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RESTRICTION ET RATIONNEMENT

 

Le temps des restrictions pendant l’occupation allemande

C'est le temps des vaches maigres. Des inspecteurs du ravitaillement. Le temps où, dans les prisons et les écoles, la nourriture devient une obsession, où, dans les foyers, elle ne cesse d'être l'unique pensée de millions de mères de famille soudaine esclaves de l'épicier, du boulanger. Du boucher, du crémier, de tous ces puissants barons qui ont pouvoir de vie et de mort sur une population tremblante, haineuse, courbée, révoltée. C'est le temps où les enfants apprennent à voler pour manger et où les pères se vantent des scandaleux tours de force qui ont amené jusqu'à la table familiale le pain et le vin.

Le temps des restrictions est bel et bien installé : les corbeaux et les pigeons remplacent désormais le poulet dominical, le haricot grillé, la fève cuite, l'orge et le gland à cochon relèguent bientôt le café au rang des souvenirs, les gâteaux sont servis en guise de plat principal.
Le rationnement des produits va se généraliser progressivement entre l'été 40 et l'automne 41. Il concerne non seulement la nourriture dans sa totalité, le tabac ou le vin, mais aussi les vêtements, les chaussures, le chauffage.

Restriction alimentaire de 1940-1941

Chaque Français reçoit de la mairie des cartes de rationnement à son nom, frappées de la lettre correspondant à sa catégorie. Des tickets sont joints par feuilles périodiquement renouvelables pour les principaux produits. Chaque mois, les services du ravitaillement fixent la quantité de denrées concernées, quantité à laquelle chacun de ces tickets donne droit. En échange des produits fournis, les commerçants prélèvent les tickets correspondants. Ceux-ci les reversent aux services économiques afin d'être réapprovisionnés le mois suivant. Si toutefois les arrivages - et les incohérences de l'administration le permettent. Ainsi, entre le moment de la distribution des cartes, de l'inscription pour une denrée et celui de sa distribution, il s'écoule souvent des semaines, parfois des mois.

Les Français vont apprendre à gérer ce quotidien extraordinairement difficile. Ils appliquent scrupuleusement deux grands principes sans cesse rabâchés par la presse : Ne rien perdre, faire durer. Ainsi apprennent-ils par exemple à n'utiliser qu'1 g du savon de 100 g auquel ils ont droit chaque mois. Les recettes de bonne femme triomphent. En séchant, l'ail soude aussi bien que la colle forte. En faisant bouillir du lichen blanc et des graines de lin dans de l'eau, que l'on écrase et que l'on filtre, on obtient de l'huile. Plus de chocolat ? Qu'importe, la France regorge de châtaignes dont la farine sert aussi à fabriquer, de l'eau de vie.

Réquisitions de l'armée allemande

Soldat allemand achète dans un magasin de souvenir de Paris

Les Français ne sont pas les seuls consommateurs. A côté d'eux, disposant de priorités indiscutables, de moyens d'achat puissants et d'un change scandaleusement favorable : l'armée allemande.
Non plus l'armée allemande de juin 1940, où des soldats de légende dévorent des omelettes de vingt-quatre œufs et meurent étouffés pour avoir mangé trop de pêches.
Mais, très vite, une armée allemande organisée qui, dès le 25 août 1940, à Bordeaux, réquisitionne caoutchouc et savon, et, le 12 septembre, commande 20 000 caisses de Bénédictine dont 300 livrables immédiatement. Ses réquisitions et ses achats ont pour but, non seulement de nourrir les troupes campant sur le sol français, mais aussi les civils allemands et, plus tard, les soldats de l'Est.
Lorsqu'on effectuera le recensement des denrées emportées (achats amiables, prises de guerre, réquisitions), on arrivera, pour la période allant de juin 1940 à juin 1944, à 2 845 000 tonnes de blé (la moitié d'une récolte annuelle) et presque autant d'avoine, 845 000 tonnes de viande (soit plus que la consommation de 40 millions de Français pendant l'année 1941), 711 000 tonnes de pommes de terre, 220 millions d'œufs, 750 000 chevaux, etc.

Réquisition de l’armée allemande 1940

Les représentants français à la Commission d'armistice de Wiesbaden ont beau attirer l'attention sur la disparité des rations françaises et des rations allemandes, réclamer l'arrêt des exportations hors de France de toutes les denrées alimentaires, solliciter une réduction des achats des troupes ainsi que des livraisons de compensation de pommes de terre et de sucre allemand, la plupart de ces réclamations restent sans effet. Elles provoquent même la colère du maréchal Göring qui, le 6 août 1942, expose, devant les commissaires du Reich pour les territoires occupés, sa conception de la situation alimentaire en France.

La France ? Il en vient. Les paysans français ? Tous des paresseux. Les citadins ? Des gens qui s'empiffrent de nourriture, que c'en est une honte. Le gros maréchal bien nourri tremble de colère et pointe un index accusateur.
J'ai vu des villages où ils ont défilé avec leurs longs pains blancs sous le bras. Dans les petites villes, j'ai vu des oranges à pleins paniers, des dattes fraîches d'Afrique du Nord. Je vais envoyer une quantité d'acheteurs en France qui auront tout loisir, d'ici Noël, d'acheter à peu près tout ce qu'ils trouveront dans les belles boutiques et les beaux magasins et, cela, je le ferai mettre en vitrine pour le peuple allemand dans les boutiques allemandes et il pourra se le procurer.

La pénurie de textiles

La pénurie de textiles durant le conflit militaire

La pénurie de textile touche de plein fouet la capitale coupée de ses approvisionnements habituels du nord et de la région de Lyon et de Roanne située en zone sud. La production des usines de la région parisienne ou de Normandie est en grande partie réquisitionnée par l'armée allemande.
 Les premiers tickets de textile apparaissent le 18 juillet 1941 et une réglementation sévère règle le volume de la matière première livrée aux fabricants d'habits et les lots d'habits distribués aux commerçants. Pour faire face à la pénurie, des ersatz très divers font leur apparition : tissus de remplacement fabriqués avec de la fougère, des poils de lapin, des crins d'acétate et même des cheveux dont un décret de mars 1942 ordonne la récupération, etc.

Le lanaté qui est sensé remplacer la laine se compose de 15 % de laine, de 80% de fibranne et de 5 % de poils de lapin. Mais les résultats sont généralement décevants. Les nouveaux tissus sont de très mauvaise qualité, ne sont pas chauds et ne résistent pas à l'eau...
Toutes les astuces sont bonnes pour faire face à la pénurie de textile. On rajeunit ou transforme ses habits. On utilise ses vieux rideaux pour tailler une veste, une robe. Edmond Dubois cite le cas de deux femmes de la même taille qui achètent à elles deux un seul tailleur qu'elles porteront à tour de rôle avant de se brouiller au bout de quelques mois ! Les vieux tissus sont récupérés. Ils peuvent être échangés contre des bons de textile. Le secours national organise des collectes de vieux vêtements qu'il lave, trie et recoupe avant de les distribuer aux plus nécessiteux.

Le ministère du Ravitaillement du gouvernement Vichy

Le premier rôle du ministère du Ravitaillement est d'interdiction et de rationnement. La liste des denrées alimentaires rationnées s'allongera avec les mois. Après le pain, les pâtes alimentaires, le sucre (2 août 1940), c'est le tour (23 octobre 1940) du beurre, du fromage, de la viande, du café, de la charcuterie, des œufs, de l'huile, puis du chocolat, du poisson frais (juillet 1941), des légumes secs, de la triperie (octobre 1941), des pommes de terre, du lait, du vin et même, à certaines époques, des légumes frais.
Les rations diminuent d'année en année, et les difficultés de production ou de transport entraînent souvent, en dehors de toutes dispositions légales, des restrictions supplémentaires.

Anodines, au début, les interdictions se précisent et se précipitent rapidement.
De plus en plus rare, le pain devient également de plus en plus noir. On institue des jours sans viande : les mercredis, jeudi et vendredi.
Peu de pain, pas de viande, et, lorsque les fruits sont abondants, peu de sucre. Dès le mois de juillet 1940, les consommateurs sont avertis qu'il leur faut renoncer aux confitures familiales. La confiserie est interdite, mais les mères de famille qui mettent au monde des jumeaux ont cependant droit à 2 kilos de dragées !

Denrées alimentaires rationnées

Rationnement de 1940 et 1941

Entre 1940 et 1941, la liste des denrées rationnées s'est allongée. Après le pain, c'est le sucre, puis le beurre, la viande, le café, la charcuterie, les œufs, l'huile, le chocolat, le poisson frais, le lait et, enfin, les pommes de terre.
Au cours du premier hiver les Français sont relativement favorisés pour les rations. Ils ont, par mois, 450 g de beurre et 1 kilo de viande, et par jour 350 g de pain. Mais ils sont peu à peu amenés à la portion congrue au cours des années suivantes : 150 g de beurre en 1943 et 50 g en 1944; 400 g de viande ; 275 g de pain ensuite.
Les Français ont d'abord une réaction psychologique qui se traduisent par un rush sur tous les magasins dans lesquels ils sont décidés à tout acheter, y compris les rossignols dont sont trop heureux de se débarrasser les vendeurs.
Mais qu'importe, pour les avoir, ils attendent leur tour ils font la queue.
C'est une sujétion, c'est parfois un amusement, mais cela devient aussi un métier puisqu'en le pratiquant on peut gagner 4 à 5 francs de l'heure si l'on remplace une personne que ce stationnement ne divertit pas. Les membres d'une même famille se relaient devant la porte de l'épicier en attendant que la voiture de celui-ci revienne de l'approvisionnement. Quelquefois le véhicule est vide, mais les heures passées en vain ont permis aux ménagères de bavarder, d'échanger des recettes et de tricoter en dépit du froid et de la pluie.

Le commerçant est roi

Les commerçants dans les années 1940

La fin du mois d'octobre, et surtout dès novembre 1940, avec l'apparition du froid et des journées plus courtes, voici le train des restrictions. Comme il arrive nécessairement dans les périodes de disette. L’Administration réglemente : les cartes d'alimentation mettent en évidence la raréfaction des denrées ; les prix étiquettent la réalité : trois jours sans viande ; on s'inscrit dans les boutiques pour essayer d'échapper à la queue ; les restaurants sont classés en quatre catégories.
Les commerçants prennent de l'importance. L'Etat se sert du commerçant comme d'un pourvoyeur, d'un répartiteur, d'un percepteur, d'un contrôleur ; et celui-ci saisit la balle du profit au bond. L'épicier, le crémier deviennent de petits princes : non contents de répartir, ils font la morale, au nom du Maréchal, leur grand homme ; n'est-ce pas lui qui est resté près d'eux, qui a prononcé les paroles les plus humaines, qui a révélé aux Français les fautes dont ils paient le prix amer ? Donc, finie la vie large, les vitrines garnies ! Se restreindre, calculer, économiser, faire des provisions, voilà la doctrine, et patienter, attendre d'être servi à son tour ; si on n'a pas sa ration aujourd'hui, tâcher d'être parmi les premiers à faire la queue demain. Oui, finie la vie de château, dont notre peuple n'a que trop joué (dixit Pétain) !

La vie de château, le mot le dit, sera réservée aux féodaux de cette nouvelle société les paysans et les commerçants, fournisseurs et distributeurs, avec la cohorte louche des intermédiaires. Contrairement à la courbe des échecs familiaux, la courbe des faillites commerciales tombera presque à zéro. Les épiceries, les entreprises de transport, les vendeurs de textile vont se multiplier. Dans cette nouvelle jungle, les lois ne sont pas appliquées, parce que la situation est fausse : l'Occupation n'a jamais été et ne sera jamais un régime normal ; le véritable maître, l'Allemand, se cache derrière l'Administration française à laquelle il n'a qu'apparemment confié les rênes. Mais il se sert d'abord et l'Administration ne dispose que des restes, sur lesquels des millions de Français se jettent voracement. Dans cette ruée, pas de sentiment Les plus malins l'emportent.

Pénuries de charbon

Pénurie de charbon pendant l’hiver 1940-1941

Aucune distribution de charbon n'a lieu pendant l'hiver 40-41, les Parisiens doivent vivre sur leurs réserves. En juillet 1941, les tickets de charbon sont institués mais tous ne seront pas honorés. Les rations sont de 300 kg pour deux mois en 1943 ce qui est tout à fait insuffisant. Les enfants de moins d'un an ont le droit à 50 kg supplémentaire par mois et les femmes enceintes à 100 kg au moment de l'accouchement. Les personnes qui travaillent chez elles comme les peintres, les écrivains, les musiciens, etc. sont obligées de faire des démarches interminables pour obtenir des suppléments d'allocation.
Ceux qui habitent de grands appartements sont beaucoup plus touchés que les autres. Les Parisiens équipés d'un chauffage au gaz sont un peu plus favorisés car le gaz manque moins que le charbon mais sa qualité a beaucoup baissé. Comme il chauffe moins bien, on en dépense beaucoup plus. Il est à son tour rationné à partir de 1943.
Le remplacement du charbon par le bois ne résous rien car il n'est pas possible de l'acheminer faute de moyens de transport. Des expériences d'ersatz comme le carbofeuille sont tentées mais sans grands résultats.
Le mieux reste de calfeutrer les pièces où l'on habite et de condamner celles qui ne sont pas indispensables ou trop dures à chauffer. Beaucoup de Parisiens souffrent du froid. En janvier 1941, une habitante de Paris avoue dormir dans une chambre ou la température ne dépasse pas un degré. Pour beaucoup, la meilleure solution dans la journée pour échapper au froid consiste à se réfugier dans les lieux publics comme les cafés, les bureaux de postes, les halls de banque, les serres du Muséum, les bibliothèques ou plus simplement le métro.

Les cartes d'alimentation

Cartes d’alimentation sous le régime de Vichy

Les possesseurs de cartes d'alimentation, 40 millions de Français, dont le plus connu, le maréchal Philippe Pétain à la carte n° 50 084 T, doivent tenir une très sérieuse comptabilité.
Entre le moment de la distribution (les cartes, de l'inscription pour une denrée et celui de la distribution, il s'écoule souvent des semaines, parfois des mois.
 Il faut donc veiller attentivement à ne pas égarer ces légers tickets de couleur qui, même inutilisés (mais non détachés par d'autres ciseaux que ceux de l'épicier) peuvent, un jour, se voir dotés de quelque valeur par un ravitaillement soudain généreux.
La perte des tickets représente, dans les foyers modestes, un véritable drame, et l'on imagine sans peine le désespoir de cette Parisienne, Mme Vicieux, qui, ayant déposé ses cartes d'alimentation près de son lapin domestique, arriva trop tard pour les disputer au rongeur.
Dans un très gros portefeuille, la mère de famille range donc, côte à côte, les cartes de vêtements et d'articles textiles, les cartes d'alimentation, les cartes de tabac, de jardinage, de vin, les bons d'achat pour une veste de travail ou une culotte de bain, les coupons permettant l'acquisition d'une paire de chaussures et de produits détersifs, les tickets pour les articles de ménage en fer et les articles d'écoliers, etc.
Il faut se tenir au courant des  déblocages  annoncés par la presse ou l'épicier, tenir à jour ses inscriptions, deviner l'heure à laquelle commencera la queue favorable, surveiller le compteur à gaz et le compteur d'électricité, marchander une fausse carte de pain moins chère qu'une vraie, mais plus difficile à faire passer.

Divers cartes et tiquets de ravitaillement en 1940-1941

Les cartes de ravitaillement classent les Français en huit catégories.
Désormais, on n'est plus bourgeois ou prolétaire, mais A ou T.
L'adolescence, cet anonymat aux frontières troubles, se voit arbitrairement découpé et le législateur, aidé par la longueur des restrictions, fera passer le mot J 3 du langage administratif à celui du théâtre et du cinéma.
Voici quelles sont les catégories de rationnaires :
E : Enfants âgés de moins de 3 ans.
J 1: Enfants âgés de 3 à 6 ans.
J 2 : Enfants âgés de 6 à 13 ans.
J 3 : Adolescents de 13 à 21 ans.
A : Consommateurs de 21 à 70 ans, ne se livrant pas à des travaux donnant droit aux catégories T ou C.
T : Travailleurs de force (de 21 à 70 ans). La carte T donne droit à des suppléments de pain, de viande, de vin, etc. Objet, à ce titre, de bien des convoitises, elle est attribuée suivant des règles parfois incompréhensibles. Y ont droit ceux qui fabriquent des billards ou des armures de théâtre, mais non les fabricants de parapluies : ceux qui travaillent dans une usine de conserves de poisson, mais non ceux qui sont employés par une usine de conserves de légumes ; ceux qui confectionnent des yeux de poupées, mais non les horlogers
C : Consommateurs de plus de 21 ans se livrant à des travaux agricoles.
V : Consommateurs de plus de 70 ans.

Le troc

Le troc sous l’occupation allemande

Le troc, aux lois mouvantes, naît avec les premières restrictions. Un chroniqueur de la Petite Gironde en révèle les mystères à ses lecteurs, le 26 septembre 1940 : Ma voisine, de retour de son voyage stratégique en Dordogne, a retiré 20 litres d'essence de sa voiture, vouée désormais au repos. 20 litres d'essence, c'est pour l'instant, une valeur-or, une petite fortune !
II est naturellement facile de trouver un acquéreur. Vendre de l'essence, vous plaisantez, c'est une monnaie d'échange trop précieuse ; j’aurai, en la divisant en plusieurs lots, des pôles, du beurre et ces merveilleuses denrées que sont le café et le sel !
Dans ces négociations ténébreuses, il doit y avoir, pensez-vous, quelques cours réglant les échanges ?
Détrompez-vous. Les cours s'établissent suivant la rareté momentanée des denrées en cause.

Cependant, les statisticiens essaient de saisir sur le vif, et de fixer pour la postérité, le cours de ces échanges. Ils ont entendu parler de ce négociant en vins de Sète qui expédie des fûts à Pau et les récupère lestés de jambon, de lard, d'avoine, de pommes de terre ; ils relèvent dans le journal de l'Indre, le Département, cette annonce significative : Échangerais belles oies contre poste T.S.F. avec ondes courtes. Ils savent que, dans le Puy-de-Dôme, on obtient un kilo de beurre avec deux kilos de sucre ou quatre paquets de cigarettes, un porc avec un costume, que l'on paie le menuisier, le maréchal-ferrant en lait, beurre, œufs. Mais, un jour ou l'autre, les ressources officielles, comme celles du troc, ne suffisent plus et les Français, tous les Français, riches ou pauvres, font connaissance avec le marché noir.

Expéditions de ravitaillement

C'est l'âge d'or des intermédiaires. N'importe qui trafique de n'importe quoi. Un Russe blanc, Szokolnikov, amassera, au service des Allemands, une fortune de 8 milliards de francs anciens ! Le commerce de détail prospère, de façon souvent paradoxale. L'irrégularité, au double sens du terme, des approvisionnements dirige la viande chez le mercier, les légumes chez le boucher. Parmi les temples parisiens du marché noir figurent en bonne place les loges de concierge.

Mais ravitaillement officiel et marché noir ne peuvent s'organiser en un jour. Et l'hiver 1941 est très dur.Aussi, dès le printemps, les habitants des grandes villes, ceux de Paris surtout, se souviennent de leurs parents et amis de province, ou s'en découvrent. Les week-ends sont consacrés aux expéditions de ravitaillement. Les trains du samedi partent, débordants de familles avec vélos, valises, havresacs. Il faut avoir vécu ces retours du dimanche soir, avec des voyageurs sur les tampons ou les marchepieds des vieilles voitures !
Le problème est de ne pas se faire prendre. Dans les campagnes, il y a les Feldgendarmen, avec leurs massifs hausse-cols. Les gendarmes français, eux, ferment volontiers les yeux. Mais l'octroi ceinture encore Paris ; les gabelous, surveillés par les Allemands et le réflexe professionnel aidant, se montrent parfois indiscrets. On descend à contre-voie, on cherche des sorties interdites. Gare Montparnasse, il est facile de se faufiler par le dépôt des bagages. Une fois en ville, on se heurte parfois à des contrôles de police. On ne se sent sauvé qu'une fois rentré. On se délasse enfin, car le trajet, souvent debout, dans des wagons bondés, ne repose pas des kilomètres à bicyclette, avec 40 ou 50 kilos de victuailles sur le dos ou sur le porte-bagages.

Tandis que les paysans améliorent leur régime, mangent de la viande, s'enrichissent, vendant le minimum au ravitaillement, le maximum au marché noir, remplissent leurs lessiveuses de billets de banque, et soutiennent les finances de l'État et l'industrie en souscrivant massivement aux emprunts publics et privés, les citadins, malgré leurs efforts, s'appauvrissent et sont réduits à la portion congrue. Avec leurs salaires gelés, les heures supplémentaires, les cantines assez bien fournies, les travailleurs des villes font difficilement face au coût réel de la vie.
Les colis familiaux ne sont qu'un palliatif, en dépit des 50 kilos de produits alimentaires autorisés périodiquement.
Naturellement, ce seront les faibles qui pâtiront le plus : les indigents, les vieillards, les inexperts dans la pratique du marché noir, considéré comme l'un des beaux-arts.

Le paysan devient roi

Famille paysanne durant l’occupation allemande 1940-1941

Les prélèvements de denrées alimentaires deviennent tels que la population commence à souffrir, dans les villes surtout. Le paysan devient roi. Pour se faire pardonner ses gains, il est relativement généreux : 300 000 Parisiens ont bénéficié en 1941 de ses colis familiaux. Les curés s'entendent fort bien à lui faire sortir un peu de ses surplus ; ne disposent-ils pas du secret de la confession ? Les paysans camouflent la plus grande partie de leurs réserves : il faut souvent la menace, surtout dans les régions ouvrières, pour les leur faire livrer.
Par contre, ils ne s'opposent jamais à la réquisition des occupants qui paient bien. Et, dans les trains, on les voit tailler à même des miches de pain blanc et piocher dans des pots de beurre. Le paysan a conquis une sorte de royauté ; il en profite comme d'une revanche sur les temps anciens où il était le parent pauvre. A partir de 1942, les départements agricoles sont les seuls où les naissances l'emportent sur les décès ; et même, la paysannerie se nourrissant mieux qu'avant la guerre, la proportion de la mortalité régresse en son sein.

Le retour à la terre

Le gouvernement prône le retour à la terre et, malgré l'absence des 700 000 paysans prisonniers, tout le monde s'y met avec enthousiasme.
Pendant quatre ans, être fermier sera la vocation rêvée. On élève des poules, on cultive des bacs de salades sur les balcons ; le rutabaga fleurit dans les jardins à la française ; au printemps, les jardins publics se hérissent de rames  à petits pois, on récolte des pommes de terre dans les jardins du Luxembourg et des Tuileries ; les fumeurs entretiennent amoureusement quelques plants de tabac.
Le Maréchal lui-même loue une propriété à Charmeil, près de Vichy, où il fait élever les agneaux enrubannés qu'on lui offre à l'entrée des villes.

Troquer devient une façon de survivre : un jambon peut favoriser une promotion, du blé apporte un manteau, du savon débloque des pommes de terre.
Les paysans deviennent rois, mais dans les villes, l'existence est pénible malgré des recettes de gâteaux sans sucre ni oeufs et de rôtis de pommes de terre. On fabrique des savonnettes avec des marrons d'Inde. Les femmes tricotent après avoir passé des heures à détricoter de vieux chandails.
La faim rend ingénieux : un jeune avocat du Nord, Philippe Lamour, arrivé à bicyclette à Bellegarde dans le Gard, crée les premières rizières de Camargue.
Mais les spéculateurs du marché noir commencent à bâtir des fortunes qui deviendront respectables  grâce à quatre années d'une disette de plus en plus complète.

Mise en culture de terres abandonnées

Vichy ordonne la mise en culture (volontaire ou forcée) des terres abandonnées et particulièrement des grands espaces de Sologne et de Grau. Les jardins ouvriers sont encouragés, dotés de subventions, de conseils, d'instruments. Sous la surveillance plus ou moins exacte de commissions de contrôle, on voit se grouper dans les établissements religieux, les usines, les bureaux, tous ceux qui n'ont pas oublié leurs origines paysannes.
Financièrement et psychologiquement, le gouvernement encourage également le retour à la terre.

Les journaux chantent le courage et l'intelligence de ceux (ils sont 25 000 paraît-il) qui ont su revenir à la terre pour mieux manger sans doute, mais aussi pour faire revivre une parcelle de sol français .
Afin de réduire le gaspillage, on mobilise les enfants des écoles pour la récolte des châtaignes et des glands. La lutte contre le doryphore est intensifiée. Le service civique rural organisé. Le remembrement favorisé.
Dans la volonté de ne laisser aucun lopin de terre inutilisé, on ira jusqu'à mettre en culture le jardin des Tuileries. Une fois mûres, les tomates, poussées à la place des fleurs, seront distribuées au Secours national.
Mesures spectaculaires à l'influence limitée.

