l'organisation, ont été arrêtés par la Gestapo, ce qui a fragilisé le réseau. En 1940, Eichler dut quitter Paris et se réfugia à Londres, où il prononça régulièrement des discours à la BBC pour informer les résistants vivant en Allemagne.

La plupart des organisations clandestines furent démantelées dès leurs premiers mois d'existence, et la vague d'arrestations des premières années provoqua une stagnation des activités des sociaux-démocrates, notamment en 1935 et 1936. Les résistants qui avaient pu échapper aux persécutions de la Gestapo ont compris que leurs activités n'avaient pas réussi à fragiliser le régime nazi, et qu'elles avaient entraîné de lourdes pertes humaines dans les rangs des militants sociaux-démocrates, qui n'étaient pas en mesure d'effectuer un coup d'état contre le gouvernement hitlérien.

La Résistance communiste

Dès le début des années 30, les communistes se mobilisèrent contre le NSDAP et tentèrent de convaincre les militants nazis de rejoindre le parti communiste. Mais face à la montée du nazisme, ils durent changer de tactique, et organisèrent de grandes manifestations de protestation, qui donnèrent souvent lieu à des affrontements entre les deux camps. L'union des partis de travailleurs était problématique, car même si la base du parti communiste allemand (KPD) et du parti social-démocrate (SPD) avait la volonté de former un front uni contre le nazisme, cette union ne put voir le jour, car les dirigeants communistes traitaient les sociaux-démocrates de sociaux-fascistes, et les sociaux-démocrates refusaient de se plier aux directives idéologiques de Moscou. Le 30 janvier 1933, le jour de l'arrivée au pouvoir d’Hitler, les communistes lancèrent un appel à la grève générale et à des manifestations de masse, qui fut suivi partout en Allemagne. Les nazis réagirent en procédant à des arrestations, des perquisitions et des rafles.

Face aux mesures répressives prises par le gouvernement nazi contre les communistes, ceux-ci durent se résoudre à continuer le combat dans la clandestinité. Des réseaux clandestins se mirent en place, mais la plupart furent démantelés très rapidement par la Gestapo, qui disposait d'un très grand nombre d'informateurs. Dès février 1933, l'incendie du Reichstag fut pris comme prétexte par les nazis pour interdire le parti communiste et procéder à l'arrestation des cadres du parti ; plus de la moitié des dirigeants du parti furent arrêtés ou assassinés par la Gestapo. A la suite de l'arrestation d’Ernst Thälmann, chef du parti communiste allemand, au début du mois de mars 1933, Moscou donna l'ordre aux cadres du parti de s'exiler, afin de former une direction du parti à l'étranger, qui avait pour mission d'apporter son soutien à la base du parti restée en Allemagne. Walter Ulbricht, chef provisoire du KPD et futur dirigeant de la RDA, s'exila en 1933 en Tchécoslovaquie pour y fonder une antenne du parti, et rejoignit en 1936 Wilhelm Pieck, lui aussi futur dirigeant de la RDA, à Paris, où avait été créée une autre antenne du KPD. En 1939, ils trouvèrent refuge en URSS, où ils restèrent jusqu'à la fin de la guerre. 

 

En Allemagne, les membres du parti tentèrent de déjouer la surveillance de la Gestapo pour former des réseaux illégaux. Mais la police disposait de fichiers du parti communiste, qu'elle avait réquisitionnés lors de rafles, et les résistants furent arrêtés par milliers et envoyés dans les premiers camps de concentration, que les prisonniers politiques communistes et sociaux-démocrates furent obligés de construire. 
La presse illégale fut la première activité des résistants communistes, qui diffusèrent clandestinement des tracts et des publications visant à convaincre la population allemande de se soulever contre Hitler et de renverser le régime nazi. D'autre part, un réseau de messagers fut mis en place ; ceux-ci avaient pour mission de faire passer des informations sur le Reich à l'étranger, aux directions exilées du parti, et de transmettre en Allemagne les nouvelles de l'étranger, afin de contrer la propagande hitlérienne. 

Les syndicats communistes essayaient de leur côté de mobiliser clandestinement les travailleurs au sein des entreprises contre le gouvernement nazi. Mais leur tâche était ardue, car certains membres du parti s'étaient résignés à la victoire nazie, d'autres s'étaient engagés dans le NSDAP, et les persécutions dont étaient victimes les communistes en décourageaient plus d'un à continuer le combat. De plus, l'implantation des syndicats communistes était très faible dans les entreprises avant l'arrivée au pouvoir d’Hitler, car la majorité des membres du parti étaient alors au chômage, et les activistes ne purent former de véritable contrepoids au nazisme dans les entreprises allemandes.

En 1935, le Kominterm et le bureau politique du KPD décidèrent de changer leur tactique contre le national-socialisme, et de tenter de s'unir aux sociaux-démocrates afin de former un front uni contre le nazisme. D'autre part, la structure hiérarchique habituelle du parti, facile à démanteler par la Gestapo, qui avait pu ainsi procéder à des arrestations par milliers, fut abandonnée ; les résistants s'organisèrent en petites cellules, dirigées par des instructeurs qui avaient été formés à cette tâche, et qui fonctionnaient dans la clandestinité au sein des entreprises et à la place des anciennes antennes locales du parti. Ces cellules recevaient leurs directives des centrales du KPD coordonnées par le comité central de Moscou et exilées à Amsterdam, Strasbourg, Luxembourg, Copenhague, Prague, Paris et Stockholm, qui envoyaient clandestinement des messagers en Allemagne. Ceux-ci traversaient la frontière tchécoslovaque grâce à un réseau de passeurs ; cette organisation imprimait également des tracts, qui étaient ainsi acheminés dans le Reich, et aidait des réfugiés à fuir l'Allemagne. Le même type de réseau existait aux frontières belge et néerlandaise, mais la Gestapo parvint à démanteler ces organisations en 1935-36, grâce à l'infiltration d'espions. 

 

En 1936, lors des Jeux Olympiques de Berlin, qui furent pour les nazis un événement majeur de propagande, les communistes organisèrent une grève dans une usine de Berlin, ce qui contredisait la propagande hitlérienne, selon laquelle toute l'Allemagne soutenait les nazis. La Gestapo fit en sorte que les journalistes étrangers ne soient pas au courant de cette grève, et plaça à la suite de cet incident des espions nazis dans toutes les usines, de façon à ce que de tels mouvements de contestation ne puissent plus se reproduire.

Pendant la guerre, la plupart des pays voisins étant occupés par les troupes allemandes, il devint de plus en plus difficiles de maintenir un contact entre les directions exilées du parti et la base restée en Allemagne ; les cellules de résistants communistes furent de plus en plus isolées et ne parvenaient que rarement à recevoir les directives du parti. Les résistants communistes qui travaillaient aux chemins de fer ou dans les compagnies de transport fluvial ou maritime purent toutefois continuer à transmettre des messages. De plus, les communistes disposaient d'un service secret qui collectait des informations et les envoyait par radio aux centrales de renseignements de Paris et Bruxelles, qui avaient des agences dans tous les pays européens. 

Le pacte de non-agression de l'URSS conclu par Hitler et Staline le 23 août 1939 choqua et désorienta les résistants qui luttaient depuis six ans dans la clandestinité ; une direction du parti indépendante de Moscou fut créée en Allemagne en réaction à ce pacte, et son comité central envoya des messagers dans les différentes cellules locales pour donner l'ordre de poursuivre le combat contre le nazisme. Après l'attaque nazie de l'URSS, la section communiste allemande renoua avec Moscou. Mais la volonté de ces résistants communistes de provoquer un soulèvement de la population allemande contre la guerre et le gouvernement nazi n'avait aucune chance de réussir, étant donné qu'une grande partie des Allemands soutenait Hitler, qui remportait une victoire après l'autre. La cote de popularité du dictateur était telle pendant les premières années de la guerre, qu'une révolution était irréalisable. Willi Gall, qui avait commencé à organiser la résistance intérieure, fut arrêté en 1940 ; son successeur, Wilhelm Knöchel, coordonna les activités des différentes cellules à partir d'Amsterdam, puis s'installa à Berlin en 1941 ; il fut arrêté en janvier 1943 et donna sous la torture des informations aux nazis, ce qui mit en danger toute la résistance communiste et fragilisa ses activités.

A la fin de la guerre, alors que les troupes soviétiques s'approchaient de plus en plus de l'Allemagne, des agents communistes furent parachutés dans le pays pour organiser la résistance communiste. Et lorsque la zone d'occupation soviétique donna naissance à la RDA, de nombreux communistes qui s'étaient exilés à Moscou, dont Walter Ulbricht et Wilhelm Pieck, en devinrent les dirigeants.

Principaux groupes de résistance communistes

 

 

 

 

 

Comité national de l'Allemagne libre (Nationalkomitee Freies Deutschland, NKFD)
Ce comité fut fondé en 1943 par la section politique de l'armée soviétique et par le comité central du KPD exilé à Moscou ; ses objectifs étaient, au moyen d'un travail de propagande, de détourner les prisonniers de guerre allemands du nazisme et d'encourager les soldats allemands à déserter. Le NKFD tentait de rallier toutes les tendances politiques à l'union contre Hitler ; dans ses rangs, on ne comptait pas uniquement des communistes, mais aussi, par exemple, une centaine de pasteurs, prêtres et étudiants en théologie de la Wehrmacht, prisonniers dans les camps russes, qui se sont joints au NKFD  en raison des persécutions dont étaient victimes les Églises dans le Reich. Les communistes, notamment Wilhelm Pieck et Walter Ulbricht, futurs dirigeants de la RDA, ont finalement pris la tête du NKFD, qui est devenu un instrument de propagande entre les mains du gouvernement soviétique.

L'organisation Allemagne libre (Freies Deutschland)
Ce groupe, fondé à Cologne en 1943 par un réseau de résistants communistes, comptait plus de deux cents membres, et rassemblait des résistants de tous les horizons politiques et idéologiques. Des tracts incitant la population allemande à commettre des sabotages, afin d'enrayer la machine de guerre nazie, et encourageant les soldats à déserter, furent distribués, et les résistants apportèrent leur aide aux travailleurs de force étrangers prisonniers en Allemagne. La Gestapo arrêta de nombreux membres du groupe, qui se disloqua progressivement.

Organisations résistantes indépendantes du KPD

Parti communiste allemand oppositionnel ("Kommunistische Partei Deutschlands (Opposition), KPO)
L'aile droite du KPD avait été exclue du parti en 1928 et avait fondé une organisation communiste indépendante, le KPO. Après l'arrivée au pouvoir de Hitler, seuls quelques militants désignés par les cadres du parti s'exilèrent en France, où ils fondèrent un comité exilé (Auslandskomitee, AK) en contact, grâce à un réseau de messagers, avec la base du parti, qui poursuivait clandestinement ses activités en Allemagne. Un comité du KPO, qui siégeait à Berlin, se chargeait de coordonner les activités des cellules locales du parti. La structure à la fois hiérarchisée et morcelée du parti permit d'éviter les grandes rafles de la Gestapo. Les objectifs principaux du KPO étaient de transmettre des informations sur le régime hitlérien et de travailler en collaboration avec les résistants exilés à l'union des travailleurs contre le nazisme. Des tracts furent distribués, et les membres du parti avaient pour mission de créer des syndicats clandestins dans les entreprises dans lesquelles ils travaillaient. Lorsque le contact avec le comité exilé fut rompu en raison de l'occupation de la France par les troupes allemandes, le KPO prit contact avec d'autres organisations de travailleurs, notamment avec les sociaux-démocrates, afin de créer des syndicats clandestins, et de distribuer des tracts visant à mobiliser la population allemande contre Hitler.

L'Orchestre Rouge (die Rote Kapelle)
A partir de la fin de l'année 1941, l'organisation Harnack / Schulze-Boysen coopéra avec les bureaux des renseignements soviétiques de Paris et Bruxelles, sans que ses membres deviennent pour autant des agents soviétiques et perdent leur indépendance, comme les autorités nazies l'ont prétendu par la suite. La Gestapo nomma ce groupe de résistance L'Orchestre Rouge (die Rote Kapelle).

Églises et Résistance. Protestants

L'Église protestante, obéissant traditionnellement à l'autorité de l'État, était majoritairement pour Hitler, et souhaitait devenir l'Église du peuple, en osmose avec la Nation. Hitler voulait créer un christianisme positif qui aurait été l'une des bases du nouveau régime, ce qui enthousiasmait beaucoup de protestants. Mais dès 1933, des voix s'élevèrent au sein de l'Église protestante pour critiquer la politique menée par Hitler.

Dietrich Bonhoeffer

Ainsi, Georg Schulz, Heinrich Vogel, Dietrich Bonhoeffer, ainsi que onze pasteurs de Westphalie rédigèrent des appels à la tolérance. Deux jours après l'arrivée au pouvoir d’Hitler, Bonhoeffer prononça une allocution radiodiffusée condamnant le nazisme ; l'émission fut interrompue par les nazis. Dietrich Bonhoeffer, pasteur et maître de conférences à l'Université de Berlin, s'opposa aux Chrétiens allemands avec un groupe d'étudiants révoltés comme lui par les mesures nazies prises à l'encontre des juifs, et parvint à convaincre une minorité de protestants de la légitimité d'une opposition à la politique antisémite menée par Hitler et soutenue par la nouvelle Église du Reich. En 1933, il rédigea un article, L'Église face à la question juive, dans lequel il rappela aux fidèles le devoir chrétien de résistance à l'État lorsque celui-ci commet des crimes. Bonhoeffer, lors d'une tournée de conférences aux États-Unis en 1939, refusa d'y trouver refuge, alors qu'on lui proposait une carte de séjour et un poste de professeur ; il préféra rentrer en Allemagne, pour tenter d'agir sur place contre le régime nazi. Il devint directeur du séminaire clandestin de Finkenwalde, qui se réclamait de l'Église confessant, et qui fut fermé par les nazis en 1940. Dietrich Bonhoeffer était conscient du fait qu'une Résistance ecclésiastique ne pourrait à elle seule renverser le régime, c'est pourquoi il collabora activement à la conspiration du 20 juillet 1944. Il prit de plus contact par l'intermédiaire de son beau-frère Hans von Dohnanyi avec le groupe de résistance formé au sein du contre-espionnage et dirigé par Hans Oster. Bonhoeffer, afin que ses activités ne soient pas découvertes par la Gestapo, obtint grâce à ses amis résistants du contre-espionnage un poste d'agent secret, ce qui lui permit d'entreprendre des voyages à l'étranger sous cette couverture. C'est ainsi qu'il put prendre contact avec des résistants, notamment des ecclésiastiques, à l'étranger. Mais lorsque la Gestapo démantela ce réseau de résistance en 1943, Bonhoeffer fut arrêté et déporté en camp de concentration. Il fut pendu le 9 avril 1945.

En 1932 se forma un groupe protestant national-socialiste, les Chrétiens allemands, qui réclamèrent après l'arrivée au pouvoir de Hitler la formation d'une Église du Reich, structurée selon le Führerprinzip et rejetant les juifs, ce qui se réalisa quelques mois plus tard. L'Église protestante, désormais dirigée par les Chrétiens allemands, était devenue un instrument entre les mains d’Hitler. En septembre 1933 fut organisé le synode brun ; la majorité des responsables ecclésiastiques s'y rendirent en uniforme nazi. Il fut décidé, malgré l'opposition des adversaires des Chrétiens allemands, que les pasteurs qui n'étaient pas aryens seraient exclus de l'Église du Reich ; 70 responsables ecclésiastiques suivirent l'exemple du pasteur Koch et quittèrent alors la salle en signe de protestation.

 

Martin Niemöller

Quelques semaines plus tard, le pasteur Martin Niemöller appela les pasteurs hostiles à ces mesures antisémites à s'unir au sein d'une nouvelle organisation, le Pfarrernotbund, la Ligue d'urgence des pasteurs, qui respecterait les principes de tolérance énoncés par la Bible et la profession de foi réformatrice. Cet appel eut un grand écho : à la fin de l'année 1933, 6 000 pasteurs, soit plus d'un tiers des ecclésiastiques protestants, s'étaient joints à ce groupe dissident. La Ligue d'urgence des pasteurs, soutenue par des protestants à l'étranger, adressa au synode une lettre de protestation contre les mesures d'exclusion et de persécution prises envers les juifs et envers les pasteurs refusant d'obéir aux nazis. Malgré les protestations, Martin Niemöller fut déchu de ses fonctions de pasteur et mis prématurément à la retraite au début du mois de novembre 1933. Mais la grande majorité des croyants de sa paroisse décida de lui rester fidèle, et il put ainsi continuer à prêcher et à assumer ses fonctions de pasteur.

