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RESISTANTS ET RÉSISTANCE


PROCÈS SOUS L’OCCUPATION

MARS 1942 Bataillons de la Jeunesse FTPF

Du sabotage à la lutte armée, être l’enclume ou le marteau

En 1941, explique Albert Ouzoulias, alias colonel André, dans Les Bataillons de la Jeunesse, l’heure est venue d’un développement sur une plus large échelle de cette forme avancée de la lutte. La lutte armée, les actions des francs-tireurs sont un des moyens les plus efficaces pour freiner et même faire reculer le terrorisme de l’ennemi. Si, à ce moment, le Parti communiste et sa direction avaient reculé, comme le lui conseillaient certains attentistes, c’était la capitulation et le déshonneur. Notre pays n’aurait joué aucun rôle dans la grande bataille qui se livrait dans l’Europe entière et n’aurait pas ensuite été capable de participer comme il le fit aux ultimes combats libérateurs de 1944. La répression aurait été encore plus terrible pour des dizaines de milliers d’hommes et de femmes emprisonnés ou jetés dans les camps de concentration en France et pour la population française en général. » Et à ceux qui inversent les rôles pour justifier leur refus du combat armé pendant l’Occupation, il pose cette question : Qu’avaient-ils fait, les 90 000 israélites de France qui sont allés mourir dans les fours crématoires d’Auschwitz avec les 6 millions de juifs de toute l’Europe ? Qu’avaient-ils fait, les dizaines de milliers d’ouvriers français déportés du travail envoyés dans des camps et qui sont allés mourir sous les bombardements dans la Ruhr ? Fallait-il attendre d’être tous déportés en Allemagne pour commencer la résistance ?
 Les francs-tireurs s’organisent
Côté communiste, on comptait au lendemain de l'armistice trois organisations à l'échelon national qui menaient des actions de lutte armée, chacune ayant sa direction propre :
l'OS (Organisation Spéciale), organisation de protection des militants du Parti communiste lors des manifestations, distributions de tracts, prises de parole et autres actions de propagande; les Bataillons de la Jeunesse, composés de militants issus des Jeunesses communistes; les groupes spéciaux de la MOI (Main-d’œuvre Immigrée), qui regroupaient les antifascistes immigrés.
La coordination est assurée par Eugène Hénaff. En avril 1942, la direction du Parti communiste, dans un souci d'efficacité, charge Charles Tillon d'unifier l'ensemble de l’organisation. Ce seront les FTPF (Francs-Tireurs et Partisans Français), ouverts à tous les patriotes.
Un comité militaire est constitué, il comprend entre autres Albert Ouzoulias (colonel André), ancien responsable des Bataillons de la Jeunesse, qui en assurera la direction militaire. Il a comme adjoint Pierre Georges (futur colonel Fabien). Ce celui-ci sera le premier, à la station de métro Barbès, le 21 août 1941, à ouvrir le feu sur un officier allemand.
Roger Hanlet, Acher Semahya, Robert Peltier, Christian Rizo, Tony Bloncourt, Pierre Milan et Fernand Zalkinov seront parmi les premiers à participer dès juillet 1940 à ces actions de résistance qui se multiplient sur le territoire. Ils ont alors conscience de reprendre la tradition des patriotes de 1814 et des francs-tireurs de 1870 qu’arma Gambetta, ces combattants de la République animés par l’esprit de 92 et dont Victor Hugo exaltait ainsi le combat :

Vous n’êtes pas armés, qu’importe,
Prends ta fourche, prends ton marteau,
Arrache le gond de la porte,
Délivrez, frémissant de rage,
Votre pays de l’esclavage
Et votre mémoire du mépris.

Ceux qui ont résisté n’étaient nés ni héros ni martyrs. Ils étaient nés pour une vie normale : travailler, apprendre, penser, créer, jouer, rire, aimer. Mais l’intolérable, les circonstances exceptionnelles de cet horizon soudain rayé d’une croix gammée les ont élevés au-dessus d’eux-mêmes, dans le combat qu’ils ont gagné - grâce à leur sens de la vie, de la justice et de la liberté, grâce à leur attachement à la nation française : cette "Douce France", synonyme dans le monde entier de Liberté, Égalité, Fraternité.
Tony Bloncourt, Roger Hanlet, Pierre Milan, Robert Peltier, Christian Rizo, Acher Semahya, Fernand Zalkinov ont lutté pour la dignité et la fraternité entre les hommes, contre le fascisme et l’hitlérisme dont ils ont connu la domination la plus monstrueuse, la plus perverse que l’humanité ait jamais endurée. La liberté et la paix qu’ils ont voulue pour nous sont toujours à défendre.
Ils rêvaient d’égalité et de fraternité humaine. Ce flambeau, nous avons tous le devoir de le préserver et de le transmettre aux générations futures.

Dès juin et juillet 1940 des appels à la lutte sont lancés : d'Angleterre par la voix du général de Gaulle et, en France occupée, à l'initiative du PCF - ce sera l'appel du 10 juillet 1940 de Maurice Thorez et de Jacques Duclos, qui encourage à créer un front de la liberté, de l'indépendance et de la renaissance de la France, et proclame qu'il n'y a de paix véritable que dans l'indépendance des peuples.
Dans le XIe arrondissement, riche de toute une tradition de lutte, les premières mesures adoptées par les autorités vichystes sont mal accueillies, en particulier parmi les jeunes. Ceux-ci n’entendent pas subir ce régime au service de l’occupant ; dans les classes supérieures des lycées, dans les facultés, dans les Auberges de Jeunesse, aux Jeunesses communistes ils se mobilisent et organisent une résistance au pouvoir autoritaire, antirépublicain et de collaboration avec l’ennemi.
Ouvriers, employés, petits artisans, étudiants n’attendront pas juin 1941 et l'entrée en guerre de l'Union soviétique pour engager la lutte sous des formes variées :

Propagande anti-vichyste et anti-allemande par tracts, affiches, prises de parole sur les marchés, dans les files d'attente, publications clandestines.
attaque des permanences des associations et partis collaborateurs (RNP de Déat, PPF de Doriot), sabotage des réunions organisées par les maréchalistes (Georges Claude à la Sorbonne, etc.), manifestations publiques contre l’arrestation de Paul Langevin et contre la révocation du recteur Gustave Roussy, participation aux manifestations étudiantes des 8 et 11 novembre 1940,grèves dans les Centres de Jeunesse, actes de sabotage et récupération d'armes.

Les enfants de France, à l’avant garde
Début juillet, la Sorbonne rouvre ses portes. Son grand amphithéâtre doit accueillir un cycle de conférences animé par Abel Bonnard et Georges Claude et dont l'inauguration est prévue pour le 26 juillet. Dans un témoignage recueilli par Claude Souef, François Lescure déclarait : Nous savions qu'il devait y avoir des projections illustrant la conférence, et nous avons décidé de faire un lancer de tracts dès que la salle serait obscure. Les tracts en question étaient l'
appel du 10 juillet de Thorez et de Duclos. Le jour venu, deux étudiants de la faculté des sciences, Christian Rizo et Félix Kauer, passent à l'action depuis le balcon de l'amphi. François Lescure : Il y a eu une espèce de ahahah !, de cri général ; les tracts voletaient dans le faisceau lumineux du projecteur ; la lumière a été vite rallumée. Les deux trouble-fête seront arrêtés, emprisonnés à la Santé puis relâchés sans jugement le 10 octobre. Leur action spectaculaire constitue, souligne Claude Souef, la première manifestation organisée, chez les étudiants, d'opposition à l'occupation, à la collaboration. Il signale que, par la suite, des accrochages se produiront entre étudiants et soldats allemands, notamment au café d'Harcourt, à l'angle de la place de la Sorbonne et du boulevard Saint-Michel.

 

Libérez Langevin
C'est dans ce climat que survient l'annonce de l'arrestation, le 30 octobre, du professeur Paul Langevin, éminent physicien et antifasciste. La nouvelle soulève l'indignation de nombreux étudiants et enseignants. Une manifestation a lieu le 8 novembre au Quartier latin. Les étudiants se rassemblent aux cris de Libérez Langevin, avant d'entonner La Marseillaise puis de se disperser. Parmi eux, Pierre Daix et Bernard Kirschen. Et aussi Sam Radzinsky, ancien lycéen devenu postier pour des raisons économiques. Il raconte : On a commencé à manifester à l'intérieur de la Sorbonne, on a balancé des tracts, puis on est sortis sur la place... On a encore crié Libérez Langevin et lancé des tracts. A la fin, on s'est retrouvés au comptoir du Dupont-Latin, Tony Bloncourt, Christian Rizo, Rosine Pitkowitz et moi, pour prendre un café.

 

La grande manifestation du 11 novembre 1940 aux Champs-Élysées
C'est la première grande démonstration de résistance à l'occupation et à la collaboration. Il y a là des lycéens, des étudiants, des professeurs. Le récit varie selon les témoins.
Claude Souef : Des lycéens venant à pied, en cortège, déposent des gerbes sur la tombe du Soldat inconnu. La foule est dense. Finalement, la police interdit l'accès au terre-plein. Sur les Champs-Élysées, des incidents se produisent avec des groupes de jeunes fascistes de Jeune Front et de Garde-française, qui ont leur permanence sur l'avenue.
Sam Radzinsky, venu avec son copain Jean Verger, dit Nicolas (il sera fusillé deux ans plus tard), restera bloqué à l'endroit où se situait le Lido à cette époque, puis devra regagner son lieu de travail. C'est ensuite l'intervention allemande.

Claude Souef de nouveau : Des voitures et des motos zigzaguent sur les trottoirs, pourchassant les manifestants qui se replient dans les rues voisines. Il y a des tirs de mitrailleuses, des blessés, des arrestations nombreuses (témoignage cité dans L'Humanité du 11 novembre 2001).

François Lescure, responsable UNEF.A dix-sept heures exactement, un cri énorme : vive la France, éclate à hauteur du cinéma George-V, sur le trottoir de droite que remontent de nombreux groupes de jeunes. On chante La Marseillaise. Il y a, dans la foule, des anciens combattants. La Marseillaise éclate à nouveau, suivie du Chant du départ, puis de Vive la France, A bas Pétain, A bas Hitler.

Les Allemands matraquent et chassent les manifestants à coups de crosse de fusil. La Marseillaise continue, tous les étudiants se battent.

Par grappes, les étudiants sont embarqués dans des camions bâchés. Ceux qui échappent à l'arrestation se regroupent encore. Exaspérés, les nazis tirent. Ils assassinent une dizaine de jeunes on en ignore encore le nombre exact et en blessent davantage encore. Il y a une centaine d'arrestations. La chasse à l'homme continuera tard dans la nuit.La presse vichyste ne souffla mot de l'événement. Le 15, elle annonça la révocation du recteur Gustave Roussy et du secrétaire général d'académie Maurice Guyot. Le lendemain, un communiqué officiel indique que les autorités allemandes ont ordonné la fermeture de toutes les institutions universitaires à Paris. L'Université ne sera rouverte que le 20 décembre. Un mois plus tôt, vingt et un étudiants communistes avaient été arrêtés. Ils seront jugés le 1er mars 1941 et condamnés à différentes peines de prison.

Aragon célébrera cette manifestation dans Les enfants de France(Le crime contre l'esprit) :Dans Paris bâillonné, le 11 novembre 1940, moins de cinq mois après qu'un maréchal de France eut proclamé que la Patrie avait touché la terre des épaules, les étudiants descendirent dans la rue, et leur jeune voix retentit si haut que la France tout entière l'entendit et cessa de croire à la défaite. L'ennemi ne s'y trompa pas. On était au lendemain de Montoire, et cette manifestation des étudiants de Paris, il y vit bien le désaveu national de la politique de soumission instaurée  par les capitulards.

 

Arrestation du groupe
Suite à l’entrée des Allemands, ordre avait été donné de remettre aux autorités toutes les armes éventuellement détenues. Beaucoup se retrouvèrent ainsi dans les égouts, voire dans les poubelles. Un copain d’Hanlet n’appartenant pas à la Résistance a l’imprudence de montrer à sa fiancée les revolvers récupérés qu’il va lui fournir.Celle-ci le rapporte à son père qui le répète à un autre de bavardage en bavardage, on débouche sur une dénonciation à la police. La Brigade spéciale criminelle”dirigée par le commissaire Georges Veber arrête Roger Hanlet, Pierre Milan et Acher Semahya le 30 octobre 1941. Le lendemain 31 octobre, c’est le tour de Fernand Zalkinov et le 1er novembre Robert Peltier est arrêté sur son lieu de travail. Christian Rizo se fait prendre le 25 novembre dans un cinéma. Tony Bloncourt, qui a pu échapper à l’arrestation, est hébergé par des copains étudiants dont Pierre Daix. Il sera arrêté le 6 janvier lors d’un contrôle de police.
Le groupe est emprisonné à la prison de la Santé et mis au secret, avant d’être livré aux autorités allemandes. Le 6 mars 1942, jour du verdict, le président de la cour martiale allemande se félicitera d’ailleurs de l’excellente coopération des polices française et allemande, et c’est Veber en personne qui viendra recevoir les félicitations.

Un procès expéditif

Il semble que fin février 1942, le nouveau gouverneur militaire en France, Karl Heinrich von Stülpnagel, sur l’avis de ses services juridiques, ait décidé de monter une série de procès à grand spectacle pour frapper l’opinion française et tenter de mettre un terme aux attentats.
Le commandement militaire allemand organise donc un procès à la Chambre des Députés, alors siège de différents services du Kommandant von Gross-Paris, procès auquel peuvent assister les journalistes de la zone occupée, de même que ceux de la zone non occupée. La Propagandastaffel est également présente. Il apparaît même, d’après la presse de l’époque, que le procès fut filmé, mais la bobine n’a pas été retrouvée, comme elle l’a été pour le second procès à grand spectacle qui, celui-là, eut lieu à la Maison de la Chimie en avril 1942.
Mercredi 4 mars. L’accusation.
Jeudi 5 mars. Les débats.
Vendredi 6 mars. La défense et le verdict.
Les sept jeunes sont défendus par des avocats alsaciens commis d’office. L’acte d’accusation, que les avocats reçoivent le 2 mars, leur apprend que leurs clients sont jugés pour Freischärlerei, c’est-à-dire activité de francs-tireurs. On retient contre eux 17 actions de sabotages, incendies et attentats.Nous ne dirons rien des débats, ne pouvant reprendre à notre compte la relation qui en fut donnée par les journaux de l’époque, lesquels s’évertuèrent à comparer les sept jeunes résistants à de vulgaires bandits à la solde de la ploutocratie Anglo-judéo-bolchevique. Ils rapportèrent les faits en les déformant, en y ajoutant des qualificatifs infamants et mensongers, voire racistes à l’égard de certains.
La lecture de cette presse laisse cependant transparaître une attitude digne et courageuse. Ce qui fut confirmé par ceux qui assistèrent au procès, notamment par Yolande Bloncourt, la tante de Tony. Ils se transformèrent tous en accusateurs, s’attachant à replacer les faits dans le contexte réel de l’occupation de leur pays. Ils ne contestèrent nullement leurs actes, mais au contraire les revendiquèrent pleinement. J’ai agi en patriote et par conviction communiste, dira Robert Peltier. La perspective d’être fusillé ne le retint pas une seconde, ajoutera l’officier nazi présidant la cour martiale. Cette attitude combative fera dire au Pariser-Zeitung qu’ils répondirent avec une effrayante insolence aux accusations. Le journal de Doriot, Le Cri du peuple, écrivit que pendant la suspension d’audience qui précéda le verdict, les terroristes firent preuve d’un cynisme déconcertant, en riant et plaisantant, alors qu’un peu avant, ils avouaient une fois de plus les attentats.