De 1940 à 1944, les surfaces cultivées diminuent de 16 % pour le blé, de 22 % pour les betteraves sucrières, de 29 % pour l'avoine et l'orge. Elles n'augmentent sensiblement que pour les légumes frais et pour les cultures oléagineuses (colza, œillette, navette) où elles passeront de 9 000 hectares à 267 000.
Quant aux récoltes, comment ne diminueraient-elles pas dans un pays où les engrais font défaut ainsi que les machines neuves, l'essence, les semences sélectionnées et jusqu'aux fers à chevaux depuis que l'armée allemande s'est emparée des stocks de l'unique usine de Duclair ?

Vichy ordonne la mise en culture (volontaire ou forcée) des terres abandonnées et particulièrement des grands espaces de Sologne et de Grau. Les jardins ouvriers sont encouragés, dotés de subventions, de conseils, d'instruments. Sous la surveillance plus ou moins exacte de commissions de contrôle, on voit se grouper dans les établissements religieux, les usines, les bureaux, tous ceux qui n'ont pas oublié leurs origines paysannes.
Financièrement et psychologiquement, le gouvernement encourage également le retour à la terre.

Les journaux chantent le courage et l'intelligence de ceux (ils sont 25 000 paraît-il) qui ont su revenir à la terre pour mieux manger sans doute, mais aussi pour faire revivre une parcelle de sol français .
Afin de réduire le gaspillage, on mobilise les enfants des écoles pour la récolte des châtaignes et des glands. La lutte contre le doryphore est intensifiée. Le service civique rural organisé. Le remembrement favorisé.
Dans la volonté de ne laisser aucun lopin de terre inutilisé, on ira jusqu'à mettre en culture le jardin des Tuileries. Une fois mûres, les tomates, poussées à la place des fleurs, seront distribuées au Secours national.
Mesures spectaculaires à l'influence limitée.

De 1940 à 1944, les surfaces cultivées diminuent de 16 % pour le blé, de 22 % pour les betteraves sucrières, de 29 % pour l'avoine et l'orge. Elles n'augmentent sensiblement que pour les légumes frais et pour les cultures oléagineuses (colza, œillette, navette) où elles passeront de 9 000 hectares à 267 000.
Quant aux récoltes, comment ne diminueraient-elles pas dans un pays où les engrais font défaut ainsi que les machines neuves, l'essence, les semences sélectionnées et jusqu'aux fers à chevaux depuis que l'armée allemande s'est emparée des stocks de l'unique usine de Duclair ?

Ce sont sans doute les fumeurs qui déploient l'ingéniosité la plus étonnante pour satisfaire leur passion. Tabac et cigarettes sont sévèrement rationnés. Les femmes françaises (contrairement aux allemandes) n'y ont pas droit. Les fumeurs ramassent précieusement leurs mégot ou ceux des autres.

On vend de jolies petites boîtes pour les conserver et de petites machines à rouler les cigarettes, pour les maladroits. Il y a ceux qui cultivent du tabac dans leur jardin ou sur leur balcon et le préparent eux-mêmes. On voit, ou plutôt on sent pire : d'étranges mélanges de végétaux, offensants à l'odorat le plus endurci. Les Belges se vantent qu'aussi longtemps qu'il poussera de l'herbe en Belgique, les Français ne manqueront jamais de quoi fumer !

La pénurie de chaussures en 1941-1942

Les chaussures deviennent aussi très rares car le cuir fait défaut. En janvier-février 1942, Paris ne reçoit que 88 280 paires de chaussures ce qui est dérisoire pour une ville qui compte alors plus de deux millions d'habitants. Des tickets de chaussures font leur apparition. Une commission est même créée à l'hôtel de ville pour examiner les demandes d'attribution de chaussures. Les bottiers ont interdiction de fabriquer des chaussures montantes ou des bottes.

La santé de la population

 

Malgré les distributions officielles, la débrouillardise individuelle, le rationnement sévère de spiritueuse et autres mesures contre l'alcoolisme — qui le fera pratiquement disparaître avec ses plus graves séquelles, comme certaines maladies mentales, la santé de la population des grands centres urbains se détériore gravement, surtout en zone Sud, moins favorisée par la nature. La mortalité augmente, prélevant un lourd tribut sur les vieux, les malades, les jeunes enfants.
Les citadins perdent du poids, même à Paris, avec son énorme marché noir. 24 % des Parisiens adultes pèseront 8 kilos de moins que le poids normal, 38 % de 4 à 8 kilos : effet cumulé d'un régime insuffisant et d'un exercice inhabituel. Comparé aux années d'avant guerre, le taux de mortalité s'accroîtra également de 24 % pour le Grand Paris, de 29 % à Marseille et jusqu'à 57 % pour le Grand Lyon, entouré de vignobles et de montagnes. En revanche, dans les terres plantureuses de l'Ouest, la mortalité décroîtra de 11 %. La santé morale se détériore en proportion de la santé physique.

Le système D se joue des lois et des règlements, sans souci de leur origine française ou allemande. La génération des moins de vingt ans, souvent privée de père, prisonnier de guerre, s'y adonne allégrement. On peut encore s'estimer heureux si ces J3 ou zazous, avec leurs cheveux longs, leur pantalon trop étroit et leur amour de la musique américaine se confinent dans les activités excitantes du marché noir. Des individus jusque-là honnêtes se mettent à chaparder des produits alimentaires, surtout du pain, ou à acheter des cartes de pain volées, ou fausses dont la fabrication est passible de la peine capitale.
Les personnes de moralité irréprochable considèrent tous ces trafics avec indulgence. L'Église catholique pardonne à ceux qui ne le font pas à des fins lucratives. ils nous prennent tout s'ajoute maintenant c'est toujours ça qu'ils n'auront pas.

La règlementation des restaurants

La restauration pendant l’occupation allemande de 1940 à 1944

La réglementation des restaurants est d'une complication qui serait décourageante si elle était observée.
Classés en quatre catégories : A de 35,10 francs à 50 francs ; B de 25,10 francs à 35 francs ; C de 18,10 francs à 25 francs ; D égal ou inférieur à 18 francs, ils doivent afficher à partir de 10 heures, non seulement le menu, mais aussi la valeur des tickets à remettre par le client.
Pour la composition des menus (tout service à la carte étant interdit), quatre formules sont admises entre lesquelles le consommateur a le choix. La nature des hors-d’œuvre, qui doivent obligatoirement être servis froids; est déterminée : pas de poissons, pas de salades contenant des oeufs. Ni beurre, ni sucre à la disposition des clients. 20 centilitres de vin seulement à chaque repas. Enfin, le restaurateur n'a même pas le droit de tenter un éventuel client. Tous les fruits et plats doivent être rigoureusement invisibles de l'extérieur.

La première année de l'Occupation

Pendant la première année de l'Occupation, la société de marché noir se met en place, dans une immense combinaison clandestine qui n'a rien de politique. A côté des boutiques qui ont pignon sur rue, s'installe le troc ; quiconque a une monnaie d'échange finit toujours par dénicher l'objet ou la nourriture qu'il désire.
Dans les villes, chaque immeuble a son petit dépôt, chez le concierge, ou chez n'importe qui. Les commerçants eux-mêmes, s'ils vendent les produits pour lesquels ils paient patente, disposent des marchandises les plus diverses. D'une zone à l'autre, il y a un appel constant : dans la zone nord, pas de vin, ni d'huile, ni de savon ; dans la zone sud, pas de farine, ni de sucre, ni de pommes de terre, ni de graines fourragères, ni de charbon, etc. Quand la marchandise manque, apparaît l'ersatz ; c'est un mot allemand, car l'Allemagne a été obligée de fournir à ses citoyens des produits de remplacement. Chez nous, l'Occupation en impose la nécessité : la saccharine va nous donner l'illusion du sucre et des fabricants plus ou moins véreux vont, à coup de publicité éhontée, se gorger de profits avec des produits qu'ils vendront en réalisant d'énormes bénéfices, car les fonctionnaires du service des prix recrutés au petit bonheur la malchance, se laissent duper quant aux coûts de fabrication ou bien se laissent acheter.

Les protestations contre I’ insuffisance des rations se multiplièrent. Ainsi, en mars 1941, on lança des tracts dans les quartiers de Ménilmontant et de Belleville, qui mêlaient les premières accusations politiques à la disette: A manger aux Français. A bas le fascisme.

L’organisation du marché noir

L’organisation du marché noir sous l’occupation

L'organisation du marché noir est la parade indispensable aux ponctions exorbitantes des occupants, masse improductive, jouisseuse, insolente, volontiers abusive. Ainsi comprend-on mieux l'absolution préalable et générale que le cardinal Suhard donne aux pratiquants de ce système individuel : Ces modestes opérations extra-légales, par lesquelles on se procure quelques suppléments jugés nécessaires, se justifient tout à la fois par leur peu d'importance et par la nécessité de la vie. L'Etat lui-même ferme les yeux : la loi du 15 mars 1942 sur le marché noir précisera : Les infractions qui ont été uniquement commises en vue de la satisfaction directe de besoins personnels ou familiaux sont exemptes de poursuite.

Les cartes d'alimentation

En Alsace, la carte d'alimentation fut introduite par ordonnance de Wagner dès le 29 juillet 1940. D'abord pour la viande, le sucre et le pain (farine et dérivés). Par la suite, le rationnement fut étendu aux autres denrées alimentaires : matières grasses, lait, confiture, etc. Curieusement, pour les Allemands, une carte d'alimentation n'est pas valable pour un mois, mais pour quatre semaines. Cela représente donc treize distributions par an. Ce jour-là, tous les autres services des mairies sont fermés et tous les fonctionnaires s'emploient à la remise des cartes, un adulte par famille se charge de venir les chercher. Les tickets peuvent être honorés dans n'importe quel magasin du Reich. En revanche, pour les marchandises rares (Mangelwaren) irrégulièrement distribuées, il est nécessaire de se faire inscrire chez un détaillant.

Commerces et débrouille

Le comptoir de la petite épicerie Sadal, en face de la pharmacie, tenue depuis sa création en 1935 par Angèle Furstoss et sa fille Irène. En 1944, la pénurie se fait sentir, certains casiers sont peu garnis. Il faut dire aussi qu'à l'époque, de nombreux produits alimentaires sont vendus en vrac.

Quand tout manque

Pas facile en temps de guerre de trouver tout le nécessaire pour la vie quotidienne. Les importations sont interrompues, les transports et livraisons se font mal, des usines sont détruites.

En 1943-1944, la pénurie est telle que certains tickets d'alimentation ne pourront même pas être utilisés. On cherche à trouver des produits de remplacement pour les produits qui manquent le plus. Pour le café, les ersatz sont multiples. La chicorée bien sûr, mais aussi la carotte grillée, moulue ou pilée ! Les fumeurs se mettent à planter du tabac dans leur jardin voire à rouler dans leur papier à cigarettes les feuilles séchées les plus diverses. Enfin, le topinambour, qui a la faculté de pousser dans les plus mauvais terrains, remplace souvent la pomme de terre. On se met à cuisiner des soupes à l’ortie, aux feuilles de radis, à la luzerne.

Le savon manque ? On apprend à en fabriquer en mélangeant suif, cristaux de soude et résine. Autre recette possible : un plein seau de feuilles de lierre à faire bouillir deux heures dans cinq litres d’eau puis à mélanger, une fois filtré, avec un demi-paquet de lessive, permet d’obtenir, refroidi dans des petits moules, d’excellents savons ! Pour se chauffer, tout est bon : journaux, papiers mis en boulettes, boîtes en carton remplies de sciure et de poussière.

Les vêtements sont recousus sur l’envers quand l’endroit devient trop râpé ou bien sont teints pour donner l’illusion du neuf. Lorsqu’ils sont troués, les pull-overs, les chaussettes et même les bas de coton sont détricotés : on utilise ensuite leur laine ou leur fil pour refaire du neuf. Enfin, faute de tissus bien chauds pour l’hiver, on glisse du papier de journal dans les doublures de vêtement pour se protéger du froid.


27/02/2013
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DES TONDUES ET COLLABORATEURS

Des milliers de tondues

 Cette femme est tondue pour avoir collaboré ou habité avec un soldat allemand

La tonte de cette femme en 1944

Plus les recherches avancent plus les bouches s'ouvrent, plus les crampes mémorielles se dénouent, avec le temps, et mieux nous savons l'ampleur du phénomène des tontes à la Libération: des milliers de femmes, des dizaines de milliers peut-être, sont passées à la coupe zéro, au coin des rues des grandes villes comme sur les places des bourgades, dans les régions qui avaient fortement souffert de l'occupation allemande comme dans celles qui avaient été relativement épargnées, là où le maquis délogea la Wehrmacht au prix de durs combats comme là où la Libération intervint sans combats, des confins pyrénéens à ces marches de l'Est que l'on a longtemps cru, à tort, préservées, de par leur spécificité culturelle.

Le déroulement de la tonte

Très variable, également, le déroulement même de la cérémonie, où se donne libre cours une troublante imagination populaire: à demi dévêtue, parfois nue, le front, les joues (les seins) couverts de croix gammées peintes au goudron, une pancarte autour du cou, hissée sur une estrade où elle subit une parodie de jugement, plongée dans une fontaine, affligée d'un bonnet d'âne ou d'un collier de chien, exposée, photographiée, astreinte à une conduite de Grenoble en tous les points stratégiques de la localité, parfois battue, voire lynchée, toujours cruellement moquée, la tondue fait l'objet d'un rite de dégradation, de ridiculisation aux variantes infinies.

Partout, les tontes se présentent comme une fête sauvage une cérémonie, un carnaval ou un charivari destinés à canaliser et purger  les passions populaires, à conjurer le spectre de la guerre civile franco-française et à hâter  le rétablissement de l’ordre légitime. Aussi  trouve-t-on dans la plupart des cas des éléments de scénographie qui les situent au carrefour des fêtes populaires et des grandes scènes de persécution d’antan : cortèges bruyants traversant ville ou village, travestissement de la tondue dont le front s’orne de croix gammées, inscriptions vengeresses inscrites au goudron ou à la peinture sur différentes parties du corps des pécheresses (a fait fusiller son mari, a couché avec les Boches, collabo), exécution de la sentence sur une estrade située devant un bâtiment public. Mélange inextricable de rires et de violence.

 

Les dérapages sont légions et cette épuration sauvage sert souvent d'alibi à des règlements de compte personnels. Des femmes sont tondues pour collaboration horizontale avec l'occupant, des maisons sont marquées de croix gammées. Ces débordements sont souvent le fait de résistants de la veille, soucieux de faire preuve d'un zèle qu'on ne leurs connaissait pas face à l'occupant quelques jours auparavant.

Nous pouvons comprendre, bien sûr, la mécanique selon laquelle la tondue est élue dans le rôle du bouc émissaire: elle est, le plus souvent, une femme sans pouvoir ni prestige (une boniche, pas une Arletty), désocialisée (une réfugiée, fréquemment), une humble, une sans voix, n'entendant rien à ces histoires-là (la politique) et ayant, comme la plupart, tâché de survivre durant les quatre années de privations.

L'inépuisable diversité des tontes

La tonte de cette femme en 1944

Les tontes se caractérisent à la fois par leur inépuisable diversité et par une homogénéité fondamentale. On tond en effet des femmes de différentes conditions (des hommes, parfois, plus rarement) pour les raisons les plus disparates et dans les circonstances les plus diverses. Ici, une jeune fille est simplement accusée d'avoir entretenu une peu patriotique liaison avec un militaire allemand, et là une femme mûre d'être une indicatrice de la Gestapo.  
Ailleurs, on reproche à telle de s'être exhibée avec des notables de la collaboration ou des profiteurs du marché noir; en d'autres lieux, tout simplement, d'être épouse ou fille de milicien notoire, tenancière d'un café où l'on servait les occupants. De même, si la tonte est bien parfois, telle qu'on la décrit habituellement (et un peu facilement) le fait de la foule en délire, des résistants de la vingt-cinquième heure, voire l'heure des cons,  il arrive aussi, plus troublant, qu'elle ne soit pas tout entière spontanéité et débordement.

Le viol ne manque pas au tableau

Dans un village de l’Ain, Altemare, le commissaire de la République, Yves Farge décrit une maison sur laquelle est cloué un scalp, surmonté d’un bout de papier, portant la sentence du maquis.

Des femmes eurent les bouts du sein coupés. D’autres furent tatouées au fer rouge, une autre rasée pas seulement la tête fut contrainte, pour parachever le travail de s’accroupir, nue au-dessus d’un récipient où brûlait de l’essence.

Dans l’arrondissement du Blanc, Mme Y âgée alors de quarante-trois  ans, fut arrêtée chez elle par une bande venue de Villedieu-sur-Indre. On l’amena à Mehun, hameau de la commune de Villedieu, où elle fut pendue, entièrement nue, à une porte, à l’aide de deux chaînes de moto et d’une corde. Les vertèbres craquèrent et elle dut son salut à un réflexe instinctif qui lui fit passer ses doigts entre son cou et la chaîne.

 Elle fut ensuite rasée partout, la besogne étant complétée par des brûlures au briquet. Après quoi, on la frappa brutalement à coup de barre de fer et de crosses de mitraillettes. Le même soir, vers 10 h 30, on l’obligea à se coucher nue. La tête contre le mur, le dos au sol, les jambes écartées à l’aide d’une corde à coulisse que l’on serrait à volonté. La séance dura environ deux heures. Puis quatre prisonniers furent contraints, sous la menace de coups d’abuser de la malheureuse.

 Pareille scène se renouvelèrent continuellement jusqu’au matin. Le lendemain, vers 9 heures, on l’ammena en camion à Neuilly-les-Bois, puis en forêt de Lancosme, où elle fut de nouveau frappée. C’est là qu'’un Noir, invité à abuser de la prisonnière, refusa catégoriquement. Le calvaire de la pauvre femme prit fin à Château-Robert, près de Vendoeuvres. Elle fut examinée par deux docteurs et resta en prison, dans différentes résidences du 23 août au 24 novembre. Pour une fois, il arriva que l’affaire ne fût pas étouffée et que des sanctions judiciaires fussent prises, ultérieurement, contre les coupables.

L’interrogatoire de ses deux femmes en 1944

Un certain nombre de femmes sont exécutée sommairement dans les heures suivant la Libération, d'autres mettent fin à leurs jours quand on vient les arrêter ou, plus tard, en prison. On leur peint des croix gammées sur le visage, quelques-unes sont marquées au fer rouge. Les interrogatoires sont un cauchemar.
Je ne me rappelle plus rien, dit la mère d'Henriette. Ma tête a volé d'un côté et de l'autre tellement on m'a frappée. On me posait toujours et toujours les mêmes questions. Ils voulaient savoir comment lui, cet Allemand, il se comportait au lit. Je ne répondais pas. Et je recevais une nouvelle une nouvelle gifle. Ma tête volait à gauche. Ils m'ont même demandé combien de centimètres mesurait son sexe. Je ne répondais toujours pas. Alors on continué à me gifler. Et ma tête volait à droite. Je n'arrive même pas à te raconter tout ce qu'ils voulaient ces hommes, mes compatriotes.

Malheur aux vaincus, tel est le mot d'ordre de l'été 44, dans une France tout juste libérée. Il suffit d'avoir eu des contacts, pas forcément intimes, avec des militaires allemands, d'être victime de la délation qui prolifère, pour aller au pilori. Taxées de collaboration horizontale, des femmes par milliers sont promenées dans les rues, la plupart tondues, quelquefois nues, sous les huées d'une foule haineuse.

La photo de Robert Capa

La photo d’une femme tondue par Robert Capa

Sur l'une des célèbres photos de Robert Capa, apparaît une proscrite de la Libération pourchassée par la foule pour avoir collaboré avec l'occupant. La femme porte un nourrisson dans ses bras. Le photographe américain a pris, ce 18 août 1944 à Chartres, deux clichés de la malheureuse. On la voit marchant au milieu d'une multitude de femmes, suivie de quelques fillettes et d'hommes goguenards. Le spectacle n'est pas coutumier. Il est de ceux, cocasses et cruels, dont les foules sont friandes. La femme est précédée d'un gendarme. L'uniforme donne à la scène un semblant de légalité. Sans doute l'emmène-t-on en prison. Un homme porte son baluchon, carré de linge blanc noué hâtivement. Témoin de cette chasse aux sorcières à la française, le reporter questionne des badauds. Ils ne savent pas si cette femme est accusée d'avoir eu une liaison avec un Allemand ou d'avoir dénoncé des Français qui écoutaient Radio Londres. Nous penchons pour la première hypothèse, vu l'enfant à son bras.

On a tondu plusieurs milliers  de femmes, des dizaines de milliers peut-être. Les recherches les plus récentes sur les tontes font apparaître que l’on a tondu dans les grandes villes comme dans les bourgades, dans les régions où le maquis avait durement affronté l’occupant  et ses séides français, comme en Dordogne, et  dans celles où la présence massive de ces derniers empêchait l’action de la Résistance, comme dans le Cotentin, dans les localités où de rudes affrontements avaient eu lieu entre les Alliés et la Wehrmacht comme dans d’autres où les Allemands s’étaient retirés sans combat.

Dans un petit village breton, un jeune homme des forces Françaises de l’intérieur passe à la tondeuse une fille accusée d’avoir (collaborée) avec l’occupant allemand.  Le tableau de chasse de ce coiffeur improvisé a dû revêtir une certaine importance si l’on en juge par l’amas de chevelure dont le sol est recouvert.

Une femme a été tondue, Un jeune patriote la tient en joue.

À Chartres, une suspecte vient d’être arrêtée par une douzaine de jeunes F. F. I armés.

À Paris, deux femmes sont amenées à la Préfecture de Police le 25 août 1944.

À Paris, cette femme tondue, accusée d’avoir fait fusilier sont mari, vient d’être arrêtée.

Colère dans le sud

La colère gronde dans le sud après la libération

Dans le Midi, les manifestations de joies ou de colère sont évidemment plus colorées, mais aussi plus cruelles que dans le Nord.
A Sarlat, note un témoin, une sorte de folie règne partout. La contrepartie du régime d'occupation est terrible. Les femmes qui ont été avec les Allemands souffrent le plus. Nues jusqu'à la ceinture, une croix gammée douloureusement tatouée sur la poitrine, elles sont promenées dans la ville. On leur coupe les cheveux à ras. Le cuir chevelu avec, car le sang coule.

Le procès de Mme Polge est un épisode culminant des journées nîmoises. Cette jeune femme très belle était devenue l'amie du commandant allemand de la place. Beaucoup de Nîmois eurent recours à elle pour arranger nombre d'affaires. Son procès est attendu par la population avec autant d’impatience qu'une corrida. L'accusée est condamnée à être tondue et promenée dans la ville avant d'être fusillée. La foule s'acharnera plusieurs heures sur son cadavre qui sera transpercé, de la manière qu'on imagine, avec un manche à balai.

Dans les jours qui suivent la Libération de nombreuses femmes sont tondues. Face à cette expédition expéditive, le 10 septembre, une affiche signée par les responsables de la Résistance d’y mettre un terme.

 La chasse aux collaborateurs

Ces tribunaux, des régions dans lesquelles ils opèrent (essentiellement l'ancienne zone non occupée) de l'intensité de l'activité milicienne dont il s'agit de se venger, des horreurs découvertes après le départ de l'armée allemande, horreurs dont les collaborateurs qui n'ont pas fui sont, à tort ou à raison, rendus responsables.
Les commissaires de la République, choisis et désignés dans la clandestinité, bien avant la Libération, pour maintenir l'ordre et jeter les bases d'une république nouvelle, ont beau prendre des arrêtés mettant fin à l'existence des  tribunaux militaires ou autres cours martiales, il faut du temps, dans certains départements, pour que leurs ordres soient suivis d’effet.

Procès de collaborateurs en 1944

Sans doute la justice mettra-t-elle bien des mois avant de rentrer. Dans les voies de la légalité. Et les anomalies ne manquent pas. Ainsi les jurés des cours de justice sont-ils systématiquement choisis parmi les résistants, c'est-à-dire parmi les adversaires de ceux qu'ils ont à juger; ainsi les prévenus ne peuvent-ils se réclamer de l'obéissance à un gouvernement déclaré illégal depuis le 16 juin 1940 ; ainsi tous les magistrats, à une exception près, ayant prêté serment au maréchal Pétain (serment exigé par l'acte constitutionnel numéro 10 en date du 4 octobre 1941), sont les hommes qui ont, quelques mois plus tôt, jugé et condamné des gaullistes et des communistes, et doivent maintenant juger et condamner des collaborateurs. Une situation que la défense, lorsqu'elle sera libre de s'exprimer, ne se fera pas faute de dénoncer.
Avec ses excès, ses négligences, ses lenteurs profitables aux accusés, la justice d'après septembre 1944 sera infiniment moins rude et moins sanglante que la justice sommaire des tribunaux du peuple ou des cours martiales, pour ne pas parler de la justice exercée à titre de représailles ou de vengeances.