Le 13 novembre 1933, lors d'une manifestation des Chrétiens allemands au Palais des Sports de Berlin, un pasteur nazi déclara que l'Ancien Testament et des passages du Nouveau Testament n'étaient que des superstitions, et se réclama d'une nouvelle profession de foi qui mettrait l'accent sur les valeurs héroïques de l'idéologie nazie, soi-disant défendues par Jésus. Il s'agissait de transformer l'Église du Reich en un instrument de propagande diffusant l'idéologie nazie, et n'ayant plus rien à voir avec les véritables principes chrétiens. Ce scandale déclencha une nouvelle vague de protestations ; Martin Niemöller s'éleva contre ce reniement de la foi chrétienne. En 1934, il fut convoqués par Hitler et Göring et sa maison fut perquisitionnée ; les nazis espéraient trouver des pièces à conviction leur permettant de se débarrasser de lui, mais durent le relâcher en raison de sa grande popularité.

Parallèlement à la Ligue d'urgence des pasteurs se formèrent dans plusieurs régions de l'Allemagne des synodes libres. Ainsi, en Westphalie, des fidèles réunis sous la direction du pasteur Koch refusèrent d'obéir aux ordres donnés par le régime nazi. La Gestapo empêcha les membres de ces groupes de se réunir. Une manifestation de protestation, à laquelle prirent part 30 000 personnes, fut organisée à Dortmund, et d'autres synodes libres virent le jour dans d'autres régions de l'Allemagne. Des pendants régionaux de la Ligue d'urgence des pasteurs, les Bruderräte, les conseils de frères virent le jour et se rassemblèrent en un Reichsbruderrat, un conseil de frères du Reich, qui s'unit aux synodes libres.

Un synode libre national se réunit en mai 1934 à Barmen, en Rhénanie du Nord - Westphalie. Les ecclésiastiques présents, qui étaient les véritables héritiers de l'Église protestante, déclarèrent qu'ils refusaient d'obéir à l'Église du Reich manipulée par les nazis, appelèrent les fidèles à suivre les principes de la Bible et de la profession de foi réformatrice, délimitèrent les domaines de compétence de l'État et de l'Église, et refusèrent ouvertement la création d'un État totalitaire auquel serait soumise l'Église. A la suite de cette déclaration, des mesures furent prises contre les opposants, qui furent poursuivis, démis de leurs fonctions, arrêtés et contraints au silence. Mais la résistance ecclésiastique se poursuivit ; des manifestations d'ecclésiastiques et de fidèles eurent lieu pour protester contre les révocations de pasteurs, et lors du deuxième synode libre national, à la fin de l'année 1934, les opposants rompirent définitivement avec l'Église du Reich, appelèrent les pasteurs et les fidèles à désobéir à cette Église, et à se rassembler au sein d'une Bekennende Kirche, l'Église confessant respectant les principes chrétiens.

Le régime hitlérien réagit en interdisant la publication de tout écrit théologique n'allant pas dans le sens de l'idéologie de l'Église du Reich, en infligeant de lourdes amendes aux membres des conseils de frère, et en suspendant de leurs fonctions ou en arrêtant des pasteurs ; le travail des résistants se poursuivit alors de façon clandestine. Le synode libre de Prusse décida de publier tout de même une déclaration contestant l'autorité du régime nazi, en objectant qu'il n'avait aucune justification divine, et appelant au rejet de l'idéologie raciste nazie et du régime totalitaire hitlérien. 500 pasteurs furent arrêtés, puis certains d'entre eux furent libérés, en raison de la protestation massive contre ces mesures. Mais la Gestapo ne renonça pas aux persécutions. Pendant l'été 1935, 27 pasteurs furent déportés en camp de concentration. En 1935, les synodes de Berlin-Stieglitz et de Dresde eurent malgré tout le courage de se prononcer contre les lois raciales de Nuremberg.

Paul Schneider

Le combat entre la dictature et l'Église confessant se durcit encore en 1936, lorsque les opposants publièrent un mémorandum condamnant l'idéologie et les pratiques du régime hitlérien, et réclamant la dissolution de la Gestapo ainsi que la fermeture des camps de concentration. Des dirigeants de l'Église confessant, dont le pasteur Niemöller, furent arrêtés. Le juriste Friedrich Weißler, qui avait participé à la rédaction du mémorandum, fut arrêté et déporté ; il mourut en 1937 au camp de concentration de Sachsenhausen. Le pasteur Paul Schneider, un antinazi déclaré, fut déporté en novembre 1937, torturé, et finalement assassiné le 18 juillet 1939 au camp de concentration de Buchenwald par une injection de poison.

La popularité de Martin Niemöller était telle que le soutien de l'étranger ne se fit pas attendre : deux jours après son arrestation, l'évêque de Londres, Bell, qui dirigeait le mouvement œcuménique, publia un article de protestation dans le Times et déposa une plainte officielle à Berlin. Des manifestations eurent lieu en Allemagne pour réclamer la libération de Niemöller ; la police essaya sans succès de disperser les fidèles, qui continuèrent à manifester ; à Berlin, 250 personnes furent arrêtées. Himmler décida de fermer tous les séminaires se réclamant de l'Église confessante. Le procès de Martin Niemöller commença en 1937, et le jugement fut prononcé en 1938. Le Reichsgericht le condamna à une amende ainsi qu'à sept mois de détention. Comme il avait déjà purgé cette peine en détention préventive, il fut relâché, mais la Gestapo l'arrêta immédiatement après le procès et le déporta au camp de concentration de Sachsenhausen puis à celui de Dachau, où il eut le statut de prisonnier personnel du Führer. Malgré les protestations internationales, il dut rester en camp de concentration jusqu'à la fin de la guerre.

En 1938, après l'annexion de l'Autriche, et alors que les intentions belliqueuses de Hitler devenaient de plus en plus évidentes, les pasteurs Albertz et Böhm, de l'Église confessante, célébrèrent une messe en faveur de la paix. Cette même année fut fondé le bureau Grüber qui apportait son soutien aux protestants d'origine juive en leur proposant une aide juridique et en les aidants à trouver un pays d'accueil. Le pasteur Heinrich Grüber, qui dirigeait cette organisation d'aide aux persécutés, fut arrêté en 1940 et déporté au camp de concentration de Sachsenhausen puis à Dachau. L'un de ses collaborateurs, Werner Sylten, un membre de l'Église confessante d'origine juive, fut arrêté en 1941, déporté au camp de concentration de Dachau et assassiné. Gertrud Staewen, une pédagogue membre de l'Église confessante, dont les livres furent interdits par les nazis, créa elle aussi avec Franz Kaufmann, un ancien haut-fonctionnaire d'origine juive, une organisation clandestine qui fournissait de faux-papiers et des cartes de rationnement aux juifs ; elle fut arrêtée par la Gestapo mais put survivre à la guerre, contrairement à Franz Kaufmann, qui fut arrêté en 1943, torturé, déporté en camp de concentration et assassiné le 17 février 1944 au camp de concentration de Sachsenhausen.

Mais ces actions courageuses se firent de plus en plus rares, et la politique ecclésiastique du Troisième Reich se durcit davantage à partir de 1938. Les nazis publièrent en 1939 la Déclaration de Godesberg, qui fixa les grandes lignes de l'idéologie de l'Église du Reich. Celle-ci fut désignée comme l'héritière des idées de Luther ; la persécution des juifs fut une fois de plus présentée comme nécessaire, et toute collaboration ecclésiastique entre les protestants allemands et des organisations internationales fut qualifiée de dégénérescence politique du christianisme, en contradiction avec l'ordre de la Création. Cette déclaration suscita l'indignation de nombreux pasteurs, qui refusèrent d'y apposer leur signature. Le régime nazi réagit en persécutant encore plus les membres de l'Église confessante.

Pendant la guerre, la Gestapo bénéficiait de pleins pouvoirs exceptionnels, et put faire régner la terreur sans se préoccuper de conserver les apparences d'un État de Droit. Les persécutions à l'encontre des résistants ecclésiastiques s'accentuèrent. Des mesures disciplinaires furent prises à l'encontre des pasteurs ayant soutenu l'Église confessante, certains d'entre eux furent arrêtés, d'autres parvinrent à échapper aux persécutions en devenant aumôniers militaires.

Les protestations concernant les crimes commis au front, le génocide des juifs et l'euthanasie d'invalides et de malades mentaux furent étouffées par des vagues d'arrestations. Dans le régime de terreur nazi, quiconque objectait une critique à l'égard de l'État était immédiatement arrêté et déporté. Mais le travail de l'Église confessante se poursuivit de façon clandestine ; l'aide aux persécutés fut l'un des axes principaux de cette résistance. Certains pasteurs, comme Helmut Gollwitzer à Berlin, continuèrent à condamner les exactions commises par les nazis et à prêcher ouvertement pour la paix et la tolérance au sein de leur paroisse.

Des adolescents militant au sein de mouvements de jeunesse protestants - qui étaient tolérés par les nazis à condition qu'il n'y soit question que de religion - s'engagèrent eux aussi contre le nazisme. Après l'interdiction de tous les mouvements de jeunesse non-nazis, en 1936, des organisations continuèrent à exister dans la clandestinité. La revue protestante Jungenwacht put être diffusée jusqu'en 1938, et des adolescents protestants distribuèrent des tracts antinazis ainsi que des sermons du pasteur Niemöller.

Theophil Wurm

Après l'arrestation de Martin Niemöller, Theophil Wurm, évêque du Wurtemberg, prit sa succession à la tête de l'Église confessante. Il protesta à plusieurs reprises contre les crimes nazis, notamment en 1940 contre l'assassinat d'invalides et de malades mentaux, et en 1941 contre la déportation des juifs. Il entra en contact avec Friedrich Bonhoeffer, avec le groupe de Carl Goerdeler et avec le Cercle de Kreisau et s'engagea ainsi dans la résistance politique.

La résistance de protestants, réunis pour la plupart au sein de l'Église confessante, consistait au début en des oppositions internes portant sur des principes théologiques, sans qu'il soit pour autant question de s'opposer à l'autorité de l'État. Mais peu à peu, les limites du devoir d'obéissance à l'État sont devenues plus claires pour certains pasteurs, qui ont refusé de servir la dictature, et se sont engagés au nom des principes chrétiens dans la voie de la résistance politique et morale.

Églises et Résistance. Les Catholiques

L'Église catholique ne pouvait pas s'engager politiquement contre le régime nazi, en raison du Concordat signé avec le Reich. Mais contrairement aux protestants, qui étaient organisés en Landeskirchen, des instances locales élues qui étaient infiltrées par les nazis, les personnalités ecclésiastiques catholiques étaient nommées par Rome, ce qui permit une plus grande imperméabilité de l'Église catholique à l'infiltration nazie. Si l'opposition politique était impossible en raison du Concordat, des catholiques ont cependant résisté au nazisme sur le plan moral. On peut distinguer deux attitudes : d'une part, les catholiques qui voulaient maintenir un contact avec le régime nazi, afin d'obtenir des compromis, d'autre part, quelques personnalités hors pair qui refusaient tout compromis. Plusieurs ecclésiastiques catholiques se sont opposés dans les années 30 à l'idéologie nazie, en soulignant qu'elle n'était pas compatible avec la foi catholique. Ainsi, le cardinal Bertram critiqua les théories nationalistes et racistes nazies, ainsi que la prétention d’Hitler de créer un christianisme positif imprégné de l'idéologie nazie, indépendant de Rome et de toute autorité internationale, et incorporé à l'État totalitaire. Mais la même année, l'évêque de Berlin, Schreiber, déclara qu'il n'était interdit à personne de devenir membre du parti nazi. Les divisions internes étaient telles que le cardinal Bertram ne parvint pas à inciter tout l'épiscopat allemand à faire une déclaration commune contre le nazisme. En 1931, les évêques de Bavière, puis de Cologne et de Paderborn condamnèrent l'idéologie nazie, incompatible avec la foi chrétienne, en s'appuyant sur le fait que le Pape Pie XI avait condamné auparavant le mouvement fasciste Action française.

Bernhard Pribilla

Le parti politique catholique, le Zentrum, collabora à partir de 1932 avec le NSDAP. Peu de voix catholiques s'élevèrent contre cette compromission avec les nazis : le père jésuite Max Pribilla, Fritz Gerlich et Ingbert Naab dans la revue catholique Der Gerade Weg et Bernhard Letterhaus. Ce dernier était membre d'un syndicat catholique et du parti Zentrum ; après l'arrivée au pouvoir d’Hitler, il fit plusieurs voyages à l'étranger, afin de prendre contact avec d'autres syndicats catholiques, en vue de préparer la résistance au nazisme. A partir de 1939, il travailla dans le service de contre-espionnage de la Wehrmacht, ce qui lui permit de pouvoir transmettre des informations confidentielles à ses amis résistants. Il participa à la préparation de l'attentat du 20 juillet 1944, et fut arrêté immédiatement après la tentative de putsch. Il fut condamné à mort, et fut exécuté le 14 novembre 1944.

 

Lors de la conférence épiscopale de Fulda en 1932, les évêques catholiques allemands décidèrent que des catholiques ne pouvaient pas devenir membres du NSDAP, le programme de ce parti étant hérétique. Mais l'épiscopat était extrêmement divisé, et si des évêques comme Preysing et Kaller condamnaient le nazisme, d'autres s'en accommodaient très bien. Et deux mois après l'arrivée au pouvoir d’Hitler, à la suite de sa déclaration sur le respect des droits des Églises et de son vœu d'établir des relations amicales avec le Vatican, il fut décidé que les catholiques pouvaient finalement devenir membres du parti nazi, et que l'Église catholique pourrait s'arranger avec Hitler. Et en avril 1933, lors du boycott des juifs par les nazis, le cardinal Bertram, qui avait quelques années auparavant critiqué l'idéologie nazie, décida de ne pas prendre position. Seul le père Eckert protesta alors au nom de l'éthique chrétienne contre la persécution des juifs.

 

Dès le mois d'avril 1933 commencèrent des pourparlers entre le Vatican et le régime nazi au sujet d'un Concordat, qui vit le jour au mois de juillet de la même année. Quelques membres du clergé catholique allemand, tels le cardinal Schulte et l'évêque Preysing, critiquèrent ce Concordat, estimant qu'il serait préférable de condamner le gouvernement nazi, au lieu de pactiser avec lui. Ils n'accordaient pas leur confiance à Hitler, qui s'était engagé à faire du christianisme la base du nouveau régime, et en avait donné sa parole d'honneur au Pape. Le parti centriste avait décidé le 5 juillet 1933 de se dissoudre, et le 20 juillet fut signé le Concordat, qui garantissait aux catholiques allemands la liberté de culte en échange de la non-ingérence de l'Église catholique dans la politique nazie.

 

Cette reconnaissance officielle du régime nazi par l'Église catholique fut lourde de conséquences. L'Église ne se prononça plus sur des questions qui n'avaient pas de rapport direct avec le culte catholique. Ainsi, lorsqu'en novembre 1933 l'ancien dirigeant de l'action catholique de Munich, Mühler, fut arrêté parce qu'il avait raconté des mensonges au sujet du camp de concentration de Dachau, le Vatican ne prit pas position.

August Froehlich

Les prêtres comme le père jésuite Rupert Mayer qui n'hésitaient pas à critiquer ouvertement le régime dans leurs sermons furent persécutés par les nazis. Le prêtre August Froehlich, qui refusait de faire le salut hitlérien, fut arrêté en 1941 après avoir protesté contre les mauvais traitements infligés aux travailleurs forcés dans une entreprise allemande. Il fut déporté, torturé, et mourut le 22 juin 1942 au camp de concentration de Dachau. Le père Muckermann, exilé aux Pays-Bas, parvint à diffuser clandestinement en Allemagne des tracts condamnant le nazisme et la politique d’Hitler. Et le 22 mars 1935 fut fondé un Comité d'aide aux non-aryens catholiques, qui proposait une aide juridique aux catholiques d'origine juive, et les aidait à trouver un pays d'accueil pour fuir l'Allemagne. Le 10 novembre 1938, au lendemain de la Nuit de Cristal, le prieur de la cathédrale de Berlin, Bernhard Lichtenberg, appela les fidèles à prier pour les juifs et les prisonniers des camps de concentration, parmi lesquels se trouvaient également beaucoup de prêtres. Arrêté en octobre 1941, il fut déporté et mourut en 1943. Margaret Sommer, une universitaire qui avait perdu son poste en raison de son engagement catholique, aida des catholiques d'origine juive. En 1942, elle rédigea un rapport qu'elle envoya au Vatican sur le traitement réservé aux juifs par les nazis, sur la déportation en camps de concentration. Gertrud Luckner, un pacifiste engagée qui travaillait pour l'organisation de bienfaisance catholique Caritas, aida des prisonniers de guerre et des juifs ; elle fut arrêtée en 1943 par la Gestapo et déportée au camp de concentration de Ravensbrück. En 1943, des prêtres catholiques de Stettin, dont Carl Lamprecht, Friedrich Lorenz, Herbert Simoleit et Alfons Maria Wachsmann, furent condamnés à mort pour démoralisation des troupes parce qu'ils avaient écouté des émissions radiodiffusées étrangères.