Samedi 7 mars Deux jours avant l’exécution de la sentence, la maman de Christian Rizo fut autorisée à aller voir son fils à la Santé pour les derniers adieux ; elle ne put le voir qu’à travers un grillage. Sur son insistance, Christian finit par lui avouer, entre autres confidences, que lui et ses camarades avaient été odieusement maltraités par les policiers de la Brigade spéciale criminelle et qu’il en était écœuré. Trop courageux et trop fier pour se plaindre, l’euphémisme qu’il utilisa en disait long sur la gravité des sévices endurés. Lundi 9 mars Étudiants et professeurs font circuler en Sorbonne une pétition demandant le recours en grâce. Elle se couvre rapidement de signatures, certains professeurs y ajoutent des éloges et des annotations.
Yolande Bloncourt, arrivée au fort du Mont-Valérien, ne sera pas autorisée à voir Tony et ses camarades avant leur exécution ; elle sera refoulée mais entendra un puissant cri : Vive la France!, suivi d’une salve nourrie. Maître Wilhelm, l’avocat alsacien du Barreau de Paris désigné d’office pour assurer la défense de Christian Rizo et Tony Bloncourt, assistera à la mort des sept jeunes résistants ; dans une lettre adressée le jour même à Mme Rizo, il témoignera qu’ils ont pris congé dans la dignité, le courage et la foi de leur conviction. Il ajoutera : Vous ne devez penser qu’avec honneur à votre fils et accepter le malheur qui vous frappe si durement comme si Christian avait été tué en soldat à la guerre. Il n’y a que cinq poteaux Roger Hanlet et Robert Peltier seront fusillés immédiatement après leurs camarades, avec trois autres patriotes.
Dès que la nouvelle sera connue, le XIe arrondissement se couvrira de papillons, de tracts, d’affichettes réalisées à la main ou à la machine, afin d’honorer la mémoire des sept martyrs et d’appeler au renforcement de la lutte contre l’occupant. L’arrestation et l’exécution des sept membres des Bataillons de la Jeunesse n’ont pas pour autant stopper le combat contre l’occupant. Albert Ouzoulias (colonel André) assure la direction des opérations, assisté de Pierre Georges (colonel Fabien), avec comme agents de liaison leurs courageuses épouses respectives, Cécile Ouzoulias et Andrée Georges. Ils dirigeront, impulseront les initiatives et participeront aux actions, y compris les plus dangereuses. Fabien et son épouse seront arrêtés plusieurs fois ; lui réussira, comme Ouzoulias, à s’enfuir. Andrée Georges sera déportée et, heureusement, nous reviendra des camps.
Les autres groupes parisiens des Bataillons de la Jeunesse réalisent plus de quarante opérations du 6 septembre 1941 au 29 mai 1942 ; ils sont dirigés par : Marcel Bertone (21 ans), Pierre Tourette (23 ans), Paul Tourette, Louis Coquillet (21 ans), Marcel Bourdarias (18 ans), Maurice Touati (21 ans), René Toyer (20 ans), Pierre Tirot, Georges Tondelier (20 ans), Maurice Feferman (21 ans), Gérard Hilsum, Jean Quarré (22 ans), André Aubouet (18 ans), Raymond Tardif, Jean Garreau (29 ans), Bernard Laurent (20 ans), André Kirschen (15 ans et demi), Camille Drouvot, Roger Debrais, Maurice Feld (18 ans), Maurice Le Berre (19 ans), Karl Schoenhaar (17 ans et demi), Guy Gauthier, Lucien Legros, Pierre Benoît, Rousseau (Dupré), Baraqui, André Biver, Pierre Leblois, Jacques D’Andurain. A ces actions s’ajoutent celles, nombreuses, de l’Organisation Spéciale (OS), conduites par Yves Kermen, Louis Marchandise, Raymond Losserand, Gaston Carré, Roger Linet, Henri Tanguy (colonel Rol) et des groupes spéciaux de la MOI dirigés par Miret-Must.
Le journal collaborationniste de Déat, L’Œuvre du 3 mars 1942, dénombrera 230 attentats et sabotages du 1er juillet 1941 au 18 février 1942 dans la seule région parisienne, ce que confirmera le sinistre commissaire Veber qui, lors de son audition devant la cour de justice du CNR, déclarera que les attentats étaient devenus quotidiens.

1942 procès àa la chambre des députés

Le 4 mars 1942 se déroula, dans la Chambre des députés, à l’endroit même où le nazi Rosenberg avait prononcé une apologie du national-socialisme, le procès de sept très jeunes résistants, procès qui devait, dans l’esprit de l’ennemi, être un élément d’intimidation de la Résistance en cours de développement. Le 4 mars, dans la salle de la Présidence, étaient introduits sept jeunes résistants enchaînés. Le tribunal était entièrement composé d’officiers nazis. Non seulement la presse et les actualités cinématographiques sont présentes, mais, à la tête de nombreux officiers hitlériens et d’une cour de collaborateurs, se trouve von Stülpnagel en personne.

Le journal allemand publié chez nous, le Pariser-Zeitung, exposa le 5 mars que les sept jeunes se voyaient accuser de dix-sept opérations de guerre. Il écrivait : Les deux intellectuels de la bande que l’on juge, les étudiants Christian Rizo et Tony Bloncourt, ont commencé à militer au sein d’un Front dit National Ils passèrent à l’action, croyant peut-être au début servir sous le drapeau combien périmé de Déroulède. Et suit cette phrase invraisemblable: L’un d’eux alla jusqu’à parler des armées étrangères qui occupaient la France. Est-ce à dire que les armées allemandes n’étaient pas étrangères ? La France était donc l’Allemagne !

Quant au journal de Doriot, ce même 5 mars il écrivait : Tous les accusés ont dit comment ils comprenaient le fameux Front National, organisation bolchevique camouflée allant des gaullistes aux communistes. Le journal allemand précité de préciser, avec un grand frisson d’horreur : “Un des accusés, par exemple, avait fait partie des Jeunesses (communistes) avant la guerre.

La parodie de procès dura trois jours. Le jugement - si l’on peut employer ce mot - se félicite de l’excellente collaboration fournie par la police française. Il condamne à mort Roger Hanlet, Acher Semhaya, Robert Peltier, Christian Rizo, Tony Bloncourt, Pierre Milan et Fernand Zalkinov. Le 9 mars, les sept héros sont fusillés au Mont-Valérien. L’un d’eux, Fernand Zalkinov, dédia sa dernière lettre à sa soeur, la chargeant d’être son interprète auprès de ses parents : il ne savait pas que son père et sa mère étaient déjà déportés et mourraient à Auschwitz.
Extrait d’un article paru en mars-avril 1999

Plaque commémorative a été apposée sur la façade nord de l’Hôtel de Lassay

Que sont devenus les autres
Que sont devenus les autres combattants ayant participé à ces opérations mais qui ne comparurent pas en cour martiale les 5, 6 et 7 mars 1942 ? Sept combattants appartenaient à d’autres groupes des Bataillons de la Jeunesse dont l’un avait combattu en Espagne. Trois venaient des Brigades internationales.
Pierre GEORGES (le futur colonel Fabien) (22 ans). Ancien combattant à dix-sept ans des Brigades internationales, il commandera après la libération de Paris le Groupe Tactique Lorraine composé de volontaires parisiens des FTP. Cette unité sera intégrée dans l’Ire armée par le général de Lattre de Tassigny. Ce sera le 151e régiment d’infanterie, unité qui sera l’une des premières à franchir le Rhin. Fabien sera tué le 27 décembre 1944 à Habsheim dans le Haut-Rhin.
Gilbert BRUSTLEIN (22 ANS), qui commande le groupe, a participé à de nombreuses opérations. Il échappe de peu à l’arrestation, passe en zone sud puis en Espagne, avant de gagner l’Algérie.
Marcel BOURDARIAS (17 ANS 1/2). Après de nombreuses actions, il sera arrêté et fusillé le 17 avril 1942 (procès de la Maison de la Chimie).
Jacques D’ANDURAIN (23 ANS). Après de nombreuses actions en zone nord, il passera en zone sud et continuera la lutte jusqu’en 1944.
Jules DUMONT (colonel) (53 ans). Grièvement blessé en 14-18, il reçoit la Légion d’honneur. Volontaire en Espagne, commandant de la célèbre 14e Brigade internationale (composée de Français, elle prit le nom de Brigade la Marseillaise), il participe à de très nombreuses opérations sous l’Occupation ; arrêté, il sera fusillé le 15 juin 1943.
Maurice FEFERMAN (19 ANS). Après de très nombreuses actions, il préférera se tuer avec sa dernière balle, le 10 mai 1942, plutôt que de tomber aux mains des Allemands.
Albert GUEUSQUIN (19 ANS). Après de très nombreuses actions, il sera arrêté et fusillé le 9 juillet 1943.
Maurice LE BERRE (19 ANS). Après de très nombreuses actions, il sera arrêté le 28 août 1942, s’évadera le 1er janvier 1943, sera de nouveau arrêté quinze jours plus tard, puis déporté. Il reviendra des camps de la mort en 1945. Il est aujourd’hui décédé.
Conrado MIRET-MUST. Républicain espagnol, il est le premier dirigeant fondateur des Francs-Tireurs de la MOI. Il sera arrêté après de très nombreuses actions. Il mourra sous la torture avant l’ouverture du procès de la Maison de la Chimie lors duquel il devait comparaître le 15 avril 1942.
Spartaco GUISCO (28 ans). Antifasciste italien, ancien des Brigades internationales. Il participe à de très nombreuses actions. Il est arrêté et fusillé le 17 avril 1942 (procès de la Maison de la Chimie).

Procès de la maison de la chimie 7-14 avril 1942

Du 7 au 14 avril 1942, vingt-sept combattants appartenant aux Bataillons de la Jeunesse et à l’Organisation Spéciale (OS) comparaissent devant une cour martiale réunie à la Maison de la Chimie, après avoir été, comme les sept jeunes combattants du XIe arrondissement, arrêtés et livrés par la police vichyste à ses homologues allemands. Arrêté en même temps que ses camarades, Conrado Miret-Must, républicain espagnol et fondateur de la MOI, ne comparaîtra jamais devant le tribunal : il fut massacré avant même l’ouverture du procès, dans les locaux du sinistre Brigade spéciale n° 2 créée par Pétain.
Vingt-cinq de ces combattants seront exécutés, parmi lesquels vingt-trois fusillés au Mont-Valérien immédiatement après le procès. Les Allemands, voulant faire assaut de mansuétude, commuèrent la condamnation à mort en déportation pour quatre d’entre eux : ce sera le cas de Paul et Marie-Thérèse Lefebvre, ainsi que d’André Kirschen, âgé de 15 ans, et de Simone Schloss, laquelle sera cependant décapitée par les nazis à Cologne le 2 juillet 1942. D’autres procès suivront, le plus souvent à huis clos. Près de 9000 combattants seront exécutés par les nazis dans la région parisienne, 21000 en province. Sans oublier les dizaines de milliers de déportés-résistants qui ne revinrent pas et les milliers d’otages exécutés.

Bataillon de la Jeunesse

André Aubouet  janvier 1923-17 avril 1942

Né à Paris (XIe), domicilié 15 rue de Vanves (actuelle rue Raymond-Losserand, XIVe). Il fréquente l’école primaire de la rue Pierre-Larousse et fait du sport au gymnase de la rue Huyghens. Après son certificat d’études il est engagé comme apprenti à l’Imprimerie nationale où travaillait déjà son père.

Le 20 janvier 1942, 15 boulevard de Vaugirard (métro Bienvenüe), il participe avec Jean Garreau et Raymond Tardif à un attentat contre un soldat allemand de la poste militaire nommé Pepling, lequel est sérieusement blessé. Nous manquons d’informations concernant les autres opérations auxquelles il a participé. Il semble qu’il opérait le plus souvent avec Garreau et Tardif. Il a été arrêté en mars 1942 sans que nous puissions préciser le jour.

Marcel Bretone 9 octobre 1920-17 avril 1942

Né à Lyon, au cœur du quartier de la Croix-Rousse. Marié, père d’un enfant, domicilié 6 rue de La Folie-Méricourt (XIe). Membre des Jeunesses communistes, il s’engage dans les Brigades internationales à l’âge de 16 ans. Il sera blessé à trois reprises durant les combats.
Rentré en France en 1939, il remplace Albert Ouzoulias (futur colonel André) comme secrétaire des Jeunesses communistes de la région lyonnaise. Cela ne l’empêche pas de partir presque chaque dimanche faire du camping à la campagne.
Il travaille comme aide-comptable mais en septembre 1939 il est interné, comme de nombreux responsables communistes, au fort du Paillet à Dardilly-le-Mont (Rhône), puis au fort Barraux à Riom-ès-Montagnes (Cantal), à Carpiane près de Marseille, et enfin au camp de Chibron (Var) d’où il s’évade le 7 octobre 1940. Pendant son internement, il épouse sa compagne Jeannette Fédit dont il aura une fille. Après son évasion, il est contraint de gagner sa vie comme conducteur de vélo-taxi. Il est arrêté le 18 décembre 1941 alors qu’avec ses camarades Touati et Coquillet il était en train d’incendier des camions de la Wehrmacht rue Lamartine, à l’angle de la rue Buffault (IXe).
La veille, le 17, il avait également incendié avec eux un camion allemand en stationnement rue Mayran (IXe). Poursuivis par des soldats allemands et des gardiens de la paix, Maurice Touati et Louis Coquillet parviennent à s’échapper. Bertone se réfugie au 26 de la rue Cadet, mais le locataire (un opérateur de cinéma) de l’appartement où il s’est réfugié le livre à la police. Lors de son arrestation étaient présents, dit le procès-verbal, le commissaire principal Charles Dubelon, le commissaire divisionnaire Silvestre, le commissaire principal Veber, chef de la Brigade spéciale P.J. et le major allemand Weigert. Marcel Bertone était emmené à 0 h 35 à la Feldgendarmerie.

Marcel Bourdarias alias Alain 23 janvier 1924-17 avril 1942

Né à Paris (XIIIe), domicilié 16 rue Anatole-France à Alfortville. Fils d’un ouvrier cimentier originaire de la Corrèze. Entré en 1937 à l’école Arago, place de la Nation (XIIe), il adhère aux Jeunesses communistes en 1938, à Saint-Ouen. Entre en contact avec des jeunes militants qui participeront à la formation des groupes armés des Bataillons de la Jeunesse et de l’Organisation Spéciale (OS). S’il n’est pas toujours facile de préciser sa participation aux très nombreuses actions effectuées par son groupe, on peut néanmoins l’associer avec certitude aux opérations suivantes:

Le 14 août 1941, grâce à des renseignements fournis par deux ouvriers de l’usine, Bresler et Lastennet, Maurice Le Berre et son groupe attaquent l’usine des Isolants de Vitry (163 boulevard Amouroux à Vitry-sur-Seine), qui fabrique du matériel destiné aux sous-marins et aux avions allemands. Maurice Le Berre lance des bouteilles incendiaires, tandis que Jacques d’Andurain et Marcel Bourdarias assurent la protection, assistés de Roger Hanlet et Pierre Milan.