De 30 000 à 40 000 Français ont été abattus, dans des proportions inégales suivant les régions. A Marseille 800 corps non identifiés auraient été jetés dans le Jarret. A Avignon, 46 exécutions sommaires recensées.

Dans la région de Limoges, près d’un millier, sans compter un charnier qui ne fut pas ouvert et dont on évalue le contenu à 200 ou 300, tués par les maquisards A Poitier, pas d’exécutions sommaires signalées parmi les Français : mais des prisonniers allemands, d’origine russe ou géorgienne sont massacrés sur la Place d’Armes, par une foule en délire. Dans les Deux-Sèvres, quelques exécutions sommaires. A Clermont-Ferrand, dans les quarante-huit-heures de troubles qui suivirent la libération, il y en aurait eu entre 130 et 150. Dans un rayon de 100 kilomètres à la ronde, l’exemple de la plus grande ville est suivi. A Bironde, le premier jour, une vingtaine d’exécutions. A Lyon, 7 à 800, A Lunéville, 30.

Tous ces meurtres Non pas la même origine. Les uns sont commis à la suite d’acte de trahisons indéniables perpétrés  au profit des Allemands contre les troupes du maquis, les autres pour des raisons injustifiable.

 Un exemple

Vers onze heures un mardi soir, une auto s’est arrêtée dans la cour et V, et est sorti par derrière de la maison pour aller dans l’obscurité se rendre compte de la qualité des visiteurs. Il avait le sentiment que (les maquis lui reprocheraient sa dénonciation. Entendant les occupants de la voiture descendre à terre et faire semblant de s’exprimer en allemand, le malheureux est allé vers eux et leur a dit ’’ AH! Vous êtes des Allemand, alors je n’ai rien à craindre de vous’’. Il avait lui-même prononcé sa condamnation à mort. Les autres ont joué le jeu.

Poursuivant toujours son idée il ne leur a fait grâce d’aucun détail en rajoutant encore, pour leur demander enfin (J’espère que vous aller libérer mes enfants pour me récompenser). Ils lui ont promis. Complaisamment, il leur a raconté comment (Alfred), de la Gestapo, était venu d’abord, qu’il l’avait retenu à déjeuner, qu'’il lui avait fait faire une belle omelette.

Les visiteurs du soir lui ont alors demandé de les conduire à l’endroit où étaient les conteneurs. Sa femme voulait d’abord les restaurer, ils ont refusé. Au retour, nous nous arrêterons. Le jeune fils voulait l’accompagner; eux n’ont pas voulu, il n’y avait pas de place dans la voiture, on ne devait plus le revoir vivant; un voisin a entendu, du côté des bois des coups de feu, vers 24 heures. Le narrateur conclut son récit en écrivant : Pauvre homme, moi qui sais les mobiles qui l’ont poussé à agir, je suis prêt à lui pardonner.

 Les tribunaux d’exceptions

Procès populaire à la libération 1944

Au lendemain de la libération de Limoges par les Francs tireurs et partisans, le 22 août, leur chef, le colonel Guingouin, instaure un tribunal militaire (anticipant de trois jours sur l'arrêté du commandant des Forces françaises de l'intérieur, le colonel Rivier).
Trois cents personnes comparaîtront devant la cour de justice militaire de Limoges, du 24 août 1944, date de sa première audience, jusqu'au 14 septembre. Soixante-quatorze seront condamnées à mort et toutes exécutées.
Cette justice d'exception s'exposait à d'inévitables abus. On citera le cas d'un des condamnés par la même cour martiale de Guéret, qui passera devant le poteau d'exécution pour avoir, agent d'assurance, établi une police pour le camion et les locaux de la Milice. Les états de service remarquables de l'agent d'assurance pendant les deux guerres mondiales ne lui avaient valu aucune forme d'indulgence de ses juges. Lorsque le commissaire de la République, Pierre Boursicot, prendra ses fonctions, les cours martiales du Limousin auront largement entamé l'épuration.

Exécution de trois collaborateurs reconnus. Ils ont été fusilier

Comparés aux exécutions individuelles qui ne s'embarrassent d'aucune formalité et dont les victimes offrent le plus large éventail social et politique, quand il ne s'agit pas de vengeances personnelles, les jugements des tribunaux d'exception s'efforcent en général de conserver les apparences de la légalité, alors même, ne l'oublions pas, que la France n'est pas totalement libérée et que la guerre n'est pas terminée.
Le sud de la France et plus spécialement le quart sud-ouest  (le Limousin) voient se développer les tribunaux d'exception, ce qui n'est pas étonnant dans des régions où la Résistance s'est montrée très active, la répression allemande, parfois jumelée avec l’intervention de la Milice, la plus sauvage.

Le lynchage

Lynchage d’un collaborateur par des civils

Cette répression improvisée prend parfois un tour plus tragique. Sans s’embarrasser de scrupules juridiques, certains résistants assassinent des victimes convaincues – parfois sans preuves matérielles – de collaboration. Dès la Libération de Cavaillon, par exemple, un imprimeur qui a travaillé pour les Allemands est passé par les armes. Dans cette même ville, deux jeunes miliciens sont fusillés le 1er novembre 1944, bien que le préfet et le président du Comité de Libération aient tenté de s’interposer. Circonstance aggravante, un lynchage a précédé leur exécution.

Les miliciens de Grenoble

Les miliciens de Grenoble dans le box des accusés

Six jeunes miliciens de l'école de formation d'Uriage dans l'Isère, sont condamnés à mort, le 2 septembre, par la cour martiale de Grenoble et fusillés le jour même. Ces condamnations et ces exécutions ne retiendraient pas spécialement l'attention si l'on ne considérait le jeune âge des condamnés, l'absence de charges sérieuses à leur encontre (aucune forme d'engagement contre la résistance), les circonstances de leur arrestation, de leur condamnation et de leur exécution. Avoir été milicien pendant l'été 1944, et au-delà, et quelles que soient la nature de cet engagement et les responsabilités encourues, expose à l’exécution sommaire ou à la sévérité d'un tribunal d'exception.

L’exécution d’un des membres de la milice de Grenoble

Les douze miliciens comparaissent devant une cour martiale, formée à l’initiative du préfet Reynier, assistés par un avocat, le choix d'un défenseur ayant rencontré mille difficultés. Les membres du Barreau, à Grenoble comme ailleurs, refusent le plus souvent de s'engager, voire de s'exposer. Grenoble ne fera pas l'exception.
Le procès devant la cour martiale se déroule dans un chahut monstre d'une foule au comble de l'excitation qui couvre l'avocat, Me Guy, d'insultes et de menaces à tel point qu'on devra le faire escorter par des gendarmes.

La foule se retrouve, en masse, pour ne rien manquer de l'exécution des six condamnés à mort : les amateurs du spectacle se précipitent à pied, à bicyclette ou dans des voitures délabrées. Bientôt six corps s'affaissent sous les balles du peloton, dans le crépuscule froid et pluvieux de septembre.
Le journaliste américain John Osborne qui rendit compte de l'événement dans le magazine Life écrivit que la foule fut prise d'un délire collectif et que les maquisards durent éloigner des individus qui cherchaient à atteindre les six cercueils où devaient être déposés les corps des victimes.

Milicien pendu à la libération 1944

Perpignan, quatre mille suspects sont soumis à des traitements horribles. L'abbé Niort, de Tautavel, âgé de 65 ans, a le thorax enfoncé et les côtes cassées. On lui arrache les ongles, les cheveux et des morceaux de chair avec des tenailles.
Condamné par une cour martiale, on doit lui faire des piqûres pour qu'il tienne jusqu'au poteau. Dès qu'il s'effondre, la foule se précipite sur son cadavre. Des femmes frappent le mort. D'autres urinent sur lui. Quelques mois plus tard, l'abbé sera réhabilité à titre posthume.
A Aix-en- Provence, sur le majestueux cours Mirabeau, les cadavres de trois jeunes miliciens pendus se balancent plusieurs jours. Dessous, on fait défiler les enfants des écoles. Il n'est jamais trop tôt pour apprendre.

Massacres à Nîmes

Nîmes en 1944

Nîmes, le maître des cérémonies est le commandant Boulestin, de son vrai nom, Teussier, ivrogne notoire qui, jusque-là, vendait des cacahuètes et des lacets dans les rues. Il se déplace en voiture sur laquelle il a fait peindre son nom de guerre en lettres énormes.
Le noyau des F.T.P. de la ville est constitué d'Espagnols rouges, d'Indochinois du Mouvement Ouvrier International et de Russes de l'armée Vlassov qui ont changé de camp. L'exploit principal de Boulestin est l'organisation des tueries sur la place des arènes de NÎmes, le 28 août 1944.

La chasse aux collaborateurs dans le sud de Nîmes

Ce jour-là, il prend livraison de neuf miliciens à la prison populaire. Il les fait aligner les bras levés, puis il organise un défilé à travers la ville. On jette sur les malheureux des détritus et on les frappe. Un haut-parleur convie les honnêtes citoyens à participer aux réjouissances. Arrivés aux arènes, les suppliciés sont collés au mur. Couvrant les cris de la foule, les fusils crépitent. Des énergumènes se précipitent. Ils écrasent les corps à coups de talon.
Des femmes hystériques trempent leur mouchoir dans leur sang. La scène dure deux bonnes heures.
C'est là que sera exécuté dans d'atroces conditions, Angelo Chiappe, préfet régional d'Orléans, ancien préfet de NÎmes où, à la Libération, on le réclama.
A partir du 9 septembre, toujours à Nîmes, une cour martiale juge les suspects par paquets de 20. La foule se rue sur les accusés à leur arrivée pour les frapper. Ce jour-là, il y a 6 exécutions. Le 11 septembre, on en tue 5 autres, ainsi que le 14 et le 18. On exécute aussi en dehors de cette procédure. On exécute après un simulacre de jugement le président du Tribunal de Nîmes, le préfet de la Lozère, Dutruch, ou le commandant de gendarmerie Brugnère, que l'on réhabilitera ensuite.
Les corps des victimes sont entreposés dans la cour du lycée avant d'être jetés à la fosse commune. On en dénombre parfois 34 ensembles.

Le petit Godard

L’épuration à la libération des collaborateurs

A Paris, il y a plusieurs prisons clandestines mais la geôle la plus sinistre est installée à l'Institut dentaire de l'avenue de Clichy, où sévissent d'authentiques truands, tel José Redrossa, et des spécialistes de la torture. L'un des anciens pensionnaires de l'établissement en a conté les scènes hallucinantes
Les F.T.P. ont amené Godard. Godard, c'était le jeune homme qui s'était jeté du second étage, la veille, parce qu'on le torturait trop. Il n'avait que vingt ans. Mais il avait appartenu à la L.V.F., le petit imbécile. Et les F.T.P. n'aimaient pas ça. Ils l'ont battu et torturé plusieurs fois, là-haut, au second étage, avec je ne sais quelle science chinoise. C'était trop pour ce petit Godard de vingt ans. A un moment, sans doute, il n'a pu en endurer plus, de tout son corps d'enfant qui souffrait, qui saignait.
Il a voulu s'échapper, n'importe comment. Il s'est jeté à travers la fenêtre, emportant au passage du bois, des vitres. Et ils l'ont ramassé en bas, les jambes brisées. L’un d'eux l'a rapporté dans la salle, sur son épaule. Et les jambes de Godard lui pendaient dans le dos, comme des choses mortes.

Épuration en France en 1944-1945

Ils l'ont jeté sur une paillasse, dans un coin. Il est resté là toute la nuit. Et ce fut un drôle de nuit.
Personne n'a pu dormir. Les prisonniers jusqu'au matin ont entendu le petit Godard qui avait voulu fuir la torture et qui n'avait pas réussi. Il a souffert toute la nuit par ses jambes brisées. Il criait de douleur.
Il appelait sa mère. Ou bien il râlait, longuement, comme s'il allait mourir. Nul ne l'a soigné, puisqu'il devait être fusillé au matin. C'eût été du temps perdu. Les F.T.P., parfois, en passant, le traitaient de salaud, et lui ordonnaient de se taire.
Au matin, donc, ils l'ont amené jusqu'au mur, sur un brancard. Ils ont essayé de le mettre debout, de le faire tenir, tant bien que mal, en l'appuyant au mur, pour le fusiller, selon les règles. Mais le petit Godard s'est aussitôt effondré, sur ses jambes brisées. Alors ils l'ont remis sur le brancard et ils l'ont tué dessus. C'est ainsi qu'a fini de souffrir le petit Godard.

La chasse aux notables de 1944

La liste serait interminable de ces notables assassinés en raison de leur fonction sociale : le général Nadal ; Lacroix, syndic de la corporation paysanne de Haute-Savoie ; Daniel Bedaux, ancien adjoint du général de Castelnau. Le baron Henri Reille-Soult, notable de la Vienne et authentique résistant, est assassiné le 19 octobre 1944.
En Haute-Savoie, le comte de Sales est abattu en pleine rue, alors que deux gendarmes le conduisent au tribunal. Dans le Puy-de-Dôme, le grand aviateur Jean Védrines est abattu sous les yeux de sa femme et de ses enfants. Il avait été attaché pendant quelques semaines au cabinet du maréchal Pétain en1940.

Notables surveillé par deux gardes armées du Front de Libération

Le comte Christian de Lorgeril, âgé de 59 ans, combattant des deux guerres, est propriétaire d'un vaste domaine et d'un château historique. Sous le prétexte qu'il a toujours professé des idées monarchistes, les F.T.P. l'arrêtent le 22 août 1944. Complètement dévêtu, le malheureux est d'abord contraint de s'asseoir sur la pointe d'une baïonnette.
Puis les tortionnaires lui sectionnent les espaces métacarpiens, et lui broient les pieds et les mains. Les bourreaux lui transpercent le thorax et le dos avec une baïonnette rougie au feu. Son martyre n'est pas fini. Il est plongé dans une baignoire pleine d'essence. Leur victime s'étant évanouie, ils le raniment en l'aspergeant d'eau pour répandre ensuite sur ses plaies du pétrole enflammé. Le malheureux vit encore. Il ne mourra que cinquante-cinq jours plus tard, dans des souffrances de damné.
Les responsables de ce crime et de bien d'autres, commis notamment sur la personne de détenus à la prison de Carcassonne, seront traduits plus tard devant les juges. Trois furent condamnés à 10, 7 et 5 ans de prison. Les autres furent acquittés. Leurs avocats avaient invoqué les instructions du général de Gaulle comme les défenseurs de miliciens invoquèrent celles de Pétain.

Le salon de l'épicier

La chasse aux collaborateurs en France 1944

Voici le collabo jeté dans une pièce qui a dû être le salon de l'épicier. S'y trouvent déjà un gendarme portant au front la mention vendu, tracée à l'encre, un négociant de Marmande dont le visage tuméfié dit le traitement qu'il a da subir, trois dames légères au crâne rasé et un garçon de quatorze ans, qui s'est inscrit aux Jeunes du P.P.F.
Au cours de la nuit, le salon reçoit un nouvel hôte. Un garagiste de La Réole. Il a été sérieusement  tabassé pour avoir effectué des réparations aux voitures des officiers allemands.
L'un de ses cousins, accusé d'avoir  vendu sa marchandise aux occupants, a été, avec sa femme et son fils, collé à un mur et abattu à la mitraillette. Un des gardes-chiourme leur apporte du pain. Ce sera le seul ravitaillement durant les trois jours et les trois nuits passées dans cette première geôle. Le gardien leur annonce l'arrivée d'une grosse prise. Un dénonciateur capturé à Nérac. Vous allez entendre ce que vous allez entendre.
L'homme est enfermé dans la cave. On entend les coups mats de gourdins et de nerfs de bœufs assenés sur son corps nu. Cela dure des heures. Parfois les hurlements cessent. Mais le supplice n'est pas achevé. De longs râles disent qu'il n'a pas fini de souffrir. Il sera achevé au matin.

 

Après la libération de Nancy, un collaborateur est forcé de tenir au dessus de sa tête la photographie d’un officier allemand.

Un autre arrestation à Rennes

Après la libération de Paris place des Pyramides. Des membres des Forces Françaises de l’Intérieur prennent sous leur protection un individu malmené par la foule qui avait déchiré son pantalon.

D’abord des images terribles en noir et blanc : celles d’un homme qu’une foule en furie maltraite, brutalise, frappe puis accroche par les pieds en haut d’un lampadaire. L’homme se débat. Ses gestes se font ensuite plus rares et, enfin, du moins on le devine, il meurt. La corde qui le retenait est coupée sans ménagement et son corps tombe au sol comme un vulgaire paquet de linge sale.
On avait déjà pu voir ces images dans le film Été 44 de Patrick Rotman, qui les avait utilisées à l’état brut, sans commentaire. Daniel Scheidemann a eu l’excellente idée de chercher à en savoir plus et de mener, avec la collaboration de Christelle Ploquin, une enquête sur cette scène atroce qu’on avait d’abord située à Vichy pendant l’été 1944.
En fait, la scène se passe à Cusset, un petit village proche de Vichy, et se déroule le 2 juin 1945, soit près d’un an après la Libération. Plus que la révélation de ce décalage chronologique, c’est la reconstitution de la genèse de cette tragédie, par le croisement des témoignages et des documents, qui donne tout son intérêt historique.

Personnages célèbres emprisonnés

Arletty, une prisonnière célèbre

Parmi les plus célèbres de ces prisonniers n'y a-t-il pas la comédienne Arletty (à gauche) qui, au moment de l'épuration, a déjà inscrit son nom au générique de chefs-d’œuvre tels que Hôtel du Nord, le jour se lève ou les visiteurs du soir, une vedette à qui l'on reprochait d'avoir eu des relations avec des duchesses et des comtesses.
Arrêtée, elle se retrouvera dans la même geôle que Tino Rossi qui, lui, offrait sa voix aux autres détenus, pendant les offices religieux.

Mary Marquet

Également enfermée: Mary Marquet l'actrice de théâtre entrée depuis vingt ans à la Comédie française où elle était devenue sociétaire et à qui on reprochait des articles écrits dans la revue Aujourd'hui, une revue dont le directeur n'était autre que Georges Suarez, l'un des journalistes fusillés.

Pierre Fresnay

Pierre Fresnay, également inquiété et emprisonné passait son temps de réclusion à frotter son carrelage à la paille de fer. Cet acteur qui était lui aussi passé par le théâtre, notamment le Français, avant d'être appelé par le cinéma, fut révélé au grand public dans le corbeau. C'est justement ce rôle du docteur Germain accusé par des lettres anonymes d'être l'amant de l'épouse de l'un de ses confrères dans une petite ville de province, qui va faire de Pierre Fresnay un homme suspect aux yeux des membres de ces juridictions d'exception.
Le film, présenté dans les salles de cinéma outre-Rhin sous le titre Province française, et son interprète principal furent accusés d'avoir voulu réaliser une entreprise d'avilissement propre à montrer la dégénérescence du peuple français à travers les habitants d'une petite ville provinciale.

L’arrestation de Sacha Guitry par la Résistance 1944

Le 23 août 1944 à 10 heures du matin Sacha Guitry est arrêté à son domicile par deux hommes armés. On ne lui laisse pas le temps de s'habiller et on l'entraîne dehors. Pour un spectacle, c'est un spectacle !
L'auteur dramatique se décrira lui même: Mon pyjama se compose d'un pantalon jaune citron et d'une chemise à larges fleurs multicolores. Je suis coiffé d'un panama exorbitant, et quant à mes pieds, qui sont nus, ils sont chaussés de mules de crocodile vert jade.
Il est conduit ainsi vêtu, par les rues, jusqu'à la mairie du VII" arrondissement où il est brièvement interrogé dans la cellule 117. Ce 23 août commencent les épreuves de Sacha Guitry en prison et ses démêlés avec la justice. Il racontera d'ailleurs tout cela dans un ouvrage édité en1949 qui s'intitule Soixante jours de prison et qui succède à Quatre ans d'occupations paru en octobre 1947.
On l'accuse d'antisémitisme lui qui, dénoncé par le Pilori, est obligé de se disculper de l'être alors même qu'il vient en aide à des amis juifs. De là à l'arrêter... Depuis 1942, Radio Londres et les journaux de la Résistance font circuler des listes noires de collaborateurs. Dans l'un de ces journaux, Guitry est condamne a mort. L’époque de souffrance se prête à la revanche. Le seul fait d'avoir fréquenté l'ennemi est considéré comme suspect. Guitry ne peut nier ses fréquentations et tous les arguments développés dans ses livres de souvenirs écrits après l'occupation ne peuvent occulter certains faits accomplis au moment où des hommes et des femmes mouraient sous la torture, les balles et la hache, dans des camps.

Pendant l'Occupation, Sacha Guitry ne va pas manquer d'occupations et ce sont elles qui vont le mener, en fonction de l'interprétation qu'on leur donne, au respect ou au déshonneur. Lorsqu'il arrive à Paris il fait des démarches auprès du préfet Jean Chiappe et du recteur de l'Académie de Paris chargé des affaires culturelles pour obtenir la réouverture des théâtres, et il reprend dans son théâtre de la Madeleine une pièce créée en 1919 : Pasteur. Le voilà aux prises avec les autorités allemandes qui, devant le nationalisme de la pièce, veulent la censurer. Encore une fois des démarches. Encore une fois il obtient gain de cause. L'homme est habitué aux succès. Il n'a connu que la gloire. Tout cela lui paraît naturel. Tout au long de la guerre, les interventions, les sollicitations auprès des Allemands vont se succéder. Sacha en a les moyens, il a l'impunité des gens célèbres, il a les relations et les occasions ne manquent pas.
A la prison de la Santé, il est enfermé dans la cellule 42 avec ex-ministre de l'Éducation de Pétain. Prisonnier, il subit menaces, insultes et aussi... demandes d'autographes. Pour qui est habitué au confort de l'hôtel particulier, la promiscuité, la saleté, le manque d'hygiène tout cela n'est pas très réjouissant. Le prisonnier reçoit quelques colis apportés par son chauffeur.
Bientôt Tristan Bernard intercède auprès du juge d'instruction en faveur de celui qui l'a sauvé en 1943. Le 24 octobre 1944, deux mois après son arrestation, Sacha Guitry est libre. Le 8 août 1947, le commissaire du gouvernement rend une décision de non lieu, rien n'ayant été trouvé au cours de l'enquête et beaucoup d'accusations ayant  été reconnues comme fausses.

Paul Morand
Auteur d’Ouvert la nuit, ami de Proust, publie en 1941 son chef-d’œuvre, l’Homme pressé. Décoré de la francisque, ministre plénipotentiaire. Préside la Commission de Censure cinématographique. Laval le nomme ambassadeur à Berne en juillet 1944 pour lui éviter l’épuration.

Jean Giono
Ses romans célébraient la terre avant que Vichy n’y trouve un de ses mythes. Mis à l’index pour avoir beaucoup côtoyé l’occupant. La NRF de Drieu publie ses textes etla Gerbe ses entretiens, trois de ses pièces sont montées à Paris occupé. Incarcéré cinq mois à Saint-Vincent-les-Forts, libéré le 2 février 1945.

Lucien Rebatet
Une des meilleures plumes de la collaboration, mais aussi l’une des plus violentes. Critique musical et cinématographique, entre à Je suis partout dès 1933. Auteur des Décombres, best-seller de l’Occupation, paru chez Grasset en 1942 et tiré à100000 exemplaires. Condamné à mort le 23 novembre 1946, puis gracié. Amnistié en juillet 1952.


Georges Suraez
Premier intellectuel fusillé. Ancien biographe de Briand, Poincaré, Clemenceau. Anti-allemand durant la drôle de guerre. Compagnon de Doriot puis de Déat. Se rapproche d’Abetz. Juger pour ses articles dans Aujourd’hui, journal subventionné par l’occupant. Condamné à mort et exécuté le 9 novembre 1944.

René Bousquet, (en col de fourrure)

Secrétaire général à la Police en avril 1942. Signe avec Oberg (chef de la Gestapo en France) les accords autorisant la livraison par la police française des juifs étrangers. Condamné en 1949 à cinq ans de dégradation nationale, peine levée aussitôt pour services rendus à la Résistance. Abattu à Paris le 8 juin 1993.