La Gestapo veillait, et le régime adopta une attitude de plus en plus agressive vis-à-vis des catholiques. Ainsi, le journal des jeunesses catholiques, Junge Front, qui adoptait une attitude réservée face aux nazis, fut interdit de publication à plusieurs reprises, avant d'être définitivement interdit en janvier 1936 ; peu de temps après, 50 dirigeants de mouvements catholiques furent arrêtés. En 1933, ce journal, qui était diffusé à 300 000 exemplaires, avait appelé à la solidarité avec les juifs lors du boycott des magasins juifs. De plus, les jeunesses hitlériennes, assistées par la police, essayaient constamment de perturber les réunions des associations de jeunesse catholiques. Celles-ci, ainsi que toutes les organisations de jeunesse non nazies, furent interdites en décembre 1936 ; tous les jeunes Allemands furent désormais obligés d'intégrer les jeunesses hitlériennes. Mais des mouvements de jeunesse catholiques continuèrent à exister dans la clandestinité, aidèrent des persécutés, et diffusèrent des tracts hostiles au régime.

Walter Klingenbeck

En 1941, Walter Klingenbeck, un ancien membre des jeunesses catholiques, diffusa avec quelques adolescents catholiques, grâce à un émetteur clandestin, des émissions qui appelaient à la chute du régime nazi et qui communiquaient les nouvelles censurées par les nazis et entendues dans des émissions radiodiffusées étrangères. Walter Klingenbeck fut arrêté en 1942, condamné à mort, et exécuté le 5 août 1943. La condamnation à mort de ses amis Daniel von Recklinghausen et Hans Haberl fut finalement commuée en une peine de travaux forcés de huit ans. D'autres adolescents, comme Theo Hespers, Walter Hammer et Karl Paetel, ont pu à partir de leur pays d'exil diffuser des journaux et des tracts antinazis en Allemagne.

En 1935-36, les nazis eurent recours à des pseudo-procès afin d'éliminer des opposants catholiques : des prêtres furent accusés d'être mêlés à des scandales financiers et à des affaires de mœurs, et furent arrêtés sous ce prétexte.

En 1937, l'Église décida de réagir : les évêques allemands écrivirent un mémorandum au ministre chargé des questions religieuses, afin de protester contre l'attitude du régime à l'égard des catholiques, et le Pape Pie XI publia en mars 1937 l'encyclique Mit brennender Sorge, Avec un souci brûlant, dans laquelle il fit part de son inquiétude quant aux multiples violations du Concordat de la part du gouvernement nazi. Des centaines de milliers d'exemplaires de ce document furent imprimés et distribués clandestinement en Allemagne ; les nazis, en guise de représailles, arrêtèrent des prêtres et des adolescents ayant distribué des exemplaires de l'encyclique, et les déportèrent en camp de concentration.

Mais des ecclésiastiques catholiques soutenaient Hitler, et après les succès militaires de celui-ci, certains lui envoyèrent même des lettres de félicitations. Ainsi, le cardinal Bertram, qui avait présidé en 1932 la conférence de Fulda, au cours de laquelle il avait été décidé que des catholiques ne pouvaient devenir membres du NSDAP, envoya des lettres élogieuses à Hitler, dans lesquelles il tentait cependant d'amadouer le dictateur vis-à-vis de l'Église catholique.

Konrad Graf von Preysing

L'évêque de Berlin, Konrad Graf von Preysing, fut l'un des rares évêques qui continuèrent à défendre ouvertement et courageusement des opinions antinazies, même après l'arrivée au pouvoir d’Hitler. Il faisait partie avec Fritz Gerlich et Ingbert Naab, les rédacteurs de la revue Der Gerade Weg, d'un groupe de résistance catholique, le cercle de Konnersreuth, qui se fixait pour objectif de trouver des mesures permettant de contrer le régime nazi. Après l'assassinat de Gerlich en 1934, Preysing parvint à faire fuir Naab en Suisse ; Preysing ne fut pas arrêté en raison de sa très grande popularité. Il avait à plusieurs reprises mis les autres évêques en garde contre le nazisme, était un ennemi déclaré du Concordat, et participa à la rédaction de l'encyclique du Pape Pie XI. Preysing critiquait l'attitude de l'Église vis-à-vis du nazisme ; il rendit compte au Pape des événements se déroulant dans l'Allemagne nazie, et il était persuadé que l'on ne pourrait rien obtenir d’Hitler par des voies diplomatiques ; il était partisan d'une prise de position claire de la part du Vatican, qui serait capable d'encourager les Allemands à organiser de grandes manifestations contre le régime. Preysing, choqué par les télégrammes élogieux que le cardinal Bertram envoyait à Hitler, démissionna en 1940 de son poste de secrétaire de presse de la conférence épiscopale de Fulda, et entra en contact avec le cercle de Kreisau et les conjurés du 20 juillet 1944, tout comme les Pères jésuites Alfred Delp, Lothar König et Augustin Rösch. Juriste de formation, Konrad Graf von Preysing rédigea également une lettre pastorale concernant le Droit et ses violations par le régime nazi, qui fut lue en chaire et qui eut un grand écho en Allemagne et à l'étranger.

 

D'autres catholiques ont manifesté leur opposition vis-à-vis de certains points de la politique nazie. Ainsi, des organismes caritatifs, des médecins et des ecclésiastiques catholiques protestèrent contre l'eugénisme, que les nazis avaient rendu légal en juillet 1933 sous la forme d'une loi sur la prévention de la transmission héréditaire de maladies. L'encyclique Casti connubii, publiée en 1930, interdisait ces pratiques au nom du respect de la vie. En 1934, le directeur de l'action catholique de l'évêché de Berlin, Erich Klausener, qui avait organisé les Journées catholiques de Berlin.

 

Erich Klausener

En 1933 et 1934, fut assassiné sur l'ordre personnel d’Hitler le 30 juin 1934, quelques jours après une messe en plein air qui avait rassemblé des dizaines de milliers de fidèles, ce qu’Hitler avait considéré comme un affront personnel. En 1940, l'archevêque Michael von Faulhaber protesta auprès du ministre de la Justice au sujet de l'assassinat des invalides et des malades mentaux, jugés par les nazis indignes de vivre, car improductifs sur le plan économique. L'opération T4, qui fit plusieurs milliers de victimes, fut finalement suspendue officiellement en août 1941 mais continua sous d'autres formes plus insidieuses : les nazis administrèrent des médicaments aux malades ou les laissèrent mourir de faim dans les institutions. Faulhaber proposa de plus en 1941 au cardinal Bertram que l'Église catholique condamne publiquement les persécutions dont étaient victimes les juifs, ce qui ne se réalisa pas.

Clemens August Graf von Galen

En 1935, l'évêque de Münster, Clemens August Graf von Galen, avait osé protester officiellement contre la venue à Münster d'Alfred Rosenberg, l'un des théoriciens du nazisme, et en 1941, il prononça des sermons condamnant l'assassinat des malades mentaux et des invalides, qui connurent un grand écho et furent reproduits sous forme de tracts et distribués également à l'étranger. Les nazis n'osèrent pas arrêter Clemens August Graf von Galen en raison du soutien que lui témoignait la population.

 

 

 

Max Josef Metzger

D'autres résistants ne furent pas épargnés par la dictature. Ainsi, le prêtre Franz Reinisch fut incorporé en 1941 dans l'armée mais refusa de prêter serment à Hitler ; il fut exécuté. Le prêtre Max Josef Metzger, qui prônait l'œcuménisme et le pacifisme, fut arrêté par la Gestapo en 1939 en raison de son engagement pour la paix, et fut exécuté en 1943.

L'attitude d'une partie des catholiques allemands oscilla entre le soutien et l'accommodement au nazisme. Certes, leur marge de manœuvre était minime, étant donné les persécutions nazies dont ils étaient victimes. Cependant, quelques personnalités comme l'évêque de Berlin Konrad Graf Preysing, l'évêque de Münster Clemens August Graf von Galen, ou encore les prêtres Franz Reinisch et Max Josef Metzger ont eu le courage de s'opposer aux nazis et à leur politique criminelle, et de défendre les persécutés au nom des valeurs chrétiennes, incompatibles avec l'idéologie nazie. Des pèlerinages ainsi que de grandes manifestations, comme celle de 1938 à Aix-la-Chapelle (Aachen) menée sous le slogan Le Christ pour l'Allemagne, l'Allemagne par le Christ rassemblèrent également des dizaines de milliers de catholiques opposés à l'idéologie nazie. Les communistes donnèrent l'ordre à leurs militants de se joindre à ces grandes manifestations qui représentaient l'un des rares moyens de se lever contre le régime.

Autres communautés religieuses. Les Témoins de Jéhovah

Refusaient de faire le salut hitlérien, d'effectuer le service militaire et d'être incorporés dans l'armée. Ils ne pouvaient accepter la volonté de domination nazie, qui allait à l'encontre de leurs convictions religieuses, et furent de ce fait persécutés par les nazis. Des milliers d'entre eux furent déportés en camp de concentration. Après le début de la guerre, beaucoup de Témoins de Jéhovah furent exécutés en raison de leur refus d'intégrer l'armée. Plus de deux mille Témoins de Jéhovah moururent à la suite des persécutions nazies.

Les Quakers

Qui étaient partisans de la tolérance, de la non-violence et de la paix, purent aider jusqu'en 1939 plus d'un millier de juifs à émigrer, grâce à leurs contacts avec les communautés de Quakers à l'étranger. Ils furent persécutés par les nazis en raison de leur engagement pour les victimes du nazisme et pour la paix, et de leur refus des dogmes, qui se heurtait à l'idéologie nazie.

La Résistance juive

Depuis les Lumières allemandes, les relations entre Allemands chrétiens et Allemands juifs s'étaient consolidées, et les juifs allemands étaient intégrés dans la société allemande. La montée de l'antisémitisme, la prise du pouvoir par le parti nazi en 1933, l'action de boycott des magasins juifs le 1er avril 1933, ainsi que l'exclusion croissante des juifs de la société et les diffamations dont ils étaient victimes furent un choc pour les 500 000 juifs allemands. Beaucoup de juifs allemands réalisèrent alors pour la première fois de leur vie qu'ils étaient juifs, et les actions des nazis engendrèrent chez eux une nouvelle conscience de soi.

Le boycott des magasins juifs avril 1933

Le pogrom dans la nuit du 9 au 10 novembre 1938, appelé également la Nuit de Cristal, mit définitivement fin à l'espoir que la persécution des juifs en Allemagne se terminerait un jour, et fit prendre conscience à beaucoup de juifs allemands du danger auquel étaient exposées leurs vies. Dans toute l'Allemagne, des synagogues furent brûlées et détruites, environ 7 500 magasins juifs furent saccagés, 90 juifs perdirent leur vie cette nuit-là, et au moins 26 000 juifs furent arrêtés et internés dans les camps de concentration de Dachau, de Sachsenhausen et de Buchenwald, où des centaines de personnes furent assassinées les jours suivants. Beaucoup de juifs, et surtout ceux appartenant au mouvement sioniste, se préparèrent alors à l'émigration en apprenant un nouveau métier et en prenant des cours de langue. Des centaines de juifs allemands rejoignirent les Brigades internationales, et plusieurs milliers d'exilés juifs allemands combattirent le régime hitlérien au sein des armées alliées et des mouvements de résistance des pays dans lesquels ils résidaient. Mais 150 000 des 500 000 juifs allemands ne purent fuir à l'étranger.

Le lendemain du pogrom les magasins juifs sont saccagers Berlin 10 novembre 1938

La Grande-Bretagne ne laissa immigrer dans son protectorat, la Palestine, que 50 000 juifs allemands. Ceux qui restèrent en Allemagne essayèrent de sauver leur dignité en prenant activement part au travail des institutions juives restantes, et s'entraidèrent afin de limiter la détresse des personnes persécutées et menacées de déportation.
Certains se dressèrent contre l'injustice quotidienne et contre les crimes nazis, d'autres essayèrent de survivre à la persécution en se cachant. Les organisations culturelles et caritatives juives qui se mirent en place essayèrent de limiter l'exclusion des juifs de la vie sociale et de remédier au dénuement financier croissant de la population juive exclue de l'économie. 

Leo Baeck 

La Fédération des juifs d'Allemagne œuvrait sous la direction de Leo Baeck pour la sécurisation sociale des juifs allemands, et organisa la coopération entre les différentes institutions juives pour permettre l'assistance économique et morale des persécutés. Le refus de la communauté juive de se résigner se manifesta surtout dans le domaine des activités culturelles, dont furent exclus les non-aryens dans la société allemande. Des associations de musique, de théâtre, d'Art et de sport renforcèrent leurs activités, et lors de l'exclusion progressive des juifs de l'éducation, un système d'éducation juif fut mis en place.

Kurt Singer

Le chef d'orchestre et réalisateur Kurt Singer créa en 1933 la Fédération culturelle des juifs allemands (Kulturbund deutscher Juden) pour permettre aux artistes juifs de continuer à exercer leur métier, et pour œuvrer contre l'exclusion des juifs de la vie culturelle en Allemagne. Mais en 1935, les autorités nazies contraignirent la scène culturelle juive à fonder la Fédération du Reich des associations culturelles juives (Reichsverband der jüdischen Kulturbünde) et placèrent son travail sous le contrôle direct de la Gestapo. Au moyen de cette mesure et de l'interdiction qui fut faite aux aryens d'assister aux représentations culturelles juives, la Gestapo transforma la fédération en un instrument de mise à l'écart de la population juive, isolée ainsi dans un ghetto culturel et intellectuel. Kurt Singer fut arrêté en Hollande en 1940 et déporté à Theresienstadt, où il mourut en février 1944. 

Chug Chaluzi
Le groupe sioniste clandestin Chug Chaluzi (Cercle de pionniers) se forma au printemps 1943 autour de Jizchak Schwersenz et d'Édith Wolff. Ses 40 membres, provenant pour la plupart des mouvements de jeunesse sionistes, refusèrent de se résigner. Ils apportèrent leur aide aux déportés dans les camps de concentration à l'Est et essayèrent de fuir à l'étranger.

Fête Chavouot du groupe Chug Chaluzi Berlin 1943

Édith Wolff, considérée par les nazis comme métisse de 1er degré, reçut une éducation protestante, mais elle se déclara juive par protestation contre la politique raciale nazie et devint pacifiste et sioniste. Elle permit à plusieurs persécutés de fuir, avait beaucoup de contacts avec des juifs qui se cachaient, et leur procura des cartes de rationnement. Lorsqu'en 1941 commença la déportation massive de juifs à Berlin, le groupe parvint à trouver des cachettes à quelques personnes menacées, et fabriqua également des faux-papiers, ce qui sauva la vie à Jizchak Schwersenz lors d'une razzia de la Gestapo. Celui-ci put fuir en 1944 en Suisse, puis à Haïfa. Édith Wolff fut arrêtée en 1944 par la Gestapo pour avoir procuré des cartes de rationnement à des juifs ; elle put couvrir ses contacts avec des juifs cachés et fut condamnée à une lourde peine de prison. Elle put survivre au régime nazi.

Communauté pour la paix et le renouveau

Werner Scharff fut l'initiateur de la Communauté pour la paix et le renouveau (Gemeinschaft für Frieden und Aufbau), une association d'aide aux persécutés, à laquelle adhéraient une vingtaine de personnes juives et chrétiennes. Werner Scharff était juif et fut déporté en août 1943 au ghetto de Theresienstadt ; il parvint à fuir un mois plus tard et retourna à Berlin, où il vécut dans la clandestinité. Il procura à des juifs, grâce à son grand réseau de relations, des faux-papiers et de l'argent, et leur trouva des cachettes. Il écrivit également des tracts pour la Communauté pour la paix et le renouveau, qui voulait informer la population allemande du véritable caractère du régime nazi, inciter les soldats à déposer les armes, et qui appelait à la résistance contre le nazisme. Ces tracts furent déposés dans des boîtes aux lettres à Berlin et expédiés à des centaines de personnes.