Du 15 au 17 août 1941, il participe au stage d’entraînement organisé par Albert Ouzoulias (futur colonel André) et Pierre Georges (futur colonel Fabien) dans les bois de Lardy, près d’Etampes.

Le 19 septembre 1941, il participe à l’opération organisée par Conrado Miret-Must (alias Lucien) contre le garage SOGA (HPK503), 21 boulevard Pershing (XVIIe), où sont réparées les voitures de l’état-major allemand et de nombreux véhicules de la Wehrmacht. Tous les groupes armés de Paris, répartis en quatre ou cinq groupes (le groupe Marchandise, le groupe Le Berre, le groupe Brustlein et un ou deux autres), interviendront. Les dégâts sont très importants, même s’ils ne réussiront pas à incendier l’atelier de menuiserie.

20 octobre 1941 : participation au déraillement du train Paris-Nantes, tandis que Spartaco Guisco et Gilbert Brustlein abattent le Feldkommandant Hotz. Il revient avec un stock de dynamite récupéré dans une carrière.

21 novembre 1941 : participation à l’attentat contre la librairie allemande Rive Gauche du boulevard Saint-Michel (à l’angle de la place de la Sorbonne).

26 novembre 1941 : attentat à la bombe contre la librairie militaire allemande située à l’angle de la rue de Rivoli et de la rue Cambon (Ier). Participent à cette action plusieurs détachements des Bataillons de la Jeunesse et de l’Organisation Spéciale, dont Coquillet.

2 décembre 1941 : participation à l’attentat à la bombe contre le local du RNP (Rassemblement national populaire) boulevard Blanqui, avec Fabien et Coquillet. Cinq cartouches de dynamite font littéralement sauter ce repaire de la collaboration.

6 décembre 1941 : il est en protection lorsque le lieutenant Rahl est grièvement blessé boulevard Pereire (XVIIe) par Louis Coquillet.

15 décembre 1941, 7 h 30 du matin : Marcel Bourdarias et Louis Coquillet, à la tête de leurs groupes, attaquent à la bombe le poste de la Feldgendarmerie situé à l’Hôtel Universel, rue de la Victoire (IXe).

Fin décembre 1941, avec Louis Coquillet, il sectionne un câble de transmission de l’armée allemande dans le bois de Meudon.

3 janvier 1942 : Bourdarias, Coquillet, Gueusquin et quatre autres membres des Bataillons de la Jeunesse attaquent au pistolet et à la grenade une permanence du RNP de Marcel Déat située 11 bis rue de la Procession (XVe). Bilan : les locaux sont détruits et un membre du RNP est blessé.

Arrêté le 3 ou le 5 janvier 1942 par la police française au métro Croix-Rouge, il fut torturé pendant cinq jours et cinq nuits avant d’être remis aux Allemands. Jugé à la Maison de la Chimie, rue Saint-Dominique, avec vingt-six autres résistants, le 14 avril 1942, il fut fusillé par les Allemands le 17 avril 1942 au Mont-Valérien (Suresnes), à l’âge de 18 ans. Il a laissé une dernière lettre d’une touchante simplicité : Chers Amis, Je vous écris une dernière fois pour vous adresser mon adieu. Il est environ 1 heure et à 5 heures je serai fusillé. Donc quelques heures devant moi. Je suis calme et tranquille. Oui pour moi, c’est fini. Je me souviens du bon temps que j’ai passé près de vous et je vous demande de vous en souvenir également. Ne pleurez pas pour moi. Je ne suis pas à plaindre. Mais aimez mon souvenir.

Marcel Bourdarias est enterré au cimetière d’Ivry-sur-Seine. Une rue d’Alfortville porte son nom.


04/03/2013
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GENDAMES DANS LA RÉSISTANCE

Lorsque Pierre Accoce publie son livre, il ne dispose que partiellement des archives de la gendarmerie. Et pourtant, depuis 2001, l’étude que l’auteur a entreprise sur la part prise par la gendarmerie dans la Résistance fait toujours référence et montre que la gendarmerie ni n’a été massivement complice des rafles et des déportations, ni n’a été un instrument zélé au service de l’Etat Vichyste, ni n’a pas été un relais docile de la politique de collaboration. Au contraire de nombreux soldats bleus ont rejoints très tôt la Résistance. Ils ont œuvré dans les réseaux existants, créé leurs propres antennes, combattu dans les maquis. Le quart de l’effectif a participé activement à la Résistance soit 12 000 gendarmes. Un pourcentage dont aucun autre corps de métier ne peut se prévaloir.

En guise de préambule

Sur les 12.000 gendarmes engagés dans la Résistance, 2.161 ont été arrêtés dont 1.141 ont été fusillés, ou morts en Allemagne, en prison ou en camp de concentration, ou tués au cours d’opérations de libération en France. Et 920 sont rentrés de déportation. La croix de la Libération a été décernée à 4, la médaille de la Résistance à 360, la Légion d’Honneur à 351, la médaille militaire à 1.060, la croix de guerre avec citations à

4852, la médaille des justes d’Israël à 7.

Quarante jours ont suffi pour battre l’armée française en 1940 et faire 1.580.000 prisonniers. Le diktat d’Hitler à Rethondes va ruiner la France et la déshonorer lorsque seront refoulés en Allemagne les ressortissants allemands qui s’étaient réfugiés chez nous dont les Juifs. Le 28 Juin 1940, la République bat en retraite et l’Etat français s’installe, le 2 Juillet, à Vichy. En 1939, la gendarmerie compte 54.000 hommes dont 1.514 officiers. A fin Juin 1940, sur les 12.000 gendarmes mêlés aux autres mobilisés, 377 ont été tués et 5.000 faits prisonniers. La garde républicaine à Paris est passée sous le joug allemand. La garde mobile s’est fondue dans la population. La départementale s’est efforcée d’escorter les réfugiés civils. Bref l’institution est disloquée.

Serignan, fil conducteur de la Résistance de la gendarmerie

L’armistice signé, Hitler nomme le Général Otto Von Stülpnagel à la tête de la commission chargée de son application. Elle siège à Wiesbaden et a pour mission de mettre au pas cette France honnie. La faire danser longtemps le ventre creux. La direction générale de la gendarmerie mandate pour la représenter près du Général Huntziger, le Capitaine Sérignan.

Ce Saint Cyrien, ancien du SR, parlant couramment l’allemand, remarqué par sa hiérarchie pour ses qualités hors normes3, est chargé d’obtenir la reconnaissance de la « départementale en zone occupée dans son statut antérieur et que cette dernière en zone libre reste sous l’autorité de la Défense ». Il est également mandaté pour « obtenir le rapatriement des 5 000 gendarmes qui sont prisonniers et faire en sorte que la Wehrmacht évacue les casernements de gendarmerie qu’elle occupe. Arrivé à Wiesbaden, Sérignan, s’appuyant sur des raisons d’ordre public, rédige une synthèse qui prône le retour de la gendarmerie en zone occupée dans ses garnisons du temps de paix et demande pour cette mission 20.000 hommes. Ceci est, finalement, acceptée par Von Stülpnagel sous réserve que son statut soit discuté avec l’administration militaire allemande. Quant à la garde mobile républicaine en zone occupée elle est dissoute et devient, en zone libre, la Garde forte de 6.000 hommes.

Le 19 Juillet, Sérignan s’installe à Paris pour discuter du statut de la Départementale en zone occupée. Les allemands veulent la mettre sous les ordres de la police mais Sérignan obtient du nouveau commandant militaire que, dans un premier temps, quelques milliers de gendarmes se réinstallent dans leurs départements d’origine sauf dans le Nord et dans l’Est en régime d’annexion déguisée. Ensuite, il obtient que, faute de pouvoir maintenir la Garde Mobile en zone occupée, il intègre 7.000 gardes dans la Départementale. Tout ceci fait, en septembre 1940, que la maréchaussée en zone occupée compte 14.600 hommes dont 375 officiers. Pour le retour des 5.000 gendarmes prisonniers, Sérignan obtient d’Otto Von Stülpnagel le retour de 1.000 mis en congé de captivité puis d’un autre millier et, enfin, en mai 1941, de 2.385. Tous les libérés entrent dans la Départementale en zone occupée. Au final, avec la création d’une gendarmerie auxiliaire de 1.000 hommes chargés de la surveillance des ouvrages publics, et le recrutement de 1.200 autres gardes au titre « d’anciens combattants l’effectif visé de 20.000 passe à 23 000. Pour éviter que la gendarmerie passe de la Défense à la police en zone occupée, Sérignan obtient qu’elle soit rattachée à la Délégation générale de l’Etat français à Paris ce qui, de fait, permet à la Direction générale de la gendarmerie près de la Défense d’avoir sous son autorité la Départementale de zone occupée.

Sérignan a mené toutes ces négociations à Paris où il s’est installé comme chef de La section Gendarmerie en Territoire Occupée (SGTO). Au fur et mesure que la Départementale va s’implanter en zone occupée, la SGTO va se décentraliser pour défendre les brigades près des Kommandanturs afin que la Départementale puisse remplir ses missions classiques locales et, du fait des circonstances, des missions occultes relevant de multiples engagements personnels émanant tant de la hiérarchie que de simples gendarmes. Il n’est pas possible de décrire ici tous ces engagements. Pour cela il faut lire le livre. Par contre j’ai retenu quelques engagements qui montreront aux lecteurs de ce digest l’étendue et la diversité des actions de Résistance ainsi que leur foisonnement au sein de la gendarmerie. Sitôt les brigades en place en zone occupée et avec des fiches de démobilisation timbrées à l’avance, par des services militaires de la zone libre qui sont complices, Sérignan et le SGTO va démobiliser des milliers de mobilisés échappés de l’encerclement de leurs unités par les allemands qui les réclament comme prisonniers de guerre ! Les allemands s’aperçoivent de la manœuvre, s’en plaignent et s’en irritent. En particulier, le colonel Helmut Knochen7. Sérignan est contraint à la prudence d’autant qu’à la tête de la Délégation générale de l’Etat français à Paris qui a autorité sur la SGTO, Léon Noêl est remplacé par Fernand de Brinon, germanophile grand teint, reçu plusieurs fois par Hitler dès 1933 et surnommé, dans l’administration préfectorale, l’Anguille eu égard à sa souplesse d’échine.

Le réseau Saint Jacques de maurice Duclos et Jean Verines

Maurice Duclos

A Londres, le général de Gaulle décide, dès Juillet 1940, la création d’un Service de Renseignements en France qui soit en mesure d’identifier les forces et les installations à la disposition des allemands. Pour cela, trois réseaux, dépendant du BCRA, sont créés.

Le premier, depuis Paris, couvrira le Nord et l’Ouest jusqu’à la Touraine. Son responsable en sera Maurice Duclos (photo). Il deviendra le réseau Saint Jacques. Le deuxième, couvrant toutes les côtes du Cotentin à l’Espagne sera confié à Gilbert Renault alias Rémy. Le réseau s’appellera La confrérie Notre Dame (CND). Le dernier, en zone libre, sera confié à Pierre Fourgaud alias Barres deviendra le réseau Luras. Duclos va être le premier agent opérationnel en France. Il installe Saint Jacques à Paris et sa première recrue est le chef d’escadron de gendarmerie Jean Vérines grand mutilé de 14/18 et commandant d’un bataillon de la Garde, place de la République. Duclos le charge d’organiser, au sein de la Garde et de la gendarmerie : un maillage capable d’expertiser l’état des forces terrestres, aériennes et maritimes du 3ème Reich du Nord de la France à la Normandie. Des lieux de passage à travers la ligne de démarcation.

Jean Vérines

Jean Vérines recrute dans son bataillon et au-delà. Ainsi du colonel Jean Baptiste Raby commandant de la 9ème région de gendarmerie de Tours, lui aussi vétéran de 14/18. Ainsi du colonel Emile Boillon, chef de la gendarmerie d’Amiens. En décembre, l’antenne Vérines couvre Paris, la Somme, l’Eure et la Touraine et l’antenne Nord, confiée par Duclos à Lucien Feltesse, un belge, couvre le Nord de la France et la Belgique. Ce sont, en tout, 300 agents qui arrivent à déterminer dans l’armement, l’état des voies routières, ferrées et fluviales, la description des aérodromes qui ont été crées avec des stocks considérables d’essence et de munitions et qui sont protégés par une puissante DCA.

Toutes ces forces sont rassemblées pour la bataille d’Angleterre commencée le 12août 1940. L’assaut va se prolonger pendant quatre semaines puis, le 7 septembre, se déplacer, de la mer et des côtes, sur Londres. 375 bombardiers vont alors pilonner le Londres industriel et populaire, les docks et la centrale électrique de Westham. Le soir même, les bombardiers repartent, armés de bombes incendiaires au phosphore. Et ce, chaque soir jusqu’à la fin septembre 1940. Puis, chaque nuit en Octobre. Au dire d’experts, ce fut Guernica puissance 300. Mais, les britannique tiennent bons. La DCA et la RAF résistent. La Luftwaffe perd 2 375 avions, la RAF, 945. Parmi les civils anglais, on compte 14.621 morts et 20.252 blessés. Le bilan est lourd mais le premier round est gagné par les anglais et Hitler reporte le débarquement. Saint Jacques a d’ailleurs acquis la certitude que la Wehrmacht n’a pas le matériel adapté à un débarquement. Par contre la Kriegsmarine est sérieusement outillée pour une guerre océanique et Hitler décide de continuer à terroriser les anglais par la Luftwaffe et d’affamer avec les U.Boots. Saint Jacques cartographie des lieux de parachutages/atterrissages, organise le passage de la ligne de démarcation pour le courrier, les agents et les aviateurs alliés rescapés. Duclos retourne à Londres, obtient des moyens radios et revient en France avec un radio, Jean Mulemann, qui, retourné par l’Abwehr, va provoquer des désastres en cascade dans le réseau Saint Jacques. En attendant Saint Jacques, poursuit sa recherche de renseignements et est en mesure de décrire pour la Navy, l’importante concentration de sous-marins au Havre.

En parallèle l’Abwehr progresse dans la connaissance de ce réseau et, le 20 juin 1941, la SIPO arrête le Capitaine de gendarmerie Albert Morel et le gendarme Amédée Devineau au moment où ils franchissent la ligne de démarcation. Ils ont sur eux un abondant courrier notamment les plans de la base sous marine de Saint Nazaire. La SIPO attendait les deux agents. Ils avaient donc été donnés. Par Mulemann ? Sans doute.

La SIPO, dans la foulée, intervient à Paris, rate Duclos, mais la torture sans doute aidant, va arrêter le Colonel Raby, le Lieutenant Ernest Laurent et plusieurs de leurs hommes à la 9ème légion de gendarmerie (Tours), le Colonel Boillin, l’Adjudant chef Legrand et plusieurs de leurs hommes (Amiens), le Capitaine Le Flem et plusieurs de ses hommes (Pont l’Évêque).  C’est ainsi que la SIPO arrive à Vérines qui est arrêté le 22 octobre 1941 avec plusieurs gardes. Le docteur Werner Best, qui supervise les liens de la SIPO avec la police française, remarque le nombre élevé de gendarmes arrêtés, mais aussi celui de ceux ayant échappé à la traque. Son chef Helmut Knochen fulmine, convoque Sérignan à l’hôtel Scribe où ce dernier subit injures et menaces visant l’ensemble des gendarmes  Des ennemis du Reich.