Charles Maurras
Maître à penser de l’intelligentsia nationaliste du début du siècle. Patron de l’Action française. Accueille l’avènement de Pétain par un célèbre divine surprise! Dépassé en virulence par ses anciens disciples, référence constante d’un Brasillach ou d’un Vallat. Condamné en 1945 à la réclusion criminelle à perpétuité. Mort en 1952.

 

Henri Béraud
Prix Goncourt 1922 pour le Martyre de l’obèse. Éditorialiste de l’hebdomadaire Gringoire. Auteur du brûlot Faut-il réduire l’Angleterre en esclavage? Deviendra collaborationniste militant. Condamné à mort peine commuée en réclusion à perpétuité  puis à résidence surveillée dans sa maison de l’île de Ré, où il meurt en 1958.

Pierre  Drieu La Rochette
Symbole d’une génération d’intellectuels qui crut déceler dans l’Allemagne nazie un renouveau de l’Europe. Écrit dans «Révolution nationale» des articles résolument fascistes et européens. Dirige la prestigieuse NRF de Gallimard, où il fait entrer Bonnard et Fabre-Luce. Se suicide le 16 mars 1945.

Louis-Ferdinand Destouches, dit Céline
En juin 1940, hésite à s’embarquer pour l’Angleterre. Publie dès 1941 les Beaux Draps, pamphlet politique violemment antisémite. Stigmatise la mollesse du commissariat aux juifs de Vallat. Fuit au Danemark. Condamné à un an de prison par contumace en 1950 et à l’indignité nationale, rentre un an plus tard.

Louis Renault
Fondateur des usines Renault, soupçonné d’avoir freiné l’effort de guerre demandé par Daladier en 1939, puis livré à l’Allemagne plus de 32000 véhicules durant l’Occupation. Meurt en prison le 24 octobre 1944. Le 15 novembre est décidée la confiscation des biens de la Société des Usines Renault.

Yves Farges

Il est toujours difficile de modérer une troupe que l'on a mobilisée sur des thèmes insurrectionnels. M. Paganelli ne fut pas le seul commissaire de la République à en faire la dure expérience. A trois reprises, à Lyon, Yves Farges se heurte aux excités de la rue. Une première fois, il est arrêté par des jeunes gens armés qui prétendent le reconnaître comme un collabo. Il ne doit son salut qu'à des amis qui le suivaient et qui interviennent.
Les deux autres aventures sont directement liées au combat que Farge mena contre l'épuration sauvage. Un jour, il est alerté par le préfet de la Drôme alors qu'il vient de gracier un condamné à mort jugé à Valence. Selon le préfet, une manifestation organisée pour protester contre cette clémence risque de dégénérer en émeute. Yves Farges se fait conduire aussitôt sur place et décide les protestataires à le suivre dans une salle des fêtes où il leur expliquera les motifs de sa décision. Conspué sans arrêt par une majorité de F.T.P., il apprend bientôt que, tandis qu'il parlait, la foule a enfoncé les portes de la prison et fusillé le condamné ainsi que quatre autres détenus.
Quelque temps après, la Cour de cassation ayant annulé la sentence qui condamnait à mort l'ancien préfet Ani Éli, une foule furieuse envahit la prison Saint-Paul à Lyon. Mais Farge, qui a été prévenu, joue d'audace. Lorsque la cohue arrive à la cellule d'Angéli, elle trouve Farges debout sur le lit entourant de ses jambes le prisonnier.
-Vous ne toucherez pas à un cheveu de cet homme, tant que je serai vivant, dit-il.

La sanglante épuration spontanée de 1945 en Italie

Les pertes des antifascistes seraient de 29 000 personnes, ainsi réparties :

6 000 partisans tués au combat; 13 000 fusilliers par représailles, ou mort en déportation dans les camps allemands (ce chiffre comprendrait également les nombreux partisans communistes qui furent abattus par des partisans communistes;

10 000 civils fusillés en représailles, soit par les forces allemandes, soit par les forces fascistes.

Les pertes fascistes seraient de 75 000 personnes, ainsi réparties :

7 000 soldats tués au combat; 12 000 fascistes abattus par les partisans pendant la guerre civile; 10 000 Italiens de la Vénétie Julienne, de L’Istrie et de la Dalmatie éliminés comme (fascistes) par les partisans yougoslaves.

Quatre solides partisans encadrent cette femme sans grand relief. Accusée d’avoir proféré des opinions qui ne cadre plus avec celle du nouveau régime. Ou peut-être d’avoir trop bien accueilli des militaires allemands.

Un fasciste passe devant les juges populaires soigneusement gardé par une jeunesse joyeuse, armé jusqu’aux dents.

On fusille beaucoup comme sur la photographie; à Milan, où des partisans vont régler leur compte à quelques prisonniers italiens et allemands.

Les prisons italiennes se sont remplies instantanément de (politiques) ou en instance de jugement. Mais la justice du peuple est plus expéditive.

Les cadavres des hiérarques fascistes exécutés sommairement à Milan.

La chasse aux fascistes a pour théâtre les principales artères des villes et villages d’Italie

Ce que l’on voyait dans les rues de Milan, après le départ des troupes allemandes. Des partisans armés soumettant les habitants des interrogatoires sur les agissements de leurs voisins.

Maria Nencioni ex-secrétaire du général Graziani dont le procès est venue devant la cour de Milan. Carlo Emanuele Bassile, ancien préfet de Gênes, est derrière les barreaux.

Le massacre des femmes

Certains épisodes de cette épuration révèlent l’ampleur du déchainement populaire. Donato Carreta, directeur de la prison romaine de Regina Coeli, venu témoigner dans un procès, est entouré par la foule à la sortie du tribunal; une femme l’accuse d’avoir livré son mari aux Allemands. On s’empare du directeur de la prison, on l’amène jusqu’au Tibres, et au milieu des hurlements de la foule, il est précipité dans le fleuve. Il parvient à nager et à regagner  l’autre rive; on le rejette à l’eau, il lutte encore quelques temps, puis enfin il se noie. Tandis que la foule hurle de joie en assistant à ses ultimes convulsions. De nombreux épisodes aussi dramatiques resteront longtemps dans les mémoires. L’épuration n’épargne pas les femmes. Dans la région de Rome, 7 000 femmes environ furent massacrées, 5000 autres furent jetées en prison, et 20 000 tondues et violentés.

L’un des principaux dirigeants fasciste Buffarini Guidi a été fusilier dans le dos.

A Milan, la salle de la cour d’assises où étaient jugés les procès de collaborateurs.

L'épuration

 

L’épuration a été violente.
Dans la seule agglomération de Bordeaux, 1399 personnes étaient déjà arrêtées le 18 septembre1944.
En fin 1948, la Cour régionale de justice avait prononcé 882 verdicts dont, pour le département : 66 condamnations à mort (15 condamnés réellement exécutés), 340 peines de travaux forcés, 19 peines de réclusion, 239 peines d’emprisonnement et 141 acquittements.

 

Le Tribunal militaire de Bordeaux a jugé 1885 affaires, avec 24 condamnations à mort (12 exécutions), 187 peines de travaux forcés, 466 peines de prison, 6 amendes, 289 acquittements, 831 absous, 6 amnisties à l’audience, 69 actions éteintes.
La Chambre civile a traité 1963 cas, et prononcé 1379 indignités nationales.

Adrien Marquet, maire de Bordeaux, fit 41 mois de prison avant d'être jugé et acquitté. Il fut seulement condamné à 10 ans d'indignité nationale.

Remarques : Dans une émission de télévision, un membre de cette Chambre civile a rappelé que ceux qui avaient été convaincus de s'être enrichis en profitant de l'occupation avaient été dépouillés de tous leurs biens.

Les malgré-nous d’Oradour sur Glane

Le sort avait fait que 14 Alsaciens faisaient partie de la compagnie du régiment Der Führer qui commit le massacre d’Oradour sur Glane, dont 12 étaient des malgré-nous c’est à dire des incorporés de force. Dans la suite de la guerre, quelques uns désertèrent, et se battirent ensuite dans les FFI ou dans l’Armée. Certains avaient fondé des familles lorsque la Justice vint leur demander des comptes d’après une loi de 1948 à effet rétroactif (déjà), portant sur les crimes collectifs. Ils furent jugés à Bordeaux (déjà) et furent condamnés, le 13 février 1953, à des peines de 5 à 8 ans de réclusion. Certains avaient réellement participé au crime, mais il fut tenu compte qu’ils n’avaient que 18 ans au moment des faits. Qui pouvait prétendre qu’il aurait osé refuser d’obéir dans la SS ? C’était la douleur du Limousin contre celle de l’Alsace, et la France en fut bouleversée. Le Président du Conseil, René Mayer, proposa une loi d’amnistie pour les malgré-nous, qui fut votée par 318 voix contre 211. Les malgré-nous furent tous libérés dès le 21 février. Deux condamnés à mort, dont un Alsacien volontaire pour la SS, furent graciés, et furent libérés en 1958.  

 

Le général de Gaulle et l’épuration

Le général voulut que l’épuration soit courte, et fit preuve d’une grande clémence que les communistes lui reprochèrent avec véhémence. Il pensait que la vengeance était contraire à la démocratie, et que les peines les plus sévères devaient être réservées à ceux qui avaient utilisé la guerre à des fins personnelles.

Au total, de la Libération jusqu’à sa démission en janvier 1946, 1594 recours en grâces lui furent présentés pour des condamnés à mort de tous les tribunaux existants : Haute cour de Justice pour les hommes politiques, Cours martiales qui furent remplacées par les Cours de justice, Tribunaux militaires jugeant les trahisons, Cours d’Assisses, Juridiction Coloniale et Tribunaux militaires jugeant les crimes de guerre. Le général De Gaulle accorda 998 grâces pour ces 1594 recours. 

Le général De Gaulle et le Maréchal Pétain

Le Général déclara, en 1945 : Aujourd’hui, il y a un vieillard dans un fort  dont moi et beaucoup d’autres reconnaissons qu’il a rendu de grands services à la France. 

En mars 1948, à Verdun, il évoqua le : le grand chef de la Grande Guerre emporté sous l’effet de l’âge, par le torrent des abandons. 

En mars 1949, lors d’une conférence presse, il déclara:
que la condamnation de Pétain était nécessaire car il avait symbolisé ce que fut la capitulation et, même s’il ne l’avait pas voulu, la collaboration 

Le 15 mars 1950, devant la Presse, il dit : S’il fallait une preuve de la carence du régime, cette question brûlante et amère nous la donnerait. C’est un opprobre que de laisser en prison un homme qui va avoir 95 ans. 

De nos jours, des journalistes et des hommes politiques ne reconnaissent pas que le général de Gaulle fut un grand homme, mais le maintien en prison de Maurice Papon prouve certainement que les hommes politiques actuels sont bien petits.


25/02/2013
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LES FUSILLÉS DE CHÂTEAUBRIANT

Fusillés en 1941). Des otages exécutés par les nazis

Après l'appel du général de Gaulle, le 18 juin 1940, et la signature de l'armistice, le 22 juin, des Français refusent de se résigner et choisissent de combattre l'Allemagne nazie.
L'année 1941 est une année importante pour la Résistance. Les groupes et les réseaux se développent, les attentats et les sabotages se multiplient, tandis que l'attaque allemande contre l'URSS entraîne l'engagement officiel du Parti communiste dans la lutte.
Les réactions des Allemands sont de plus en plus violentes. En août 1941, ils décident de fusiller des prisonniers français pour punir les actes de résistance. Les fusillés de Châteaubriant ne sont pas les premiers otages exécutés, mais leur massacre est le point de départ des exécutions massives perpétrées à titre de représailles par l'occupant nazi.

Détail du monument érigé à la Sablière en hommage aux fusillés de Châteaubriant.

Les dates clé des camps de Châteaubriant (1940-42)
Après la défaite de 1940, les troupes allemandes occupent une partie de la France et parviennent, notamment, en Bretagne.

Vue aérienne du camp de Choisel.

Le 17 juin 1940, les Allemands entrent dans Châteaubriant, petite ville de 10 000 habitants, située dans la vallée de la Chère.
Les soldats faits prisonniers à Nantes et dans les environs sont dirigés sur Châteaubriant et regroupés sur le champ de courses de Choisel.

Quatre camps sont alors créés :

Le camp (A), au moulin Roul, où sont enfermés des tirailleurs sénégalais.

Le camp (B), dans le marais de la Courbetière, où sont rassemblés des prisonniers anglais.

Le camp (S), dans le terrain de sport de la Ville en Bois, où sont détenus des prisonniers venus de Nantes.

Le camp (C), celui de Choisel, le plus important et le mieux organisé.

Fin 1940, quelque 45 000 prisonniers sont internés à Châteaubriant. Le 14 janvier 1941, ils sont transférés en Allemagne. Seul le camp de Choisel va subsister.

Aux anciens prisonniers succèdent des nomades raflés sur les routes et des droits communs puis, à partir de la fin avril, des détenus politiques des deux sexes, anciens dirigeants syndicalistes des Bourses du travail, dirigeants des mouvements du Front Populaire ou des communistes arrêtés par le gouvernement de Vichy.

En octobre 1941, environ 600 personnes sont détenues au camp de Choisel.
Extrêmement solidaires les uns des autres, ces prisonniers occupent leurs journées à des activités intellectuelles, organisent des cours de langues, ou effectuent des travaux de jardinage destinés à améliorer l'ordinaire.

En août 1941, une ordonnance transforme les Français arrêtés en otages. En application de cette ordonnance signée par le général Schaumburg, commandant du Gross Paris, plusieurs des détenus du camp de Choisel sont fusillés, notamment les 22 octobre et 15 décembre 1941.

1941 : l'occupant nazi exécute des otages

Avis publié dans L'oeuvre du 23 août 1941, annonçant que les Français arrêtés sont désormais des otages.

Août 1941 - Les nazis décident d'exécuter un groupe de prisonniers français, désormais considérés comme otages, en représailles de tout acte de résistance.
Le 21 août 1941, un soldat allemand, l'aspirant Moser, est abattu à Paris, dans la station de métro Barbès-Rochechouart. Après cet attentat, une ordonnance allemande décrète: A partir du 23 août, tous les Français mis en état d'arrestation sont considérés comme otages. En cas de nouvel acte, un nombre d'otages correspondant à la gravité de l'acte commis sera fusillé.
À la mi-octobre 1941, des groupes de résistants armés, dont les membres sont présentés comme des terroristes par les Allemands, programment une série d'opérations à Bordeaux, à Nantes et à Rouen. Ces actions de résistance visent à obliger l'occupant à maintenir des troupes sur l'ensemble du territoire en entretenant un climat d'insécurité, ainsi qu'à développer la lutte armée.

Le 19 octobre 1941, un sabotage provoque le déraillement d'un train sur la ligne Rouen-Le Havre.
20 octobre 1941 - L'officier allemand Holtz est abattu par des résistants, à Nantes.

Le 20 octobre 1941, près de la cathédrale de Nantes, deux jeunes Parisiens, Gilbert Brustlein et Guisco Spartaco, rencontrent sur leur chemin deux officiers allemands, le lieutenant Holtz et le médecin-capitaine Sieger. Ils leur emboîtent le pas. Au moment de tirer, l'arme de Spartaco s'enraye, mais le revolver de Brustlein atteint Holtz qui s'effondre.

L'intérieur du camp de Choisel, juillet 1941.

La réaction de l'occupant nazi est immédiate : à Châteaubriant, une commune située à environ 70 km de Nantes, des troupes allemandes viennent renforcer la gendarmerie française qui assure la garde du camp de Choisel. Un officier allemand se présente au camp pour y consulter la liste des prisonniers. La majorité d'entre eux sont des détenus politiques arrêtés par le gouvernement du maréchal Pétain.
21 octobre 1941 - Les nazis annoncent l'exécution de cinquante otages, en représailles de la mort de l'officier allemand Holtz.

Guy Môquet, photographié en compagnie de sa mère et de son frère, Serge, en visite à Châteaubriant. A dix-sept ans, il est le plus jeune des otages fusillés le 22 octobre 1941.

Le 21 octobre 1941, le général Von Stülpnagel, commandant militaire en France, annonce par voie d'affiche :

En expiation de ce crime, j'ai ordonné préalablement de faire fusiller cinquante otages  cinquante autres otages seront fusillés au cas où les coupables ne sont pas arrêtés d'ici le 23 octobre 1941, à minuit. J'offre une récompense  de quinze millions de francs aux habitants du pays qui contribueraient à la découverte du coupable.

Le choix des otages est laissé à la discrétion du gouvernement de Vichy. Les Allemands présentent au ministre de l'intérieur, Pierre Pucheu, une liste de cent détenus. Les noms de cinquante personnes sont retenus, essentiellement des communistes. L'exécution du premier groupe d'otages se prépare.

Le 21 octobre 1941, à Bordeaux, un autre officier allemand, le conseiller d'administration militaire Reimers, est abattu par Pierre Rebière.

La riposte des autorités allemandes est la même : cinquante otages fusillés, cinquante otages en sursis jusqu'à l'arrestation des coupables, une récompense de quinze millions de francs offerte aux dénonciateurs.
22 octobre 1941 - Les nazis exécutent quarante huit otages français, dont vingt-sept à Châteaubriant, en représailles de la mort de l'officier allemand Holtz.
Le mercredi 22 octobre, en début d'après-midi, les Allemands regroupent à Châteaubriant, au camp de Choisel, vingt-sept otages.
Dans une baraque du camp, ils peuvent écrire une dernière lettre, avant d'être conduits à la carrière de la Sablière, située à la sortie de la ville, pour y être exécutés.Leur exécution se déroule en trois salves, à 15 h 50, 16 h 00 et 16 h 10. Tous refusent d'avoir les yeux bandés et les mains liées. Ils meurent en chantant la Marseillaise.

La liste des quarante-huit otages fusillés est publiée dans L'oeuvre du 23 octobre 1941

Ce jour-là, d'autres otages sont également exécutés à titre de représailles : seize au champ de tir du Bêle, à Nantes, et cinq au fort du Mont-Valérien.
Le 22 octobre au soir, dans son discours à la radio, le maréchal Pétain ne prononce aucune condamnation de ces exécutions et dénonce, au contraire, les auteurs d'attentats et enjoint aux Français de se dresser contre eux, en les poussant à la délation :
Par l'armistice, nous avons déposé les armes. Nous n'avons plus le droit de les reprendre pour frapper les Allemands dans le dos. Aidez la justice. Je vous jette ce cri d'une voix brisée : ne laissez plus faire de mal à la France.

23 octobre 1941 - Les Allemands dispersent les vingt-sept corps des fusillés de Châteaubriant dans neuf cimetières des environs.
Le 23 octobre, le secrétariat général à l'information diffuse un communiqué destiné à apaiser les esprits : Il est établi que les autorités occupantes ne choisissent pas les otages destinés à être exécutés parmi les personnes arrêtées après un attentat, mais parmi les suspects internés dont la culpabilité a été nettement prouvée.
24 octobre 1941 - Les nazis exécutent un autre groupe de cinquante otages, en représailles de la mort de l'officier allemand Reimers.

Le 24 octobre, cinquante otages sont fusillés à Souges, près de Bordeaux, à la suite de l'attentat du 21 octobre contre le conseiller militaire Reimers.

Dans le même temps, le maréchal Pétain propose de se livrer lui-même aux Allemands comme otage. Rencontrant l'opposition de ses ministres, il renonce à son projet et Pierre Pucheu est chargé de négocier avec les autorités d'occupation.

Les Allemands menacent de fusiller de nouveaux otages si les coupables ne sont pas découverts, mais l'offre de récompense pour la dénonciation des auteurs de l'attentat ne porte pas ses fruits. Stülpnagel essaie alors d'amener les Français à coopérer et promet aux familles qui apporteront leur concours la libération des détenus en Allemagne et le retour des prisonniers dans leur foyer. Au terme de ses tractations avec les autorités de Vichy, Stülpnagel renonce finalement aux exécutions complémentaires.

Cérémonie clandestine à la Sablière : bravant l'interdiction des Allemands, la population de Châteaubriant vient rendre hommage aux fusillés, 1943.

26 octobre 1941 - La population rend un hommage clandestin aux fusillés de Châteaubriant.
Malgré les interdictions, la population de Châteaubriant et de ses alentours se rend à la carrière de la Sablière le dimanche suivant l'exécution des otages, pour déposer des fleurs à l'emplacement des neuf poteaux d'exécution.
Alors que l'autorité allemande pensait faire de la fusillade de Châteaubriant un exemple, elle obtient l'effet inverse.

Partout, cette exécution suscite l'indignation et la colère. Elle frappe de manière irréversible la conscience des habitants de la région et l'ensemble de la population française, et joue un rôle important dans la mobilisation des énergies pour combattre l'occupant nazi. Son retentissement est considérable dans le pays comme à l'extérieur.
Janvier 1942 - Publication du poème de Pierre Seghers, en hommage aux otages exécutés par l'occupant nazi.

Monument érigé à la Sablière en hommage aux fusillés de Châteaubriant.

Mai 1942 - Fermeture du camp de Choisel. À la suite de plusieurs évasions, le camp de Choisel ferme le 9 mai 1942 et les prisonniers sont transférés vers Voves et Aincourt.

Les Résistants de la Vienne fusillés au Mont-Valérien (92) Suresnes

Après la victoire militaire allemande en juin 1940, Hitler choisit de traiter avec un gouvernement français plutôt que d’imposer lui-même directement sa domination. Le Maréchal Pétain et son gouvernement offrent ainsi au Führer cette opportunité qui garantit une occupation paisible de l’armée nazie engagée d’autre part sur ses objectifs militaires contre l’Angleterre et l’URSS.

 Pétain souhaitant reconstruire une nouvelle France selon les principes de la révolution nationale et suivant les conditions de l’armistice du 22 juin 1940, accepte de collaborer avec l’occupant pour lutter contre les Français qui reprendraient le combat.

Dès l’été 1940, les nazis répriment durement les Résistants qui s’attaquent aux troupes d’occupation : 14 exécutions de juin 1940 à mai 1941. Soulignons toutefois que les Allemands préfèrent laisser à Vichy la responsabilité de la répression à la fois pour des raisons d’efficacité mais aussi pour éviter d’assumer l’impopularité de cette répression ressentie par la population.
 Au cours de l’été 1941, après l’invasion allemande de l’Union Soviétique le 22 juin 1941, débute la nouvelle stratégie de lutte armée des communistes en France avec la multiplication des attentats contre l’armée allemande. L’occupant nazi, sur ordre de Hitler réagit immédiatement : des otages seront exécutés dans le but de venger les morts et d’intimider la population française. Berlin réclame l’exécution de 100 otages pour un allemand tué.
Commencent alors les massacres d’otages choisis parmi les communistes et les juifs (désignés par Hitler comme responsables du complot judéo-communiste). Et les étrangers. Soulignons également que l’un des premiers agents secrets envoyés par de Gaulle en Bretagne pour organiser le réseau Nemrod, Louis Honoré d’Estienne d’Orves sera fusillé au Mont-Valérien le 29 août 1941 avec trois de ses compagnons : Jan-Van Louis Doornik officier d’origine hollandaise, Maurice Barlier et Maurice Noël officiers de carrière. Suivront les exécutions d’agents des réseaux de renseignement comme Charles Deguy, Roger Pironneau, Gustave Bonhomme, Stéphane Hampel, Etienne Champion et tant d’autres qui ont payé de leur vie leur engagement pour la libération de la France et la lutte pour la liberté.
Le 22 octobre 1941, à Châteaubriant, à Nantes et à Paris, 48 otages sont fusillés. Le 24 octobre, 50 le seront à Souges près de Bordeaux, puis 95 dont 70 au Mont-Valérien à Suresnes et 25 en province.
Vichy radicalise son régime avec sa loi du 14 août 1941.

Affiche du 14 août 1941).

Loi antidatée qui permet de punir de façon rétroactive les communistes qui pourront de fait être jugés et fusillés pour un acte commis avant la promulgation de cette loi. Sont instituées en même temps des sections spéciales qui peuvent condamner à mort et cela sans possibilité de faire appel. Cette loi se double à la même date d’une puissante campagne de propagande du commandement militaire allemand en France qui diffuse, à grands renforts d’affiches Des menaces de condamnation à mort à l’encontre de toute personne qui se livre à une activité communiste ou qui la soutient.
Vichy accepte de participer à la désignation des otages, engagement qui tient à la nature répressive du gouvernement de Pétain, à son anticommunisme et son antisémitisme. Ainsi les tribunaux allemands avec la collaboration active de Vichy et de sa police vont condamner à mort et fusiller des milliers de Résistants en France. Dans la Vienne, 128 seront exécutés à La Butte de Biard.
Le 18 août 1940, huit syndicalistes CGT des usines Renault de Boulogne-Billancourt seront les premiers fusillés du Mont-Valérien. Jusqu’au 9 juin 1944, 1006 résistants pour la plus grande part communistes, français et étrangers, seront passés par les armes de la répression nazie (ce nombre de 1006 établi avec certitude pouvant être en dessous de la réalité, certaines sources avançant le chiffre de 4000 victimes).