Certains purent même être acheminés clandestinement aux Pays-Bas et en France. En octobre 1944, la Gestapo démantela ce réseau et arrêta Werner Scharff, qui fut assassiné le 16 mars 1945 dans le camp de concentration de Sachsenhausen, quelques semaines avant la libération du camp. Eugen Herman-Friede, un adolescent juif qui avait été caché et protégé par Hans Winkler et qui avait pris part aux activités de la Communauté pour la paix et le renouveau, fut arrêté le 11 décembre 1944 mais parvint à survivre à sa détention. La plupart des membres de ce groupe de résistance purent survivre grâce à la confusion qui régnait en Allemagne lors des derniers mois de la guerre.

Organisations chrétiennes

Des organisations chrétiennes ont aidé des chrétiens d'origine juive et des juifs convertis au christianisme  à émigrer, leur ont fourni des faux-papiers et des visas.

Ainsi, l'association Saint-Paul (Paulus-Bund) a apporté son aide aux persécutés. Le bureau Grüber, fondé en 1938 par le pasteur Heinrich Grüber, apportait son soutien aux protestants d'origine juive en leur proposant une aide juridique et en les aidants à trouver un pays d'accueil. Le pasteur Grüber fut arrêté en 1940 et déporté au camp de concentration de Sachsenhausen puis à Dachau. L'un de ses collaborateurs, Werner Sylten, un membre de l'Église confessante d'origine juive, fut arrêté en 1941, déporté au camp de concentration de Dachau et assassiné.

Gertrud Staewen, une pédagogue membre de l'Église confessante, dont les livres furent interdits par les nazis, créa elle-aussi à Dahlem, avec Helene Jacobs, Mélanie Steinmetz et Franz Kaufmann, un ancien haut-fonctionnaire d'origine juive, une organisation clandestine qui fournissait de faux-papiers et des cartes de rationnement à des juifs ; Gertrud Staewen fut arrêtée par la Gestapo mais put survivre à la guerre, contrairement à Franz Kaufmann, qui fut arrêté en 1943, torturé, déporté, et assassiné le 17 février 1944 au camp de concentration de Sachsenhausen.

Margarete Sommer

L'association catholique Saint-Raphaël et l'œuvre d'assistance de l'ordinariat épiscopal de Berlin ont également apporté leur aide aux persécutés. Margaret Sommer, une universitaire qui avait perdu son poste en raison de son engagement catholique, aida ainsi à partir de 1935 des catholiques d'origine juive. Elle devint en 1941 directrice de la section d'aide aux juifs convertis au catholicisme de l'ordinariat épiscopal de Berlin. Et le 22 mars 1935 fut fondé le Comité d'aide aux non-aryens catholiques, qui proposait une aide juridique aux catholiques d'origine juive, et les aidait à trouver un pays d'accueil pour fuir l'Allemagne. 

Les Quakers, qui étaient partisans de la tolérance, de la non-violence et de la paix, purent aider jusqu'en 1939 plus d'un millier de juifs à émigrer, grâce à leurs contacts avec les communautés de Quakers à l'étranger. Ils furent persécutés par les nazis.

Hans Winkler, Günther Samuel et Erich Schwarz fondèrent après le pogrom de 1938 un cercle de discussion hostile au régime, qui se faisait passer pour un groupe d'épargne (Sparverein Hoher Einsatz). Hans Winkler était employé au tribunal de première instance de Luckenwalde, et assista à partir de 1933 en tant que greffier à des interrogatoires de la Gestapo. Révolté par ce qu'il y vit, il devint un ennemi du régime et décida d'apporter son aide aux persécutés. En août 1943, le couple Samuel et leur fils de dix ans furent déportés, le cercle d'amis n'ayant pas réussi à leur trouver une cachette. Peu de temps après, Winkler parvint à cacher chez lui Eugen Herman-Friede, un adolescent de dix-sept ans, qui vivait depuis le début de l'année 1943 dans la clandestinité à Berlin.

L'Opération Sept

Hans von Dohnanyi

Travaillait au Ministère de la Justice et faisait partie du groupe de résistance formé au sein du contre-espionnage et dirigé par Hans Oster, qui voulait éliminer Hitler et collabora à la conspiration du 20 juillet 1944. Profondément choqué par les exactions commises par les nazis envers les juifs, Hans von Dohnanyi aida des persécutés, rassembla des preuves documentant les crimes nazis, et prépara le putsch du 20 juillet 1944.

Hans Oster

A l'automne 1941, lorsque commencèrent les déportations massives de juifs, le groupe de résistance du contre-espionnage ne put pas protester ouvertement, pour ne pas mettre en danger les activités du réseau, qui prenait part à la conspiration contre Hitler. Hans von Dohnanyi transmit aux généraux des rapports rédigés par son beau-frère Dietrich Bonhoeffer sur la déportation des juifs, afin de les inciter à agir. Mais les militaires n'entreprirent rien pour empêcher ces crimes, et les déportations continuèrent. Le groupe de résistance décida alors de sauver au moins quelques familles juives, en les déclarants en tant que pseudo-agents du contre-espionnage, ce qui permit à quinze juifs berlinois de trouver refuge en Suisse. Cette action fut appelée Opération Sept (Opération Siegen), car il s'agissait au début d'aider sept personnes à fuir. Finalement, le groupe continua ses activités d'aide aux persécutés et entreprit de secourir davantage de personnes, afin d'en sauver le plus grand nombre possible.

Wilhelm Canaris

L'amiral Wilhelm Canaris, chef du contre-espionnage, couvrit ces activités. Pendant les années précédentes, il avait déjà aidé des juifs à fuir et il en protégeait en gardant des officiers d'origine juive au sein du contre-espionnage, malgré la loi de 1935 interdisant aux juifs d'exercer des activités dans l'armée. Couverts par Canaris, des officiers du contre-espionnage organisèrent la fuite de juifs des Pays-Bas, qui devaient être déportés, en prétendant que c'étaient des espions qui devaient s'infiltrer en Amérique du Sud. Entre mai 1941 et janvier 1942, 468 juifs allemands et néerlandais purent ainsi trouver refuge en Espagne et au Portugal, et s'exiler à partir de ces pays vers des pays d'accueil. Cette opération fut nommée l'Action Aquilar.

Ludwig Beck

Essaya d'influencer Hitler et les généraux afin d'éviter la guerre qui, et les généraux le savaient à partir de 1937, était l'objectif proclamé de Hitler pour conquérir de l'espace vital au peuple allemand. Il appela même tous les généraux allemands à menacer Hitler de démissionner s'il ne retirait pas ses plans de guerre, mais le chef suprême des forces armées von Brauchitsch, dont la décision était essentielle pour le reste des généraux, n'était pas prêt à faire ce pas de désobéissance collective. Ludwig Beck démissionna alors le 18 août 1938 de son poste de chef de l'état-major de l'armée de terre pour poursuivre sa lutte contre la dictature à l'extérieur de l'appareil militaire. Celui-ci fut en 1938 complètement mis au pas par Hitler, qui limogea tous les généraux s'opposant à sa politique agressive. Le régime continuait à procéder au réarmement massif de l'armée, et à préparer et commettre des crimes au nom du peuple allemand. Ludwig Beck entra alors définitivement dans la Résistance allemande et il fut prévu qu'il devienne chef d'État après l'élimination du dictateur. Le soir du 20 juillet 1944, après l'échec du putsch, on l'obligea à se suicider; grièvement blessé, il fut abattu par un adjudant.

Carl Friedrich Goerdeler

Maire de la ville de Leipzig à partir de 1930, était convaincu déjà avant la guerre que le régime nazi allait conduire l'Allemagne vers une catastrophe économique, politique et surtout morale. Il décida en 1937 de démissionner de ses fonctions et de regrouper des amis qui partageaient ses convictions, afin d'organiser la chute du régime hitlérien. Il trouva un poste dans l'entreprise de Robert Bosch, dont il avait fait la connaissance auparavant, et qui participait à des actions d'assistance à des hommes et des femmes persécutés par la dictature. Son emploi de conseiller chez Bosch était une couverture idéale pour ses activités, car il lui permettait d'effectuer des voyages dans quasiment tous les pays européens, ainsi qu'aux États-Unis et au Canada, où il faisait tout son possible pour avertir les gouvernements étrangers, avant la guerre, du danger que représentait le régime nazi, et pour les convaincre de l'existence d'une autre Allemagne. L'opinion internationale avait avant la guerre encore tendance à voir en Hitler une chance pour l'Allemagne, et on l'admirait partiellement pour sa victoire impressionnante contre le chômage, ce qui est l'une des raisons de l'échec des nombreuses tentatives des résistants allemands de trouver du soutien à l'étranger.
A partir de 1938, Carl Friedrich Goerdeler fut le centre de la résistance civile. Après un putsch, il devait prendre la fonction de chancelier du Reich. Parallèlement à sa critique du régime totalitaire nazi, il développa des projets pour la nouvelle Allemagne post-hitlérienne. Ses idées concernant le nouvel ordre politique de la société allemande s'approchaient des conceptions du cercle de Kreisau constitué autour de Helmut James Graf von Moltke ; Goerdeler projetait une société consensuelle, reposant sur le partenariat, avec des instances de médiation autonomes. D'autre part, il était pour une Allemagne forte en Europe, mais dans une vision très humaniste, c'est-à-dire en tant que facteur de stabilité.
La Gestapo recherchait déjà Carl Friedrich Goerdeler avant le 20 juillet 1944. Il parvint à se cacher après l'échec du coup d'état, mais fut dénoncé et arrêté. Il fut condamné à mort le 8 septembre 1944, et exécuté le 2 février 1945.


08/03/2013
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LA RÉSISTANCE EN ALLEMAGNE 1re partie

Contre le nazisme, être résistant en Allemagne

En Allemagne, la résistance au nazisme ne fut le fait ni d'un seul groupe ni d'un mouvement de masse. Même s'ils furent une minorité, des Allemands, hommes et femmes de toutes les catégories politiques, sociales et religieuses, combattirent Hitler, connurent l'exil et les camps et trouvèrent la mort.

Incendie du Reichstag, Berlin, 27 février 1933.

Lorsqu'on parle de la résistance allemande, il faut d'abord rappeler qu'il ne s'agissait ni d'un seul groupe ni d'un mouvement de masse. Certes, on y trouve des représentants de toutes les catégories politiques, sociales et religieuses, mais même aujourd'hui soixante ans après, il nous est pratiquement impossible d'avancer leur nombre exact. Les procédures juridiques sont une des principales sources pour obtenir une première estimation. Il s'agit aussi bien de dossiers de l'époque nazie que de ceux de l'après-guerre, lorsque les survivants en RFA et en RDA ont tenté d'obtenir une indemnisation ou la réinstallation dans leurs droits. Mais quel que soit le chiffre avancé - entre 150 000 et 500 000 résistants - leur nombre reste faible par rapport aux 70 millions de personnes que comptait le Reich avant la guerre.
Les premiers touchés par la répression furent notamment les adversaires politiques des nationaux-socialistes. La chasse aux communistes commence dès l'arrivée d’Hitler au pouvoir le 30 janvier 1933. Trois semaines plus tard, le 22 février, SA et SS deviennent police auxiliaire en Prusse. Arrêtés en masse un jour après l'incendie du Reichstag à la suite de l'ordonnance du 28 février sur la protection du peuple et de l'État, les communistes obtiennent quand même 12,2% lors des élections du 8 mars 1933. Étant donné qu'ils ne sont pas présents lors de la première réunion du nouveau Reichstag, les 43,9% des voix obtenus par le parti national-socialiste (NSDAP) plus les 11,2% pour le Centre (le parti des Catholiques), et les 8% pour les nationaux-démocrates (DNVP) suffisent à Adolf Hitler pour faire passer la loi sur les pleins pouvoirs à la majorité des deux tiers imposée par la Constitution de la République de Weimar qui reste en vigueur jusqu'en 1945.

Les sociaux-démocrates qui avaient obtenu 18,2% lors des élections du 8 mars et ont voté contre la Loi sur les pleins pouvoirs sont la prochaine cible. En mai 1933, le parti crée une direction extérieure, la SOPADE, qui s'installe d'abord à Prague, puis à Londres. Le Centre cesse ses activités politiques après la signature du Concordat d'État entre l'Allemagne d’Hitler et le Vatican à Rome le 20 juillet 1933.
Une semaine auparavant, le 14 juillet, Hitler déclare le NSDAP parti unique en Allemagne. À partir de cette date, toute forme d'engagement politique en dehors du mouvement national-socialiste est illégale et risque d'être sanctionnée immédiatement. Mais, même dans cette situation précaire et difficile pour tous les militants, la gauche n'est pas prête à oublier ses querelles. La rivalité entre communistes et sociaux-démocrates permet à la Gestapo de venir vite à bout de leurs organisations clandestines.
Le même sort est réservé aux opposants - beaucoup moins nombreux - venant de la droite et du parti du Centre. Ils sont soit arrêtés soit mis à mort lors de la nuit des longs couteaux, le 30 juin 1934 (Röhm-Putsch). Une partie des protestants s'organisent en octobre 1934 sous forme d'une Direction provisoire de l'Église confessant (Bekennende Kirche).

 Les propositions de l'émigration allemande restent sans écho

L'acceptation du régime par la masse des Allemands, le succès de la politique menée par les nationaux-socialistes dans le domaine économique et social aussi bien que dans le domaine de la politique étrangère - retour de la Sarre au Reich en 1935 et annulation successive des stipulations du Traité de Versailles avec la réinstallation du service militaire le 16 mars 1935, signature d'un traité naval avec la Grande-Bretagne le 18 juin 1935 et remilitarisation de la Rhénanie le 7 mars 1936 mettent les esprits des résistants à rude épreuve.

Ni l'Union soviétique, ni la France, ni la Grande-Bretagne ne sont prêtes à écouter les propositions venant de l'émigration allemande qui s'est installée à Moscou à l'Hôtel Lux, à Paris à l'Hôtel Lutétia, ou encore à Prague et à Londres. Les voyages clandestins à Londres et à Paris en 1937 de l'ancien maire de Leipzig, Carl Goerdeler, un des leaders de l'opposition conservatrice en Allemagne restent également sans résultats. Étant donné que Goerdeler avait proposé, entre autres, de revenir à la situation d'avant la Première Guerre mondiale, pour les Britanniques aussi bien que pour les Français, les alternatives présentées par les élites conservatrices ne sont guère convaincantes.

 

En mars 1938, au moment de l'Anschluss (annexion de l'Autriche), la situation de la résistance en Allemagne semble désespérée. La plupart des militants - s'ils n'ont pas préféré renoncer à toute activité politique - se trouvent soit dans des camps de concentration, soit en exil à l'étranger.
Mais seulement deux mois plus tard, avec la crise des Sudètes au mois de mai 1938, tout bascule. Hitler semble bien décidé à réaliser le programme qu'il avait annoncé aux plus hauts représentants politiques et militaires du Reich le 5 novembre 1937. Autour du chef d'état-major de l'armée de terre, le général Beck, se forme un nouveau groupe constitué d'officiers et de hauts fonctionnaires d'État qui ne veulent en aucun cas courir le risque d'une nouvelle Grande Guerre. L'idée de ces hommes, issus de l'élite national-conservatrice est de faire arrêter Hitler au moment du lancement d'une attaque contre la Tchécoslovaquie. Mais à la dernière minute, sous la pression de l'action conjointe de Hermann Göring, le deuxième homme du IIIe Reich, de Konstantin von Neurath, l'ancien ministre des affaires étrangères, et de Joseph Goebbels, le ministre de la propagande, Hitler change d'avis et accepte l'idée lancée par Mussolini d'organiser une conférence à quatre à Munich.

La signature des accords de Munich en septembre 1938 marque la fin de cette première conspiration contre Hitler. Le général Beck donne sa démission et les membres du groupe cessent leurs activités. Une autre occasion se présente au cours de l'hiver 1939-1940 lors de la préparation de l'offensive contre la France. Cette fois-ci, c'est au tour du général Hans Oster du Service de contre-espionnage de l'armée de terre (Abwehr) de prendre l'initiative. Mais l'idée de mettre les adversaires au courant du début de l'offensive contre la France et la Belgique se solde par un échec : en reportant la date de l'attaque allemande à maintes reprises, Hitler - sans le savoir - jette le discrédit sur les informations données par Oster. La débâcle de la France, à l'été 1940, met de nouveau un terme à la conspiration des militaires.