Sérignan encaisse. Il connaît la plupart des officiers incarcérés, apprécie leur trempe, la valeur de leurs engagements, partagés le plus souvent par leurs hommes. Il sait que d’autres suivront et qu’il va falloir ajouter au rôle officiel qui est le sien, une fonction délicate près de l’occupant, défendre des compagnons que la détresse guettera.

Le réseau Vérité française du capitaine Descamps

Et ils seront nombreux. Tel le capitaine Henri Clotaire Descamps, basé à Soissons, à la tête de la section locale de gendarmerie antenne du mouvement du Musée de l’homme. Descamps aide le passage en zone libre de quelques prisonniers de guerre évadés, rencontre Daniel Douay et devient, avec lui et seize autres agents dont des gendarmes, un relais du Musée de l’Homme appelé Vérité Française. Descamps collecte avec méthode des renseignements sur les unités ennemies, diffuse la presse clandestine, crée des caches pour stocker les armes. Mais à Paris, Vilde est trompé par un nouveau venu, Albert Gaveau, homme à tout faire ayant le Capitaine Doering de la SIPO comme officier traitant. Gaveau se rend utile à tout le monde et ne tarde pas à connaître l’organigramme de l’organisation secrète de Vilde. La SIPO passe à l’action le 12 février 1941 et arrête Lewitsky, plusieurs avocats faisant partie du réseau du Musée de l’Homme dont Léon Maurice Nordmann et René Georges Etienne. Elle rate de peu le professeur Paul Rivet qui alerte Vilde.

Celui-ci est cependant arrêté le 26 mars. La « tornade » se répand en province avec l’aide de Jacques Desoubries qui, dans le sillage d’un agent de liaison, arrive à Soissons chez Douay/Descamps. Le 25 novembre 1941 la SIPO entre en action, arrête le Colonel de la Rochères qui avait adressé Desoubries à Douay/Descamps, encercle la caserne de gendarmerie de Soissons, roue de coups le Capitaine Descamps, l’arrête avec plusieurs de ses hommes et transfère les prisonniers à Fresnes. Descamps va subir douze interrogatoires musclés. Sans arrêt il est interrogé sur le Musée de l’Homme mais ne parle pas. Il est mis au secret. Un effrayant calvaire l’attend. Sérignan, pour la défense des gendarmes arrêtés, commence par noyer les instances judiciaires occupantes de procédures dilatoires visant à éviter leur comparution devant les tribunaux militaires du Reich. S’il échoue il essaye de minimiser les chefs d’inculpation et fait intervenir un groupe de spécialistes qu’il a constitué. Tous, comme lui, connaissent parfaitement la langue allemande tel Maître Heanning, juriste rigoureux. Lorsque des peines sont prononcées, Sérignan et ses avocats établissent des recours en grâce. Ainsi Sérignan et son service se porteront au secours de plus de 500 gendarmes.

Les gendarme Garin, descamps et Charlot, victimes de la barbarie

Edouard Charlot

Le premier gendarme condamné à mort fut Maxime Garin de la 2ème légion de Picardie. Membre du réseau « Saint Jacques », il est passé par les armes fin décembre 1941 malgré une intervention de Sérignan près d’Otto Von Stülpnagel encore en fonction. Vains sont aussi les efforts de Sérignan pour le capitaine Descamps. Ce dernier, après avoir été très sévèrement torturé, reste au secret à Fresnes pendant 5 mois. Son procès commence le 15 mai 1942. Il sera long. Défendu par Heanning, Descamps est, néanmoins, condamné à mort. Sérignan dépose, alors, un recours en grâce et intercède directement auprès du nouveau chef des troupes d’occupation, le général Karl Heinrich Von Stülpnagel. Sérignan croit avoir gagné lorsque, en septembre 1942, on lui annonce que la peine de Descamps est commuée en 20 ans de forteresse en Allemagne. Mais c’est sans compter sur la duplicité de Von Stülpnagel qui, dès le 22 août 1942 a ratifié l’exécution par décapitation à la hache du condamné. Descamps, le 14 septembre 1942, part en Allemagne. Il passe de prison en prison jusqu’à celle de Brandebourg (près de Postdam) où, le 23 septembre 1942, à 5h21 du matin, il est exécuté. Le 14 août 1942, c’est au tour d’un autre gendarme, Edouard Charlot (photo), d’être condamné à mort.

Sérignan se risque alors à proposer l’échange du gendarme contre un membre de l’Abwehr arrêté en zone libre. Von Stülpnagel accepte apparemment, allant même jusqu’à évoquer une libération, sous réserve de l’accord préalable de Berlin qu’un vaincu ose faire pareil chantage, décide que la peine concernant le gendarme français, formulée par les juges du Reich, sera appliquée à la lettre, à l’allemande par un bourreau allemand C’est ainsi que Charlot est décapité le 4 janvier 1943 à la prison de Cologne. Ces deux exemples d’exécution barbare montrent l’âpreté de la lutte des services allemands contre la Résistance. Outre la généralisation de la torture appliquée sans limite, tout était juridiquement permis aux enquêteurs comme aux tortionnaires. Le croupissement secret en prison, la déportation, l’assassinat comme l’exécution.

One répression qui s’amplifie

Et après le retour au pouvoir de Laval, Darnand d’abord associé à cette répression avec la Milice va disposer sur ordre du général Obert, et ce, à partir de décrets signés par Laval le 10 janvier 1944, des pleins pouvoirs lui permettant de renforcer dans tous les domaines l’action allemande contre la Résistance. Par ces décrets, outre que Darnand devient Ministre de l’Intérieur et conserve près de lui la Milice, passent sous ses ordres directs la gendarmerie, la garde mobile, la police nationale, les GMR, la Préfecture de Police, les sapeurs pompiers de Paris, la garde des communications, les services pénitentiaires, les polices spéciales, les brigades anti-juives et antimaçonniques et les internements administratifs. Darnand reçoit, d’autre part, pleine autorité pour créer d’urgence des tribunaux spéciaux.

Mais si dure que soit cette répression pendant toute l’occupation cela n’empêche pas des gendarmes d’entrer en résistance. Certains créent leur réseau ou développent une antenne de réseau existant. Citons dans ce dernier cas le Maréchal des Logis Chef Paul Joyeux en brigade à Épinal qui après avoir aidé des prisonniers de guerre évadés, être entré au réseau Kleber-Uranus, avoir obtenu avec l’aide de Sérignan et de sa hiérarchie une mise en congé prolongé, entre en clandestinité sous le matricule E.865 et met sur pied une cellule de 50 agents au service du réseau Mithridate du BCRA. Il réussit à installer une centrale radio à Nancy pour la transmission de ses informations, obtient des renseignements sur les forces allemandes dans les Vosges permettant la destruction d’objectifs stratégiques et parvient à s’infiltrer dans la Sipo sauvant de l’arrestation des dizaines de personnes.

L’action tous azimuts du commandant Guillodot

Citons aussi l’extraordinaire action du Commandant Maurice Guillodot ayant à Vannes la responsabilité d’une circonscription comportant 55 brigades. Dès sa prise de fonction il amorce son entrée en Résistance en faisant détruire dans toutes les brigades le carnet B contenant le nom des habitants connus, dans chaque commune, pour leur appartenance politique. Cette attitude lui vaut d’être approché par plusieurs de ses hommes pour une action clandestine. Guillaudot est extrêmement réfléchi et va constituer, progressivement, un réseau structuré et cloisonné où 300 soldats de la loi sont affectés à des missions de renseignements et de parachutages. Le réseau relié par mer et par l’Espagne pour le courrier est rattaché au BCRA sous le nom d’Action. Guillaudot devient Yodi. Avec les premiers parachutages arrive Jean Cholet, spécialiste en utilisation des matériels nouveaux (du bazooka aux explosifs).

Suivent ensuite des agents du BOA qui organisent, avec Guillodot, la MAB (Missions Aérienne Bretagne) et une liaison radio avec Londres. En six mois, 29 parachutages vont être réussis, des gendarmes assurant l’enlèvement et la cache. Côté renseignement Guillodot a pu répondre aux demandes de Londres sur les forces et les installations allemandes sur l’île de Groix, sur le chantier de l’arsenal de Lorient et sur la nouvelle base sous marine de Keroman. Il a même pu faire parvenir par avion la description complète, appuyée de photos et de croquis, de tout le dispositif allemand dans le Morbihan et le sud Finistère. A ces actions Guillodot charge son réseau d’aider les réfractaires du STO.

Cependant, toute cette activité, qui dure depuis des mois, attire l’attention des allemands qui réussissent à se saisir de fragments du réseau, le cloisonnement rigoureux organisé par Guillaudot évitant le désastre jusqu’en septembre 1943 où arrive de Londres, Valentin Abeille, Délégué Militaire Régional (DMR) qui vient fédérer la résistance dans 10 départements bretons et normands. Début décembre 1943, Abeille rencontre Guillaudot. Il l’informe de sa mission et lui apprend, qu’outre la direction de son réseau, il est nommé par Londres chef régional FFI. Abeille, sans doute pisté, renonce, au dernier moment, à passer la nuit chez Guillaudot. Il échappe ainsi à la SIPO, mais cette dernière arrête, le 10 décembre 1943, son contact. Guillaudot est conduit à la prison de Rennes où il subit plusieurs interrogatoires. Ceux-ci d’abord relativement supportables, se durcissent début janvier 1944. Ce changement de méthode correspond à la prise exorbitante d’autorité de Darnand incluant les prisons qu’il confie à ses miliciens les plus fidèles. Pour les prisons bretonnes c’est Raoul Di Constanzo qui fait régner l’enfer, agissant en maître partout. Dans le cas Guillaudot, les allemands se réservent leur prisonnier mais, désireux d’en finir rapidement, accentuent leurs interrogatoires. N’obtenant pas d’aveux, et sans doute pour ne pas perdre la face vis-à-vis de Di Constanzo qu’ils considèrent commun supplétif, ils décident de déporter, en juin 1944, Guillaudot à Neuengamme. A peu près en même temps, son fils, lieutenant de gendarmerie à Annecy est déporté à Dachau. Ils vont rentrer, tous les deux en triste état. Maurice Guillaudot reprendra son activité dans la gendarmerie où, nommé à la 1ère inspection du corps, il sera promu Général après avoir été fait Compagnon de la Libération le 19 octobre 1945. Quant aux gendarmes de Guillaudot, son successeur à la tête du réseau Action, Paul Chenailler, les fera, sans difficulté, basculer dans l’insoumission, quelques jours après le débarquement. Et notamment à Saint Marcel où ils assistèrent efficacement les maquisards et les commandos du Colonel Bourgoin.

Le martyre du commandant Fontfrede

Rappeler ces quelques exemples de participation de gendarmes à la Résistance ne doit pas faire oublier que ce sont 12.000 gendarmes et gardes qui, sur tout le territoire, sont entrés en Résistance. Beaucoup ont été frappés d’arrêts de rigueur, de suspension de fonction et nombre d’entre eux ont été arrêtés, torturés, déportés, fusillés. Parmi eux, le Commandant Antoine Fontfrede. C’est un honorable correspondant du Colonel Paul Paillole, ancien chef du contre espionnage au sein des services spéciaux devenus clandestins qui combat la pénétration des services spéciaux allemands en zone libre. Fontfrede est à la tête de la gendarmerie du Puy de Dôme et il est également membre de l’ORA et du réseau Mithridate. Le 1er octobre 1943 le SD l’arrête, l’accusant d’avoir préparé un attentat à l’explosif capable de détruire la voiture blindée de Laval alors que c’est son unité qui doit couvrir les déplacements de ce dernier entre sa résidence de Châteldon et Vichy. Il est torturé et un communiqué du 11 octobre annonce qu’il a été fusillé. En réalité, via Compiègne, il est déporté, le 14 mai 1944, à Buchenwald puis affecté au KO Ellrich. Puis c’est une marche de la mort où Fontfrede n’avance plus que soutenu par trois autres déportés dont un gendarme de Volvic, Pierre Paulze qui l’accompagne partout. Tous quatre réussissent à s’évader mais Fontfrede trop fatigué ne peut pas suivre. Paulze reste avec lui et tous deux disparaissent, sans doute tués par une unité de Volkssturm.Ce sont 1.373 gendarmes qui ont été déportés. 454 ne revinrent pas et 338 furent fusillés dont, au Vercors, les gendarmes Courrech, Lespinasse, Barrau, Chalaye et Clesse, à Grenoble le gendarme Raymond, à Beaurepaire le gendarme Offner.

Darnan réorganise la gendarmerie. La désobéissance s’amplifie

Grâce à Sérignan la Garde Mobile qui a été dissoute, réapparaît intégrée à l’armée en zone libre et devient « la Garde » forte de 6.000 hommes dont 180 officiers. Lorsque Darnand reçoit les pleins pouvoirs le 10 janvier 1944, il destitue, aussitôt, 14 préfets suspectés de relations avec le Noyautage des Administrations Publiques (NAP) et, d’une façon générale, met aux postes clés des durs tels Jean Degans (Renseignements Généraux), Marcel Gombert (Groupe Spécial de Sécurité), Rebouleau, milicien promu Préfet de l’Hérault à Montpellier. A cela s’ajoutent onze intendants pénitentiaires qui dispensent l’épouvante dont le chef de la milice du Limousin qui transforme en enfer la prison de Limoges, Raoul Di Constanzo dans les prisons bretonnes, Charles de Beurnonville dans celles de Lyon, Jean Colomb dans celles de Vichy. L’historien Fred Kupferman soulignera la portée de l’instauration de ces équipes dans son livre (La venue de la Barbarie) consacré à Laval en constatant que la fusion forcée de la police et de la milice allait introduire dans le milieu des fonctionnaires une espèce nouvelle, celles des tueurs pressés!

Un pouvoir sans limite, ni contrainte

Cette glaciation va peser sur la gendarmerie. Après la décision de Laval de la retirer de la Défense, Obert veut qu’elle passe sous les ordres de Darnand. Ce dernier va la diriger, la contrôler, nommant et révoquant à sa guise, ne soumettant ses directives (de fait sans recours) qu’au visa de principe de Laval. Par voie de conséquence, la gendarmerie comme la Garde tombent entre les mains de la milice qui, avec les  nouveaux Préfets, exige le concours de la gendarmerie contre la Résistance aux côtés des miliciens. Ces derniers épient leurs moindres gestes n’hésitant pas d’appeler les allemands à la rescousse. C’est ainsi que, dans l’Ain, pour complicité avec les dissidents, ils font arrêter le Capitaine Verchère et six de ses gendarmes (Nantua), le Margi chef Pfirsh et trois de ses hommes  (Brenod) ou l’Adjudant Bertrand et deux de ses hommes (Saint Rambert en Bugey), tandis que dans le Lot, c’est le Lieutenant Louis Dauquier (Gourdon) qui va être victime de cette chasse à l’homme L’arbitraire de la Milice à l’égard de la gendarmerie sévit partout, Haute Savoie, Basses Alpes, Bretagne, Gers, Ariège, Tarn, Haute Garonne . Darnand demande aux nouveaux intendants de police d’inclure des gendarmes dans les pelotons d’exécutions des Résistants condamnés à mort par les cours martiales. Confrontés à pareille situation plusieurs gendarmes désobéissent ou désertent à Toulouse, Limoges, Nîmes où 30 gendarmes et leur chef le Capitaine Orsatelli refusent d’exécuter trois maquisards qui sont alors transférés à Marseille et exécutés par des GMR. Même refus à Poitiers, Orléans, Angers, Nice, Lille. A Paris, le Capitaine Jean Chalvidan et un groupe de gendarmes refusent, à la prison de la Santé, la terrible besogne et désertent.