Huit Résistants de la Vienne ont été fusillés au Mont-Valérien :

Le 15 décembre 1941 : Daniel PERDRIGE, 36 ans, domicilié à Châtellerault, ancien maire de Montfermeil, interné à la prison du Cherche-Midi puis d’Alincourt et au camp de Compiègne est exécuté au Mont-Valérien. Sa sœur Charlotte Perdrigé membre de l’intelligence service, arrêtée à Paris, sera déportée.

Marcel et Louise Lavigne 

Le 21 septembre 1942 : Domicilié à Poitiers, monteur-électricien, résistant engagé dans les rangs du Front National de Libération de la France, auteur entre autres actions de l’évasion de 4 résistants détenus au camp d’internement de Rouillé, est arrêté le 25 mars 1942 de même que sa femme Louise Lavigne qui sera déportée et décédera à Auschwitz. Marcel Lavigne est exécuté avec 45 de ses camarades au Mont-Valérien le 21 septembre 1942. René Amand, frère de Louise Lavigne arrêté le 23 juin 1941 sera déporté à Auschwitz le 6 juillet1942 où il décédera le 15 novembre 1942.

Jacques Delaunay (à droite sur la photo), Marc Delaunay (2ème en partant de la droite), Jacques Massias (au centre) et Eloi Rieckert (4ème en partant de la droite), tous membres du groupe FTP Tullius  qui organisait des sabotages de voies ferrées, sont arrêtés. Condamnés par le Tribunal d’Etat Français à des peines de prison, les nazis considérant ce jugement laxiste les condamnent à mort. Les 4 étudiants résistants sont fusillés le 6 octobre 1943 au Mont-Valérien. J. Gautier (1er à gauche) a été relâché.

Le 21 février 1944, Spartaco Fontano

Est exécuté au Mont-Valérien avec 22 résistants de la M.O.I (main- d’œuvre immigrée) du groupe Manouchian Spartaco FONTANO était le cousin des deux frères Nerone Fontano fusillé à la Butte de Biard), et de Jacques Fontano massacré par les nazis à Vaugeton (Celle l’Evescault). Ils étaient d’origine italienne, nés à Trieste et antifascistes.

Cloche portant gravés les noms des 1006 fusillés.

Le 24 mars 1944 : Paul Quillet (alias Penot dans la Résistance), fils de commerçants de Châtellerault, réfractaire au STO (service du travail obligatoire en Allemagne), s’engage dans les FTPF de la région parisienne en août 1943. Nommé commissaire aux opérations contre l’armée nazie auxquelles il a participé avec courage, il est arrêté le 18 novembre 1943, interné à Fresnes, condamné à mort par un tribunal allemand le 16 mars 1943 et fusillé au Mont-Valérien le 24 mars 1944. Il allait avoir 22 ans.
Comme dans l’ensemble du pays, le département de la Vienne compte parmi les fusillés du Mont-Valérien des résistants français et étrangers. Ils ont péri sous le coup de ce mot terrible d’un procureur français des tribunaux spéciaux : Vous êtes communiste, étranger et juif, trois raisons pour que je demande la peine de mort contre vous. Face à cette barbarie, ils sont morts debout au nom d’un idéal qui refuse la servitude.
 Par décision du Général de Gaulle, le Mont-Valérien est devenu le Mémorial de la France Combattante. Ce mémorial a été inauguré le 18 juin 1960 par le président de Gaulle qui a décidé que le dernier résistant de la France Libre serait inhumé sur le lieu de cette tragédie.


24/02/2013
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COMPAGNONS DE LA LIBÉRATION

Issus des promotions 1917 à 1940, trente-trois polytechniciens (proportion tout à fait supérieure à la moyenne) ayant combattu dans la Résistance ou les Forces Françaises Libres ont mérité d’être, parmi les 1034 Français honorés par le général de Gaulle dans les termes suivants:

Conformément au décret du 29 janvier 1941, créant l’Ordre de la Libération.

Louis ARMAND
1905-1971 (X1924)
Compagnon de la Libération

 Ingénieur des Mines. Directeur du matériel de la nouvelle SNCF en 1934. Février 1943 : il fonde Résistance-Fer, qui prépare l’action des cheminots sur l’ensemble du territoire, fournit aux alliés de précieuses informations sur les chemins de fer, et met sur pied les sabotages et le plan de paralysie des transports pour le jour J.
24 juin 1944 : arrêté, il figure pendant trois semaines sur la liste des otages à Fresnes, mais est relâché le 18 août. Il fut après la guerre Directeur Général de la SNCF, puis participa à la création du CEA avec le Général de Gaulle.

Jean BERTIN
1897-1972 (X1915)
Compagnon de la Libération

Ingénieur des Ponts et Chaussées, il tente de rejoindre Londres en juillet 1940, mais est arrêté en Andorre.
Il organise à Laon un service de renseignements efficace de 1941 à novembre 1942, puis l’Armée secrète du département de l’Aisne jusqu’en novembre 1943. Recherché par la Gestapo, il part à Nancy et devient adjoint du Délégué Militaire de la Région C. Il organise le Plan Vert (sabotages au moment du jour J), et participe ensuite à la guérilla avec les maquis de la Piquante Pierre (Vosges) jusqu’en octobre 1944. Il termine la guerre comme Commandant F.F.I.

André BOLLIER
1920-1944 (X1938)
Compagnon de la Libération - Mort pour la France

Prisonnier pendant la campagne de 1940, il est libéré en tant que grand blessé en novembre 1940.
 Il rejoint l’X à Lyon. Sorti 4ème, il entre dans la Résistance au sein du mouvement Combat. Il se consacre, sous le pseudonyme de Vélin, à la propagande, fournit des faux-papiers. Organise l’évasion de Berthie Albrecht de l’hôpital de Bron le 24 décembre 1942.
 Janvier 1943 : chef national de la propagande de Combat. Début 1944, il fait imprimer plus d’un million et demi de journaux et de tracts par mois.
 8 mars 1944 : arrêté, torturé, condamné à mort, il s’évade la veille de son exécution, mais, le 17 juin, il est surpris et abattu dans son imprimerie clandestine par la Gestapo et la Milice.

André BOULLOCHE

1915-1978 (X1934)
Compagnon de la Libération

Décembre 1940 : ingénieur des Ponts et Chaussées, il entre dans la Résistance et prend la responsabilité du réseau Postel-Vinay après l’arrestation de celui-ci fin décembre 1941.
 1943 : recherché par la Gestapo, il rejoint l’Angleterre via l’Espagne. Il revient en France en septembre 1943. Avec les responsables de l’Armée Secrète, il met en place l’organisation paramilitaire de la Résistance et fait entreprendre de nombreux sabotages demandés par le Commandement Interallié.
 12 janvier 1944 : dénoncé, il est arrêté par la Gestapo et grièvement blessé par balle en tentant de s’échapper. Il est déporté en avril 1944 (Auschwitz, Buchenwald, Flossenburg) avec ses parents et son frère, qui ne reviendront pas. Il est libéré le 23 avril 1945.

Maurice BOURGES-MAUNOURY
1914-1993 (X1935)
Compagnon de la Libération

Commandant de batterie en juin 1940, est fait prisonnier et rapatrié en 1941 comme ingénieur.
 Début 1943 : il parvient à gagner Londres via l’Espagne. Il rejoint la France en septembre 1943 et devient Délégué Militaire de la Région Rhône-Alpes, puis Délégué Militaire National. Reparti pour Londres fin avril 1944 pour rendre compte des résultats obtenus en France en vue du débarquement allié, il rejoint à nouveau la France en juin 1944 comme Délégué Militaire pour la zone sud.
 Blessé en tentant de rejoindre Paris après la libération de Lyon, il est transporté à l’hôpital du Creusot, encore occupé par les Allemands. Ramené à Lyon par des saboteurs, il est nommé sous-chef d’État-major de l’Armée jusqu’en juin 1945 puis Commissaire de la République à Bordeaux.

 Charles BRIOGNE
1913-1942 (X1932)
Compagnon de la Libération - Mort pour la France

Artilleur, capitaine en 1940, capturé lors des durs combats de Saint-Valéry-en-Caux, il s’évade et part comme volontaire pour la Syrie, où il prend le commandement d’un des escadrons de Tcherkesses du Colonel Collet.
mai 1941 : ayant rejoint la France Libre avec ses hommes, il forme le 2ème groupe du 1er Régiment d’Artillerie Coloniale des F.F.L., et participe aux campagnes de Libye et de Cyrénaïque avec la 1ère D.F.L. à partir de décembre 1941.
À Bir Hakeim, il est commandant en second du 1er R.A.C. Il disparaît lors de la sortie de force des F.F.L., dans la nuit du 10 au 11 juin 1942. Son corps ne sera jamais retrouvé.

Jacques BRUNSCHWIG-BORDIER
1905-1977 (X1924)
Compagnon de la Libération

Février 1943 : membre de Libération Sud, il passe en zone nord pour assurer les fonctions de Délégué Général du mouvement. En septembre 1943, il part pour Londres. Il est désigné pour représenter le mouvement à l’Assemblée Consultative à Alger.
Mars 1944 : parachuté en France, il reprend sa charge de Délégué Général. Arrêté par la Gestapo le 24 juin 1944, torturé, il est déporté le 15 août 1944 (Buchenwald, Dora, Nordhausen). Il s’évade le 4 avril 1945.

Jean CREPIN
1908-1996 (X1928)
Compagnon de la Libération

Capitaine dans l’Artillerie Coloniale, en poste au Cameroun au moment de la défaite, il s’engage dans les F.F.L. le 28 août 1940. Promu chef d’escadron, il s’illustre à la tête de l’artillerie lors de la campagne du Fezzan, au sein de la Force L du général Leclerc, puis lors de la campagne de Tunisie. Promu lieutenant-colonel, il commande l’artillerie divisionnaire de la 2e D.B.
25 août 1944 : il obtient la capitulation de la garnison allemande retranchée dans le Luxembourg. Lors des opérations du 13 au 24 novembre 1944, il permet de rompre les défenses ennemies, en particulier dans la région de Nieferhoff et Saint-Quirin, facilitant l’exploitation par les blindés. Il est l’un des principaux artisans de la victoire de Strasbourg, montrant un sens tactique remarquable.

Raymond DECUGIS
1907-1942 (X1926)
Compagnon de la Libération - Mort pour la France

Ingénieur des Ponts et Chaussées puis Ingénieur principal de 1ère classe du cadre général des Travaux Publics des Colonies, il se trouve à Madagascar lors de la débâcle. A l’arrivée des F.N.F.L. à la Réunion, le 28 novembre 1942, il est l’un des premiers de la colonie à se mettre au service de la France Libre. La batterie de la Pointe des Galets ayant ouvert le feu sur le Léopard, bâtiment F.N.F.L., il se porte immédiatement sur les lieux pour faire cesser le feu. C’est en accomplissant cette mission qu’il est mortellement atteint par les balles de soldats restés fidèles au gouvernement de Vichy.

Maurice DELAGE
1906-1959 (X1925)
Compagnon de la Libération

Été 1940 : il rejoint les F.F.L. à Beyrouth. En sa qualité d’ancien des Mines, il est envoyé au Service des Mines à Brazzaville, puis chargé de l’intérim de la direction d’une mine d’or au Cameroun.
Nommé capitaine, il est appelé par Leclerc à la fin de la campagne de Tunisie pour être l’adjoint du Commandant du 2ème Bataillon du Génie. Entre septembre 1943 et mai 1944, il préside à la création du 13ème Bataillon du Génie, dont il prend le commandement.
Il participe à toutes les campagnes de la 2ème D.B. (Normandie, Paris, Vosges, Alsace, Royan).

André DEWAVRIN
1911-1998 (X1932)
Compagnon de la Libération

Entré à l’état-major du Génie du Corps Expéditionnaire français en Norvège, il suit la division Bethouart en Angleterre à la veille de l’armistice.
Ayant rejoint de Gaulle à Londres, il organise, sous le pseudonyme de Passy, le B.C.R.A. (Bureau Central de Renseignement et d’Action), chargé de recueillir des renseignements et de monter des opérations subversives contre le potentiel de guerre ennemi.
En 1943, il effectue avec Pierre Brossolette une mission de huit semaines en territoire occupé, apportant une contribution inappréciable à l’organisation de la Résistance. En février 1944, il devient chef d’état-major du général Koenig.

Honoré d’ESTIENNE D’ORVES
1901-1941 (X1921)
Compagnon de la Libération - Mort pour la France

27 septembre 1940 : lieutenant de vaisseau, il rejoint Londres. Il devient chef du 2e Bureau de l’état-major des Forces Navales Françaises Libres (F.N.F.L.) mais ne tarde pas à solliciter la faveur de passer en France pour y organiser un réseau de renseignements.
 21 décembre 1940 : il embarque à destination de Plogoff. Parfaitement aidé par ses collaborateurs immédiats, il met sur pied, sous le pseudonyme de Jean-Pierre Girard, un réseau qui couvre toute la Bretagne.
22 janvier 1941 : il est arrêté, dénoncé par le radio venu avec lui d’Angleterre. Le 23 mai, le Capitaine de Frégate d’Estienne d’Orves et ses camarades sont condamnés à mort. Ils sont exécutés le 29 août 1941 au Mont Valérien.

Michel FOURQUET
1914-1992 (X1933)
Compagnon de la Libération

Capitaine, il commande une escadrille en 39-40 ; devant la tournure prise par les événements, il demande et obtient sa radiation en janvier 1941.
D’abord entré en contact avec Ceux de la Libération et le réseau Alliance, il parvient à rejoindre l’Angleterre par bateau de pêche en juin 1942. Engagé dans les F.A.F.L., il devient adjoint du Commandant du Groupe de Bombardement Lorraine dont il prend le commandement de décembre 1943 à novembre 1944. A la fin de la guerre, il a assuré au total 71 missions de bombardement ; parmi ses principales opérations, on compte la projection d’écrans de fumée sur la côté normande lors du jour J, et le bombardement des panzers allemands à Falaise les 4 et 5 août 1944. Michel Fourquet sera par la suite secrétaire général de la défense nationale (1962-1965), chef d’état-major de l’Armée (1968-1971), général d’armée aérienne.

Louis GENTIL
1896-1945 (X1919S)
Compagnon de la Libération - Mort pour la France

En 1939, le Lt-Cl. Gentil commande un régiment d’Artillerie à Toul. En mai, il rejoint le Ministère de la Guerre. Après l’armistice, il met à l’abri de l’ennemi dans la région de Clermont-Ferrand un grand nombre d’armes individuelles et sabote le matériel lourd qui se trouve à sa disposition.
Au printemps 1943, il se fait mettre en congé, ses activités à l’établissement du Matériel à Clermont-Ferrand étant devenues trop évidentes. Malgré son désir d’aller combattre en Afrique, il est nommé adjoint du Chef du réseau Gallia.
Rappelé à Londres, il est arrêté quelques jours avant son départ, le 24 mai 1944. Son silence total sauve ses camarades, en particulier ceux du réseau Darius qu’il avait fondé à Paris. Emprisonné à Fresnes, il est déporté le 15 août 1944 au camp de Dora, où il décède le 8 avril 1945.

René GERVAIS
1908-1997 (X1928)
Compagnon de la Libération

Janvier 1941 : entré au Service de Renseignements de l’Armée de l’Air, il est placé à la frontière espagnole pour étudier l’état de la pénétration allemande en Espagne. Muté en juillet 1941 à Vichy, sa mission consiste à drainer les renseignements relatifs à l’occupation militaire allemande en zone nord et à l’industrie aéronautique en Allemagne.
Chef du SR Air en France à partir de novembre 1942, il coordonne et développe le réseau de renseignements. Il réalise également, avec les avions affectés à son service, l’évasion du personnel recherché par la Gestapo ou évadé, et les liaisons de commandement.
Il échappe de peu à la Gestapo en janvier 1943, et, l’étau se resserrant autour de lui, il est affecté aux services secrets.

André GRAVIER
Né en 1911-2004 (X1931)
Compagnon de la Libération

Capitaine du Génie à Alep lors de l’Armistice, il rejoint les F.F.L. en juillet 1941.
Il intègre la brigade Koenig. Excellent technicien, il se signale à Bir Hakeim en établissant l’enceinte minée autour du camp retranché. Il est grièvement blessé lors de la sortie de vive force, dans la nuit du 10 au 11 juin 1942.
Rétabli, il est promu commandant et rejoint la 1ère D.F.L. en mars 1943 près de Tobrouk. Après avoir participé à la campagne de Tunisie, il constitue et organise en octobre 1943 le 13ème Bataillon du Génie, intégré à la 2e D.B. Le chef de bataillon Gravier devient commandant du Génie Divisionnaire au PC du Général Leclerc, et prend part à toute la campagne de France jusqu’en mars 1945.

René GUFFLET
1911-1942 (X1931)
Compagnon de la Libération - Mort pour la France

Présent à Beyrouth lors de l’Armistice, Il rejoint les F.F.L. pour prendre part comme volontaire à la campagne de Libye, à la tête de la 3ème batterie du 1er R.A.C. de la Brigade Koenig.
1er mai 1942 : avec deux sections de sa batterie, il force au repli un élément ennemi disposant de pièces de 105 mm et de chars, à l’ouest de Bir Hakeim. Dans la nuit du 10 au 11 juin 1942, au cours de la sortie de vive force de la position de Bir Hakeim, le capitaine Gufflet est tué sur le coup d’une balle en plein coeur à bord de son véhicule.

Jacques de GUILLEBON
1909-1985 (X1930)
Compagnon de la Libération

Affecté au Tchad lors de l’Armistice, il participe au ralliement du territoire à la France Libre, ce qui lui vaut d’être condamné à mort par contumace par le Tribunal Militaire de Riom.
Il prend part à toutes les campagnes menées par Leclerc : Koufra, le Fezzan, la campagne de Tunisie. Il commande un sous-groupement tactique dans la 2e D.B., entre parmi les premiers à Paris, obtient la reddition de Strasbourg. Il finit la campagne avec la 2e D.B. à Berchtesgaden et termine la guerre colonel.

André JACOB
1909-1940 (X1928)
Compagnon de la Libération - Mort pour la France

Séminariste en 1939, mobilisé dans l’Armée de l’Air, il combat en mai 1940 aux confins de la Belgique et des Pays-Bas, survole Dunkerque, et est cité à l’ordre de la Brigade Aérienne. Il rejoint immédiatement avec son avion de Gaulle en Angleterre, où il est affecté à la 1ère Escadrille de Bombardement des F.A.F.L. Il participe avec Roques (X1934) dès juillet 1940 à des bombardements sur la Ruhr.
9 novembre 1940 : n’étant pas de service mais volontaire, il part de Douala (Cameroun) pour une reconnaissance avec lâcher de tracts sur Libreville (Gabon). Il disparaît au cours de cette mission avec son radio et son pilote. Toutes les recherches resteront sans résultat.

Marcel LANGER
1917-1990 (X1938)
Compagnon de la Libération

Volontaire pour l’Armée de l’Air en septembre 1939, il devient pilote de chasse. Il rejoint l’Angleterre via l’Afrique du Nord en juillet 1940, d’où il part pour l’Afrique.
En 1941, il effectue des missions de bombardement contre les Italiens en Abyssinie. Promu lieutenant, il participe ensuite à 50 missions contre l’Afrika Korps de Rommel, jusqu’en février 1942.
Il est ensuite affecté à des missions de convoyage avant de prendre le commandement de l’escadrille Nancy jusqu’en juillet 1944 ; il effectue ainsi 39 missions de combat en France. Commandant à la fin de la Guerre, il retourne à l’X pour y effectuer sa seconde année et rejoint la vie civile.

Roger LANTENOIS
1910-1986 (X1929)
Compagnon de la Libération

Présent au Congo lors de l’Armistice, il se porte volontaire pour les F.F.L. lors du ralliement du territoire à la France Libre en août 1940.
Fin 1941 : il rejoint la Colonne Leclerc, dont il est nommé chef de 4ème Bureau au grade de Capitaine. Il s’illustre en assurant ainsi le difficile ravitaillement de cette unité lors des acrobatiques campagnes africaines (800 camions échelonnés sur 2 000 kilomètres), puis celui des 4 000 véhicules de la 2e D.B. de son débarquement en France jusqu’à Berchtesgaden.

Aimé LEPERCQ
1889-1944 (X1909)
Compagnon de la Libération

Mobilisé dans l’Artillerie en 1939, il prend ensuite la Présidence du Comité d’Organisation de l’Industrie des Combustibles Minéraux Solides. Révoqué en 1943 pour ses positions hostiles au S.T.O., il se consacre entièrement à la Résistance au sein de l’Organisation Civile et Militaire dont il prend la présidence le 25 février 1944.
Premier commandant des F.F.I. de Paris, il est arrêté par la Gestapo le 8 mars, puis libéré le 17 août suite aux désordres de l’administrationallemande. Nommé Ministre des Finances du Gouvernement Provisoire de la République du Général de Gaulle, il est tué dans un accident de voiture le 9 novembre 1944.

Jacques MAILLET
Né en 1913-2009 (X1931)
Compagnon de la Libération

Renseignements sur la fabrication d’armements en France puis, sur ordre de Londres, s’évade par l’Espagne.
En Angleterre, il est chargé par le BCRA d’une mission en France destinée à dresser un état économique prévisible de la France à la Libération, et les besoins à satisfaire en priorité. Sa mission terminée, en décembre 1943, il ne parvient pas à rejoindre l’Angleterre, et assure alors la représentation du Gouvernement Provisoire dans toute la zone Sud.
D’août 1943 à mai 1944, il effectue de nombreuses missions d’inspection et de réorganisation dans les maquis de la région alpine.

Gérard MARSAULT
Né en 1912-2000 (X1932)
Compagnon de la Libération

Officier d’Artillerie Coloniale, il est au Tchad depuis 1937 au moment de l’Armistice. Il rallie les F.F.L. en même temps que le territoire, le 28 août 1940. Promu Capitaine en janvier 1941, il rejoint la 1ère D.F.L., toujours dans l’Artillerie, et participe sans interruption à toutes ses campagnes : Bir Hakeim (où il est chargé d’une opération de diversion au sud, vers Djalo), El Alamein, la Tunisie. Chef d’escadron en juin 1943, il prend le commandement du 1er Groupe du 1er R.A. en 1944. Il s’illustre en Italie, puis dans la Campagne de France, notamment lors de la prise de Toulon et des combats en Alsace et autour de Colmar.

Paul MORLON
1912-1993 (X1933)
Compagnon de la Libération

Officier d’Artillerie Coloniale, est à Bangui lorsqu’il apprend l’Armistice. Il rejoint Brazzaville pour rallier les F.F.L.
Après avoir œuvré au ralliement du territoire, il rejoint le 1er Régiment d’Artillerie Coloniale au sein de la 1ère D.F.L., à Damas, le 27 août 1941. A la tête de la 4ème batterie, il effectue toutes les campagnes de la 1ère D.F.L. : Halfaya, Bir Hakeim, El Alamein, la Tunisie, l’Italie, puis la Campagne de France. Il est promu Chef d’Escadron le 1er octobre 1944. En mars 1945 il est sur le front des Alpes.

René NICOLAU
1899-1945 (X1917)
Compagnon de la Libération - Mort pour la France

Ingénieur en chef des Travaux Publics, est mobilisé comme Directeur des Travaux Publics à Saigon.
De là, il fournit des informations très importantes aux Services de Renseignements militaires ainsi qu’au réseau Bocquet. En octobre 1944, il est nommé Chef du Comité SA du réseau Legrand dans lequel il était entré en janvier ; son secteur d’attribution comprend la Cochinchine et le Sud-Annam. En décembre, il devient Chef de la Section Politique de tout le sud de l’Indochine.
Arrêté fin avril 1945 par la Gendarmerie japonaise, il meurt à Saigon le 20 mai 1945 des suites des tortures infligées par la Kempetaï.

 Pierre PENE
1898-1972 (X1920)
Compagnon de la Libération

Sous-lieutenant d’Artillerie dans la Grande Guerre, mobilisé comme Officier d’Artillerie Coloniale en 1939, ingénieur Général des Travaux Publics à la Direction des Transports de l’Aisne, il entre dans la Résistance au réseau Centurie.
Son groupe, créé en janvier 1941, se rallie à l’Organisation Civile et Militaire (O.C.M.). De 1942 à 1943, il est responsable pour l’Aisne, puis également pour les Ardennes. De décembre 1943 à la date de son arrestation (4 avril 1944), il est responsable F.F.I. de la région P. Évadé, il est désigné comme Commissaire de la République de Saint-Quentin.