Tentatives d'attentats et groupes de résistants

Mais la résistance contre Hitler ne se manifeste pas seulement du côté des élites. L'attentat contre la brasserie Bürgerbräukeller à Munich le 8 novembre 1939 est un acte isolé, préparé par un seul homme. La bombe fabriquée par le menuisier Georg Elser manque de peu son but parce qu’Hitler quitte les lieux plus tôt que prévu. Vu son efficacité, la Gestapo est au début convaincue que Georg Elser a bénéficié d'une aide venant de l'étranger. Ce n'est que quelques semaines plus tard, et grâce à d'autres activités, qu'elle s'aperçoit qu'un esprit de résistance est toujours vivace en Allemagne.

Déblaiement après l'attentat à la bombe contre Hitler à la cave brasserie Bürgerbräu, Munich, 8 novembre 1939.

Après les arrestations massives au début des années trente, l'opposition a commencé à se réorganiser en Allemagne sous d'autres formes. De petits groupes apparaissent aussi bien du côté de la gauche que du côté de la droite. L'engagement dans la lutte contre le régime nazi s'intensifie avec le début de la guerre à l'est le 22 juin 1941 et avec la persécution des Juifs. Mais, malgré les activités de l'Orchestre rouge (un groupe de hauts fonctionnaires autour de Harro Schulze-Boysen, un officier de la Luftwaffe), le Groupe Baum (un réseau de Juifs à Berlin), la Rose blanche (un mouvement d'étudiants, créé par Sophie et Hans Scholl à Munich), les Edelweisspiraten à Cologne et la Swing-Jugend à Hambourg (tous les deux des mouvements de protestation organisés par des jeunes) - pour ne citer ici que quelques exemples -, il est incontestable qu'il s'agit toujours d'une minorité.
Par rapport à la situation en France et dans les autres pays occupés de l'Europe, il ne faut jamais oublier que, pour un Allemand ou une Allemande, faire de la résistance est une décision difficile à prendre. Il faut s'engager non seulement contre son propre pays, mais aussi, si nécessaire, contre ses concitoyens. Combattre son propre gouvernement, même lorsqu'il s'agit d'un régime criminel, est un acte de haute trahison, puni de la peine capitale. Ce problème est au centre des débats organisés à partir de 1942 par le comte Helmut James Graf von Moltke sur son domaine à Kreisau en Basse-Silésie (d'où le nom Cercle de Kreisau). La nécessité d'un assassinat collectif des plus hauts représentants du régime (Hitler, Himmler, Göring) et la question de la légitimité d'une insurrection de la conscience (Aufstand des Gewissens), ne pose pas seulement problème à ces hauts fonctionnaires, mais aussi aux soldats qui ont tous fait serment de servir Hitler en personne.

Le 8 janvier 1943, quelques jours avant la capitulation de la sixième armée à Stalingrad, un premier contact est établi entre le général Beck, Carl Goerdeler et le Cercle de Kreisau. Mais pour pouvoir agir, il leur faut quelqu'un dans l'entourage d’Hitler, parce que celui-ci a pris l'habitude de se retrancher de plus en plus dans son Grand Quartier Général. Cet homme est le colonel Henning von Tresckow, le chef de l'état-major du groupe d'armée du Centre sur le front de l'Est. Après avoir été témoin des atrocités commises par les Einsatzgruppen dans les territoires occupés par les Allemands à l'Est, il est décidé à agir. Mais aucune des tentatives d'attentat contre Hitler ne réussit.

Arrestations, déportation et mises à mort

Cependant la Gestapo ne reste pas inactive. Après avoir réussi à l'été 1943 à démanteler le cercle de l'Abwehr autour du général Oster, elle arrête au début de 1944 son chef, l'amiral Canaris, et le comte Helmut James von Moltke. Le temps presse, mais chacun de ces échecs demande un changement et une adaptation des plans. Au moment du débarquement des Alliés le 6 juin 1944, il est déjà presque trop tard. Le colonel Claus von Stauffenberg, qui a pris la relève, est désormais le seul parmi les conjurés qui peut approcher Hitler. Le colonel von Tresckow, qui se trouve sur le front de l'Est, demande à son ami de lancer le coup d'État même au risque d'un échec pour prouver au moins l'existence d'une autre Allemagne. Mais l'attentat et l'opération Walkyrie du 20 juillet 1944 échouent.
Lors de l'arrestation des différents acteurs, la Gestapo s'aperçoit, à sa grande surprise, qu'il ne s'agit pas d'un complot organisé par un petit groupe d'officiers ambitieux et bêtes, comme le soupçonnait encore Hitler dans son discours radiodiffusé dans la nuit du 20 juillet 1944. Stauffenberg et ses conjurés de la Bendelerstrasse avaient établi des contacts non seulement avec les élites conservatrices (Carl Goerdeler, Ludwig Beck, Helmut James Graf von Moltke), mais aussi avec presque tous les autres groupes de résistance en Allemagne. Grâce aux documents que la Gestapo découvre dans le quartier général de l'armée de terre à Zossen, Hitler donne l'ordre de remonter toutes ces filières et de procéder à une vague d'arrestations. Lors de cet Action orage (Aktion Gewitter), la majorité des résistants est arrêtée et même les membres de leurs familles sont internés. Dans les mois qui suivent, la vengeance d’Hitler est terrible : par dizaines, les résistants sont jugés et condamnés à mort par le président du Tribunal du peuple, Roland Freisler. Parmi ceux qui se trouvent encore dans les prisons ou dans des camps de concentration comme Flossenbürg, sur l'ordre du Reichsführer SS Heinrich Himmler, un grand nombre est assassiné juste avant la libération des camps. À la fin de guerre, la résistance allemande est donc littéralement décapitée.

La Résistance d’exilé

Les exilés allemands qui ont résisté au national-socialisme venaient d'horizons différents. Divisés, voire opposés sur le plan politique, religieux ou culturel, ils avaient pourtant des objectifs communs : incarner à l'étranger une autre image de l'Allemagne et entreprendre tout ce qui était en leur pouvoir pour contribuer à la chute de la dictature nazie.
L'exil avait besoin de l'opposition au sein du Reich pour légitimer sa revendication de représentation d'une autre Allemagne, mais aussi pour combattre son isolement. Cette tâche était particulièrement ardue, car le syndrome de Vansittart sévissait pendant la guerre dans les pays alliés. Robert Vansittart était un prétendu représentant du Foreign Office, qui a soutenu à partir de 1940 dans de nombreux discours radiodiffusés que l'autoritarisme, le militarisme, l'impérialisme et la tendance au mépris de l'humanité étaient dans la nature même du peuple allemand. L'une des tâches essentielles des émigrants allemands résistants était de prouver à l'opinion mondiale qu'il n'en était rien, et que des forces démocratiques allemandes luttaient contre l'hitlérisme. Il s'agissait également pour les Allemands démocrates exilés d'éviter la mise en application des plans alliés de la division du Reich après la défaite nazie, et de tenter d'influencer les gouvernements alliés pour que l'Allemagne ait une place dans l'Europe de l'après-guerre.
Par ailleurs, la propagande nazie minimalisait et diffamait la résistance allemande, et il fallait convaincre l'étranger de la réalité de cette opposition, y compris à l'intérieur du Reich. Mais il s'agissait également pour les exilés résistants, soumis même à l'étranger aux représailles des autorités nazies, de se procurer des informations sur ce qui se passait en Allemagne, ainsi que de faire passer clandestinement des tracts, des messages et de la littérature censurée. La résistance des exilés, au delà de ses fonctions de représentation, d'information à l'étranger et de soutien de la résistance en Allemagne, jouait donc également un rôle d'intermédiaire, de passeur entre la résistance intérieure et l'étranger.

Résistance politique

Les objectifs de cette forme de résistance étaient de soutenir les résistants restés dans le Reich et d'informer l'opinion mondiale sur la nature répressive et criminelle du régime nazi. Il s'agissait également de trouver des alliés à l'étranger pour isoler politiquement, moralement et économiquement le Reich et le mettre sous pression, afin de contribuer à la chute du régime nazi, mais aussi de poser les bases théoriques et idéologiques pour la reconstruction d'une Allemagne démocratique après la guerre.

L’exil des parties politiques. Sociaux-démocrates (SPD)
La SOPADE, direction exilée du SPD, s'installa en 1933 à Prague, puis en 1938 à Paris, et trouva finalement refuge en juin 1940 à Londres. Ses objectifs étaient d'informer l'étranger sur la nature du régime hitlérien, de diffuser clandestinement des tracts dans le Reich, de soutenir les groupes de résistance sociaux-démocrates restés en Allemagne, et de mettre en place des réseaux permettant à des persécutés de fuir l'Allemagne.

 

Communistes (KPD)

Selon les instructions de Moscou, seuls les plus hauts fonctionnaires du parti qui avaient pu échappé à l'arrestation par les nazis s'exilèrent en 1933 en URSS, où furent fondés le comité central et le bureau politique exilés du KPD. Ernst Thälmann, le dirigeant du parti, et Ernst Torgler, le chef de la fraction communiste au Reichstag, avaient été arrêtés en février-mars 1933. Les autres membres du parti devaient rester dans le Reich afin de provoquer un soulèvement antifasciste de masse en Allemagne. Selon les instructions de Staline, leur rôle consistait à combattre non seulement les nazis, mais aussi les sociaux-démocrates, qualifiés de sociaux-fascistes. En 1935-36, la tentative de former un Front populaire contre le nazisme avec les sociaux-démocrates se solda par un échec, car ceux-ci refusèrent de se plier aux directives de Moscou. A partir de 1945, les dirigeants communistes exilés à Moscou furent nommés à des postes clefs de l'administration dans la zone d'occupation soviétique, puis prirent la direction du parti SED (Sozialistische Einheitspartei Deutschlands) et du gouvernement lors de la création de la RDA.
 Libéraux
Les politiciens centristes exilés Carl Spiecker et Otto Klepper fondèrent à la fin de l'année 1937 à Paris le DFP, Parti de la Liberté allemand (Deutsche Freiheitspartei), qui poursuivit ses activités à Londres après l'occupation de la France par l'armée allemande. Hans Albert Kluthe, membre du DFP, fut le rédacteur en chef du journal libéral exilé Das wahre Deutschland - Auslandsblätter der deutschen Freiheitspartei, et établit le programme de la radio antifasciste allemande Deutscher Freiheitssender qui émettait à partir d'Angleterre. Le DFP avait par l'intermédiaire de Carl Spiecker des contacts avec Goerdeler et son groupe de résistance.

Tentatives d’Union des Forces Résistantes. Front populaire allemand
De célèbres exilés allemands, notamment Wilhelm Pieck, Walter Ulbricht, Willy Brandt, Ernst Bloch, Lion Feuchtwanger, Heinrich et Klaus Mann et Ernst Toller, apposèrent leur signature à un appel à la formation d'un Front populaire allemand (Deutsche Volksfront), publié à Paris le 19 décembre 1936. L'expérience de ce Front populaire allemand se solda par un échec, en raison des frictions et des oppositions politiques entre les divers partis ; dès 1937, le Front se disloqua, avant d'être dissous officiellement en 1939 en raison du pacte conclu entre Hitler et Staline.
 Union franco-allemande
Au mois de mai 1939 naquit l'Union franco-allemande ; ses fondateurs, parmi lesquels les émigrants allemands Alfred Döblin, Franz Werfel, Otto Klepper, Willi Münzenberg et Hermann Rauschning, et les Français Paul Boncour et Yvon Delbos, anciens ministres des Affaires étrangères, se sont engagés pour la préservation de la paix et la cohabitation pacifique des nations européennes, sur la base des valeurs humanistes traditionnelles de la civilisation occidentale.
Council for a Democratic Germany (CDG)
En 1944 fut fondé aux États-Unis le Council for a Democratic Germany (CDG), présidé par Paul Tillich ; l'objectif de cette organisation était de représenter à l'étranger les forces démocratiques allemandes de tous les horizons politiques. Le CDG a ébauché un programme pour une Allemagne démocratique après la guerre, s'est résolument opposé à la division du pays après la défaite nazie, et a réclamé d'autre part une dénazification par l'éducation des Allemands à la démocratie, en souhaitant que cela soit fait par d'anciens exilés allemands. Le CDG fut un échec, car les décisions devaient être prises à l'unanimité, ce que les oppositions internes entre les représentants des divers partis rendirent impossible.
Comité national de l'Allemagne libre (Nationalkomitee Freies Deutschland, NKFD)
Ce comité fut fondé en 1943 par la section politique de l'armée soviétique et par le comité central du KPD exilé à Moscou ; ses objectifs étaient, au moyen d'un travail de propagande, de détourner les prisonniers de guerre allemands du nazisme et d'encourager les soldats allemands à déserter. Le NKFD tentait de rallier toutes les tendances politiques à l'union contre Hitler ; dans ses rangs, on ne comptait pas uniquement des communistes, mais aussi, par exemple, une centaine de pasteurs, prêtres et étudiants en théologie de la Wehrmacht, prisonniers dans les camps russes, qui se sont joints au NKFD en raison des persécutions dont étaient victimes les Églises dans le Reich. Les communistes, notamment Wilhelm Pieck et Walter Ulbricht, futurs dirigeants de la RDA, ont finalement pris la tête du NKFD, qui est devenu un instrument de propagande entre les mains du gouvernement soviétique.

L'Autre Allemagne (Das Andere Deutschland) et Allemagne Libre (Freies Deutschland)
En 1937 fut fondé en Argentine le comité L'Autre Allemagne (Das Andere Deutschland), et en 1941-42 naquit au Mexique le mouvement Allemagne Libre (Freies Deutschland). En 1943, ces deux comités créèrent des organismes de coordination dans toute l'Amérique latine, où vivaient beaucoup d'Allemands, et où s'opposaient nazis et résistants allemands. D'inspiration communiste tout comme le NKFD, ces comités, dont Heinrich Mann avait la charge honorifique, regroupaient toutefois des résistants allemands de tous les horizons politiques et idéologiques. Leur travail consistait à informer l'opinion mondiale en diffusant des publications antifascistes et à développer des concepts pour la nouvelle Allemagne d'après-guerre.

Les projets d'union des différents mouvements de résistance exilés échouèrent notamment en raison des divergences politiques. La volonté du journaliste exilé à Londres Sebastian Haffner, de son vrai nom Raimund Pretzel, de former un gouvernement allemand exilé qui disposerait de son propre service de propagande et d'une organisation d'aide aux réfugiés, ne put s'imposer en raison des divisions internes entre les divers mouvements de résistance, et la Résistance allemande n'avait donc pas d'organe unifiant les forces ni de gouvernement exilé susceptible de représenter politiquement l'autre Allemagne à l'étranger.

Résistance armée

Environ 5 000 Allemands, pour la plupart des communistes et des socialistes, se sont engagés à partir de 1936 dans la guerre civile d'Espagne aux côtés des Républicains, au sein des Brigades Internationales ; les deux tiers d'entre eux sont morts au combat.
Pendant la guerre, des Allemands ont également combattu dans les armées alliées, comme par exemple les écrivains Klaus Mann, qui a combattu aux côtés des Américains, et Stefan Heym, qui a travaillé pour les services de propagande de l'armée américaine. Des déserteurs se sont également joints aux armées alliées. 
D'autres Allemands ont choisi de s'engager dans les mouvements de résistance des pays occupés. Ainsi, à partir de 1941, plusieurs centaines d'Allemands se sont engagés dans la Résistance française, notamment dans la division Travail anti-allemand du Front National de Libération (FNL). Leur tâche consistait à apporter leur aide dans tous les domaines pour lesquels des connaissances linguistiques ou de civilisation étaient nécessaires, comme l'espionnage, la prise de contact avec des Allemands, et la diffusion de propagande antifasciste au sein de l'armée allemande. De nombreux Allemands, surtout des communistes, ont également résisté et combattu dans le maquis aux côtés des Francs-tireurs et Partisans Français (FTPF). D'autres résistants allemands se sont engagés dans les mouvements gaullistes. Au printemps 1944 s'est constitué dans le maquis français, sur le modèle du Comité National de l'Allemagne libre (Nationalkomitee Freies Deutschland) fondé à Moscou, un Comité de l'Allemagne libre pour l'Occident (Komitee Freies Deutschland für den Westen), qui a été reconnu après la libération de la France comme une division à part entière de la Résistance française.
D'autres Allemands ont rejoint la Résistance grecque (ELAS), comme par exemple Falk Harnack, membre du groupe de résistance La Rose Blanche (Die Weiße Rose) et frère d'Arvid Harnack, l'un des fondateurs du mouvement résistant L'Orchestre rouge (Die Rote Kapelle). Falk Harnack a déserté pour rejoindre l'ELAS, et a fondé le Comité antifasciste de soldats allemands (Antifaschistisches Komitee deutscher Soldaten, AKFD). Et Willy Brandt, futur chancelier allemand, a combattu au sein de la Résistance norvégienne.