Un général, aux ordres de Pétain et Darnan

La gendarmerie départementale devient difficile à mater et Darnand pour renforcer son appareil policier dont le pivot est constellé des Francs Gardes de sa Milice, flatte par des promotions et des primes les GMR, les brigades parallèles des partis ralliés à Vichy et constitue, avec une quinzaine d’officiers acquis à ses idées, un Etat Major appelé le STMO (Service Technique du Maintien de l’Ordre). Quant à la Garde et ses 6.000 hommes, Darnand souhaite l’amalgamer à sa force d’intervention. Pour ce faire, il choisit le Général Perre, rallié à Pétain, qui, jusqu’en 1942, a présidé le tribunal militaire de la 13ème Région (Clermont Ferrand) y manifestant un grand rigorisme doublé d’un non moins grand sectarisme. Pour ces services, il reçoit de Pétain la Francisque en ayant comme parrains le docteur Ménestrel et le Général Campet. Au cours de la cérémonie de remise, il prononce, comme tous les 2.625 autres récipiendaires, le serment de vassalisation Je fais don de ma personne au

Maréchal Pétain comme il a fait don de la sienne à la France. Je m’engage à servir ses disciples et à rester fidèle à sa personne et à son oeuvre.

L’aventure et le calvaire du chef d’escadron Robelin

Laval présente, à Oberg, le Général Perre qui, par décret du 7 avril 1944, est nommé directeur général de la Garde. A ses côtés, apparaît, comme sous directeur, le Chef d’escadron Robelin, lequel est doublé d’un homme de Bousquet et d’un contrôleur civil. Avec Robelin arrive à un poste essentiel un Saint Cyrien passé par l’école des sous officiers de la gendarmerie de Versailles, entré à la garde Républicaine, admis au concours de l’école supérieure de guerre, breveté d’Etat Major et affecté près du Général Bourret, à l’inspection générale de la gendarmerie. La défaite venue, Robelin veut passer en Angleterre mais, son ami Paul Paillole le retient et il devient l’un des tous premiers honorables correspondants du contre espionnage clandestin de la gendarmerie et de la Garde. Les contacts de Robelin et Paillole permettent notamment de décimer les équipes d’agents nazis tendant à s’infiltrer en zone libre. Paillole, mis sur la liste noire des allemands, reçoit l’ordre de passer à Alger à l’entrée des allemands en zone libre et il est remplacé par Roger Lafont (alias Verneuil) à la tête d’une équipe de militaires liés à l’ORA et comportant de nombreux gendarmes et gardes. Parmi eux, les Capitaines Delmas (Toulouse), Hugon (Lyon), Kerhervé (Issoire), les Lieutenant Colonel et Colonel Boisseau et Vincent (Nice), le Chef du Chef d’escadron Raulet et des Capitaines Perrolaz, Mallaret, Jung et Receveau (Alpes).

Mission de maillage

Clé de voûte de ce maillage, Robelin, assisté du Capitaine Vincent pousse ses antennes jusque dans l’entourage de Darnand. Le Général Revers, chef de l’ORA, confie alors à Robelin une triple mission à la Garde : neutraliser les décisions fâcheuses de la direction de l’Arme, canaliser et contrôler la participation de cette Arme au maintien de l’ordre, préparer son entrée en action dans le camp allié au moment de l’insurrection. On comprend mieux la raison pour laquelle le Chef d’escadron a accepté le poste de sous directeur technique de ce Corps le 15 avril 1944. Il prend comme adjoint-le Commandant Tharaux et s’entoure d’une dizaine d’officiers qu’il connaît pour leur passé et pour leur engagement en faveur de la Résistance.

Le Général Oberg, malgré les engagements de Laval et de Darnand, refuse les moyens lourds que ces derniers réclament pour la Milice et pour la Garde. Cependant, il charge le SD de surveiller le nouvel Etat Major de Robelin. Ce dernier a peu de marge de manœuvre mais il réussit à maintenir ses liaisons avec Verneuil et, par les Capitaines Morand, Bouchardon et Grange, noue des contacts avec l’AS (Armée Secrète), le Délégué Militaire couvrant Allier/Cantal/Puy de Dôme, le Front National ainsi qu’avec le Capitaine Vincent tirant, par ailleurs, du STMO des informations précieuses sur la préparation des assauts contre les réseaux et les maquis.

Il donne aux commandants d’unité de la « Garde » consigne de renoncer à la chasse et d’éviter l’ouverture du feu. Il prépare avec le colonel Jean Pfister de l’ORA, le glissement de la Garde dans les maquis. Il est, notamment, en relation suivie (via le Capitaine de gendarmerie Marcel Auriol) avec le Commandant Descours, responsable du Vercors. Sa hantise permanente est la Milice, aussi, sous prétexte de protéger Pétain, il regroupe le gros des régiments de la Garde à Lyon,

Limoges, Clermont, Montluçon et Roanne. Abwehr et SD accroissent leur surveillance car les Préfets se plaignent de la passivité grandissante de la Garde. Par le Capitaine gendarme Demettre, Paillole depuis Alger, alerte Robelin qu’il est visé, d’autant que Darnand reçoit une plainte de Vaugelas, chef de la Milice à Limoges, accusant Robelin d’avoir personnellement freiné la participation de la Garde lors d’opération contre les maquis du Limousin. Conséquence, Darnand demande la tête de Robelin à Perre.

Arrestations en série

Le lendemain du débarquement, 500 élèves de la Garde, Chef d’escadron Corberand en tête, accompagnés de cinq escadrons de la Garde passent au maquis. Vive agitation à Vichy. Le 15 Juin Degans, patron des RG avec, à ses côtés, le commissaire Pierre Poinsot, convoque Bouchardon à son QG. Bouchardon fait front. Poinsot le relâche mais il le fait écarter de l’Etat Major de Robelin et le met aux arrêts sous garde de la Milice. De son côté le SD, qui torturent trois résistants, voit  ressortir le nom du DMR Courson de la Villeneuve avec qui Robelin est en relation. L’arrestation du DMR déclenche une traque qui conduit à l’arrestation du capitaine Morand de l’EM de Robelin. Darnand, en liaison avec le SD, convoque Robelin et Perre et deux policiers allemands interpellent Robelin. Le Commandant Jeandel est, lui aussi, convoqué, interpellé et arrêté.

Le 7 juillet, Perre réunit l’EM de la sous direction technique, fustige les comportements des officiers arrêtés en les qualifiant de traîtres. Dans la foulée, il nomme Tharaux au poste de Robelin et s’éclipse. André Grange propose de fuir. Pendant ce temps la SIPO cerne l’immeuble et à 17 heures ; Tharaux, Comemale, Delmas, Lacroix, Garraud et Puthoste sont arrêtés. Grange qui s’est échappé, est néanmoins, reconnue et arrêté avec Dautun, rédacteur et Levy, secrétaire. A l’hôtel du Parc, siège du gouvernement de Vichy, le SD arrête le Chef d’escadron Hurtel et le Lieutenant Bertrand de la garde personnelle de Pétain, ainsi que le Commandant d’escadron 6/4 de Vichy, tous trois fichés comme des proches de Robelin. Bouchardon qui est aux arrêts est, lui aussi, arrêté. Seul Paul Vincent échappe à la rafle et rallie le groupement Colliou de l’ORA.

 Transfert vers l’horreur

Les captifs sont transférés, le 9 juillet, à la caserne d’Assas de Clermont Ferrand tenue par les SS et où Francis Morand est déjà incarcéré. Robelin et Morand placés en isolement sont emmenés le 10 à Chamalières, Villa René, siège du SD où se trouve notamment Joseph Kaltseiss, expert en sévices assisté de plusieurs gouapes françaises. Robelin et Morand sont horriblement torturés mais n’avouent rien. Un témoin, prisonnier à la caserne d’Assas, Serge Fischer aide au transfert d’un homme au visage jeune noirci par la souffrance, gisant sur une civière et geignant. Il avait un trou de la grosseur d’un poing dans la fesse droite. On y voyait de petits os. Sa jambe droite était enflée au moins de quatre fois la taille normale. Plus tard j’ai été convoqué à nouveau pour le panser dans sa cellule et il m’a murmuré à l’oreille. Ne t’en fais pas  nous les aurons quand même. Puis il m’a donné son nom Remi Robelin.

Plusieurs fois encore, Robelin est emmené Villa René et torturé. Il est ensuite transféré à Vichy dans les mains d’autres carnassiers, les SS du Capitaine Gallinger.

Paillole qui a pu récupérer une partie des archives de cette antenne SS à Vichy établira que son ami a été torturé jusqu’au 9 août 1944 et que le 10 août, miné par la gangrène, et sans doute sur ordre de Gallinger, un SS l’a étranglé dans sa cellule. Son corps ne fut jamais retrouvé. Le sort de ses compagnons est connu, Tharaux, Comemale, Jeandel, Puthoste, Hurtel, Dupont et Bertrand ont retrouvé la liberté. Grange s’est évadé du train qui l’emmenait en déportation, Delmas, Morand et Lacroix sont morts en déportation. Garraud et Bouchardon sont rentrés de déportation, échappant miraculeusement au bombardement de leur bateau à Neustadt.

Derniers soubresauts d’autoritaisme

A l’hôtel Majestic de Paris, au PC du Général Oberg, se trouve Max Knipping, délégué milicien de Darnand qui n’arrête pas de bousculer Sérignan convoqué aux réunions du chef des polices du Reich. Sérignan l’ignore, ne répond qu’à Oberg et à Knochen et, toujours, en allemand. Il plaide pour ses collègues des brigades et des sections de gendarmerie qui ne font pas leur métier en particulier pour les Colonels Ledu (Paris-Nord), Charollais (Paris Est), Le Guennec (Dijon), Maujean (Rennes), Simontoli (Limoges), Samson (Bordeaux) ou Pouilly (Orléans) à qui sont reprochés des défaillances de personnel, du manquement dans la lutte contre les maquisards et les résistants. Sérignan les couvre régulièrement, Knipping menace, informe Darnand qui fait pleuvoir des peines administratives. A titre d’exemple le Lieutenant Colonel Vernageau, grand mutilé 14/18, chef de la légion Languedoc, est relevé de ses fonctions pour avoirs refusé de saluer le drapeau frappé du gamma de la Milice.

Darnand, approuvé par Laval, crée des tribunaux du maintien de l’ordre. Les miliciens remplacent les magistrats tout comme ils le font déjà pour les cours martiales. Ces instances, où seront jugés tous les agents de la force publique qui n’auront pas fait leur devoir, en particulier des gendarmes surnommés par les Miliciens « La Plaie Bleue », prévoient des peines allant du renvoi à l’emprisonnement, voire, en cas de désertion, la peine de mort. Des peines immédiatement exécutoires et sans recours. Le Général Martin, directeur de l’Armée, proteste oralement et par écrit en pure perte. La Milice est au pouvoir et invente les corps francs mixtes associant GMR, Policiers, gendarmes, douaniers et miliciens. Toute cette accumulation de pressions sur la gendarmerie font, qu’à fin juin 1944, on peut estimer à 12.000 gendarmes et gardes, l’effectif entré en clandestinité. Et bien d’autres allaient suivre.

En guise de conclusion

La gendarmerie fait partie de l’armée. Parler de l’action déterminante des gendarmes et de la Garde dans la Résistance, c’est indirectement rendre hommage à tous les volontaires qui se sont engagés dans la résistance et constituèrent la nouvelle armée française. Que ce soit ceux qui, dès juin 1940 à l’appel à la résistance du Général de Gaulle le rejoignent et forment des unités se distinguant aux côtés des Alliés dans leurs combats. Que ce soit ceux qui s’engagent dans l’armée de l’ombre, celle des réseaux, des mouvements, des maquis et où tant de militaires de réserve et d’active et, notamment, de gendarmes prirent une part active. Cette armée nouvelle a concouru efficacement à la Libération du territoire et cela malgré la collusion de trop d’amiraux et de généraux qui, derrière Pétain, Darlan, Laval et Darnand, s’étaient engager dans un chemin allant du défaitisme à la collaboration active avec l’ennemi. L’analyse de l’étude de Pierre Accoce terminée, il reste à souhaiter que son actualisation puisse être faite lorsque la gendarmerie aura plus largement ouvert ses archives aux chercheurs. Et je formule le regret qu’au moins les chefs d’escadron Joseph Descamps et Jean Verine, les Colonels Remi Robelin et Sérignan n’aient pas été faits Compagnons de la Libération

 

 

 

 

 

 

 


04/03/2013
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LES PASSEURS

Les évadés de France, les infortunes de la mémoire

L'historien Robert Belot a consacré un ouvrage à ceux qui, sous l'Occupation, s'évadèrent de France en passant par l'Espagne. Il livre ici une réflexion sur ce qu'il nomme les infortunes de leur mémoire.

Des évadés de France venant d'Espagne arrivent à Alger en mai 1944.

Un événement historique

Notons d'abord que cette aventure a constitué un véritable événement historique. Par son ampleur : 23 000 personnes ont quitté clandestinement la France par l'Espagne, sans compter celles qui ont été tentées par l'aventure sans pouvoir réussir et celles qui ont eu un rôle dans l'organisation des filières de passage. Par sa valeur opérationnelle dans la phase armée de la Libération de la France et de l'Europe : rejoignant l'armée française en refondation en Afrique et les unités FFL, ces hommes ont participé à la reconquête, de la campagne d'Italie à la prise de Strasbourg en passant par l'île d'Elbe et la Corse. Par ses répercussions physiologiques sur les acteurs mêmes de l'évasion, liées à l'expérience douloureuse de l'internement en Espagne ou en France, de la déportation pour ceux qui étaient arrêtés à la frontière. Par l'enjeu diplomatique-humanitaire que ces évasions ont constitué pour les États impliqués (l'Espagne, les Alliés, l'Allemagne et la France). Par leur impact sur le jeu politique franco-français, qu'il s'agisse des relations entre le gouvernement de Vichy et l'ambassade de France en Espagne, des rapports entre la France de Vichy et la France résistante ou des liaisons entre les différentes France du refus (France d'Alger, France de Londres et Résistance intérieure). Ainsi le phénomène de l'évasion est un observatoire privilégié de la France en guerre.

Groupe des Passeurs de Luz à Chèze dans les hautes Pyrénées.

Enfin, cette épopée intéresse aussi l'historien par ce qu'elle lui apprend de l'homme placé en situation de rupture, quand ce qu'il doit et peut faire ne résulte plus de l'exécution d'une loi ou d'un ordre mais de l'appel de sa conscience et de son courage. À travers les nombreuses archives qu'elle a laissées, elle permet de retrouver la respiration intime de ceux qui, anonymement et spontanément, ont pris le risque de quitter l'essentiel pour bâtir cette armée de l'évasion. L'analyse des itinéraires et des imaginaires de ces hommes du refus est une voie d'exploration pertinente du sentiment d'une partie des Français devant l'Occupation.

Un phénomène dont on n'a guère parlé

Bizarrement, ce phénomène n'a guère fait parler de lui, autrement que sous la forme des revendications des anciens évadés qui réclamaient une reconnaissance légale. Il est symptomatique que les textes qui, au lendemain de la guerre, ont fondé le droit à réparation et créé de nouveaux statuts liés aux spécificités de ce conflit, les aient ignorés en ne les dotant pas d'un statut particulier. C'est par raccroc qu'ils ont pu être rattachés au statut d'interné résistant, et encore faudra-t-il attendre l'année 1951 et l'intervention du Conseil d'État.