Serge RAVANEL
Né en 1920-2009 (X1939)
Compagnon de la Libération

Élève à l’Ecole polytechnique à Lyon, il prend contact avec la Résistance (mouvement du Général Cochet), avant de rejoindre à la fin de ses études (juin 1942) Libération-Sud.
Nommé en juin 1943 chef national des Groupes Francs des Mouvements Unis de Résistance (M.U.R.). Ces groupes réalisent notamment la libération de Raymond Aubrac le 21 octobre 1943, la destruction du dépôt de munitions allemand de Grenoble en novembre 1943.
Nommé le 6 juin 1944 à Toulouse chef régional de l’ensemble des forces militaires de la résistance réunies sous le nom de F.F.I. (environs 45 000 hommes).
Du 17 au 24 août 1944, coordonne les combats de libération de la région Sud-Ouest, avec la capture 13 000 prisonniers et 300 000 tonnes de matériel.

André RONDENAY
1913-1944 (X1933)
Compagnon de la Libération - Mort pour la France

Officier d’Artillerie, capturé en mai 1940. S’évade et rejoint l’Angleterre via l’Espagne.
Septembre 1943 : parachuté en France, il organise le plan Tortue destiné à neutraliser les Panzer Divisionen le jour J.
Janvier 1944 : délégué militaire de la Région Parisienne. Il étudie et réalise le sabotage de nombreuses usines, évitant de coûteux bombardements aériens.
Avril 1944 : délégué militaire Zone Nord, il coordonne les plans Vert (sabotage des transports) et Violet (sabotage des transmissions). Organise les maquis dans l’Aube, l’Yonne et la Nièvre.
20 juillet 1944 : arrêté, puis assassiné par la Gestapo le 15 août 1944 à Domont (Val d’Oise).

Raymond ROQUES
1914-1943 (X1934)
Compagnon de la Libération - Mort pour la France

Ayant rejoint par avion Londres le 22 juin 1940, il s’engage dans les F.F.L., et a l’honneur d’être le premier Français Libre à reprendre le combat en effectuant à bord d’un Wellington de la R.A.F. plusieurs bombardements de nuit sur la Ruhr en juillet 1940 (dont certains avec A. JACOB (X1928, Mpf).
Fin 1940, il est envoyé au Moyen-Orient et affecté au soutien aérien de la Colonne Leclerc ; il participe notamment à l’opération de Koufra, puis à celles du Fezzan (dans le cadre du Groupe Lorraine, puis du Groupe Bretagne).
 En avril 1943, il est chargé de l’instruction des nouveaux pilotes. Au cours d’un vol d’entraînement de nuit, il disparaît le 23 avril 1943.

Robert SAUNAL
Né en 1920-2008 (X1940)
Compagnon de la Libération

Mai 1940 : admissible à l’Ecole Normale Supérieure et à Polytechnique, il renonce aux épreuves orales d’admission suite à l’avance allemande, et rejoint l’Angleterre pour s’engager dans les Forces Françaises Libres.
Nommé Aspirant, il rejoint la Brigade Koenig et participe à la campagne de Libye de 1942 comme orienteur au 1er R.A. À Bir Hakeim, chargé du ravitaillement en munitions des batteries, il est grièvement blessé, puis fait prisonnier pendant la sortie de vive force, et emmené en captivité en Italie. Il s’échappe du camp de prisonniers en septembre 1943 et rejoint les lignes alliées. Il participe à la campagne d’Italie du 11 mai au 20 juin 1944 et à celle de France (Toulon-Belfort-Alsace).
En octobre 1945, il revient faire ses études à l’Ecole Polytechnique.

Robert ROSSI
1913-1944 (X1933)
Compagnon de la Libération - Mort pour la France

Directeur des Études de l’Ecole de l’Air à Bordeaux, il est mis en congé d’Armistice en décembre 1940. Il prend alors contact avec le mouvement Libération  dans la région de Toulouse et s’impose comme chef militaire de ce mouvement. Il met sur pied toutes les unités de l’Armée Secrète qu’il entraîne dans la région du sud-ouest, et organise tout un réseau de dépôts d’armes.
Le 19 octobre 1943, il est arrêté par la Gestapo. Il s’évade le 10 janvier 1944 et est chargé de former l’État-major Régional. En mai 1944, il est désigné comme Inspecteur F.F.I., puis Chef de la Région R2, à Marseille. Il prépare ainsi tout un réseau de maquis le long de la Côte d’Azur et en Haute-Provence. Traqué par la Gestapo, il est à nouveau arrêté le 16 juillet 1944. Torturé, il est fusillé le 19 juillet à Signes (Var) avec 38 autres résistants.

Étienne SCHLUMBERGER
Né en 1915 (X1936)
Compagnon de la Libération

Ingénieur du génie maritime à la section des sous-marins à Lorient, il rallie la France Libre en juin 1940 et embarque comme Enseigne de Vaisseau sur l’aviso Commandant Duboc. Il prend part à l’expédition de Dakar et est ensuite détaché auprès de l’Amiral d’Argenlieu pour les opérations contre Libreville et Port-Gentil en novembre 1940.
Le 9 février 1941, il embarque sur le sous-marin Junon et patrouille en Norvège. Il est Commandant du Junon en mars 1943 et Commandant de la base de Dundee (Écosse). Après l’avarie du Junon, il arme le sous-marin Morse. Il termine la guerre à l'état-major de l'Amiral Nord.

LES POLYTECHNICIENS MORTS EN DÉPORTATION

 

près la Libération, l’amicale des anciens élèves de l’École polytechnique dressa la liste de 68 polytechniciens morts en déportation, que nous avons complétée par ailleurs:

Ces polytechniciens sont morts soit dans des camps de concentration où exploités, sous-alimentés, soumis à toutes les privations, les tortures et les mauvais traitements mouraient les déportés politiques pour faits de Résistance, soit dans des camps d’extermination, symbolisés aujourd’hui par le nom du plus important d’entre eux, Auschwitz dans lesquels l’Allemagne national-socialiste mettait en oeuvre, de manière industrielle, son entreprise d’assassinat systématique des Juifs d’Europe.

C’est ainsi que Raymond BERR (X1907), administrateur délégué de Kuhlmann, est parti de Drancy avec sa femme et sa fille par le convoi n°70 du 27 mars 1944, vers Auschwitz et Bergen-Belsen, on ne les reverra pas Charles de CORTA (X1897), animateur d'un réseau de résistance franco-polonais, remettant des faux papiers et hébergeant des résistants, est déporté avec sa femme et meurt le 15 septembre 1944 à Buchenwald Jean VERNEAU (X1911), Robert LATEULADE (X1937), Jean SERVRANCKX (X1938) se retrouvent commensaux au camp de transit de Compiègne avec neuf autres X ; tous seront déportés à Buchenwald, ces trois-là ne reviendront pas ne reviendront pas non plus le Colonel Charles DUTHEIL de la ROCHERE et Paul HAUET (tous deux X1889), pionniers du réseau du Musée de l'Homme dès juillet 1940 Jean-Guy BERNARD (X1938), est arrêté comme résistant et déporté comme juif le 31 juillet 1944 vers l'Allemagne dont il ne revient pas Claude BRUNSCHWIG (X1943), reçu au concours de 1943 à l'intérieur du numerus clausus qui s'applique aux juifs, ne peut rejoindre l'École à Paris, est envoyé en avril 1944 de Drancy à Auschwitz où il est exterminé ; son nom n'apparaît qu'en 1997 dans l'annuaire de l'X Jean-Pierre HELFT (X1942) lui aussi est déporté sans jamais être entré à l'Ecole Claude LEVY (X1941) ne reviendra pas de Buchenwald après avoir été fait prisonnier dans un maquis Jean MALAVOY (X1921) membre d'un réseau de renseignement, est arrêté en mars 1942; déporté au camp de Mauthausen il continue à fournir des renseignements sur les usines V2 voisines du camp ; il est fusillé au camp de Gusen le 13 février 1945 Louis CITROËN (X1923), chef régional de Résistance-Fer à Marseille, est déporté à Auschwitz d'où il ne revient pas Louis GENTIL (X1919) qui dirige un réseau de renseignement rattaché au BCRA est déporté à Dora ; il y sabote les V2 sur lesquelles il travaille et y meurt le 8 avril 1945 Gilbert SCEMLA (X1938), arrêté en Tunisie en 1943 en tentant de rejoindre les troupes alliées, a été déporté à Dachau puis décapité à Halle (Allemagne).

 

En 1942, Jacques Heuillard est membre du réseau de résistance normand « Buckmaster », qui convoie vers Paris les armes de la future Libération, au nez et à la barbe des Feldgendarmes de la Gare Saint-Lazare. Mais ce réseau est démantelé : le 9 août 1943, en vacances à Neuf-Marché alors qu'il est ordinairement étudiant à Paris, Jacques Heuillard est arrêté. Il est amené à la tannerie du résistant Hénaff, où il retrouve nombre de ses camarades, alignés devant des faisceaux de fusils Mauser menaçants. Toute une mise en scène est faite pour les intimider, mais personne ne parlera en dépit d'interrogatoires musclés.
Après un passage au fameux état-major de la Gestapo, avenue Maréchal Foch à Paris, il est emmené avec une vingtaine de résistants à la prison de Fresnes d'où il sera libéré 3 mois plus tard. Il eut la chance de ne pas être déporté, contrairement à d'autres membres du réseau de résistance, comme son père, Georges Heuillard, ou le député Albert Forcinal et sa femme, qui furent envoyés à Buchenwald et à Ravensbrück. Les survivants seront libérés par les Alliés en 1945.
Jacques Heuillard continue le combat. Dès 1944, il prend le maquis en Corrèze : il se cache huit jours avec quatre camarades dans une chambre d'hôtel de Brive-la-Gaillarde. Entassés, ils connaissent la faim et l'incertitude de leur sort, mais finissent par rejoindre un correspondant de l'Armée Secrète, M. Judicis, à Beaulieu-sur-Dordogne. Ils lui remettent tous leurs papiers et perdent alors toute existence administrative.
Le lendemain matin, ils se retrouvent parmi leurs camarades maquisards armés, en groupes, capables de briser l'encerclement ou de défendre chèrement leur peau. Jacques Heuillard prend alors le surnom de Robinson, et continue à se battre pour la France : il est alors membre du bataillon de l'As de Cœur de l'Armée Secrète de Corrèze, qui assura la libération de Brive-la-Gaillarde. A la fin de la guerre, il passe en Angleterre où il s'engage avec les parachutistes SAS (Special Air Service), ce qui lui vaudra, plus tard, de figurer dans le film Bataillons du ciel, dont le scénario est de Joseph Kessel.

En 1942, Jacques Heuillard est membre du réseau de résistance normand « Buckmaster », qui convoie vers Paris les armes de la future Libération, au nez et à la barbe des Feldgendarmes de la Gare Saint-Lazare. Mais ce réseau est démantelé : le 9 août 1943, en vacances à Neuf-Marché alors qu'il est ordinairement étudiant à Paris, Jacques Heuillard est arrêté. Il est amené à la tannerie du résistant Hénaff, où il retrouve nombre de ses camarades, alignés devant des faisceaux de fusils Mauser menaçants. Toute une mise en scène est faite pour les intimider, mais personne ne parlera en dépit d'interrogatoires musclés.
Après un passage au fameux état-major de la Gestapo, avenue Maréchal Foch à Paris, il est emmené avec une vingtaine de résistants à la prison de Fresnes d'où il sera libéré 3 mois plus tard. Il eut la chance de ne pas être déporté, contrairement à d'autres membres du réseau de résistance, comme son père, Georges Heuillard, ou le député Albert Forcinal et sa femme, qui furent envoyés à Buchenwald et à Ravensbrück. Les survivants seront libérés par les Alliés en 1945.
Jacques Heuillard continue le combat. Dès 1944, il prend le maquis en Corrèze : il se cache huit jours avec quatre camarades dans une chambre d'hôtel de Brive-la-Gaillarde. Entassés, ils connaissent la faim et l'incertitude de leur sort, mais finissent par rejoindre un correspondant de l'Armée Secrète, M. Judicis, à Beaulieu-sur-Dordogne. Ils lui remettent tous leurs papiers et perdent alors toute existence administrative.
Le lendemain matin, ils se retrouvent parmi leurs camarades maquisards armés, en groupes, capables de briser l'encerclement ou de défendre chèrement leur peau. Jacques Heuillard prend alors le surnom de Robinson, et continue à se battre pour la France : il est alors membre du bataillon de l'As de Cœur de l'Armée Secrète de Corrèze, qui assura la libération de Brive-la-Gaillarde. A la fin de la guerre, il passe en Angleterre où il s'engage avec les parachutistes SAS (Special Air Service), ce qui lui vaudra, plus tard, de figurer dans le film Bataillons du ciel, dont le scénario est de Joseph Kessel.

Homme de confiance, il fut mis à contribution après la Libération pour participer à la réorganisation du pays.

Libération de Gisors, le 30.08.44

La veille du 30 août, les Gisorsiens pouvaient, à travers les volets et rideaux de leurs fenêtres, assister au spectacle assez ahurissant des détachements allemands  traversant les rues de la ville. Les casques, véhicules, chevaux garnis de feuilles croyant pouvoir se dérober à des avions amis, l'allure délabrée, sales, fatigués mais toutefois arrogants, il ne faisait pas bon de les croiser, mais c'était incontestablement la déroute, la déconfiture de l'armée allemande.

Vers l'aube du 30 août, une poignée de résistants débusquaient un important détachement au repos à Dangu, 250 contre 15 et l'arrivée des premiers chars anglais vint fort à propos pour prendre en charge les prisonniers quand même trop nombreux pour les 15 maquisards. Puis ce fut un silence lourd, oppressant. Au loin, on entendait le ronflement de puissants moteurs allemands ? Alliés ? et soudain vers 9 h 50, on vit arriver par la route de Courcelles des chars, des véhicules blindés tirant par-ci, par-là, et ce fut le délire ; le premier char anglais arrivait au passage à niveau de Gisors Boisgeloup le mercredi 30 août  à 10 h 16 et dans le délire de la délivrance, la population de Gisors lui fit un accueil inoubliable. Mais les Allemands avaient eux aussi préparé la réception : un train de munitions miné, garé sous l'embranchement des Vigues sautait, détruisant plusieurs immeubles, jetant la consternation parmi la population.

Néanmoins l'allégresse de la délivrance reprit le dessus. Les Alliés poursuivaient les fuyards malfaisants sans relâche, laissant le nettoyage des forêts et des plaines aux  hommes de la Résistance. C'est jour pour jour après vingt ans  que Gisors s'apprête à fêter  ce vingtième anniversaire de la Libération.

Les troupes alliées libérant Gisors - août 1944

René Laporte fut prisonnier de guerre en Allemagne jusqu'en 1943, d'où il revint malade. L'armée lui refusa toute pension.

Il rejoignit le groupe de résistants animé par Bruder, où il travailla avec des agents de liaison. Ils récupéraient les aviateurs alliés dont les avions avaient été abattus. Madame Madeleine Bouillant les conduisait à pied jusqu'à la gare de Dangu. Ensuite, ils allaient à Noyers, chez Mme Perdereau, qui  hébergea jusqu'à 13 personnes. Des cultivateurs les aidaient pour la nourriture. Il prit le maquis en 1944, avant de participer au Comité de Libération de Gisors, qui exerça les responsabilités municipales à la Libération.

Josette Christmann

L'appel du Général De Gaulle demandait à tout le monde de participer. Alors, petit à petit, les Français ont agi, mais par-dessous. Mon père, Jean Pierson, faisait partie d'un réseau où les gens n'avaient pas le droit de s'appeler par leur véritable nom. Il a travaillé avec M. Bruder, chef de gare de Gisors-Boisgeloup et M. Darling, qui habitait à Trie-Château. Il donnait des renseignements lorsqu'il a été arrêté par des Allemands, sans doute après dénonciation.
Ma mère cachait des parachutistes et aidait des prisonniers à s'évader. En effet, des trains convoyant des prisonniers passaient à Gisors. Plusieurs essayaient alors de s'évader. Une fois, un prisonnier lui a dit : Madame, Madame, aidez-moi, je suis en train de me sauver, je ne voudrais pas être repris par les Allemands! Alors ma mère a répondu : Tiens, Paul, prends ce broc-là et viens m'aider à donner à boire! 

Albert Forcinal (1887-1976)

Il est resté fidèle à Gisors tout au long de sa vie. Il a grandi entre l'hôtel de l'Écu de France et la pharmacie Patouillard. En 1914, il est mobilisé comme élève officié : blessé à la bataille de la Marne, il récolte neuf citations, puis est fait officier de la Légion d'honneur sur le champ de bataille en 1918. Il s'engage ensuite en politique, puis s'intéresse aux questions militaires à partir de 1935.

Le magasin de faïence familial des Forcinal

Ce parcours l'amène naturellement à la résistance active : il anime le réseau Ghors-Asturies, affilié au mouvement Libération-Nord, ce qui lui vaut d'être déporté à Buchenwald en 1943.

Jean Even

Il travaillait à la CIPEL de Gisors (Compagnie Industrielle des Piles Électriques), où il fut arrêté en 1942 par la police française. Il avait alors 23 ans. Peu après, sa valise et sa carte d'identité ont été retournées chez les siens, mais il n'est jamais rentré. On ignore tout sur les circonstances de sa mort. Personne n'a jamais pu dire non plus quel était son rôle dans la résistance.

Jean puissant

En ce qui me concerne, je ne me suis pas battu longtemps car j'ai été fait prisonnier au bout de  trois jours : j'ai été  encerclé par plusieurs soldats ennemis bien armés. Nous avions un fusil pour trois, alors que les soldats ennemis avaient un fusil-mitrailleur. Nous attendions la livraison de nos caisses de cartouches.
Nous avons été emmenés à Neuf-Brisach dans un camp de guerre. Nous sommes restés sept jours sans nourriture, avec seulement cinq litres d'eau par jour, en comptant dedans l'eau pour notre toilette. Comme nous étions en juin, l'eau, nous la buvions au lieu de nous préoccuper de notre toilette. Nous attrapions la dysenterie et nous étions envahis de poux car nous dormions par terre, sur la terre ou sur le sable. Nous sommes restés plusieurs jours sans nourriture, parfois nous avions une boule de pain pour 52 prisonniers. C'est vous dire que nous nous battions. Dans les camps de prisonniers, il y avait des fils barbelés partout avec un soldat en haut d'une tour qui regardait si personne ne s'évadait ; sinon, il avait ordre de tirer. Quand nous jouions au ballon, et que celui-ci passait derrière la ligne, nous lui demandions la permission d'aller le récupérer, pour ne pas nous faire abattre comme des chiens.

Avec du recul, pouvez-vous nous dire votre sentiment sur cette période ?
Vous savez, ce n'est pas quelque chose dont j'aime parler, mais j'ai une mauvaise opinion de l'humanité. A la fin de tout ce gâchis, on a du mal à faire confiance à d'autres personnes. Au niveau de mon caractère, celui-ci est devenu beaucoup plus fort et plus dur. Vivre dans un camp de prisonniers n'est pas rose : tout cela vous forge le caractère et endurcit le cœur d'un être humain. Je ne souhaite à personne de vivre l'enfer et le déroulement d'une guerre. 

Pierre Durand

Timbre édité par la Poste en 1964 en mémoire des victimes de la déportation

Entré dans la résistance en Mayenne, Pierre Durand y est arrêté et envoyé au camp de Buchenwald le 22 août 1944 puis à Strattfurt le 13 septembre 1944. Il travaille dans une mine de sel puis dans une carrière de sable à l'air libre.
Le 11 avril 1945, les Allemands l'évacuent de Strattfurt par étapes de 20 à 25 km par jour, à cause de l'avancée des troupes russes.
Il fut assassiné par les SS le 22 avril 1945, dans l'étape qui le conduisait à Ditterbach.

Louis Mallard

Né à Vaudancourt le 29 juin 1922. Marin de profession, il est engagé dans la Résistance après que l'on ait coulé la flotte française à Toulon, en 1942. Il participe à la section spécial sabotage, organisée par Jacques Nancy, parachuté de Londres sur la façade sud-ouest de la France.
Avec Albert Gin, il exécute de nombreux sabotages de voies ferrées, châteaux d'eau, locomotives. A Magnac-sur-Touvre, ils détruisent un train chargé de véhicules militaires. Le 9 mai 1944, ils viennent se ravitailler dans une ferme de Malaville, mais la Gestapo à été prévenue et elle les attend. Albert Gin arrive à s'enfuir, mais Louis Mallard se tord la cheville en sautant d'un toit. Il tire sur le chef de la Gestapo d'Angoulême ; c'est alors qu'il reçoit une rafale de mitraillette dans le ventre. Puis il se tire une balle dans la tête pour ne pas être pris et torturé par les nazis.

Maurice Fingercwajg

Portrait de face conservé dans les archives fédérales allemandes, présentant suffisamment de ressemblances avec le profil de l'Affiche rouge pour qu'on puisse l'attribuer à Maurice Fingercwajg naît le, 25 décembre 1923 à Varsovie, en Pologne. Il n'a pas trois ans quand ses parents se fixent à Paris. Son père, ouvrier tailleur, travaille durement afin de nourrir sa famille. Le petit Maurice va à l'école et pourrait être un enfant heureux si, à l’âge de dix ans, il n'avait perdu sa maman. Tout jeune, il travaillera comme ouvrier tapissier.
Jacques, son frère aîné, qui est membre des Jeunesses communistes, exerce sur lui une grande influence. Aussi, en 1940, adhère-t-il à son tour aux J.C. où il est très actif. Lorsque le 2e détachement (juif) des FTP immigrés s'organise au printemps 1942, Maurice y est un des premiers combattants. Son courage et son dévouement lui valent d'être muté dans les équipes de dérailleurs d'élite, sous le commandement de Manouchian, où il exécute de nombreuses actions hardies. Lors des grandes rafles et persécutions antijuives, son père, ses deux frères, Jacques et Léon, sont déportés. Il reste seul au monde et sa seule famille des Combattants antifascistes. En novembre 1943, il est arrêté avec son chef Manouchian et traduit avec ses autres frères de combat au procès des 23. Condamné à mort, il est fusillé au Mont Valérien le 21 février 1944.

Son nom figure sur l’affiche rouge  éditée par les Allemands : Fingercwajg, Juif polonais, 3 attentats, 5 déraillements.

Szlama Grzywacz

Portrait conservé dans les archives fédérales allemandes, dans une pose similaire à celle de l'affiche rouge.

Szlama Grzywacz (1909-1944), fut l'un des résistants fusillés au fort du Mont-Valérien comme membre du groupe Manouchian, soldat volontaire de l'armée française de libération FTP-MOI. Son nom est l'un des dix qui figurent sur l'affiche rouge placardée par les Allemands pendant le procès des 23 du groupe Manouchian. Sa photographie y est accompagnée de la mention : (Grzywacz juif polonais 2 attentats).

Premières années

Szlama Grzywacz naît à Wołomin (Pologne) en 1909, dans une famille ouvrière. Dès son jeune âge, il est obligé de travailler.

À l'âge de 16 ans, il adhère aux Jeunesses communistes où il devient un militant très actif. En 1931, il est arrêté par la police pilsudskiste et condamné à cinq années de prison.

Les cinq années d'emprisonnement n'arrivent pas à briser son moral, bien au contraire. Libéré, il reprend son activité. Mais comme il est persécuté par la police, ses amis lui conseillent de quitter la Pologne.

Il vient à Paris en 1936, mais il n'y reste pas longtemps : il part pour l’Espagne, où il va combattre dans les Brigades internationales, contre le fascisme qui menace le monde. Après la défaite de l'armée républicaine, il languit dans les camps de concentration de Gurs et d'Argelès, mais il réussit à s'évader.

Seconde Guerre mondiale

Sous l'occupation hitlérienne, Grzywacz devient très actif dans le mouvement syndical clandestin. Il organise les ouvriers juifs travaillant dans les ateliers de fourrure. Il estime que ce travail est trop calme pour lui, et il rejoint les FTP où il lutte de son mieux contre les bourreaux hitlériens.

Lors des arrestations massives parmi les combattants immigrés, il tombe entre les mains de la Gestapo.

Son passé de combattant de l'Espagne républicaine et de Franc-tireur lui valent de subir d'atroces souffrances, jusqu'au jour où, avec ses camarades, il sera traduit devant le tribunal militaire allemand, condamné à mort et fusillé, comme eux, le 21 février 1944, au fort du Mont-Valérien.

 

 

Missak Manouchian

Portrait conservé dans les archives fédérales allemandes, et reproduit dans l'Affiche rouge.