 

Résistance culturelle

L'écriture de l'exil dénonçait le national-socialisme, informait l'opinion mondiale sur la nature de la dictature nazie en diffusant des journaux comme le Pariser Tagesblatt, des brochures, des livres ou des tracts antifascistes, en rédigeant des articles pour la presse étrangère (Heinrich Mann par exemple collaborait à la Dépêche de Toulouse), mais traitait également de l'exil, des difficultés à être apatride, clandestin, constamment en fuite. Les résistants ont organisé des conférences et des expositions, ont monté des cabarets satiriques, ont mis en scène des pièces de théâtre allemandes interdites en Allemagne, et ont fondé des comités de lutte antifasciste. Il s'agissait d'une résistance intellectuelle qui s'est exprimée de façon individuelle dans des œuvres littéraires ou des actions ponctuelles, mais qui a également donné lieu à la création de cercles de réflexion et de publications antifascistes destinées à éveiller et faire réagir les consciences contre la dictature hitlérienne. C'est ainsi qu'a été publié en juillet 1933 le Livre brun sur l'incendie du Reichstag et le régime de terreur hitlérien (Braunbuch über Reichstagsbrand und Hitlerterror), traduit en quinze langues, dont 70 000 exemplaires furent diffusés dès les quatre premiers mois, et qui fut tiré en tout à plus d'un demi-million d'exemplaires. Et en 1934 fut créée à Paris sur l'initiative de Heinrich Mann, André Gide et Romain Rolland une Bibliothèque des livres brûlés en Allemagne (Deutsche Freiheitsbibliothek, littéralement la Bibliothèque allemande de la Liberté), qui rassemblait des œuvres qui avaient été interdites et brûlées par les nazis lors de l'autodafé de livres en 1933.
L'offensive de la vérité menée par ces résistants allemands exilés prit de l'ampleur. Plus de 400 journaux, revues et bulletins d'information furent publiés par les résistants émigrés, dont une grande partie put être diffusée clandestinement dans le Reich. L'Association de défense des écrivains allemands (Schutzverband deutscher Schriftsteller), fondée à Paris, diffusait ainsi clandestinement en Allemagne des journaux, revues et discours antifascistes. Ces périodiques informaient non seulement les Allemands du Reich et les exilés, mais également les politiciens, gouvernements et journalistes de l'étranger. Citons par exemple Das Wort, publication antifasciste allemande créée par Feuchtwanger, Brecht et Bredel à Sanary-sur-Mer (la capitale de la littérature allemande de l'exil, comme l'a nommée Ludwig Marcuse, où près de deux cents auteurs allemands ont trouvé provisoirement refuge), ou encore Die Sammlung, revue éditée par Klaus Mann à Amsterdam, Die neuen deutschen Blätter (Prague), Der Wiener Bücherwurm, Der Gegen-Angriff (Prague), Der deutsche Weg (revue éditée aux Pays-Bas par l'anthropologue catholique Friedrich Muckermann), Das deutsche Volksecho (revue publiée par Stefan Heym à New-York de 1937 à 1939), la revue Frontpost, destinée aux soldats allemands, publiée par Stefan Heym dans le cadre de la guerre psychologique menée par l'armée américaine, les éditions Allert de Lange, fondées à Amsterdam par Hermann Kesten, ou encore la revue Cahiers du Sud de Jean Ballard, lieu d'expression pour les écrivains et journalistes antifascistes allemands. 
En 1933 fut fondée à Paris l'Impress, agence de presse indépendante créée par Kurt Rosenfeld et Sandor Rado ; elle fournit jusqu'en 1936 des extraits de la presse allemande et des commentaires critiques sur l'Allemagne nazie. Le travail des agences de presse, des journalistes et des conférenciers, diffusé dans la presse écrite mais aussi à la radio, sans oublier les livres écrits par de grands écrivains exilés comme Thomas Mann, les récits de persécution et de fuite, et les ouvrages rédigés par des politiciens exilés de la République de Weimar, permirent d'informer l'opinion mondiale sur la nature du régime nazi.
Cette forme de résistance débuta bien avant la guerre : Ernst Toller et Lion Feuchtwanger reconnurent très tôt le danger et dénoncèrent Hitler dans leurs livres bien avant son arrivée au pouvoir. Joseph Roth, Thomas Mann, Kurt Tucholsky et Carl von Ossietzky étaient eux aussi depuis longtemps des ennemis déclarés du nazisme. Mais leurs prises de position et leur engagement ne furent pas suffisamment pris au sérieux et ne purent empêcher l'arrivée au pouvoir des nazis.
Environ 2 500 écrivains germanophones s'exilèrent pour des raisons racistes ou politiques, car ils risquaient leur vie en Allemagne. Mais ces écrivains avaient des convictions politiques et intellectuelles tellement différentes qu'ils n'ont pu parvenir à s'unir. Le 1er Congrès international d'écrivains pour la défense de la culture, organisé par l'Association de défense des écrivains allemands (Schutzverband deutscher Schriftsteller, SDS) eut lieu à Paris en 1935 ; des écrivains français, notamment André Gide, André Malraux, Henri Barbusse, Paul Eluard et Aragon, y participèrent. Cette manifestation trouva un grand écho dans la presse internationale, mais souligna encore plus les divergences idéologiques profondes entre les exilés et leur incapacité à s'unir, même s'ils partageaient le même sort et la même hostilité envers Hitler. 
En dépit de ces divisions, la littérature de l'Exil a tout de même atteint son objectif, qui était de combattre la terreur nazie avec l'arme que représentent les mots : les écrivains et journalistes exilés purent contribuer à mobiliser l'opinion mondiale contre la terreur nazie, diffuser des informations politiques grâce à leurs réseaux d'informateurs restés dans le Reich, et former ainsi un efficace instrument de contre-propagande redouté par le régime nazi. Les persécutions dont furent victimes les écrivains et journalistes pendant le Troisième Reich en sont la preuve ; la politique culturelle du Reich consistait à éliminer les contestataires, surveiller les maisons d'éditions, censurer, et brûler les livres mis à l'index. Les écrivains, qui s'étaient pour la plupart exilés, formaient la majorité des personnalités pour lesquelles les nazis avaient engagé des demandes d'extradition. Les personnalités les plus représentatives de l'exil et les plus respectées par l'ensemble de l'opinion internationale étaient d'ailleurs des écrivains comme Heinrich Mann ou son frère Thomas Mann, et non d'anciens ministres et parlementaires de la République de Weimar ou des dirigeants de parti.

 

Résistance religieuse

Le pasteur Hermann Maas fit en 1933 un voyage en Palestine afin de trouver des possibilités de fuite pour les juifs allemands. Ce réseau donna naissance au Comité ecclésiastique international d'aide aux réfugiés allemands (Internationales kirchliches Hilfskomitee für deutsche Flüchtlinge).
Il faut souligner également les initiatives individuelles, comme celle du Père jésuite Friedrich Muckermann, réfugié aux Pays-Bas, qui parvint à diffuser clandestinement en Allemagne des tracts antinazis dans des cercles religieux en Rhénanie et en Westphalie. Des adolescents, comme Theo Hespers, Walter Hammer et Karl Paetel, ont pu à partir de leur pays d'exil diffuser des journaux et des tracts antinazis en Allemagne.

Résistance scientifique

Les scientifiques dont les travaux étaient déconsidérés par les autorités allemandes ou qui étaient d'origine juive se sont pour la plupart exilés en Angleterre ou aux États-Unis, où ils ont travaillé pour les gouvernements étrangers, y compris pour l'élaboration de nouvelles armes et technologies. Albert Einstein, au delà de son travail scientifique, a également profité de sa notoriété mondiale pour s'engager activement dans la lutte politique au moyen de conférences, d'interventions dans des universités et d'articles de journaux.

Aide aux réfugiés

Kurt Grossmann, secrétaire de la Ligue des Droits de l'Homme allemande, s'exila en Tchécoslovaquie. Il créa à Prague l'Organisation démocratique d'assistance aux réfugiés (Demokratische Flüchtlingsfürsorge), qui venait en aide aux pacifistes allemands exilés en Tchécoslovaquie.
Les communistes créèrent des réseaux qui permettaient à des persécutés de fuir l'Allemagne, ainsi qu'une organisation venant en aide aux réfugiés, l'Aide Rouge Internationale (Internationale Rote Hilfe).

Représailles nazies

L'Offensive de la Vérité (Wahrheitsoffensive) menée par les exilés résistants contrecarrait la stratégie de propagande nazie qui consistait à minimiser le danger et à masquer les intentions réelles du gouvernement national-socialiste. Les résistants exilés revendiquaient la représentation d'une autre Allemagne, ce qui contredisait la prétention nazie d'une identité totale entre le gouvernement et l'État, le national-socialisme et l'Allemagne. La propagande nazie tentait d'établir un monopole sur tout ce qui était allemand, en l'adaptant à sa propagande. La mythologie germanique et l'œuvre de Nietzsche ont été ainsi galvaudés à des fins de propagande. Les résistants exilés qui tentaient de préserver l'héritage de la tradition culturelle allemande et de la démarquer du régime nazi représentaient donc un danger pour celui-ci. Le gouvernement national-socialiste a par conséquent tenté par tous les moyens d'éliminer cette opposition : propagande nazie, interventions diplomatiques, surveillance des exilés et de leurs activités à l'étranger par des agents de la Gestapo et par les consulats et ambassades allemands, demandes d'extradition, internement en camp de concentration en cas de retour en Allemagne, privation de la nationalité allemande, confiscation des biens, prise en otage de la famille des exilés ou encore enlèvements et meurtres.
 Propagande nazie
La propagande de Goebbels opposait de façon systématique aux informations antinazies publiées à l'étranger par des exilés des démentis et des déclarations officielles. En présentant les exilés comme des informateurs peu dignes de foi, la dictature nazie tentait de neutraliser l'opposition au régime, mais aussi de conserver à l'étranger l'illusion que le Reich restait un État de Droit, et par là même un partenaire comme les autres dans les relations diplomatiques internationales. L'arme la plus efficace de la contre-propagande nazie consistait à jouer avec la peur du communisme des gouvernements étrangers. Étant donné que la grande majorité des émigrants étaient des communistes, qui avaient dû fuir pour échapper aux poursuites qui les menaçaient en Allemagne et à l'internement dans des camps de concentration, cet argument de la propagande nazie était plausible, et a contribué à discréditer les activités des résistants allemands exilés. En 1933, le premier ministre anglais, Lloyd George, a ainsi déclaré dans un article de journal que l'Allemagne constituait un rempart au communisme, et que la chute du régime nazi entraînerait inévitablement l'anarchie et la prise du pouvoir par les communistes (Communism must follow if Hitler fails). Le danger que représentait Hitler a ainsi été souvent sous-estimé ou relativisé à l'aune de la "menace communiste.
 

Interventions diplomatiques
Les tentatives d'intimidation des gouvernements étrangers par des interventions diplomatiques furent très nombreuses et systématiques. La pression diplomatique exercée par le gouvernement nazi était considérable et laissait souvent peu de liberté de manœuvre aux pays concernés. Ainsi, en 1933, les autorités allemandes ont obtenu du ministère des Affaires étrangères grec l'annulation d'un projet de permis d'entrée dans le pays pour mille intellectuels et politiciens allemands émigrés, en insinuant que la présence de tels fugitifs en Grèce nuirait considérablement aux excellentes relations diplomatiques entre les deux pays, et que cela entraînerait tôt ou tard de graves difficultés. Les exemples d'interventions diplomatiques ne manquent pas ; ainsi, le régime nazi a tenté à plusieurs reprises, au moyen de demandes d'extradition auprès des gouvernements étrangers, de faire revenir de force des résistants allemands en Allemagne, afin de les mettre hors d'état de nuire. Les motifs de ces demandes d'extradition étaient la plupart du temps des calomnies ; les personnes concernées étaient souvent accusées de délits tels que la corruption ou le recel de biens, car les autorités allemandes ne voulaient en aucun cas que des accusations d'ordre politique suscitent des problèmes diplomatiques. En effet, la pression de l'opinion internationale était considérable ; la presse et les organisations humanitaires déclenchaient systématiquement des campagnes de presse contre l'Allemagne, en l'accusant de violer le droit d'asile. Ces demandes d'extradition furent parfois vouées à l'échec grâce au refus des pays concernés de livrer les exilés. Ainsi, lorsqu'en 1934, l'Allemagne a demandé à la Suisse de lui livrer le communiste Heinz Neumann, soi-disant coupable de meurtre, le gouvernement suisse n'a pas cru à cette accusation infondée et a refusé de livrer Neumann aux nazis. Peter Forster fut par contre livré à l'Allemagne en 1938 par le gouvernement tchécoslovaque. Ce cas a suscité une violente controverse ; Forster avait tué un gardien SS lors de sa fuite du camp de Buchenwald ; il avait trouvé refuge en 1938 dans la partie de la Tchécoslovaquie qui n'était pas encore occupée par les Allemands. Le gouvernement nazi exigea l'extradition de Forster, ce que la Tchécoslovaquie pouvait difficilement refuser, en raison de la situation politique très tendue entre les deux pays, à peine un mois après la conférence de Munich. Les tentatives diplomatiques entreprises pour sauver Forster échouèrent ; il fut arrêté en décembre 1938 dans un aéroport, alors qu'il tentait de prendre la fuite, et les nazis le pendirent au camp de Buchenwald, d'où il avait fui quelques mois auparavant.