Reste à essayer de déterminer les raisons d'un tel oubli. Il y a d'abord l'image très négative qui s'est attachée à l'Espagne de Franco après la guerre, pays mis au ban de la société des nations démocratiques. Dès le lendemain de la guerre, la frontière franco-espagnole se referme. En décembre 1946, l'assemblée générale des Nations Unies demande à ses membres de rappeler leur ambassadeur. Il était difficile d'admettre que cette Espagne-là, comme l'a fait pourtant Churchill en personne, avait pu rendre un grand service, même intéressé, à la cause des Alliés, en ne refoulant pas ses réfugiés et, moyennant un temps d'incarcération, en les laissant repartir. Les anciens évadés ne pouvaient échapper à une question insidieuse : pourquoi avaient-ils choisi comme étape vers la liberté un pays né sous les auspices compromettants d'une collusion avec l'Allemagne nazie et l'Italie fasciste ?

Le deuxième facteur tient à des considérations purement franco-françaises et relève d'enjeux de mémoire. Les résistants de «l'intérieur», au moins jusqu'en 1943, ont toujours considéré qu'il convenait de lutter sur le territoire national, d'où leurs réticences vis-à-vis des Français Libres et le peu de cas qu'ils firent ensuite des évadés de France. Du côté des gaullistes, on a soupçonné les évadés de choisir prioritairement l'Afrique du Nord pour servir le général Giraud, rival du général de Gaulle. L'option entre les deux camps français, proposée aux évadés lors de leur arrivée à Casablanca, a été un drame, celui de la désunion du front du refus. Les évadés ont déploré cette situation, ils se sont parfois déchirés à cause d'elle alors que leur paysage intime était habité par un patriotisme peu politisé et peu sensible aux personnes. De plus, la France libre était faiblement implantée en Espagne, ce qui laissait le champ libre aux filières de passages giraudistes dans la main des Américains ou des Anglais. Les évadés ont souffert de cette absence de reconnaissance, de la tendance, des deux côtés de la mémoire dominante (Résistance intérieure et France Libre), à les considérer comme des résistants de troisième zone.
Sans le vouloir, les évadés allaient contre une présentation de la Résistance attachée à gommer les aspérités du mouvement de refus, ses ambivalences, son caractère progressif et pragmatique, en un mot, tout ce qui n'allait pas dans le sens de l'affirmation spontanée et populaire de l'hostilité à Vichy, tout ce qui ne trouvait pas facilement sa place entre les deux figures fondatrices de la légitimité historique de la Résistance : le clandestin (à l'intérieur) et le Français Libre (à l'extérieur).

Groupe Simone Arnould-Humm près du lac d'Arrédon.

Le troisième facteur tient aux modalités mêmes de l'évasion et à ceux qui l'ont organisée en Espagne. L'évasion est un acte purement individuel. Or, ces itinéraires individuels n'ont pas réussi à provoquer un imaginaire collectif, malgré la création dès 1944 d'une Union des Évadés de France à Alger. En outre, ceux qui ont créé une sorte d'ambassade dissidente en Espagne pour venir au secours des évadés n'étaient pas des figures qui pouvaient rassembler. L'ex-attaché militaire de l'ambassade de France à Madrid, le colonel Pierre Malaise, l'homme de la dissidence au sein de l'ambassade officielle, est resté contre toute raison un giraudiste absolu qui croyait trop aux Américains : condamné à mort par Vichy, puis par le pouvoir gaulliste, il disparut à la Libération. Quant à l'homme qui négociait pour eux avec Franco, Mgr Boyer-Mas, camérier du Pape, appelé à Burgos par Pétain quand il y était ambassadeur, il est passé progressivement du pétainisme au giraudiste puis au gaullisme. Pour les évadés, ce sauveur a été la cause de tous leurs maux. Il aimait trop à rappeler qu'il avait toujours su trouver une complicité active chez l'ambassadeur de Vichy en Espagne. Cette éminence grise que les événements ont placée au premier rang ne pouvait être un emblème ; elle convenait mal à la beauté et à la grandeur du geste de ces humbles soutiers de la gloire.

Les passages à travers les Pyrénées ariégeoises 1940-1944

Les Pyrénées

A la suite de l'Armistice de Rethondes du 22 juin 1940 entre la France et le Reich Hitlérien. Le pays est séparé en deux par une ligne de démarcation séparant la zone nord, occupée par les troupes allemandes, de la zone sud placée sous l'autorité du gouvernement de Vichy présidé par le maréchal Pétain. Malgré le contrôle serré des autorités d'occupation, cette zone devient le lieu de transit pour de nombreuses personnes fuyant le régime nazi ou voulant poursuivre le combat au sein de la France Libre du général de Gaulle.

Il s'agit donc de franchir la frontière des Pyrénées dans le but de rejoindre une ambassade alliée tout en évitant les prisons espagnoles et le refoulement en France. Anglais, Belges, Polonais notamment mettent rapidement en place des réseaux d'évasion pour leurs ressortissants et les premiers Français libres. Ces réseaux vont s'étoffant pendant toute la durée du conflit : Bourgogne, Bret-Morton, Grimaud, Wi-Wi, Wisigoth-Lorraine etc. Ils diversifient leurs misions : renseignement, passage d'aviateurs, de prisonniers de guerre évadés, Français ralliant la France Libre et réfractaires du service du travail obligatoire, Juifs et autres réprouvés du nazisme. Les passages se multiplient à travers les vallées de l'Ariège. A côté des gardes frontières du régime de Vichy, les conditions géographiques et climatiques rendent d'autant plus difficiles et périlleuses les traversées. Les compétences et le courage des habitants sont mis à contribution : frontaliers français d'origine sociale diverse, réfugiés républicains espagnols des chantiers de travail.

 

Itinéraires d'évasion balisés des Pyrénées ariégeoises

 

Dans chaque cas la procédure est la même: les évadés passent de résistant à résistant, chacun maillon d'une grande chaîne humaine. Ces résistants locaux fournissaient habits, nourriture et cache en prenant de grands risques pour eux même. Ayant atteint la montagne, les hommes sont alors regroupés dans un endroit secret et réparti en petits groupes pour affronter l'ascension nocturne finale vers la frontière espagnole.
En 1942, le retournement de situation en faveur des Alliés, qui débarquent en Afrique du Nord, s'accompagne d'un durcissement de la position allemande : la France est totalement occupée à partir de novembre et les troupes d'occupation s'imposent comme unique force de surveillance de la frontière avec l'Espagne.

Une nouvelle étape est franchie en février 1943. La région est déclarée zone interdite alors même que les rafles de Juifs augmentent et que l'obligation de partir travailler en Allemagne se fait plus pressante. Les candidats à l'évasion toujours plus nombreux incitent les guides à prendre davantage de risques : les pistes sont de plus en plus escarpées, les groupes s'accroissent. Plusieurs autres sentiers d'évasion ont donc été pratiqués près de St Girons, chacun seulement connu par son guide ou passeur, alors que les villes et villages frontaliers comme Foix, Tarascon, Aulus les Bains, Massat, Castillon, Seix et Sentein a chacun un réseau de sentiers secrets menant vers la frontière espagnole. Leur sacrifice et leur audace permettent ainsi de soustraire 33 000 personnes aux régimes fascistes. Parmi ceux-là 782 ont passé les hautes montagnes de l'Ariège. Le nombre maximum est atteint en juin 1943 lorsque 113 évasions sont réussies.

Le passeur d’enfants

George Loinger

Professeur d’éducation physique à Paris et au lycée Maïmonide de Boulogne-Billancourt, il monte en 1942, suite à sa rencontre avec le Dr Weill de l’OSE une importante filière pour faire passer des centaines d’enfants juifs en Suisse. Aujourd’hui, il est président de l’Association des Anciens de la Résistance Juive en France et l’instigateur du livre : Organisation juive de combat, France, 1940-1945.

Été 1943 au château de Montintin, Georges Loinger organise une formation animateur physique

Moniteur-chef de l’OSE

Noël 1940, Georges Loinger, prisonnier de guerre en Allemagne, s'évade, motivé par les nouvelles alarmantes de son épouse Flore concernant les 125 enfants de La Guette dont elle a la charge. Il s'agit d'enfants allemands et autrichiens réfugiés en France avant la guerre et que l'on doit disperser d'urgence. Il est nommé moniteur-chef itinérant de l'OSE et visite toutes les maisons d'enfants, y compris celles des EIF (Éclaireurs Israélites de France). Il organise des programmes sportifs pour ces jeunes. Fin 1942, Georges Loinger se trouve à Lyon lors de la réunion des responsables des maisons de l'OSE organisée par le Dr Joseph Weill, qui les informe qu'il connaît de source certaine la destination des convois partant de Drancy : les camps, où une sélection mortelle se fait dès l'arrivée. En prévision de l'intensification des rafles, les maisons d'enfants de l'OSE seront dispersées.

Le passage d’enfants en Suisse

Georges Loinger est chargé d'établir une filière de passage d'enfants en Suisse. Il s'installe à Annemasse. Au début, les risques sont modérés, mais lorsque les Italiens quittent la zone et que les Allemands arrivent, le danger augmente. Des convois de 12 à 25 enfants quittent Lyon deux ou trois fois par semaine pour Annemasse, où, grâce à l'aide du maire Jean Deffaugt (cf document sur les Justes), ils sont reçus, en attendant leur passage, dans un centre d'accueil des Chemins de fer dirigé par Eugène Balthazar, du Secours National. Les premiers temps, Georges Loinger emmène les enfants joué au football à quelques mètres de la frontière. Le ballon dévie en zone suisse et les enfants qui passent le chercher y restent. Des paysans repèrent le manège et préviennent Georges Loinger qu'il peut être aperçu par les patrouilles et que les enfants sont en danger. Il est alors obligé de faire appel à des passeurs appointés. Georges Loinger a fait passer des centaines d'enfants en Suisse.

Dès le début de l'été 1943, il assure la liaison avec l'OSE-zone Nord. Il apporte de l'argent au Pr Eugène Minkowski et des informations de la zone

Sud. Il convoie également des groupes d'enfants évacués des maisons en danger, de la zone Sud vers la zone Nord. Il est aidé par Marcel Mangel, son jeune cousin, dont le père vient d'être déporté. Georges Loinger le cache dans une maison du Secours National à Sèvres, près de Paris. Marcel Mangel deviendra le Mime Marcel Marceau. Georges Loinger assure toutes ses fonctions jusqu'à la Libération.


03/03/2013
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LES FEMMES DANS LA RÉSISTANCE

Pourquoi les femmes ont-elles participé à la Résistance

Comme tous les Français, après un abattement consécutif à la défaite, les femmes ont réagi : d'abord tentées de faire confiance au maréchal Pétain qui promettait le retour des prisonniers et qui voulait relever la France par une révolution nationale honorant notamment la famille (thème auquel les femmes étaient particulièrement sensibles), elles se sont ensuite rendues à ce qui devenait l'évidence.
Le patriotisme les rendait d'abord spécialement sensibles à l'humiliation de la nation. De plus, elles étaient souvent indignées devant les rigueurs de l'occupation telles que la suppression des libertés d'aller et de venir, de communiquer, d'exprimer son opinion ; les persécutions raciales, les violences policières (les miliciens français étant souvent encore plus violents que les Feldgendarmes). Enfin, elles refusaient, pour certaines d'entre elles du moins, le régime politique de Vichy.
Mais les femmes sont principalement arrivées dans la résistance du fait de l'absence de leurs maris qu'elles devaient remplacer aux champs, au bureau, à l'usine et à la maison. En outre, l'idée que leur époux était parqué au loin dans des endroits secrets leur était insupportable. De même, leur sensibilité à l'injustice et aux inégalités les poussait à réagir fortement.
Un autre point important de la présence des femmes dans la résistance : la responsabilité du ravitaillement des familles. En effet, elles subissaient plus que quiconque les contraintes de la pénurie et du rationnement, par exemple les files d'attente interminables devant les magasins mal approvisionnés, la paperasserie des tickets de rationnement, ou bien encore la recherche incessante et épuisante de nourriture en dehors des circuits officiels (marché noir). Elles étaient scandalisées en voyant les magasins juifs accaparés par des administrateurs abusant de la situation et des soldats allemands se servir partout à n'importe quel prix au moyen de liasses de billets neufs. Il faut enfin souligner, en plus de ces activités fatigantes, le travail domestique et le travail dans les champs en l'absence du mari.
Ainsi fortement motivées, les femmes ont ignoré plus que les hommes les clivages sociaux ou politiques qui étaient parfois des sources d'incompréhension ou de méfiance entre militants : venues de divers milieux, elles dépassaient leurs différences pour une même cause.

Comment les femmes ont-elles participé à la Résistance

La montée en puissance de la résistance fut évidemment progressive.
Dans les premiers temps de l'occupation. Au début de l'occupation, les femmes prirent d'abord des initiatives personnelles, spontanées et de ce fait désordonnées. Mais déjà ces premières actions témoignèrent du refus de l'occupant. Il pouvait s'agir de menus sabotages, de récupération d'armes et de munitions appartenant à la Wehrmacht, graffitis.
Dès cette époque, les femmes commencèrent à avoir des rôles spécifiques et parfois très importants : même si ce fut un rôle marginal des femmes, il faut noter que dès le 18 juin et l'appel du général de Gaulle, des femmes prirent part directement ou non au combat : elles servirent comme secrétaires, conductrices, infirmières, pilotes d'avions de liaison.
Elles eurent également un rôle d'assistance sur les champs de combat (mission qui peut paraître secondaire mais ô combien nécessaire). Ainsi partagèrent-elles les risques des soldats sur tous les fronts de la France libre (Lybie, Tunisie, Italie).
Les femmes menèrent en outre des actions dangereuses qu'elles payaient parfois de leur vie : agents secrets, elles furent parachutés ne France pour participer à la résistance (ou à la susciter). Les femmes travaillèrent pour les réseaux et bureaux de renseignements (S.O.E. à Londres, B.C.R.A. de la France Libre).
Du fait du statut de ménagères qu'on leur prêtait à l'époque, les femmes furent confrontées directement aux conséquences de la présence allemande, notamment la pénurie alimentaire. Ainsi, dès la fin de 1940, alors que s'aggravent les difficultés du ravitaillement, elles manifestèrent leur protestation contre la famine. Elles montrèrent aussi leur opposition face aux prélèvements de la production française par l'ennemi (charbon dans les mines du Nord, usines Michelin à Clermont-Ferrand.
Les premiers rassemblements aboutirent à l'organisation de groupes de protestation qui manifestaient à Paris, Montpellier ou Marseille. Ces comités diffusèrent de journaux clandestins avec les moyens du bord.
A la même époque, des tracts étaient rédigés et distribués par les étudiantes.
C'est sur la base de ces premiers groupes que se créent les mouvements de résistance, chacun diffusant un journal spécifique. Les plus importants mouvements sont localisés : 

 

 
À Clermont-Ferrand : Libération Sud avec Lucie Aubrac.
À Lyon : Combat, avec Bertie Albrecht.
À Paris : Défense de la France avec Hélène Viannay ; Musée de l'Homme avec Germaine Tillions et Agnès Humbert.
A partir de 1941 : des mouvements plus structurés.
A partir de 1941, les principaux mouvements de résistance et les réseaux de renseignement, d'action et d'évasion se constituent en organisations structurées. La participation des femmes s'accroît. Elles restent ou deviennent responsables dans les mouvements (Bertie Albrecht, Madeleine Braun). Elles continuent de jouer un rôle important voire irremplaçable sur le terrain : secrétariat, hébergement de personnes en situation irrégulière, fabrication de faux-papiers et participation aux filières d'évasion.
1942-1943 : la Résistance s'amplifie.