Missak Manouchian (arménien: Միսաք Մանուշյան), ou Michel Manouchian, est un militant communiste de la MOI et commissaire militaire des FTP-MOI de la région parisienne, né le 1er septembre 1906 à Adıyaman, dans l'actuelle Turquie, et mort le 21 février 1944, fusillé au fort du Mont-Valérien.

Missak Manouchian est né dans une famille de paysans arméniens du village d'Adıyaman en Turquie. Enfant, il perd son père, probablement tué par des militaires turcs lors du génocide arménien. Sa mère meurt quelque temps après, victime de la famine qui suivit. Il est alors recueilli, avec son frère Karabet, dans un orphelinat du protectorat français de Syrie. En 1925, ils débarquent à Marseille où Missak exerce le métier de menuisier qu'il a appris à l'orphelinat. Puis les deux frères décident d'aller à Paris, mais Karabet tombe malade. Missak se fait alors embaucher aux usines Citroën comme tourneur, afin de subvenir à leurs besoins. Karabet décède en 1927 et Missak est licencié au moment de la grande crise économique du début des années 1930. Il gagne alors sa vie en posant pour des sculpteurs. Missak écrit des poèmes et, avec son ami arménien Semma, il fonde deux revues littéraires, Tchank (l'Effort) et Machagouyt (Culture), où ils publient des articles concernant la littérature française et arménienne ; ils traduisent Baudelaire, Verlaine et Rimbaud en arménien. À la même époque, Missak et Semma s'inscrivent à la Sorbonne comme auditeurs libres et y suivent des cours de littérature, de philosophie, d'économie politique et d'histoire.

En 1934, Missak adhère au parti communiste. En 1935, il est élu secrétaire du Comité de Secours pour l'Arménie (HOC) qui relève en fait de la MOI (main d'œuvre immigrée). Il devient alors un militant permanent. C'est là qu'en 1935 il rencontre Mélinée qui deviendra sa compagne. À la même époque, il est également responsable du journal Zangou (nom d'un fleuve arménien).

Au moment de la guerre de 1939-1940, il semble qu'en tant qu'étranger, il ait été affecté dans une usine de la région de Rouen, en qualité de tourneur. Mais rentré à Paris, après la défaite de juin 1940, il reprend ses activités militantes, devenues illégales puisque le parti communiste est interdit depuis septembre 1939. Il est arrêté au cours d'une rafle anticommuniste avant le 22 juin 1941, date de l'invasion de l'URSS par les Allemands. Interné au camp de Compiègne, il est libéré au bout de quelques semaines, aucune charge n'étant retenue contre lui.

Il devient alors responsable politique de la section arménienne clandestine de la MOI dont on ne connaît guère l'activité jusqu'en 1943. En février 1943, Manouchian est versé dans les FTP-MOI, groupe des Francs-tireurs et partisans - Main-d'œuvre immigrée de Paris : il s'agit de groupes armés constitués en avril 1942 sous la direction du Juif bessarabien Boris Holban. Le premier détachement où il est affecté comporte essentiellement des Juifs roumains et hongrois et quelques Arméniens. Le 17 mars, il participe à sa première action armée, à Levallois-Perret, mais son indiscipline lui vaut un blâme et une mise à l'écart.

En juillet 1943, il devient commissaire technique des FTP-MOI parisiens puis en août, il est nommé commissaire militaire, à la place de Boris Holban qui avait été démis de ses fonctions pour raisons disciplinaires. Joseph Epstein, responsable d'un autre groupe de FTP-MOI, était devenu le responsable de l'ensemble des Francs-tireurs et partisans de la région parisienne. Il est donc le supérieur hiérarchique de Manouchian qui, lui-même, a sous ses ordres trois détachements, soit au total une cinquantaine de militants[]. On doit mettre à son actif l'exécution (par Marcel Rayman, Léo Kneler et Celestino Alfonso), le 28 septembre 1943, du général Julius Ritter, adjoint pour la France de Fritz Sauckel, responsable de la mobilisation de la main-d'œuvre (STO) dans l'Europe occupée par les nazis. Les groupes de Manouchian accomplissent près de trente opérations en plein Paris d'août à la mi-novembre 1943.

La Brigade spéciale n° 2 des Renseignements généraux avait réussi deux coups de filet en mars et juillet 1943. À partir de là, elle put mener à bien une vaste filature qui aboutit au démantèlement complet des FTP-MOI parisiens à la mi-novembre avec 68 arrestations dont celles de Manouchian et Joseph Epstein. Au matin du 16 novembre 1943, Manouchian est arrêté en gare d'Évry Petit-Bourg. Sa compagne Mélinée parvient à échapper à la police. Missak Manouchian, torturé, et vingt-trois de ses camarades sont livrés aux Allemands de la Geheime Feldpolizei (GFP) qui exploitent l'affaire à des fins de propagande.

Affiche rouge

Son nom figure sur l'affiche rouge éditée par les Allemands: (Fingercwajg, Juif polonais, 3 attentats, 5 déraillements).

La fameuse Affiche rouge, éditée par les Allemands et placardée à 15 000 exemplaires, présente Manouchian en ces termes : Arménien, chef de bande, 56 attentats, 150 morts, 600 blessés.
Mais l'affaire de l'Affiche rouge, placardée sur les murs de Paris par l'ennemi, produit l'effet contraire à celui escompté : pour toute la Résistance, elle devient l'emblème du martyre. Les soutiens de sympathisants se multiplient.

Les vingt-deux hommes sont fusillés au Mont-Valérien le 21 février 1944. Olga Bancic est décapitée à la prison de Stuttgart le 10 mai 1944.

Posthume

En 1955, à l'occasion de l'inauguration de la rue du Groupe Manouchian, située dans le 20e arrondissement de Paris, Aragon écrit un poème Strophes pour se souvenir, librement inspiré de la dernière lettre que Missak Manouchian adressa à son épouse Mélinée. Ce poème sera mis en musique par Léo Ferré sous le titre L'Affiche rouge, en 1959.

La mairie d'Évry a donné le nom de Missak Manouchian à un parc en bord de Seine, à l'endroit même où eut lieu son arrestation. Une plaque commémorative a été déposée le 21 février 2009, par la mairie de la ville de Paris[, au 11 rue de Plaisance, Paris XIVe, en présence d'anciens Résistants. Cet ancien hôtel fut le dernier domicile de Mélinée (née Assadourian) et Missak Manouchian.

Marcel Rayman

Portrait conservé dans les Archives fédérales allemandes, dans une pose identique à celle de l'Affiche rouge.

Premières années

Marcel Rayman naît le 1er mai 1923 à Varsovie. Il vient en France avec ses parents à l'âge de huit ans. À dix ans, il entre aux Pionniers et au club sportif ouvrier Yask. Rattrapant son retard, il étudie avec facilité et passe son brevet élémentaire à quinze ans. Il commence à travailler avec ses parents, comme ouvrier tricoteur.

Seconde Guerre mondiale

Dès que les premiers groupes des Jeunesses communistes se reforment, il y adhère d'emblée et milite activement jusqu'au début de 1942, participant aux manifestations illégales, collages d'affiches, papillons, etc. Il devient responsable des J.C. du XIe arrondissement.

Au début de 1942, il demande à entrer au deuxième détachement juif FTP. Il est accepté. Il se distingue aussitôt par son courage et son intelligence. Il est nommé moniteur pour entraîner les nouveaux combattants. Lorsque le groupe tchèque des FTP se forme, il y est envoyé pour leur enseigner l'art militaire des partisans. Il y réussit pleinement et la première action contre les Allemands au Pont des Arts connaît un très grand retentissement. Lors de la formation du détachement arménien, il est de nouveau envoyé comme moniteur. Fait notable, la première action de Missak Manouchian, à Levallois, est faite sous la direction de Marcel Rayman.

Le 3 juin 1942, devant le, 17 rue Mirabeau à Paris 16ème, Marcel Rayman et Ernest Blankopf lancent à toute volée des grenades sur un car de la Kriegsmarine. Les Allemands ripostent d'un feu nourri. Marcel Rayman, recherché par toutes les polices, parvient à s'échapper, mais Ernest Blankopf grièvement blessé préfère se tirer la dernière balle de son pistolet dans la tête plutôt que d'être pris.

Durant l'été 1943, les FTP MOI décident d'abattre le commandant du Grand Paris, le général von Schaumburg, signataire des affiches placardées dans Paris annonçant l'exécution des résistants. Le service de Renseignement de la FTP MOI, je repère un officier très galonné. Il va quotidiennement se promener à cheval au Bois de Boulogne, escorté de 2 gardes. Après sa promenade, il remonte l'avenue Raphaël et entre dans la cour d'un luxueux hôtel, avant de reprendre sa voiture de fonction qui le conduit à l'hôtel Meurice. L'itinéraire étant toujours le même, Marcel Rayman, Raymond Kojiski et Léo Kneller décident d’agir. Le 28 juillet 1943, les trois hommes attaquent la voiture en lançant une grenade et parviennent à s'enfuir. Mais la cible est manquée et de plus, ce n'était pas le commandant du Grand Paris qui se trouvait dans la voiture ce jour-là, mais le lieutenant colonel Moritz von Maliber et un membre de son état major.

Désormais Marcel Rayman est très recherché, et sa planque, rue de Belleville à Paris, ne tarde pas à être connue des Renseignements généraux. Mais ceux-ci préfèrent prolonger la filature plutôt que de se contenter d'une seule arrestation.

En juillet et août 1943, les Brigades Spéciales n° 2 (BS2) des Renseignements généraux concentrent leurs efforts sur les terroristes de la MOI. Marcel Rayman, responsable du groupe des dérailleurs (de trains) et de l'exécution, Missak Manouchian, chef militaire, et Léo Kneller, combattant très aguerri, sont les plus recherchés.

Début août 1943, Lajb Goldberg, farouche partisan depuis juillet 1942 (ses parents ont été raflés) est identifié et suivi jusqu'au 9 bis passage de Stinville. Il ressort accompagné de Marcel Rayman, suivi par l'inspecteur Constant des RG.

À la fin de l'été, presque tous les combattants de la MOI sont repérés.

Le service de renseignement FTP-MOI, avait remarqué des renforcements des mesures de sécurité rue Saint-Dominique, à Paris. Une grosse Mercedes garnie sur les ailes de fanions à croix gammée, pénétrait régulièrement dans la cour de la Maison de la Chimie et un dignitaire nazi en descendait. Après quatre mois de filatures, la direction militaire de la MOI avise Marcel Rayman, Léo Kneler et Celestino Alfonso de préparer un plan d'attaque contre ce dignitaire. L'opération est placée sous l'autorité de Missak Manouchian, responsable militaire des FTP-MOI, depuis fin aout 1943. Le 28 septembre 1943, à 8h30, la Mercedes stationne quelques minutes avant d'emporter son passager. Celestino Alfonso tire sur l'officier SS quand il monte en voiture. Les vitres amortissent les balles. L'homme est blessé ; il tente de fuir par la portière opposée, mais Marcel Rayman l'achève de trois balles. C'est par la presse allemande que les combattants apprennent l'identité du personnage : il s'agit de Julius Ritter, responsable du STO en France. La dénonciation en première page de cet "acte abominable" et les obsèques officielles en l'Église de la Madeleine donnent plus d'éclat encore à l'opération.

Aux mains de l'ennemi

Marcel Rayman est arrêté par les Brigades Spéciales le, 16 novembre 1943 à un rendez-vous avec Olga Bancic-Zvec. Il est inculpé dans le procès des 23 FTP-Immigrés qui se déroule les 17 et 18 février 1944. Il est l'un des dix représentés sur l'Affiche rouge placardée dans tout Paris. Le tribunal militaire allemand le condamne à mort. Il est fusillé au fort du mont Valérien le, 21 février 1944 avec 21 membres du groupe Manouchian.  Marcel Rayman, dit Faculté, effectué par les inspecteurs de la BS2 : Faculté : 19 ans, corpulence trapue, visage rond, cheveux châtain foncé, frisés et abondants, chandail bleu marine à col roulé, pardessus bleu à martingale, souliers noirs, porte une serviette sous le bras.

Wolf Wajsbrot

Portrait conservé dans les archives fédérales allemandes, dans une pose identique à celle de l'Affiche rouge.

Mécanicien, il réside à Paris  et s'engage dans les FTP-MOI après que toute sa famille a été arrêtée lors de la Rafle du vélodrome d'hiver le 16 juillet 1942. Il participe à l'action du 3 janvier 1943, avenue de Lowendal à Paris, où des Allemands sont tués et blessés. Il est ensuite versé dans le détachement des dérailleurs des FTP-MOI et participe à de nombreux déraillements de trains.

Arrêté le 18 novembre 1943 par la police française (Brigades Spéciales des Renseignements Généraux), il est condamné à mort par une cour militaire allemande le 18 février 1944 et fusillé le 21 février 1944 au Mont Valérien avec vingt et un de ses camarades du Groupe Manouchian.

Affiche rouge

Son nom figure sur l'Affiche rouge éditée par les Allemands: Wasjbrot, juif polonais, 1 attentat, 3 déraillements.

Robert Witchitz

Robert Witchitz (Abscon le 5 août 1924 - fusillé au fort du mont Valérien le 21 février 1944), est un soldat volontaire de l'armée française de libération (FTP-MOI / Groupe Manouchian). Robert Witchitz naît le, 5 août 1924 à Abscon, Nord, d'un père mineur d'origine polonaiseet de mère française. Élevé par ses grands-parents, il resta dans son village natal jusqu'à l'âge de cinq ans, puis vint ensuite dans la région parisienne où il fréquenta l'école laïque.

Seconde Guerre mondiale

Au début de la guerre, son père étant mobilisé, Robert devient télégraphiste.
Son père est fait prisonnier, mais étant déjà ancien combattant de la guerre 14-18, il rentre de captivité. Robert, lui, est licencié. Il doit faire des courses à bicyclette, pour le compte d'une distillerie tout en militant dans les Jeunesses Communistes, à Ivry sur Seine. Il est alors réquisitionné dans le cadre du STO pour aller travailler en Allemagne. À l'insu de ses parents, il rejoint en février 1943 la FTP-MOI.
Chaque fois que, par la presse ou tout autre moyen, il apprenait la mort d'un Allemand ou d'un collaborateur, il se réjouissait et disait à son père : Tu vois, il y a encore des hommes, et de bons Français.
Un jour qu'il était resté chez lui, vers cinq heures du matin, on crie dehors : Police ! Ses parents se rappellent avec angoisse les efforts qu'il fit pour essayer de s'enfuir par la fenêtre. Peine perdue. Faites entrer les agents, dit-il. Quand ils le virent : C'est toi, Robert ? D'ici deux ou trois heures, fous le camp ! Mais ne vas pas en Corrèze ni dans une région aussi dangereuse. À partir de ce jour-là, les parents de Robert comprirent enfin quel était le genre d'activité de leur fils.

Le, 12 novembre 1943, Robert est arrêté à la suite d'une action contre un convoyeur de fonds allemand.
Il prévient ses parents dans une lettre où il s'accuse, pour ne pas incriminer ses camarades de combat, d'avoir fait une bêtise. Il reste en prison, exactement cent jours et jamais ses parents, malgré de nombreuses demandes, ne seront autorisés à le voir. Traduit avec ses autres frères de combat au procès des 23, il est condamné à mort.

Un jour, ses parents reçoivent l'autorisation de lui rendre visite. Mais la veille, les Allemands l'avaient fusillé au Mont Valérien.

Pendant le court laps de temps où il a agi comme Résistant, Robert a participé à 13 actions.

Robert Witchitz est fusillé au fort du mont Valérien le, 21 février 1944 avec les 23 membres de l'Affiche rouge.

Son corps fut déposé au carré des Fusillés au cimetière d’Ivry-sur-Seine, et plus tard, conformément au désir de la mère, dans le caveau de la famille.

Affiche rouge

Son nom figure sur l'affiche rouge éditée par les Allemands : Witchitz, Juif polonais, 15 attentats.

Les nazis ont pris Robert Witchitz pour un Juif et pour un Polonais alors qu'il n'était ni l'un, ni l'autre!


24/02/2013
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FORCES FRANÇAISES DE L’INTÉRIEUR (FFI)

Les Forces françaises de l'intérieur (FFI) est le nom générique donné en 1944 à l'ensemble des groupements militaires de la Résistance intérieure française qui s'étaient constitués dans la France occupée : l'Armée secrète (AS) (regroupant Combat, Libération-Sud, Franc-Tireur), l'Organisation de résistance de l'armée (ORA), les Francs-tireurs et partisans (FTP), etc. La dénomination commune de FFI n'était pas destinée seulement à unifier et à donner un cadre légal aux forces de la Résistance intérieure, mais aussi à les structurer de manière hiérarchique. Les FFI furent ainsi placées en mars 1944 sous le commandement du général Kœnig et l'autorité politique du GPRF du général de Gaulle.

Véhicule des FFI à la libération de Paris

Les FFI jouèrent un rôle non négligeable dans la préparation du débarquement allié en Normandie de juin 1944 et dans la libération de la France. Le commandant des forces alliées en Europe, le général Eisenhower estima l'aide apportée par les FFI à l'équivalent de quinze divisions régulières.

A l'issue de la libération de la France, les FFI s'intégrèrent ensuite dans l'armée française régulière, en particulier au sein de la première armée du général de Lattre, dans le cadre de ce qui a été appelé à l'époque l'amalgame des Résistances intérieure et extérieure.

 

Maquisards et troupes régulières se concertent après le Débarquement de Normandie

Les FFI sont le résultat d'un processus complexe d'unification des mouvements de Résistance intérieure. Ils fédèrent ainsi l'Armée secrète, issue des Mouvements unis de résistance (MUR) rassemblés en mars 1943 par Jean Moulin (à peu près 90 000 hommes)? Les Francs-Tireurs et Partisans Français (FTP ou FTPF) structurés par les communistes depuis mars 1942? L’Organisation de résistance de l'armée, méfiante vis-à-vis des FTP, qui recrute parmi les militaires de carrière? Les maquis enfin. La capacité de contrôle de ces quelque 250 000 hommes est variable. De Gaulle envoie des délégués militaires nationaux (Marchal, puis Mangin, Bourgès-Maunoury et Chaban-Delmas) qui désignent des délégués régionaux, le tout sous le commandement du général Kœnig, chef à Londres de l'état-major des FFI : ils doivent coordonner, au nom du Comité français de libération nationale, les actions des FFI pour le jour J. De son côté, le Conseil national de la Résistance (CNR) constitue lui-même sa propre structure de contrôle pour les FFI, avec le Comac (Comité d'action) qui nomme un état-major (Jussieu, puis Malleret alias Joinville).

Les FFI, malgré ces multiples structures de commandement, d'ailleurs souvent plus théoriques que réelles, sont effectivement engagées sur de nombreux fronts à partir du débarquement en Normandie : d'une part, par les sabotages qui freinent de façon décisive les déplacements de la Wehrmacht (plan vert pour les voies ferrées, plan bleu pour le réseau électrique, plan tortue pour les routes)? D’autre part, par des actions militaires conjointes avec les forces alliées de libération, en Normandie et en Bretagne? Enfin, par des actions militaires où l'initiative leur revient, parfois dramatiques comme dans le maquis du Vercors, souvent victorieuses comme la Libération de Paris ou celle du centre de la France.
Les FFI ont été ensuite incorporées pour la plupart dans la 1re  armée du général de Lattre de Tassigny.

Maquis du Limousin

Le maquis du Limousin était l'un des plus grands et actifs maquis de France.

Historique

Cette région a été profondément marquée par les 99 pendus de Tulle le 9 juin 1944 et le massacre d'Oradour-sur-Glane le 10 juin 1944 suite au débarquement en Normandie et au passage de la division SS Das Reich en Corrèze et en Haute-Vienne.
De même, ce maquis a été troublé par les antagonismes constants entre les maquis A.S. et F.T.P quant aux modes d'actions (notamment à Tulle et à Guéret), à la répartition des pouvoirs locaux à la Libération en août 1944 ainsi qu'à l'ampleur de l'épuration.

Dirigé pour les Mouvements unis de la Résistance par Gontran Royer, les responsables les plus connus du maquis Limousin furent Edmond Michelet, André Malraux, Georges Guingouin ou encore Roger Lescure, Albert Fossey-François, Louis Lemoigne, Roger Cerclier, René Vaujour, Marius Guedin et leurs camarades martyrs Jacques Renouvin, André Delon, Martial Brigouleix, Raymond Farro,Florentin Gourmelen, Pierre Souletie

Dirigé depuis la région de Brive-la-Gaillarde puis de Limoges, ce maquis se scindait en plusieurs secteurs principaux : maquis AS de Basse-Corrèze (Brive), Moyenne-Corrèze (Tulle) et Haute-Corrèze (Neuvic-Ussel) maquis FTP entre Corrèze et Dordogne maquis AS Creusois (Guéret)  maquis FTP Limousin (Saint-Gilles-les-Forêts)

Il convient également de noter l'activité considérable déployée par les corps-francs en Basse-Corrèze et les agents de renseignements sur l'ensemble de la région, notamment par René Jugie-Gao ou André Girard pour le compte du réseau Alliance dont l'abbé Lair fut à Tulle l'une des plus belles et courageuses figures.

Faits d'armes principaux

Les Maquisards Limousins se sont opposés à l'occupant comme partout ailleurs en France.
Toutefois certains faits d'armes, en particulier en 1944, ont marqués la population locale et nationale :

13 mars 1943 : destruction du Viaduc de Bussy-Varache

26 mars au 19 avril 1944 : Attaques contre la division de repression du général Walter Brehmer.

7 juin 1944 : Bataille de Tulle

7 juin 1944 : Première libération de Guéret reprise par les allemands le 9 aout.

7 juin 1944 : Embuscade du Chavanon

8 au 11 juin 1944 : Attaques contre la division SS Das Reich.

14 juin 1944 : Le barrage de Marèges est libéré.

18 au 24 juillet 1944 : Bataille du Mont Gargan.

7 juin au 24 aout 1944 : Attaques contre la colonne de repression du général Kurt Von Jesser.

12 au 17 aout : Siège d'Egletons levé par l'arrivé de la colonne Jesser

17 aout : Libération d'Ussel, occupée en fin de journée par la colonne Jesser.

25 aout 1944 : Libération définitive de Guéret.

Henri Écochard

Est né le 24 avril 1923 dans une vieille famille airvaudaise. Il a 16 ans en septembre 1939 à la déclaration de guerre et entre en première au Lycée Descartes à Tours.

Alors que ses amis airvaudais sont plutôt pacifistes et certains camarades du lycée gagnés aux idées antiparlementaires du colonel de la Rocque, il a quant à lui la fibre antifasciste. Il suit en effet avec intérêt les évènements internationaux et s’est indigné des Accords de Munich. Le 1er septembre, il hisse le drapeau tricolore à la façade de la maison tricolore.

Révolté par la défaite militaire, il espère jusqu’au dernier jour que l’armée française résiste sur la Loire, à l’instar des cadets de Saumur. Le 12 juin, à l’approche de l’armée allemande, le lycée ferme ses portes mais ses parents décident de rester à Tours pour obéir aux ordres.

Rentré à Airvault en vélo chez ses grands parents, il est bouleversé par l’annonce de l’armistice entendu à la radio. Il ne comprend pas qu’on puisse traiter avec Hitler, un bandit qui avait renié sa parole plus de dix fois. Le 21 juin, il entend Churchill souhaiter courage aux Français et leur annoncer que l’Angleterre ne se rendrait jamais. Apercevant un motard allemand dans les rues d’Airvault, il prend la résolution de rejoindre le seul pays à poursuivre la guerre. Refusant d’être un esclave, Il veut un fusil pour libérer son pays, prêt à vendre chèrement sa peau.

Il gagne La Rochelle en vélo et se fait embarquer par un thonier polonais qui le dépose à Cardiff après six jours de navigation. Ne parlant pas l’anglais, et jugé suspect par les autorités britanniques, il est emprisonné pendant huit jours avant d’être conduit à Londres parmi les soldats français du général Bethouart, réfugiés en Angleterre après avoir pris Narvik en Norvège. Il entend alors parler d’un général De Gaulle qui invite tous les volontaires à se joindre à lui.

Il a dix-sept ans et doit falsifier ses papiers pour être incorporé parmi les premières forces françaises libres qui ne comptent que 2900 hommes en juillet 1940. Il défile à Londres le 14 juillet et poursuit son instruction militaire en défendant l’Angleterre contre les parachutistes allemands. Habile en mécanique, il devient instructeur motocycliste.

Le général de Gaulle passant en revue les troupes du général Leclerc en Afrique du Nord.

 

En tenue de pilote Henri Écochard devant son avion en Provence.  Août 1944.