Les demandes d'extradition ont parfois donné lieu à des accords avec des gouvernements étrangers, comme entre les polices politiques du Reich et de la Hongrie, pour livrer les émigrants ou prendre des mesures contre des exilés. Certains pays ont également pris des mesures contre les résistants allemands dans le cadre de la politique de l'Apaisement, pour éviter tout conflit avec le régime hitlérien ; ainsi, lorsque les Pays-Bas ont emprisonné des émigrants allemands communistes, cette décision, qui allait totalement dans le sens de la politique hitlérienne, fut saluée par la presse nazie. D'autres interventions locales, comme celle du chef de la police de Stockholm, qui a interdit la distribution de tracts antinazis aux marins et voyageurs, ont également contribué à entraver les initiatives des résistants allemands, et furent louées par le régime hitlérien.
Les interventions diplomatiques visaient également à interdire la propagande antinazie à l'étranger. Les autorités allemandes sont ainsi intervenues auprès du gouvernement suisse pour tenter d'interdire le cabaret satirique Le Moulin à Poivre (Die Pfeffermühle) d'Erika Mann, la fille de l'écrivain Thomas Mann, et pour empêcher la publication de livres antifascistes. De même, lorsqu'en février 1938 fut inaugurée à Paris une exposition documentant les cinq années de régime nazi, un article de l'organe de presse du gouvernement hitlérien, le Völkischer Beobachter, déplora ce Scandale à Paris, en alléguant que cette exposition était un brutal défi visant à la destruction des relations amicales commençant à s'établir entre la France et l'Allemagne. La coopération avec les émigrés allemands, qualifiés de fauteurs de troubles, était jugée scandaleuse. La prolongation de la durée de l'exposition, en dépit des protestations allemandes, fut interprétée par les autorités nazies comme une volonté délibérée du gouvernement français d'accentuer les tensions diplomatiques entre les deux pays.
 Représailles juridiques
Le régime nazi a mis en place dès son arrivée au pouvoir tout un arsenal de lois et de mesures visant à décourager et punir toute propagande ou activité antinazie ; les exilés furent souvent victimes de cet acharnement nazi à détruire toute forme d'opposition.
Tout d'abord, la presse allemande exilée était interdite ; les contrevenants commettaient selon le régime nazi un crime de haute-trahison et étaient par conséquent menacés de la peine de mort. La législation concernant la trahison sournoise (Heimtückegesetz), promulguée le 21 mars 1933, interdisait également toute critique orale envers le régime nazi.
D'autre part, les exilés qui revenaient en Allemagne, puisqu'ils étaient considérés comme des traîtres à la patrie, étaient internés par mesure préventive en camp de concentration. L'un des buts de ces représailles était d'éviter tout contact entre des personnes ayant vécu à l'étranger et la population du Reich manipulée par la propagande nazie. Il s'agissait également d'empêcher toute communication entre des résistants exilés et l'opposition illégale au sein du Reich.
Par ailleurs, la loi sur la privation de la nationalité allemande du 14 juillet 1933 permettait au régime hitlérien de priver de leur nationalité les exilés allemands qui critiquaient la politique nazie. En 1935-36, un projet de privation massive de la nationalité des exilés allemands n'a finalement pas été mis en application par crainte de représailles de la SDN, indésirables à cause des Jeux Olympiques de Berlin.
Les exilés, notamment les catholiques, les socialistes et les communistes, furent souvent pris comme prétexte pour justifier des représailles au sein du Reich ; ces mesures étaient sensées décourager toute tentative de résistance à l'étranger, qui serait ainsi lourde de conséquences. De même, en 1938, lorsque, sur l'initiative du président américain, un comité international s'est efforcé de trouver une solution au problème des réfugiés allemands, le gouvernement hitlérien a déclaré que des critiques des gouvernements étrangers envers la politique nazie auraient des conséquences négatives pour les juifs résidant en Allemagne.
 Prises d'otages
En 1933, la famille de Philip Scheidemann, un éminent parlementaire social-démocrate de la République de Weimar, fut prise en otage et envoyée en camp de concentration après la publication de l'un de ses articles dans le New York Times. Scheidemann se rétracta et sa famille fut libérée. Pour le régime hitlérien, ce cas était sensé statuer un exemple : l'incident aurait prouvé, selon la presse nazie, que les émigrants ne propageaient que des mensonges et des calomnies à l'étranger ; ces représailles avaient pour but de dissuader les émigrants de poursuivre leur travail d'information dans la presse étrangère.
Un autre cas de prise d'otage a suscité l'indignation de l'opinion mondiale. En décembre 1933, l'ancien parlementaire social-démocrate Gerhard Seger parvint à s'échapper du camp de concentration d'Oranienburg et à trouver refuge en Tchécoslovaquie ; ses tentatives visant à faire fuir sa famille, afin qu'elle le rejoigne dans son exil, échouèrent. En janvier 1934, sa femme et sa fille âgée de deux ans furent emprisonnées en détention protectrice (Schutzhaft). Seger ne se laissa pas intimider par ces représailles et rédigea un livre dans lequel il décrivait ce qu'il avait vécu et observé dans le camp d'Oranienburg. La publication de ce livre a soulevé de nombreux commentaires dans la presse internationale, qui s'est également indignée de la prise d'otages. Ainsi, en avril 1934, un journal anglais titrait : Baby labelled Political Prisoner N° 58. Ce cas a suscité un scandale diplomatique ; et grâce à la pression de l'opinion mondiale, Madame Seger et sa fille furent finalement remises en liberté après trois mois de détention, et furent autorisées à rejoindre Gerhard Seger à Londres. Le régime nazi dut se contenter de priver la famille Seger de sa nationalité allemande.
Enlèvements et meurtres
Lorsque toutes ces mesures n'atteignaient pas leur but, le régime nazi n'a pas hésité à enlever et à assassiner des résistants allemands exilés. L'assassinat en août 1933 du pacifiste Theodor Lessing, qui s'était exilé en Tchécoslovaquie en février 1933, illustre bien que les résistants allemands n'étaient pas à l'abri des représailles de la dictature nazie, même à l'étranger. Le gouvernement aurait même promis une prime de 80 000 Reichsmark à la personne qui parviendrait à abattre Lessing. Les résistants qui organisaient la diffusion de tracts et de littérature illégale à partir des pays voisins étaient tout particulièrement exposés au danger. Ainsi, la Gestapo a essayé à plusieurs reprises d'enlever un fonctionnaire de la SOPADE, Otto Thiele, qui organisait à partir de son pays d'accueil, la Tchécoslovaquie, les activités illégales dans le Reich. Une prime de 10 000 Reichsmark aurait été promise aux ravisseurs, qui furent finalement arrêtés par la police tchécoslovaque. Ce type de mesures a déclenché des vagues de protestations dans les pays concernés, qui se sont insurgés contre cette violation de la souveraineté territoriale ; l'opinion publique internationale a également fortement protesté contre ces crimes.

Bilan

Les mouvements de résistance d'exilés allemands ont échoué en raison de leur isolement dans leur pays d'accueil, du manque de soutien de la communauté mondiale et surtout du manque de coordination entre les différents types d'opposition au nazisme. Mais les résistants, en dépit de leur échec, ont montré au monde entier un autre visage de l'Allemagne, celui du soulèvement des consciences allemandes révoltées par le national-socialisme.

 

La Rose blanche : résistance en Allemagne

Extrait de tract diffusé par le mouvement de la Rose blanche (Weisse Rose) de Hans et Sophie Scholl, en Allemagne, en janvier 1943.

Rien n'est plus indigne pour un peuple civilisé, que de se laisser, sans résistance, régir par l'obscur bon plaisir d'une clique de despotes. Est-ce que chaque Allemand honnête n'a pas honte aujourd'hui de son gouvernement ?
Qui d'entre nous pressant quelle somme d'ignominie pèsera sur nous et nos enfants quand le bandeau, qui maintenant nous aveugle, sera tombé et qu'on découvrira l'atrocité extrême de ces crimes ?
Nos yeux ont été ouverts par les horreurs des dernières années, il est grand temps d'en finir avec cette bande de fantoches. Jusqu'à la déclaration de guerre, beaucoup d'entre nous étaient encore abusés. Les nazis cachaient leur vrai visage. Maintenant, ils se sont démasqués et le seul, le plus beau, le plus sain devoir de chaque Allemand doit être l'extermination de ces brutes.

Extraits d'un tract de la Rose Blanche distribué le 18 février 1943

Etudiants! Etudiantes!

La défaite de Stalingrad a jeté notre peuple dans la stupeur. La vie de trois cent mille Allemands, voilà ce qu'a coûté la stratégie géniale de ce soldat de deuxième classe promu général des armées. Führer, nous te remercions!

Le peuple allemand s'inquiète : allons-nous continuer de confier le sort de nos troupes à un dilettante ? Allons-nous sacrifier les dernières forces vives du pays aux plus bas instincts d'hégémonie d'une clique d'hommes de parti ? Ne jamais plus! Le jour est venu de demander des comptes à la plus exécrable tyrannie que ce peuple ait jamais endurée. Au nom de la jeunesse allemande, nous exigeons de l'Etat d'Adolf Hitler le retour à la liberté personnelle ; nous voulons reprendre possession de ce qui est à nous ; notre pays, prétexte pour nous tromper si honteusement, nous appartient.

 

Il n'est pour nous qu'un impératif : lutter contre la dictature! Quittons les rangs de ce parti nazi, où l'on veut empêcher toute expression de notre pensée politique. Désertons les amphithéâtres où paradent les chefs et les sous-chefs S.S., les flagorneurs et les arrivistes. Nous réclamons une science non truquée, et la liberté authentique de l'esprit. Aucune menace ne peut nous faire peur, et certes pas la fermeture de nos Ecoles Supérieures. Le combat de chacun d'entre nous a pour enjeu notre liberté, et notre honneur de citoyen conscient de sa responsabilité sociale.

Etudiants, Etudiantes! Le peuple allemand a les yeux fixés sur nous! Il attend de nous comme en 1813, le renversement de Napoléon, en 1943, celui de la terreur nazie.

Nous nous dressons contre l'asservissement de l'Europe par le National-Socialisme, dans une affirmation nouvelle de liberté et d'honneur.

Hans et Sophie Scholl furent décapités par les Nazis le 22 février 1943.

 

 

 

 

 


08/03/2013
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LA MILICE FRANÇAISE

Période :                    1943-1944

Pays :                         France

Allégeance :               État français (Vichy)                     

Taille :                         10 000 à 35 000 personnes

Composée de :           Flanc-garde

Guerres :                   Seconde Guerre mondiale

Batailles :                  Bataille des Glières,  Bataille du Vercors,  Bataille du Mont Gargan
                                  Commandant historique : Joseph Darnand

La Milice française, souvent appelée simplement Milice, fut une organisation politique et paramilitaire française créée le 30 janvier 1943 par le gouvernement de Vichy pour lutter contre le terrorisme (c'est-à-dire contre la Résistance). Supplétifs de la Gestapo et des autres forces Allemandes, les miliciens participèrent aussi à la traque des Juifs, des réfractaires au STO et de tous les déviants dénoncés par le régime. C'était aussi la police politique et une force de maintien de l'ordre du régime de Vichy.

Le chef officiel de la Milice était Pierre Laval, Chef du gouvernement, mais le véritable responsable de ses opérations était son secrétaire général, Joseph Darnand, fondateur du Service d'ordre légionnaire (SOL), précurseur de la Milice française.

Organisation de type fasciste, elle se voulait un mouvement révolutionnaire, à la fois anti : antirépublicain, antisémite, anticommuniste, anticapitaliste, et pour : pour le nationalisme, le socialisme et l'autoritarisme. Elle sembla avoir ambitionné de devenir l'équivalent d'un parti unique de l’État français. Sa montée en puissance marqua en tout cas, selon Robert Paxton et Stanley Hoffmann, la fascisation finale du Régime de Vichy.

Comme les nazis, les miliciens usaient couramment de la délation, de la torture, des rafles, des exécutions sommaires et arbitraires, voire de massacres. Leur pratique systématique de la violence et leurs nombreuses exactions, tout comme leur collaborationnisme jusqu'au-boutiste, contribuèrent à les faire rester très minoritaires au sein d'une population qui les rejetait largement. La Milice n'eut jamais plus de 35 000 membres (29 000 adhérents en automne 1943 selon Francis Bout de l'An, sur lesquels, d'après le chef du service des effectifs, l'enseigne de vaisseau Carus, seulement 10 000 étaient actifs). Même après son développement en zone nord, la Milice ne dépassera jamais 15 000 militants réels au total.

Membres de la Milice française en 1944.

L’origine de la Milice

Joseph Darnand, patriote et combattant courageux de la Première Guerre mondiale de 1914-1918, puis activiste d'extrême droite, avait pris la tête de la Légion française des combattants dans les Alpes-Maritimes.

Après l’ouverture de celle-ci aux jeunes partisans du régime qui n’avaient jamais combattu, il avait fondé en août 1941, dans son département, le Service d'ordre légionnaire. Remarqué par les ministres Darlan et Pucheu lorsqu’il est à la tête de la Légion française des combattants de Nice, Darnand va bénéficier de leur soutien pour développer son organisation paramilitaire, le Service d’ordre légionnaire (SOL). Ancêtre de la Milice, le SOL s’étend à l’ensemble de la zone sud et réunit un effectif de 15 000 hommes issus pour la plupart de l’extrême droite. L'organisation est fondée sur 21 points qui donnent la matrice idéologique du mouvement : contre le capitalisme international, pour le corporatisme français, contre la condition prolétarienne, pour la justice sociale, contre la lèpre juive, pour la pureté française, contre la franc-maçonnerie païenne, pour la civilisation chrétienne.

La Milice française, police supplétive de la Gestapo

Pierre Laval, en accord avec le maréchal Pétain, décida de créer, par la loi du 30 janvier 1943, la Milice qui absorba l'ancien Service d'ordre légionnaire. Il en devint le chef nominal, avec Joseph Darnand comme secrétaire général qui en sera cependant le véritable chef opérationnel.

Pierre Laval

Une affiche de recrutement de la Milice

Ce fut la loi n° 63 du 30 janvier 1943 (publiée au Journal officiel de l'Etat français le 31 janvier 1943, n° 27, page 290) qui fonda la Milice française :

Article 1er - La Milice française, qui groupe des Français résolus à prendre une part active au redressement politique, social, économique, intellectuel et moral de la France, est reconnue d'utilité publique. Ses statuts, annexés à la présente loi, sont approuvés.

Article 2 - Le chef du Gouvernement est le chef de la Milice française. La Milice française est administrée et dirigée par un secrétaire général nommé par le chef du Gouvernement. Le secrétaire général représente la Milice française à l'égard des tiers.

Article 3 - Les conditions d'application de la présente loi seront fixées par arrêté du chef du Gouvernement.

Quant aux statuts de la Milice française, annexés à la loi du 30 janvier 1943, ils précisent :

Article 1er -La Milice française a la mission, par une action de vigilance et de propagande, de participer à la vie publique du pays et de l'animer politiquement.

Article 2 - La Milice française est composée de volontaires moralement prêts et physiquement aptes, non seulement à soutenir l'État nouveau par leur action, mais aussi à concourir au maintien de l'ordre intérieur.

Article 3 - Les membres de la Milice française doivent satisfaire aux conditions suivantes : 1° Être français de naissance. 2° Ne pas être juifs. 3° N'adhérer à aucune société secrète. 4° Être volontaires. 5° Être agréés par le chef départemental.

Joseph Darnand

Selon Darnand, la Milice française n'est pas une police répressive. La Milice groupera des personnes de tous les âges, de tous les milieux et de toutes les professions, désireuses de prendre une part effective au redressement du pays. Ouverte à tous, la Milice fera retrouver aux Français cette communauté nationale  hors de laquelle il ne peut y avoir de salut pour notre pays.

Dans son discours du 28 février 1943, Darnand assure encore que la Milice a d'abord une mission politique et Bassompierre commente : Elle a pour mission de soutenir la politique gouvernementale  et de lutter contre le communisme.

Pourtant, dans L'Action française du 3 mars 1943, Charles Maurras déclare : Avec le concours de cette pure et solide police, nous pourrons chez nous frapper d'inhibition toute velléité révolutionnaire et toute tentative intérieure d'appuyer les hordes de l'Est, en même temps que nous défendrons nos biens, nos foyers, notre civilisation toute entière.

La Milice choisit comme insigne le gamma, signe du Bélier, symbole de renouveau et d'énergie (argent sur fond bleu dans un cercle rouge pour les miliciens ordinaires, blanc sur fond noir pour les francs-gardes, blanc sur fond rouge pour les avant-gardes).

Fausse carte de la brigade spéciale des Milices révolutionnaires françaises établie pour le résistant Serge Ravanel sous le pseudonyme de Charles Guillemot.

Structures

Francis Bout de l'An dirigeait la propagande et l'information avec l'organe Combats. Noël de Tissot était chargé des relations entre le haut commandement et les services.

Si le secrétariat général fut installé à Vichy auprès du Gouvernement, la Milice reposait sur une organisation territoriale en zones, régions et départements.

A chaque échelon, on retrouvait un état-major à cinq services : 1er service (propagande) - 2e service (documentation) - 3e service (sécurité) - 4e service (finances) - 5e service (effectifs). Au niveau central, le 1er service fut dirigé par Bout de l'An, puis Bertheux, le 2e service (le plus important et le plus sinistre, puisqu'il employait la torture pour obtenir des renseignements) par Degans, puis Gombert - le 3e service par Gombert - le 4e service par Fontaine - le 5e service par Carus.

Le Vichy milicien de 1944

Pétain et Laval ne démentiront jamais leur soutien public à la Milice et à ses actes. En novembre 1943, Laval rappelle encore qu'il  marche main dans la main avec Darnand, car, selon lui, la démocratie, c'est l'antichambre du bolchevisme.

Le serment de la Milice mentionnait entre autres le combat contre la lèpre juive. Le mouvement se voulait à la fois antisémite, anticommuniste, anticapitaliste et révolutionnaire. Selon les historiens Henry Rousso ou Jean-Pierre Azéma, le projet de Darnand et de certains de ses hommes (les intellectuels pro-fascistes du mouvement) était de faire de la Milice un succédané de parti unique et, à terme, l'ossature d'un authentique régime totalitaire. La montée en force de Darnand dans le régime de Vichy, jusque là avant tout autoritaire et réactionnaire, marque une étape décisive dans la fascisation finale du régime ainsi que dans sa satellisation par les Allemands (Robert Paxton, Stanley Hoffmann).

En août 1943, Darnand fut nommé Sturmbannführer de la Waffen-SS (Waffen-Sturmbannführer der SS, grade réservé aux volontaires étrangers non germaniques) et prêta serment de fidélité personnelle à Hitler dans les locaux de l'ex-ambassade d'Allemagne à Paris, rue de Lille. Les nazis furent cependant longtemps réticents à armer les miliciens, chose qu'ils firent après la publication au JO en juillet 1943 d'un décret autorisant les Français à s'engager dans la Waffen-SS (créant ainsi la Sturm brigade SS Frankreich).