La collecte et la transmission de renseignements militaires

Au sein de différents réseaux (B.C.R.A., S.O.E., F2), beaucoup de renseignements d'intérêt militaire ou économique sont collectés et transmis par radio. Chaque jour, des milliers de messages radio transmettent les renseignements demandés par Londres ou Alger. Dans ce domaine, les femmes rendent d'immenses services ; elles se rendent aussi utiles pour la recherche et le balisage de terrains d'atterrissage et de parachutage.

Participation aux attentats
La participation des femmes aux attentats de toutes sortes était particulièrement recherchée : il s'agissait du transport d'armes, de guet. Peu à peu les attentats contre des objectifs militaires devinrent quotidiens. La presse clandestine.
Les femmes jouèrent un rôle important dans le développement de la presse clandestine dont le tirage se chiffre en 1943 par centaines de milliers d'exemplaires. Elles furent à la tête de plusieurs journaux clandestins. Logistique des mouvements de Résistance
Les femmes occupent une place notable dans la logistique des mouvements de résistance, c'est-à-dire tout ce qui a trait au financement, au ravitaillement des groupes de résistance, du maquis et à la fabrication de fausses pièces d'identité. Beaucoup de femmes s'engagent et se dévouent sans compter dans les relais d'évasion qui nécessitent secrétaires, agents de liaison et guides. Ravitaillement, assistance sanitaire et sociale.
Même si la répression nazie provoque de nombreuses disparitions parmi les résistants, ces vides sont remplis par les réfractaires au S.T.O. massés dans le maquis. Cette affluence provoque des problèmes d'encadrement, que les femmes contribuent çà résoudre.
Elles rendent aussi de très grands services dans le ravitaillement et l'assistance sanitaire et sociale (fourniture de denrées alimentaires par les cultivatrices, réseaux d'alerte au voisinage des camps).
Toutes ces actions ont été menées par des membres de la résistance organisée, mais aussi par tous ceux et toutes celles qui, sans avoir appartenu aux réseaux, leur ont prêté occasionnellement assistance.
1944 : la libération de la France.
Les F.F.I. deviennent en 1944 une véritable armée combattant au grand jour, contribuant largement, avec l'aide des alliés, à la libération de la France :
batailles sur de nombreux points stratégiques (Saint Marcel).
Embuscades et sabotages freinent les mouvements ennemis.
Éclairage et renseignement des armées alliées.
Libération de nombreuses villes et d'une grande partie du territoire.
Les femmes appartenant aux unités combattantes prennent part à ces actions, par lesquelles elles reçoivent l'aide d'infirmières et d'ambulancières. Elles s'attachent particulièrement à la libération des camps de déportation. Enfin, elles participeront activement à la renaissance de l'administration au sein des comités départementaux de libération et des municipalités.

Allamigeon Cécile - Allamigeon Guillemette

A la fin des années 30, le père Dieuzaide espère que le rôle de la femme puisse apporter un renouveau de la société. Pour promouvoir cette option il va fonder le cercle Marie Gimet, dans l'esprit de l'association catholique de la jeunesse étudiante et lycéennes. Ce cercle est animé par Germaine Ploux mais aussi par les sœurs Allamigeon qui sont alors élèves du lycée de jeunes filles de Bordeaux. Les réunions se tiendront tous les jeudi après-midi, aux 38 rues Huguerie.
Dès octobre 1940, le père Dieuzaide est contacté par le futur colonel Olivier, transfuge du service de renseignements de Vichy. Ce sera la création du réseau Jade-Amicol.
Proches du père Dieuzaide, les soeurs Allamigeon vont le suivre très rapidement. Secrétaire de direction de la compagnie des tramways électriques et omnibus de Bordeaux, Cécile Allamigeon est une proche collaboratrice de Pierre Moniot, ingénieur en chef de la compagnie. Elle va permettre le recrutement de celui-ci qui deviendra chef de secteur de ce réseau.
Le domicile des soeurs Allamigeon va servir de maison de refuge et de rencontre. Elles abriteront le chef du réseau jusqu'au début de 1942. Cécile fut à la fois secrétaire de Pierre Moniot et agent de liaison. Les deux sœurs durent quitter précipitamment Bordeaux, dans le sillage de Pierre Moniot, le 23 septembre 1943, la Gestapo sur les talons. Cécile rejoignit son chef, Pierre Moniot, à l'état-major du réseau, à Paris. Guillemette, quant à elle, assura les travaux de secrétariat et de renseignements.

René Antoine et Hélène Antoine

Antoine René est né le 21 juin 1904 à Bordeaux. Ajusteur mécanicien à la S.N.C.A.S.O Bacalan il est fiché, à 36 ans, comme vieux communistes.
Le commissaire Poinsot a placé ses indicateurs dans tous les milieux propices à la Résistance. Le dénommé Pierre Giret, ancien résistant retourné, met en cause Antoine René, qu'il sait pouvoir hébergé des individus dans l'illégalité. La femme Giret, interrogée le 13 août 1942, dénonce la famille Antoine qui a su l'héberger alors qu'elle venait de s'évader de l'Hôpital Saint-André. Elle rapporte les propos tenus par le jeune Michel Antoine, âgé de dix ans et qui affirmait que son père avait caché des revolvers. Pour compléter ce déballage, elle ajoute que la mère Hélène Antoine avait reconnu que des armes, des bombes et des pièces détachées de mitrailleuses seraient également cachée, sous sa garde.
Toute la famille Antoine est arrêtée le 26 août 1942, par la police française.
René Antoine sera fusillé les 21 septembres 1942, à Souge, par les autorités d'occupation, après avoir subi les interrogatoires répétés des policiers du commissaire Poinsot.

Henry Belmas et Mélie Belmas

Les époux Balmas, habitant Eysines, mirent leur domicile à la disposition du réseau comme refuge et maison de rencontre Ils hébergèrent ainsi Philippe.
Leur maison servit encore pour les émissions radios. Madame Balmas était une femme très intelligente et énergique, aux réactions parfaites en face du péril. En juillet 1943 une grosse alerte se produisit. La Gestapo, en cours de recherche, s'était arrêtée devant la porte de la maison où nos radios étaient en train d'opérer. Placée en observation, madame Balmas eut le temps de prévenir à temps Phil et Seifert qui déménagèrent leur matériel et s'enfuirent.
Puis, très maîtresse d'elle-même, madame Balmas s'enquit tranquillement, auprès des Allemands, de l'objet de leurs recherches avant de leur indiquer la direction à prendre. Le drame était évité.
Les époux Balmas durent, eux aussi, quitter Bordeaux précipitamment. Ils rejoignirent Pierre Moniot à l'Etat major de Paris.

Marie Bartette

Cette Arcachonnaise qui, bien avant guerre, avait fait de sa boutique, face à la mairie, un lieu de rencontre des esprits progressistes, en fit, dès 1940, une étape pour les résistants. Elle fut à l'origine du premier groupe O.C.M. et eut des responsabilités au réseau Jove.
Née le 10 septembre 1893 à Albi, dans le Tarn où son père, officier, se trouvait en garnison; il disparut bientôt, et la jeune orpheline, vint, au début du siècle, avec sa mère et son jeune frère, s'installer à Saint-André-de-Cubzac. En possession du Brevet supérieur, elle est embauchée à la Lloyds and National Provincial Bank d'abord à Paris, puis à Bordeaux La précarité de la santé de sa mère l'oblige à démissionner pour revenir à Arcachon et se lancer dans la mercerie après avoir fait l'acquisition d'un petit commerce, place de la Mairie, à l'enseigne au Bonheur des Dames.
En août 1940, Marie Bartette a quitté son emploi dans une banque anglaise de Bordeaux pour venir rejoindre sa mère, veuve et malade, à Arcachon, où elle a acheté une petite mercerie, s'appelant Au bonheur des dames, située 12, place de la Mairie. Fille d'officier, elle refuse d'admettre la défaite, soutenue par quelques amis sûrs, parmi lesquels l'instituteur Robert Duchez, un séminariste Jean Brunet, André Réaux et André Lesclaux, tous deux employés des postes, et le jeune André Perdrillat, âgé de dix-neuf ans. Il est à noter que l'instituteur Duchez et l'abbé Brunet se retrouvaient côte à côte après s'être affrontés durant de longues années.
Au début, l'activité clandestine du petit groupe se borne à l'élaboration et à la diffusion de tracts de fortune. Fin 1940, il est décidé de fabriquer dix mille croix de Lorraine, découpées dans du papier, et de les répandre dans les principales artères de la ville, dans la nuit de la Saint-sylvestre. Au petit matin, les Allemands ne peuvent que contempler le spectacle, avec d'autant plus de colère que le vent a accumulé un grand nombre de ces croix jusque devant la Kommandantur, où règne le capitaine Schumacker. Si beaucoup d'Arcachonnais s'imaginent que ces croix ont été lancées par avion pendant la nuit, les Allemands, eux, ne s'y trompent pas.

Modèles de tracts concoctés par Robert Duchez:

Après le sombre orage
Vient le soldat d'été
Après notre esclavage
Viendra la liberté.

La Grèce bout, le macaroni file
Les Fritz sont cuits.

Pour chasser le vert de gris.
Le brillant de Gaulle.

Peu à peu, de nouveaux membres sont recrutés, l'abbé Brunet touchant les milieux de droite, tandis que Robert Duchez se tourne, lui, vers les milieux de gauche, aidé en cela par Réaux et Lesclaux, tous deux militants de la S.F.I.O.
Un jour de l'été 1941, par l'intermédiaire du jeune André Perdrillat le groupe entre en contact avec un certain Robert Blanc, parisien réfugié à Arcachon, et qui n'est autre que le commandant parachutiste Richard, chef de mission en France. En juillet le commandant Richard doit quitter précipitamment Arcachon, laissant le groupe sans la moindre liaison.
Isolé, le groupe essaie de prendre avec une autre équipe arcachonnaise, dirigée par Raymond Marty. Celui-ci, sous couvert d'une antenne locale des Amis du Maréchal, dirige, en fait, un service de renseignements travaillant pour l'Intelligence Service. Le rapprochement ne se fera pas. Le groupe Duchez-Bartette veut impérativement rester sous la bannière gaulliste.
En février 1942, le groupe passera sous le commandement d'Edouard de Luze, propriétaire au Moulleau. Sous son impulsion, le groupe se projettera au-delà d'Arcachon, sur le pourtour du bassin.
Marie Bartette fut arrêtée le 30 juin 1944 et interrogée par le lieutenant Dhose. Elle passa des cachots du Fort du Hâ à ceux du Bouscat, siège de la Gestapo; ensuite, ce fut Dachau puis Ravensbrück. Libérée par mes troupes américaines, elle revint à Arcachon fin mai 1945. Marie Bartette s'éteignit les 27 novembres 1961, à Saint Sèverin en Charente.

Joseph Raymond Bierge est né les 5 septembres 1912, à Cenon. Ouvrier charpentier traceur hautement qualifié, Il participe très tôt à la vie syndicale. Le combat que Franco va livrer à la jeune république espagnole ne le laisse pas indifférent. Joseph Bierge va organiser collecte d'argent, de vêtements, de vivres. Ces vivres, auxquels il va rajouter du lait concentré pour les nourrissons, sont rassemblés sur les quais, près des Quinconces et chargés sur des camions pour être acheminés vers l'Espagne. Le gouvernement du Front Populaire décide le développement des usines d'aviation. Bierge Joseph est embauché à l'usine de Bègles. Après la grève du 30 novembre 1938, il adhère au parti communiste.
Entré dans l'illégalité après la dissolution du parti, sa maison de Villenave d'Ornon sert de relais aux responsables illégaux. Vient ensuite l'installation d'un petit atelier d'imprimerie où deux Gestetner imprimeront chaque soir journaux et tracts qui seront diffusés dans les usines et dans les localités. Cette responsabilité le conduira à prendre contact avec les responsables départementaux.
Arrêté le 30 juillet 1942, restera aux mains du commissaire Poinsot durant cinquante jours. Sévices, tortures. Il sera fusillé le 21 septembre 1942, au camp militaire de Souge.
Félicienne Bierge, née Pinto, a vu le jour en 1914, en Espagne. Mariée ; à Joseph Bierge en 1936.
Félicienne Bierge a été l'agent de liaison de René Michel, fusillé en 1943 après avoir appartenu à un groupe F.T.P de l'aviation à Bègles. Elle devient l'agent de liaison de Raymond Rabeaux qui assume la responsabilité inter régionale de Nantes et de la Rochelle. Par ailleurs, Félicienne doit ravitailler en armes les groupes F.T.P. de la Gironde. Victime du traître Giret, elle sera arrêtée et déportée. Départ dans le convoi du 21 janvier 1943. Arrivée à Auschwitz sous le matricule 31734, elle connaîtra Ravensbrück, Mauthausen avant de revenir à Bordeaux. Elle est décédée le 1er janvier 1996.

Alice Cailbault 1906-1943

Alice Cailbault, née Gardelle à Paris en 1906, est une femme de prisonnier. Agricultrice et amie de Marguerite Valina, elle abritera à la ferme les résistants recherchés. Arrêtée, Alice Cailbault fait partie du convoi du 21 janvier 1943, en direction d'Auschwitz où elle décèdera dans le courant de mars 1943, sous le matricule n°31738.

Bret Georgette 1905-1943

Née le 6 octobre 1905 à Sainte-Foy-la-Grande, où ses parents étaient employés d'épicerie, elle est allée à l'école jusqu'au certificat d'études puis, elle a appris la couture. Elle était vestonniaire giletière. Elle se marie en 1930 avec Robert Bret, ouvrier aux ateliers des tramways de Bordeaux, militant communiste. Robert Bret est arrêté le 22 novembre 1940. Il était déjà membre d'une organisation clandestine d'où allait sortir l'Organisation spéciale de sabotage, puis les F.T.P.
Après l'arrestation de son mari, Georgette continue à cacher du matériel de propagande, à le transmettre. Son mari est fusillé le 24 octobre 1941 à Souge. Elle n'interrompt rien de son activité. Tout de même, en juillet 1942, quand elle voit tomber aux mains de Poinsot les camarades de son groupe, elle quitte Bordeaux pour aller à Dax, chez sa soeur. La cachette n'est pas assez secrète: Poinsot l'y trouve et l'arrête, le 23 août 1942.
Fort du Hâ jusqu'au 14 octobre 1942: Romainville jusqu'au départ. Auschwitz matricule n° 31.747.
Elle est morte le 20 mai 1943. C'est dire qu'elle a tenu longtemps, et avec une peine difficile à décrire car, peu avant son arrestation, elle avait été opérée de verrues plantaires. Faute de soins en prison, les plaies s'étaient mal cicatrisées, la marche vers les marais, l'appel, lui coûtaient insupportablement. A Birkenau, on était debout seize heures par jour. Elle a tenu. C'est à fin avril que l'épidémie de typhus a atteint son intensité la plus haute. Elle a eu le typhus, elle a dû entrer au revier. Elle a résisté aux neuf premiers jours de fièvre. Ses camarades la croyaient sauvée. Une rechute de typhus l'emporta.