De janvier 1942 à mai 1943, il est brigadier dans un régiment d’automitrailleuses en Égypte, en Libye et en Tunisie. En juin 1943, il est nommé officier et apprend à piloter des avions d’observation. Il suit son régiment d’artillerie en Italie et participe au débarquement en Provence. Après un passage à Airvault pour saluer sa famille qu’il n’a pas revue depuis juin 1940, il libère le territoire français jusqu’au Rhin avant d’être démobilisé le 30 juin 1945.

 

 

Un membre des FFI à l'affût derrière une traction-avant en août 1944.

Les FFI et la libération de Paris

Loin du front, des affrontements nombreux ont lieu entre l’armée allemande et les Forces françaises de l’intérieur (FFI). La Résistance déclenche en effet une guérilla visant à empêcher l’acheminement de renforts vers l’ouest. Des maquis sont anéantis comme celui du Vercors. Certaines troupes allemandes commettent des massacres, notamment à Oradour-sur-Glane et Tulle, tandis que les résistants exécutent des collaborateurs.

En parallèle, le général de Gaulle fait reconnaître l’autorité du Gouvernement provisoire de la République française (GPRF) aux Alliés réticents, ainsi qu’aux résistants communistes. Les Américains laissent la 2e DB française du général Leclerc porter secours aux Parisiens, soulevés depuis le 19 août aux côtés des FFI. La libération de la capitale, le 25 août, permet au chef de la France libre d’asseoir sa légitimité populaire.

Les Forces françaises libres (FFL), commandées par les généraux Leclerc et Kœnig, livrèrent des batailles décisives contre les Allemands commandés par le général Rommel.

Maquisard FFI en Provence

Un maquisard des Forces françaises de l’intérieur, Provence, 1944, Une ordonnance du Comité français de la Libération nationale (CFLN) crée officiellement, le 1er février 1944, les Forces françaises de l'intérieur (FFI), en fusionnant les groupes armés des différents mouvements de la Résistance.

L’objet en lui-même

Cette tenue a été reconstituée à partir d'une photographie d'époque. Elle est donc le fidèle reflet de la tenue portée par un maquisard des Forces françaises de l'intérieur (FFI) de Provence durant l'été 1944. Elle comporte des pantalons et un paletot colonial modèle 1941 provenant des stocks de l'ancienne armée d'armistice, une grenade à manche allemande modèle 1924 et un fusil allemand Mauser modèle 1898K. Cet aspect hétéroclite illustre à la fois la volonté de la résistance intérieure d'être considérée comme une véritable armée régulière mais aussi le manque de moyens dont elle dispose, notamment dans le domaine de l'armement.

L’objet nous raconte

Pour échapper au Service du Travail Obligatoire (STO) en Allemagne imposé par le gouvernement de Vichy à partir du 16 février 1943, des dizaines de milliers de jeunes Français quittent villes et villages pour se réfugier dans des zones difficiles d'accès (forêts et montagnes) où ils vivent en groupes dans des conditions précaires. Ils forment des maquis. Ce nom est repris d'une formation végétale touffue commune en Corse où elle offre un abri naturel aux fugitifs.

La Résistance les prend en charge avec l'objectif de transformer ces réfractaires en combattants. Des chefs de toutes appartenances,  Armée secrète (gaullistes), Francs-tireurs et partisans (communistes), Organisation de Résistance de l'Armée (cadres de l'armée d'armistice dissoute) les regroupent, les organisent et leur apprennent le maniement des armes. L'unification de ces mouvements s'effectue progressivement dans le cadre du Comité national de la Résistance et donne naissance aux FFI. En mars 1944, le nombre des FFI est estimé à 300 000 Les troupes allemandes et les forces répressives du gouvernement de Vichy (miliciens et policiers des Groupes mobiles de réserve) les considèrent comme terroristes. Les maquis des Glières ou du Vercors sont impitoyablement liquidés. En mai 1944, de Gaulle nomme-le général Koenig, le héros de Bir-Hakeim, commandant en chef des FFI. Ce commandement français de la Résistance est reconnu par les Alliés. Toutefois, ces derniers sont réticents à armer ces forces. Les Alliés et de Gaulle se méfient des objectifs politiques des communistes nombreux dans les états-majors FFI.

Ils considèrent les FFI comme une force auxiliaire qui doit s'insérer au sein du plan allié de débarquement et de libération du territoire.

Ils sous estiment cette force militaire potentielle qu'ils réservent aux opérations de renseignement et de sabotage.

Les FFI, au contraire, souhaitent une insurrection générale, étape initiale d'une libération soutenue par les alliés, mais ils surestiment leurs capacités face à une armée allemande qui reste bien équipée et entraînée. A l'annonce du Débarquement de Normandie, les FFI passent à l'offensive dans le cadre de plans d'action prédéfinis : plan vert : (destructions des voies ferrées), plan bleu : (sabotage du réseau électrique) et plan tortue : (harcèlement des renforts allemands). Souvent peu armés, ils subissent de lourdes pertes. Le 10 juin 1944, le général Koenig, chef des Forces Françaises de l'Intérieur (FFI), demande de freiner cette mobilisation. Après le débarquement de Provence, ces forces connaissent une rapide montée de leurs effectifs et prennent le contrôle de nombreuses villes. Une partie des FFI intègre ensuite l'armée régulière. Reconstitués en bataillons et régiments, ils renforcent des divisions existantes de la 1ère Armée, en forment de nouvelles au sein de celle-ci. Ils constituent aussi l'essentiel des forces chargées de réduire les poches de l'Atlantique.

 

Libération de Paris 19-25 août 1944. La mémoire plaques commémoratives

En avril 1946 un décret du Ministre de l'Intérieur fixe les conditions de pose des plaques commémoratives. Les demandes doivent être accompagnées de garanties (témoignages des camarades du mort, de la famille, d'associations); les autorisations seront accordées avec parcimonie afin de conserver un caractère exceptionnel à l'hommage; l'accord du propriétaire des murs est indispensable. L'inscription devra être noble et succincte, ceci afin d'éviter les formulations trop politiques. Les plaques commémorant le souvenir des héros de nationalité étrangère sont soumises à une autorisation spéciale.

 

Chronologie de la libération de paris

Beaucoup de Parisiens ont laissé des écrits. Adrien Dansette a fait paraître en 1946 une Histoire de la libération de Paris et de plus, le téléphone ayant fonctionné à peu près normalement pendant l'insurrection, il existe un enregistrement des communications passées à la Préfecture de police. Dans son Journal secret de la libération de Paris, Yves Cazaux, haut fonctionnaire de l'Hôtel de Ville, nous donne même des précisions climatiques.

Jeudi 17 août             la Radio nationale suspend ses émissions

Vendredi 18 août      les journaux ne paraissent plus, grève des PTT, le colonel Rol-Tanguy

                                  proclame la mobilisation par voie d'affiches

Samedi 19 août        premiers combats de l'insurrection, occupations des mairies des

                                 ministères et des sièges des journaux, occupation de la préfecture de 

                                 police   

                                 Premières contre-attaques allemandes dans l'après midi

Dimanche 20 août    nombreux combats de rues, occupation de l'Hôtel de Ville, négociations

                                  en vue d'une trêve

Lundi 21 août           malgré la trêve les combats continuent, le général Leclerc envoie

                                  un élément précurseur vers la capitale, mise en vente des premiers  

                                  journaux de la libération, premières barricades

Mardi 22 août           les combats de rues atteignent leur intensité maximale

Mercredi 23 août     incendie du Grand Palais, Radio-Londres annonce prématurément la

                                  libération de Paris, la 2ème Division blindée s'ébranle vers la capitale

Jeudi 24 août           les combats de rues se font moins nombreux, la 2ème Division blindée se

                                 heurte aux défenses allemandes dans le Sud de Paris, dans la soirée le    

                                  Capitaine Dronne atteint l'Hôtel de Ville

Vendredi 25 août     la 2ème Division blindée entre dans Paris et avec l'aide des F.F.I

                                 entreprennent la réduction des points d'appui allemands, le général von  Choltitz, Commandant du Grand Paris, signe la capitulation à la Préfecture de police, le général de Gaulle rejoint le général Leclerc à la gare Montparnasse

Samedi 26 août       acclamation du général de Gaulle de la Place de l'Étoile à la cathédrale Notre Dame, fusillade sur le parvis, dans la nuit la Luftwaffe effectue un raid vengeur

Dimanche 27 août   la 2ème Division blindée se porte au Nord de la capitale pour empêcher un retour offensif des Allemands

 

Les femmes portaient des jupes légères et les hommes portaient des chemises à manches courtes

Les Parisiens ne s'embarrassent pas de leurs papiers d'identité. Cela expliquera le nombre de victimes non identifiées et enterrées sous la simple épitaphe Inconnu mort pour la Libération de Paris.

Le combattant

  

La victime collatérale des combats (infirmier, brancardier.)

  

Les prisonniers abattus ou fusillés

 

 

 La plaque commémorative a remplacé le modeste bouquet de fleurs et l'inscription provisoire qui signalaient l'endroit où s'était déroulé le drame.

Août 1944

Depuis le débarquement du 6 juin 1944 en Normandie, les Parisiens suivaient attentivement la progression des Alliés et les divers organismes de la Résistance les incitaient à manifester. Le 6 août, ils avaient entendu l'appel au combat lancé par le général de Gaulle, président du gouvernement provisoire de la République, qui, dès le 18 avril 1942, avait affirmé que la libération de Paris devrait se faire par les armes de la France. Les services allemands commençaient à quitter la ville.

 

Convoi de prisonniers allemands autour de la place de l'Opéra le 25 août 1944.

Paris, ensoleillée et sous-alimentée, mettait en présence quatre forces:
Les Allemands, commandés depuis le 9 août par le général von Choltitz. Installé à l'hôtel Meurice, rue de Rivoli, ses moyens, en hommes et en matériel, étaient relativement limités.
Les partis collaborateurs (R.N.P. de Déat, P.P.F. de Doriot, etc.). Ils renoncèrent vite à se battre et prirent la route de l'Allemagne.
La Résistance, où agissaient plusieurs acteurs. Le gouvernement provisoire de la République, d'essence gaulliste et siégeant à Alger, était représenté par un délégué, A. Parodi dont l'adjoint militaire, le général Chaban-Delmas, dépendait du général Koenig, commandant en chef des F.F.I. Le C.N.R., présidé par G. Bidault, rassemblait les principaux mouvements, partis et syndicats. Le C.P.L. d'A. Tollet, majoritairement communiste, couvrait tout le département. Cette situation se reflétait dans les commandements : ainsi, Rol-Tanguy commandait les F.F.I. de la région parisienne, dont faisaient partie les F.F.I. de la Seine placés sous les ordres d'un officier de carrière, le colonel de Marguerittes dit Lizé. - Les armées alliées, qui avançaient alors en Bretagne et en Mayenne. Il n'entrait pas dans leur plan de s'emparer de la capitale française, mais de la contourner et de poursuivre l'ennemi.
Malgré le manque d'armes, ce fut la stratégie d'insurrection immédiate qui força les réticences de la délégation du gouvernement provisoire.

 

Évacuation d'un blessé, place de l'hôtel de ville.

Le 7 août, un ordre général de Rol-Tanguy mobilisait les chefs de secteurs et le 10, le comité militaire national des F.T.P. lança un ordre d'insurrection. Venu à Paris, Laval, chef du gouvernement de Vichy, tentait en vain de réunir l'assemblée nationale faisant libérer à cet effet E. Herriot, président de cette assemblée en 1940.
Le 11 août, les cheminots de l'agglomération parisienne entamèrent une grève qui s'étendit rapidement tandis que l'état-major parisien F.F.I. allait s'installer dans les souterrains de la place Denfert-Rochereau.
Le 15 août la C.G.T. lança la grève générale. La police entra en action : apport important, pour la Résistance, d'hommes armés, elle fit aussi figure de force stable et contrôlée au milieu de l'insurrection. A leur tour, les postiers se mirent en grève, suivis des ouvriers de la presse, des employés du métro. Alors qu'une fièvre libératrice gagnait Paris, un dernier train partait la nuit de la gare de Pantin, emmenant en déportation près de 2 400 personnes.
Le 17, la police libérait les détenus politiques, arrêtait le préfet de police Bussière. A Paris et en banlieue, la résistance attaquait les Allemands, les miliciens. Les rues voyaient passer des véhicules fuyant vers l'est, emmenant services allemands et collaborateurs français, meubles et objets pillés. Çà et là montait la fumée des archives qui brûlaient.
L'état-major F.T.P. lança son appel à la lutte décisive. Au C.N.R., l'opportunité d'une insurrection fut discutée avec le C.O.M.A.C.
Le lendemain, 4 000 policiers se pressaient devant la Préfecture de Police, en civil, munis de brassards tricolores. En banlieue Est, des F.T.P. prenaient d'assaut la mairie de Montreuil-sous-Bois.

 

Poste de surveillance et de tri FFI dans l'enceinte du portail de l'hôtel de ville.

Le 18, le colonel Rol-Tanguy lança l'ordre d'insurrection. La préfecture de police était occupée, tout comme de nombreuses administrations, et, à 10 h, Rol-Tanguy y donnait ses ordres avant de rejoindre son P.C. de la rue de Meaux (19e). Retourné à la préfecture, il vit le préfet de police désigné par le gouvernement provisoire, Luizet, et Alexandre Parodi, qui plaça sous ses ordres les forces de police, de gendarmerie, de la garde républicaine. Les combats éclatèrent.
Aux yeux des Allemands, Paris constituait un nœud de communications vital : tous les ponts sur la Seine, depuis Rouen, avaient été démolis par l'aviation des Alliés, sauf à Paris et en banlieue. Or les troupes allemandes, en retraite du front de l'Ouest, devaient impérativement passer. Von Choltitz contre-attaqua donc.

 

A 15 h, un char canonna la préfecture puis se retira tandis que des attaquants à pied, dans le Quartier Latin, tiraient contre des barricades, contre le P.C. du colonel Lizé et contre les policiers retranchés dans la préfecture. Chez les insurgés, le manque d'armes, de munitions, se fit très vite sentir et ils en prenaient aux ennemis abattus. Les drapeaux tricolores flottaient sur la préfecture, l'Hôtel de ville occupée par les F.F.I., l'Ile de la Cité était pavoisé.
Le 20 août, par l'entremise du consul de Suède, Nordling, une trêve fut conclue avec les Allemands. Toutes ces journées et celles qui suivirent, les médecins, infirmiers, secouristes de la Croix-Rouge française se dépensèrent sans compter, en y laissant parfois leur vie, auprès des blessés qu'ils évacuaient vers les points sanitaires et les hôpitaux.
Du 20 au 25, les Allemands attaquèrent les mairies du 17e, du 20e, de Neuilly (dès le 19 à 18h00). Les combats se déroulaient dans tous les arrondissements mais aussi en banlieue, à Nanterre, Suresnes, Aubervilliers, Ivry-sur-Seine, au fort de Rosny. Le 22, l'ennemi évacua le fort de Romainville après avoir abattu la centaine d'otages détenus. Tout au long de ces journées, les exécutions se poursuivirent dans la région parisienne : 35 le 17 août, 17 le 19 août, 39 le 20 août, etc.

 

Gare Montparnasse, le général de Gaulle accueilli par le général Leclerc et Rol-Tanguy, le 25 août 1944.

Le 21, le C.P.L. puis le C.N.R. décidèrent donc de rompre la trêve. Partout dans Paris les barricades se multiplièrent, dressées par une population déterminée. Parodi décida la reprise des combats. Aux abois, les Allemands tiraient sans sommation sur les passants. Nombre de leurs véhicules étaient attaqués à coups de cocktails Molotov et les accrochages étaient fréquents. A l'Hôtel de Ville le C.P.L. s'installa.
Harcelés, les Allemands se retranchèrent sur quelques points forts. Le plus important sur la rive gauche était le Palais du Luxembourg, le Sénat, hérissé de petits blockhaus et gardé par des chars.
La veille, Rol-Tanguy avait envoyé le commandant Gallois rendre compte de la situation aux Alliés dont les troupes atteignaient maintenant Mantes-la-Jolie, Chartres, Fontainebleau. Le 21, grâce au chef F.F.I. de Corbeil, Gallois, accompagné du docteur Monod, atteignit les lignes américaines à Pussay (Seine-et-Oise). Au P.C. de la 3e armée U.S., à Courville (Eure-et-Loir) il rencontra Patton qui l'envoya à Laval (Mayenne) au Q.G. du 12e groupe d'armées U.S. où il exposa la situation au général Sibert, puis au général Leclerc. Sans en référer au commandement allié, Leclerc décida d'envoyer vers Paris, en éclaireur, un élément léger sous les ordres du commandant de Guillebon qui atteindra Trappes. Devant l'opposition du général Gerow, chef du 5e corps d'armée américain sous les ordres duquel la 2e D.B. était placée, Leclerc tenta de joindre le général Bradley, commandant le 12e groupe d'armées. Ce dernier était avec le chef suprême pour l'Europe, le général Eisenhower, auprès duquel intervenait le général de Gaulle. Finalement, le 22 au soir, la 2e D.B. reçut l'ordre de faire mouvement sur Paris, appuyée par la 4e D.I.U.S. Au même moment, dans la capitale, les Allemands
contre-attaquaient depuis le Luxembourg, reprenaient la mairie du Ve. Le 24, la 2e D.B. fonçait. Ses groupements passèrent par Châteauneuf-en-Thimerais, Maintenon, Epernon (Eure-et-Loir), Rambouillet (Seine-et-Oise).

 

De violents combats eurent lieu à Palaiseau, à Champlan pour réduire des canons antichars, ainsi qu'à Toussus-le-Noble, Jouy-en-Josas, Clamart, Wissous, Croix-de-Berny, Fresnes, Antony.
Massu et ses hommes atteignirent le pont de Sèvres où ils durent stopper à 21 h 30.
Dans Paris, depuis la caserne de la place de la République (bastion de 1 200 hommes, 8 blindés, de dizaines de canons et de mitrailleuses), l'ennemi attaquait les barricades du boulevard Voltaire.
En fin d'après-midi, un avion léger Piper, piloté par le capitaine Callet de la 2e D.B., survola la ville et son observateur, le lieutenant Mantoux, jeta dans la cour de la Préfecture de Police un papier lesté portant un message de Leclerc : "Tenez bon, nous arrivons".
Au carrefour de la Croix-de-Berny embouteillé, le général Leclerc brusqua l'avance de ses unités, décidant d'envoyer coûte que coûte le capitaine Dronne à Paris avec quelques véhicules (3 chars et des half-tracks d'infanterie et de sapeurs). A la nuit tombée, par la porte d'Italie, entrèrent ainsi dans Paris les premiers soldats de la France libre, la «nueve» (9e compagnie du R.M.T.) composées en partie de républicains espagnols. Suivis des tanks Sherman du 501e R.C.C. Romilly, Montmirail, Champaubert, Dronne et son chauffeur Pirlian atteignirent l'Hôtel de Ville à 20 h 45. Le capitaine rencontra G. Bidault, Luizet, Chaban-Delmas. C.N.R. et C.P.L. se réunirent. La Radio française clama sur les ondes l'arrivée de la 2e D.B. Le bourdon de Notre-Dame résonna, tout comme les cloches de l'église Saint-Gervais.

Le 25, dès l'aube, toute la 2e D.B. entra dans Paris par les portes de Saint-Cloud, d'Orléans, de Gentilly, d'Italie. Leclerc passa porte d'Orléans, rencontra Chaban-Delmas place Denfert-Rochereau puis, par l'avenue du Maine, atteignit la gare Montparnasse où il installa son P.C. Le nettoyage systématique des ennemis cernés commença. Parallèlement, la 4e D.I.U.S. entrait dans Paris par la Porte d'Italie.

 

Au petit pont, les forces Leclerc en action, 25 août 1944.

Le 12e  cuirassier était à Bagneux à 10 h 53, à 11 h 30 quai de Javel, à 11 h 57 à la Tour Eiffel où, à 13 h, les pompiers hissèrent le drapeau tricolore.
A 14 h, Massu était à l'Arc de Triomphe, saluait le Soldat Inconnu puis attaquait l'hôtel Majestic, avenue Kléber, siège du haut commandement militaire allemand en France.
L'Ecole Militaire, au Champ de Mars, fut assaillie par le capitaine Gaudet, ses tanks tirant sur toutes les fenêtres tandis que l'attaque à pied était menée par des éléments du R.M.T. avec deux sections de F.F.I. de l'Eure. Le char Montcornet, du 12e R.C.A., entra en tirant à l'intérieur de la cour d'honneur. A la fin du combat, les Français comptaient 5 tanks Sherman détruits pour 600 Allemands prisonniers, des dizaines de morts, trois fois plus de blessés. Le gros centre de résistance ennemi, autour du Palais Bourbon et du quai d'Orsay subit l'assaut des spahis, des cuirassiers, des F.F.I., des marins du R.B.F.M. ; parmi eux, l'enseigne de vaisseau Philippe de Gaulle. Le char Quimper fut détruit ; le Metz tenait sous son feu l'esplanade des Invalides. Dans le Ve, dès l'aube, les blockhaus du Luxembourg étaient pris par des éléments du R.M.T., du 501e R.C.C., aidés par les F.F.I. du colonel Fabien, avant que la 2e D.B. n'arrive en renfort pour détruire chars et canons.
Par le boulevard Saint-Michel, les soldats de Leclerc gagnèrent l'Ile de la Cité, la Préfecture, passèrent sur la rive droite rue de Rivoli, avançant vers la Concorde et l'Opéra.
Au Luxembourg, une garnison de 600 hommes se rendit. De 9 à 17 h se déroula le combat de la caserne de la République par les rues et les toits. Les défenseurs se rendirent le soir aux émissaires français et allemands.
Dans le IIe, la Kommandantur de la place de l'Opéra était reprise vers 14 h 30.
La bataille se développa autour des Tuileries. Place de la Concorde, le char Douaumont du 501e R.C.C. aborda un tank ennemi ; le chef de char, Bizien, fut tué. Rue de Rivoli se déroula l'attaque de l'hôtel Meurice. Les officiers, de La Horie, Karcher, Franjoux et leurs hommes, s'en emparèrent, capturant von Choltitz et son état-major.

A 16 h 30, le ministère de la Marine était conquis. Von Choltitz fut emmené à la Préfecture de Police où Leclerc s'entretenait avec le général américain, chef de la 4e D.I.U.S. qui, par la gare de Lyon, avançait vers Vincennes. Vers 16 h, le général allemand y signa l'acte de capitulation. Conduit à la gare Montparnasse, P.C. de la 2e D.B., il y signa l'ordre de cessez-le-feu et de reddition à transmettre à ses troupes.

 

Le général de Gaulle et le général Leclerc le 25 août 1944.

Peu après, Leclerc exposait la situation au général de Gaulle qui venait d'arriver. Il s'agissait pour ce dernier d'assumer sa légitimité et d'installer une nouvelle administration. Alors que les membres du C.N.R. et du C.P.L. l'attendaient à l'Hôtel de Ville, il gagna le ministère de la guerre où il reçut son délégué et le préfet de police. Ce n'est que vers 19 h qu'il se rendit à l'Hôtel de Ville, où il prononça un discours resté célèbre.

Le 26, Paris connut une allégresse populaire indescriptible, fêtant les libérateurs. De Gaulle, à 15 h, salua le Soldat Inconnu puis, de l'Etoile, suivi des chefs de l'insurrection, des autorités civiles et des généraux français, descendit à pied les Champs-Élysées parmi une foule immense, et se rendit à Notre Dame où retentit un Magnificat.

 

Place de l'Etoile, départ de la descente des Champs Élysées. Au centre le général de Gaulle, à sa gauche le général Koenig, à sa droite les généraux Leclerc et Juin, 25 août 1944.

 

Sur le parvis de Notre-Dame on attend l'arrivée du général de Gaulle.

Installé au ministère de la guerre, de Gaulle reçut les chefs de la Résistance puis les secrétaires généraux exerçant les fonctions de ministres, affirmant ainsi la suprématie du Gouvernement provisoire reconnu par les Alliés le 23 octobre.
L'ennemi, qui contrôlait toujours les routes de l'Est et du Nord-Est, risquait toujours de contre-attaquer : le soir même du défilé, 150 appareils de la Luftwaffe bombardaient Paris, causant 189 morts. Le lendemain, Leclerc lança le groupement Roumiantsoff sur Saint-Denis, Le Bourget, tandis que les groupements Dio et Langlade avançaient vers Montmorency et Gonesse. II fallut de violents combats, du 27 au 30 août, pour que Paris ne soit plus menacé.
Le 2 avril 1945, la ville de Paris fut décorée de l'Ordre de la Libération.


23/02/2013
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