Le 30 décembre 1943, Joseph Darnand fut nommé secrétaire d'État ; le 10 janvier 1944, il devint responsable du Maintien de l’Ordre ; secrétaire d’État à l’Intérieur le 13 juin 1944. A tous les niveaux, les miliciens essayèrent de supplanter les autorités officielles ou d'investir les rouages de l'Etat. C'est ainsi qu'un milicien fut même nommé préfet de l'Hérault au début de 1944.

Sociologie et motivations

En 1944, la Milice fut étendue au nord de la France et les hommes de mains des partis collaborationnistes y furent versés. Les effectifs de la Milice atteindront ainsi près de 30 000 hommes (jamais plus de 15 000 militants réels, selon ses responsables qui avaient pourtant tendance à gonfler les effectifs pour obtenir des crédits). Elle disposait d’un bras armé : la Franc-Garde et d'une école de cadres, installée dans les anciens locaux de l'École des cadres d'Uriage. Elle était alors considérée comme un corps d'armée malgré la Convention d'Armistice de 1940. Elle avait même un aumônier général.

On pouvait distinguer trois catégories de miliciens :

La grande majorité des miliciens sont des gens ordinaires qui exercent un métier et ont femme et enfants. Leur activité militante les conduit simplement à participer à des groupes de réflexion, à assister à des réunions ou à des conférences et, parfois, à se mobiliser pour telle ou telle cause humanitaire ou civique. A côté de ces civils, il y a les militaires formant la Franc-Garde L'objectif essentiel de cette troupe permanente est d'assurer le maintien de l'ordre. Certains miliciens ordinaires peuvent être des francs-gardes bénévoles, les bennés, susceptibles d'être mobilisés en cas de besoin. Il existe enfin une structure milicienne destinée à accueillir les jeunes : l'Avant-garde. Sur 10 à 15 000 militants actifs, moins de 4 000 appartiendront à la Franc-Garde, permanents et bénévoles compris.

Selon Max Lagarrigue se retrouvent beaucoup de jeunes marginaux, désœuvrés, chômeurs, paumés, pour beaucoup embarqués dans la Milice par l’appât du gain et le désir d’aventure, sans avoir de réelles motivations idéologiques.

En fait, selon Pierre Giolitto, la majorité des miliciens de base appartenaient à la petite et moyenne bourgeoisie urbaine. Il cite une étude d'André Laurens qui montre qu'en Ariège, c'étaient les employés les plus nombreux (12,9 %), suivis par les commerçants (12,2 %), les sans-profession (9,3 %), les ouvriers agricoles (7,6 %), les artisans et agriculteurs (7,6 %), les ouvriers d'usine (5,9 %), les professions libérales, cadres et patrons (4 %).

Henri Amouroux cite une étude de Michel Chanal qui montre que, dans l'Isère, c'étaient les ouvriers d'usine qui venaient en tête (18,6 %), suivis par les employés (13,7 %). Une étude de Monique Luirard indique que, dans la Loire, sur l'ensemble des miliciens passés devant un tribunal en 1945, 69 % étaient ouvriers, employés ou petits fonctionnaires ; 16,9 % sans profession ; 6 % artisans, commerçants ou agriculteurs ; 3,6 % avaient une profession libérale ; 3 % étaient policiers ou militaires ; 1,8 % patrons.

D'après un sondage socio-professionnel effectué auprès des internés administratifs : 27,3 % étaient employés ou petits fonctionnaires ; 23,4 % artisans ou commerçants ; 19,5 % ouvriers ; 9 % patrons ; 13 % cadres ou professions libérales ; 5,2 % sans profession (femmes) ; 2,6 % cultivateurs.Ainsi, bien qu'il soit difficile de tirer des conclusions générales de ces études partielles, on peut néanmoins constater que la Milice était avant tout formée par des employés et des ouvriers.

Inscription du monument pour le souvenir du docteur Medvedowski, assassiné par les miliciens à Beaumont-de-Pertuis.

La Milice finit par se substituer aux forces de police et coopéra avec la Gestapo, notamment en contribuant activement à l'arrestation des Juifs. Elle disposait d'un service de sécurité dirigé de Marcel Gombert, assisté de Paul Fréchoux, Henri Millou et Joannès Tomasi. Sa Franc-Garde participa dès l'hiver 1943-1944 à la répression sanglante des maquis, à commencer par l'assaut du plateau des Glières fin mars 1944.

La loi du 20 janvier 1944 autorisa la Milice à constituer des cours martiales sommaires : trois juges, tous miliciens, siégeaient anonymement et prononçaient en quelques minutes des condamnations à mort exécutables immédiatement. Elles se chargeront notamment de condamner à mort et de faire exécuter les révoltés de la prison centrale d'Eysses (avril 1944), à qui la vie sauve avait été promise par les miliciens en échange de leur reddition.

Furent aussi exécutés des hommes politiques hostiles à la Collaboration. Dès décembre 1943, le directeur de La Dépêche de Toulouse Maurice Sarraut est exécuté par des miliciens[7] envoyés par les Allemands ainsi que l'ancien ministre du Front populaire Jean Zay ou l'ex-ministre de l'Intérieur Georges Mandel livré par les Allemands à la Milice et exécuté dans la forêt de Fontainebleau en juillet 1944. De même, le député Victor Basch (81 ans), président de la Ligue des Droits de l’Homme (LDH) et sa femme Hélène, dont les exécutions furent dirigées par Paul Touvier du 2e service de la Milice (dont le chef était Jean Degans) venu sur place.

Déstabilisés par leur impopularité auprès de la nette majorité des Français, les miliciens redoublèrent d'extrémisme. Les immeubles de la Milice, à commencer par son QG. Au Petit Casino de Vichy, devinrent des lieux de torture systématique. Les miliciens pratiquaient également la délation, contribuèrent à l'organisation des rafles et se livrèrent parfois, même seuls, à d'authentiques massacres, ainsi à Saint-Amand-Montrond (11 juin 1944) où plus de 80 cadavres de civils seront retirés d'un puits après leur passage.

À la suite de l’exécution par la Résistance le 28 juin 1944 du secrétaire d'État à l'Information Philippe Henriot, membre de la Milice, des miliciens sillonnèrent les rues de Châteauroux en voiture en tirant sur les passants qui s'y trouvaient. De nombreuses autres exactions furent perpétrées à cette occasion, la plus célèbre étant l'exécution de sept Juifs à Rillieux-la-Pape par Paul Touvier. C'est également à la suite de la mort de Philippe Henriot que des miliciens s'emparèrent de Georges Mandel, alors incarcéré à la prison de la Santé, pour l'assassiner en forêt de Fontainebleau.

Manquant toujours d'hommes, Darnand ne disposa jamais de plus de 35 000 adhérents (moins de 15 000 vrais militants), dont beaucoup non armés ou inactifs. Tout comme la LVF, la Milice se montra dès lors peu regardante sur son recrutement : des jeunes gens qui cherchaient à échapper au STO, mais aussi un grand nombre d'aventuriers, de repris de justice, de criminels de droit commun (quoique la grande majorité des miliciens fussent des employés ou des ouvriers).

 

L’uniforme d’un Milicien des années 1940-1945

Ce personnel fit de la Milice une force militaire médiocre, qui n'acquit jamais la confiance des Allemands. D'autre part, le comportement des miliciens les décrédibilisa rapidement vis-à-vis de leurs propres concitoyens. En effet, leur fanatisme pro-nazi de certains se doubla d'une attitude franchement délictueuse : lors de leurs opérations, ils commirent de nombreux vols, viols, cambriolages, rackets, extorsions de fonds, voies de faits sur la voie publique ou contre des fonctionnaires. Vers 1944, la Milice faisait l'objet d'une réprobation quasi générale. L'historien J.F. Sweets montre dans une étude locale (Clermont-Ferrand à l'Heure allemande, Perrin, 1996) comment les hommes de Darnand restaient ultra-minoritaires (200 dans une agglomération de plus de 100 000 habitants) et profondément méprisés et haïs (un enfant de milicien était aussitôt mis en quarantaine par tous ses camarades d'école).

L'horreur de la répression allemande et milicienne en 1944, particulièrement brutale, ouvrait la perspective d'une guerre civile et d'une surenchère terroriste barbare, semblable à la guerre inter-partisane qui survint en Yougoslavie à la même époque.

Redoutant les ultra collaborationnistes convaincus de la Milice, la Résistance abattit dès le 24 avril 1943, un premier milicien, le chef local marseillais Paul de Gassowski, aussitôt promu martyr iconique par la Milice. Néanmoins, si des résistants français ponctuellement exécutèrent des hommes de Darnand pendant les combats et si des cas tortures contre des miliciens capturés furent avérés, il n'y eut rien là de systématique de la part de la Résistance.

D'autre part, comme le montre l'historien Olivier Wieviorka, la violence fut une valeur systématiquement proclamée, exaltée et assumée par Darnand et les siens dans la logique des idéologies de type fasciste ou extrémiste de tous bords (violence révolutionnaire). Au contraire, elle fut toujours regardée avec suspicion par la plupart des résistants et ne constitua jamais, pour la partie d'entre eux ayant choisi la lutte armée, qu'un mal nécessaire et provisoire. C'est ainsi que le résistant Pierre Dunoyer de Segonzac, qui reconnut un jour de 1944 Darnand parmi les voyageurs en civil de son train, répugna à le dénoncer au maquis qui avait arrêté le train quelques minutes, et lui sauva de fait la vie.

Le 6 août 1944, Pétain finit par désavouer - dans une lettre qu'il ne rendit pas publique les exactions des hommes de Darnand, trop tardivement pour que ce dernier en soit dupe. Pendant quatre ans, répondra-t-il caustiquement, j'ai eu le droit à tous vos encouragements parce que ce que nous faisions, c'était pour la France. Et aujourd'hui que les Américains sont aux portes de Paris, vous commencez à me dire que je vais être la tache de l'Histoire de France. On aurait pu s'y prendre plus tôt !

Arrestation de partisans français par les miliciens de Darnan

La Franc-Garde, unité paramilitaire de lutte contre la Résistance

La Franc-Garde permanente, unité paramilitaire en uniforme, fut constituée en juin 1943 en vue, selon les propos de Darnand dans son discours-programme du 30 janvier 1943, d'être instruite techniquement et préparée au combat de manière à être toujours prête à assurer le maintien de l'ordre. Elle devait être composée d'hommes jeunes et sportifs, volontaires et sélectionnés après un an d'appartenance à la Milice. Les francs-gardes, les seuls miliciens en uniforme, adoptèrent la tenue bleue des chasseurs alpins, modèle 1941 (pantalon ski sur guêtres et brodequins, vareuse et ceinturon, chemise kaki, cravate noire, béret incliné sur le côté gauche). Le symbole du gamma, blanc sur fond noir, fut porté en insigne métallique à la boutonnière droite et en insigne brodé sur le béret.

Soldée, encasernée, la Franc-Garde fut organisée militairement : main (un chef et quatre hommes), dizaine (correspondant au groupe de combat), trentaine (petite section en principe au moins une dans chaque chef-lieu de département), centaine (petite compagnie - en principe au moins une dans chaque chef-lieu de région), cohorte (petit bataillon de trois centaines), centre (petit régiment de plusieurs cohortes). Il existait deux types de centaine : la normale se déplaçant à pied ou à bicyclette et la mobile disposant de motos, autos et camions.

Au début, seuls les cadres furent équipés d'armes de poing. En effet, la Franc-Garde ne fut que lentement et progressivement armée : ce ne fut qu'en automne 1943, à la suite de la recrudescence des attentats contre ses membres, qu'elle reçut quelques pistolets-mitrailleurs anglais récupérés sur les parachutages alliés, qu'en janvier 1944 qu'elle fut autorisée à puiser dans les stocks d'armes légères de l'armée d'armistice et qu'en mars 1944 qu'elle put former une section de mitrailleuses et une de mortiers pour participer à l'attaque du maquis des Glières. Finalement, chaque dizaine fut dotée de deux pistolets-mitrailleurs anglais Sten, d'un fusil-mitrailleur français MAC 24/29 et de fusils français MAS 36. Les deux premières trentaines furent formées à titre expérimental dans les villes où la dissidence était la plus active : Lyon et Annecy.

Les dénominations de trentaine et centaine ne doivent pas faire illusion sur les effectifs réels. Par exemple, la trentaine d'Annecy, devenue centaine, ne comptait que 72 hommes en mai 1944. Selon le Service d'information du Comité français de la Libération nationale, en février 1944, la Franc-Garde rassemblait 1687 hommes, soit une cohorte à Vichy, une centaine à Lyon, Marseille et Toulouse, et une trentaine dans chacun des quarante-cinq départements de la zone sud. En tout cas, même avec la mobilisation des bénévoles au printemps et en été 1944, l'effectif de la Franc-Garde ne dépassa jamais 4 000 hommes. En principe, toute intervention de la Franc-Garde devait être précédée d'une réquisition écrite ou verbale adressée par le préfet à l'officier commandant l'unité requise.

La fin de la Milice

À la Libération, environ 2500 miliciens et leurs familles prirent le chemin de l’Allemagne où 1800 furent versés dans la 33e Division SS Charlemagne avec les survivants de la LVF, de la Sturm brigade SS dite ensuite Frankreich et d'autres unités auxiliaires. Mais Joseph Darnand dut en abandonner le commandement à un officier général allemand et partit en Italie du Nord avec 500 francs-gardes faire la chasse aux partisans.

Épuration

Les miliciens furent souvent les cibles privilégiées de l'Epuration spontanée ou épuration sauvage pratiquée par les FFI au cours des combats de la Libération et immédiatement après le départ des Allemands. De nombreux miliciens furent alors exécutés sommairement, parfois en groupes (pour prendre un cas extrême, 77 sur 97 prisonniers en une seule journée au Grand-Bornand en Haute-Savoie fin août 1944, après un jugement expéditif).

L'Epuration légale organisée par le gouvernement provisoire condamna aussi nombre de miliciens à la peine de mort, à la prison ou aux travaux forcés.

Joseph Darnand, capturé par les partisans italiens, fut remis aux autorités françaises, puis condamné à mort et exécuté le 10 octobre 1945 à l’issue d’un procès.

En 1994, après des décennies de cavale, Paul Touvier devint le premier Français condamné spécifiquement pour crimes contre l'humanité.

La collaboration

Des soldats oustachis (fascistes croates) tuent une victime au poignard et à la baïonnette. Yougoslavie, entre 1941 et 1944.


02/03/2013
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AGENTS DE LA GESTAPO À AGEN

Agents de la Gestapo en France

 

Chefs de la gestapo d’Agen

 

Dans un extrait d’interrogatoire, en date du 29 août 1945, par la police de Toulouse, Hanack indique qu’il s’est joint avec Klarck à l’équipe de Prosper Delpuch dit Bouboule pour aller procéder à l’arrestation de Raymond Guichard à Bon  Encontre. 

Henri HANACK  le balafré 

Bouboule, deux agents de la gestapo venus de Bordeaux, les miliciens Gaston et un ami de celui-ci et autres avaient préalablement arrêté Eugène Jacques.

Bouboule, Hanack, condamné à mort a été exécuté le 8 février 1946 au matin. Une seule femme était présente : Marie Gaentzler.

Coupre de journal relatant l'arreswtation d'Henri Hanack

 

Francis André dit Gueule tordue à son procès janvier 1946. Lui et sa bande commirent cent vingt crimes, le uns purement crapuleux aux cours d’actions contre les résistants

 

Napolitain Spirito

Dans l’orbite de Francis André, gravitait Tony Saunier protecteur de l’actrice Josseline Gaël. Il sera exécuté avec son chef.

Le Corse Venture Carbone détenteur de pièces compromettantes, aurait été visé dans l’attentat du Paris-Vintimille en décembre 1943.

Le 20 août 1944 cent dix résistants prisonniers au fort de Montluc furent embarqués dans un car et une voiture cellulaire qui les conduisirent au fort désaffecté de Saint-Genis-Laval. Ils furent abattus à la mitraillette par des SS. Leurs corps, entassés dans la maison du gardien, furent arrosés d’essence et brûlés. Un membre de l’équipe de Gueule tordue Jean Reynaud était présent lors de l’appel des suppliciés. Sur la photo, après la libération, on effectue des recherches parmi les décombres de la maison du gardien pour retrouvé les restes des résistants.


02/03/2013
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