Germaine Cantelaube 1908-1943

Germaine Cantelaube, couturière de son état, fut arrêtée pour faits de Résistance. Elle fut déportée à Auschwitz, par le convoi du 21 janvier 1943. Elle devait y décéder courant mars 1943.

 

Les collectivités.
La S.N.C.A.S.O.

 

 

 

 

 

 

 

 


02/03/2013
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LES S.T.O.

Le S.T.O et ses effets

Le service militaire étant interdit par les conditions de l’armistice, les jeunes hommes étaient appelés dans les Chantiers de la jeunesse. Celui-ci portait le nom du Chevalier d 'Assas et était établi à Avèze dans le Puy de Dôme, où séjourna Henri Gorce, grand père d 'Emilie Pradel de 3°4, originaire de Lavaur.

Chantier des jeunesses

Plus près de nous un autre chantier existait à Labruguière. A partir de 1943 ces chantiers serviront d'antichambres au STO mais ils seront aussi des viviers pour les maquis de la région. Entre 1942 et 1944 plus de 4000 jeunes Tarnais partirent pour les usines du Grand Reich dans le cadre du Service du Travail Obligatoire qui remplaçait la Relève, contraints et forcés comme Henri Gorce, parti le 19 juin 1943 et qui ne revint que le 18 juin 1945.

Certificat de Déportation

Malgré la propagande officielle, ces mesures provoquèrent des réactions violentes de la part de la population tarnaise: à Mazamet, les 11 et 12 mai 1943, la foule s'opposa au départ des travailleurs du STO, chantant la Marseillaise et l 'Internationale. Les maquis reçurent de nombreux réfractaires au STO.

Les actions :

La résistance peut prendre des formes multiples, comme par exemple le sabotage dans les mines de Carmaux :

On coupait les tapis de roulement du charbon, les tuyaux de caoutchouc contenant l'air condensé, on faisait sauter la tuyauterie de fer, on provoquait des éboulements de chantier, on abîmait les machines d'extraction et les locomotives électriques en mettant de la limaille de fer dans les engrenages.

 S.Przenioslo, mineur polonais, FTPF-MOI de Carmaux.

Résister, c'est aussi informer, défendre les valeurs républicaines, redonner espoir contrairement à la propagande officielle. Le sursaut tarnais  était l'organe officiel des Forces Françaises de l 'Intérieur (F.F.I.) dans le Tarn. Cet exemplaire, daté du 31 mai 1944, relate l 'assassinat et l 'enterrement du résistant carmausin Bouloc-Torcatis.

Le Sursaut Tarnais   Imprimé clandestinement, ce journal pouvait valoir la déportation à ses auteurs.

Résister peut prendre la forme d'un tract à l’humour grinçant sur les circonstances du Noël 1943; c'est aussi un manifeste d'espoir.

Tract distribué à Noël 1943

Je ne te demande pas quelle est ta race ou quelle est ta religion, dis-moi seulement quelle est ta souffrance » disait Louis Pasteur.

Le clergé catholique, les pasteurs protestants du Tarn, au nom des valeurs chrétiennes, ont apporté un soutien actif à la Résistance, dont voici divers exemples:

A Montirat (extrême nord du Tarn)l 'Abbé Vedel hébergea des jeunes réfractaires au S.T.O;

A Carmaux le Pasteur Delors abrita des enfants juifs dont les parents avaient été déportés;

Le 20 mai 1944, à la fête de Saint Privat de Carmaux le Chanoine Frayssinet prononça une allocution lors de l’enterrement d 'un résistant socialiste abattu par la milice, Bouloc-Torcatis: Il est mort en murmurant: Vive la France, résistez ! 

Au séminaire de Pratlong, dans les Monts de Lacaune, l’Abbé Cugnasse a accueilli des résistants du maquis de Vabres parmi lesquels de nombreux juifs, après le combat du Martinou;

Le Pasteur René Marchand, d 'Espérausses a caché lui aussi des familles juives et des réfractaires au S.T.O;

Le Pasteur Robert Cook a fait de même dans la région de Vabres.

Mariage à Camp Soleil le 29 juillet 1944, d'Isabelle LERAY et de Louis Cebe,
célébré par le pasteur Robert Cook

Affiche de propagande incitant à aller volontairement travailler en Allemagne pour y trouver un bon salaire et de quoi nourrir sa famille. Cette politique d’incitation n’aura pas beaucoup de succès, d’autant qu’une fois sur place, la réalité n’avait pas grand chose à voir avec les promesses.

Les travailleurs français dans les usines allemandes

Cette recherche vise à essayer de cerner l’importance du nombre de français transférés volontairement ou non en Allemagne pour y occuper des postes dans les usines, travaillant le plus souvent pour l’industrie d’armement. Les transferts recherchés, ne visent évidemment pas les déportés de Répression ou de Persécution, certes intégrés à l’économie du 3ème Reich dans les conditions iniques que l’on sait, mais ceux uniquement des flux suscités, puis imposés, par les autorités allemandes. Des autorités aidées par Vichy, et, tout particulièrement, par Laval, qu’il s’agisse des travailleurs volontaires, mais surtout, des travailleurs requis.

Déportés du travail : statut réel ou confusion

Au retour de ces travailleurs un recensement a eu lieu. Et dans le cadre de l’ordonnance du 1er Mai 1945 il leur a été reconnu la qualité de « Déporté du Travail  dans la mesure où il s’agissait de personnes ayant du quitter leur emploi, soit pour travailler au profit de l’ennemi dans des conditions exclusives de toute intention réelle de coopération à l’effort de guerre de celui-ci, soit pour se soustraire à un travail effectué pour le compte de l’ennemi.

Sont donc exclus de la qualité de Déporté du Travail  les volontaires qui ont coopérés. Peut-on réellement mettre dans ces volontaires tous les prisonniers de guerre « transformés selon une décision d’Hitler d’avril 1943 ? Probablement pas ?

Quant aux personnes qui se sont soustraites à un travail effectué pour le compte de l’ennemi  visait-on les réfractaires ?

Quoiqu’il en soit cette ordonnance, lors des retours, a été appliquée et probablement au départ dans un certain consensus puisque les trois fédérations, qui ont rapidement émergées des premiers classements réalisés par l’administration, (Déportés et

Internés Patriotes, Prisonniers de Guerre, Déportés du Travail), ont manifesté leur union en éditant un affiche représentant : un concentrationnaire en tenue rayé s’appuyant sur l’épaule d’un prisonnier de guerre et sur celle d’un travailleur libre avec cette légende, ils sont unis, ne les divisez pas !

Mais cette union ne dura pas. Les prisonniers de guerre, de loin les plus nombreux, reçurent un statut propre. Et très rapidement il devint évident que l’on ne pouvait pas comparer le sort fait aux déportés dans les camps d’extermination et dans des camps de concentration, et celui des Déportés du Travail, certes requis, mais en vertu d’une loi française, les ayant contraints d’occuper un poste de travail en Allemagne où ils gardaient une certaine liberté et où ils étaient payés. Quant à l’argument de la faim et des bombardements, était-il différent de la situation connue par bien des français. Juridiquement, le statut de déporté va être défini par les lois du 6 août 1948 (Déportés Résistants) et du 9 septembre 1948 (Déportés Politiques) Elles vont préciser que pour être Déporté, il faut avoir été arrêté puis transféré par l’ennemi hors du territoire national, puis incarcéré ou interné dans une prison ou dans un camps de déportation De fait, le mot « Déporté accolé à Travail n’avait plus de raison d’être. Et si la jurisprudence a constamment rappelé cette position, il n’empêche que, si vous consultez sur Internet les sites ayant trait au S.T.O, vous pourrez constater que le terme Déporté est souvent utilisé dans les témoignages. Vous trouverez également son usage au cours d’un

Colloque. Parallèlement, cherchant un livre de référence rapportant historiquement l’enchaînement des procédures à la base des transferts de

Main-d’œuvre française en Allemagne, je n’en ai trouvé qu’un, rapportant correctement ce sujet. Il a pour titre. La déportation des travailleurs français dans le 3ème Reich. Édité il y a presque 35 ans, ce livre aurait, peut être, aujourd’hui, un titre différent, mais il faut aussi noter qu’ils relatif aux déportés en camps de concentration ou en prisons, venus de la population des travailleurs français en Allemagne.

 

Les travailleurs français en Allemagne au quotidien à l’arrivée

Arrivés en Allemagne, les travailleurs sont photographiés, immatriculés, mis en fiche, mis en carte et reçoivent leur sésame : l’Ausweis, le laisser passer qui ne devra plus les quitter entrent soit dans des centres de triage souvent mal entretenus où les employeurs flanqués de fonctionnaires de l’Office du Travail viennent faire leur choix. L’attente à l’embauche peut durer un certain temps soit, s’ils sont non spécialistes  sont directement incorporés dans des formations auxiliaires de la Wehrmacht, revêtus d’uniformes allemands et soumis au régime et à la discipline de guerre sont embrigadés dans l’organisation Todt, ou reçoivent une tenue et sont orientés vers des travaux de terrassement et de déblaiement des ruines.

Le logement

Avant 1942, il est, en grande partie, chez l’habitant et, pour les grosses entreprises, telles Krupp, I.G Farben, les usines Herman Goering, en camps près des usines. Le 7 mai 1942, Sauckel précise que les travailleurs industriels sont logés en principe dans des camps personnels. Les camps seront de toutes catégories : de très convenables à sales et exigus. Au total, on en compte en octobre 1943 : 22.000.

Leur dimension est très variable : depuis l’arrière d’un café abritant 10 personnes jusqu’au camp pour 26.000 personnes. Il s’agit, généralement, d’un camp de 1.500 à 3.000 travailleurs de toutes nationalités.

La considération

Tout est dit par Sauckel Tous ces hommes doivent être nourris, logés et traités de telle manière, qu’on puisse les exploiter au maximum avec le minimum de frais. Ils feront au moins 12h de travail par jour et fréquemment 70 heures et plus par semaine. Ils seront mal nourris dans des cantines liées aux camps. Ils seront mal soignés et le typhus, mais aussi, la tuberculose feront des ravages. Ils devront subir de fréquents bombardements sans grande possibilités d’abris. Sur tous ces aspects, je n’ai pas trouvé de statistiques sur la mortalité, ni sur l’état de santé au retour ainsi que sur les séquelles.

Discipine et surveillance

Toute cette main d’oeuvre, si importante, si diverse, si souvent contrainte, était surveillée. Dès le camp où le chef de camp, ses adjoints étaient en rapport avec la police et avaient leurs mouchards. Mais aussi sur les lieux de travail où l’entreprise avait sa police veillant à la production et s’efforçant de détecter, souvent grâce à des mouchards, les actes de sabotage. De cette méfiance, est née, tout naturellement, une échelle de sanctions commençant par des retenues de salaire, mais surtout prévoyant différents camps soit de rééducation/redressement pour instruire les éléments qui n’observent pas leur contrat de travail et après le but éducatif atteint, retour à leurs anciens postes de travail soit de camps spéciaux d’où vont émerger ceux dont les travailleurs avaient le plus peur.

Les camps disciplinaires

Ces camps sont disséminés un peu partout. Dès l’entrée gardée par des SS, on est fixé ! Barbelés, miradors, mitrailleuses.  A l’arrivée on est tondu, rasé sur tout le corps, désinfecté et on reçoit une tenue de bagnard. Corvées, long appels, punitions collectives, affectation à des Kommandos, brimades, sanctions, dont la redoutée bastonnade.

Les camps sont administrés par la Gestapo et les SS. Ils appartiennent aux entreprises et c’est à la demande de ces dernières que la Gestapo envoie le coupable dans un de ces camps, les policiers de l’entreprise venant rechercher le travailleur, sa peine (de 3 semaines à 2 mois) purgée. Les motifs de la peine ? Fournir de la nourriture à un concentrationnaire, tentative d’évasion, écoute des radios alliés, refus du travail.

Qui la prononce ? La Police, en vertu d’un accord Himmler/justice allemande passant le droit pénal.

À la justice de la police. Je n’ai pas trouvé d’étude de fond sur ces si particuliers camps d’entreprises. Quel en a été le nombre ? Combien de travailleurs y sont passés ? Mais de cette description on perçoit que le régime imposé dans ces camps en faisait des lieux préfigurant les camps de concentration. D’ailleurs si la peine excédait 2 mois c’est là où le travailleur allait. Et sur ce type de déportation, le Mémorial en a fait l’étude et j’en rapporte l’essentiel ci après :

La Fondation de la Mémoire de la Déportation/Répression recherchant l’origine des déportés les a regroupés en 5 catégories.

1. les arrêtés dans les zones occupées 65.324 (75,20%)

2. les arrêtés dans la zone annexée 6.059 (07,00%)

3. les arrêtés dans les territoires du Reich 13.128 (15,10%)

4. les arrêtés qui n’ont pas pu être classés 1.537 (01,80%)

5. les arrêtés par persécution pris en compte répression 779 (00,90%)

Total : 86.827 (100%)

Les 13.128 déportés arrêtés sur les territoires du Reich, se décomposent en :

6.737 républicains espagnols extraits des stalags dès 1940 pour être déportés au K.L Mauthausen Ne manque pas de saluer ces républicains espagnols, réfugiés en France, engagés dans l’armée française, faits prisonniers, rapidement transférés à Mauthausen, et dans le système. Concentrationnaire, subissant de terribles pertes (63,80% décédés/disparus) 6.391 personnes arrêtées sur le territoire du Reich, (7,90% du total des déportés/répression) dont :

2.607 arrestations venant de la population STO, (requis)

1.434 de la population des travailleurs volontaires, 956 des prisonniers ayant acceptés d’être transformés (et, dans certains cas, de la masse des prisonniers ayant refusé cette transformation de statut). 650 (environ) travailleurs civils dont on ignore s’ils ont été requis ou s’ils ont été volontaires, et de français résidant en Allemagne, Hollande, Pologne pour leur travail ou en visite.

A l’origine de la majorité de ces arrestations, des actes d’opposition au régime national-socialiste dont :

La propagande anti-allemande s’opérant par l’écoute des radios alliées ou neutres et la diffusion des nouvelles parmi les travailleurs français et étrangers ainsi qu’auprès de la population civile allemande. Le refus du travail et le sabotage sous des formes variées : évasion, participation à des grèves contre les conditions de travail ou la mauvaise nourriture, absentéisme, blessures volontaires, malfaçons, destruction de moyens de production ou de transport, aide à l’évasion des prisonniers de guerre.

Sur ces 6.391766 ont été internés dans des prisons. Pour les 5.625 autres, d’abord enfermés en prison ou en AEL (camp de rééducation) ils sont ensuite internés dans un KL (camp de concentration). Ils ont été ventilés en de multiples lieux  dans des camps à statut particulier comme Hinsert ou Schirmeck dans les KL de Dachau, Sachsenhausen, Buchenwald, Ravensbrück,  Flossenburg, Auschwitz, Bergen Belsen, Dora, Gross-Rosen, Mauthausen).

Fait assez rare pour des détenus en KL, certains jouissant du statut de détenu. D’éducation ou de rééducation ont été libérés et remis au travail dans leur usine (au total 618 soit 9,70%). Le taux de mortalité pour l’ensemble de ces 6.391 déportés a été de 35% avec de grandes variantes selon les KL : 17% à Stutthof, 18% pour les internés en prison, 21% à Dachau, 40% à Buchenwald, 46% à «Sachsenhausen, 57% à Flossenbürg. 


02/03/2013
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