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LA RÉSISTANCE EN ALLEMAGNE 2e partie

La résistance des sociaux-démocrates

Les sociaux-démocrates ont été avec les communistes les premiers opposants et résistants au nazisme, et furent de ce fait les premières victimes du régime. Les persécutions de la Gestapo ont causé d'énormes pertes humaines dans les rangs de ces partis.

Contre la dictature et la tyranie. Manifestation en faveur de la Répubique. Berlin 1930.

Les sociaux-démocrates s'identifiaient à la République de Weimar et ont combattu pour sa survie. Dès la fin des années 20 furent organisées de grandes manifestations pour protester contre la montée du nazisme, et les organisations paramilitaires républicaines, les Reichsbanner et le Eiserner Front, composées essentiellement de sociaux-démocrates, ont combattu le Harzburger Front  formé du NSDAP, des nationalistes du Deutsch nationale Volkpartei de Hünenberg et du Stahlhelm. Les Reichsbanner, qui comptaient plus de trois millions de membres, et le Eiserner Front étaient toujours en alerte pour contrer des tentatives de putsch et défendre la République de Weimar. Mais les dirigeants du SPD étaient divisés et indécis quant à la stratégie à adopter en cas de putsch ; certains voulaient organiser une grève générale et de grandes manifestations, et privilégiaient l'intervention de troupes paramilitaires pour la défense de la démocratie, d'autres préféraient opter pour des solutions non-violentes et parlementaires, dans le cadre des mesures fixées par la loi.

Manifestation du Eiserne front. Nuremberg le 12 février 1933.

Après l'arrivée au pouvoir d’Hitler, le 30 janvier 1933, les dirigeants du parti, divisés quant à l'attitude à adopter face au gouvernement hitlérien, n'ont pas donné de consignes pour organiser une action coordonnée contre Hitler. Des militants du SPD ont dans toute l'Allemagne rassemblé des armes en attendant un signal du parti, qui n'a pas eu lieu. A défaut de soulèvement, de grandes manifestations ont été organisées pour protester contre l'arrivée au pouvoir d’Hitler. Ainsi, 20 000 sociaux-démocrates ont manifesté le 7 février à Berlin, 15 000 à Lübeck le 19 février, plusieurs dizaines de milliers également à Dortmund le 26 février. Les troupes nazies ont arrêté lors de ces manifestations des dirigeants du parti, et les SA et SS n'ont pas hésité à tirer dans la foule le 2 février à Lübeck, lors d'une manifestation de protestation contre l'arrestation du député social-démocrate Julius Leber, qui fut par la suite libéré pendant quelques temps, avant d'être arrêté de nouveau. Cela se reproduisit le 13 février à Francfort-sur-l'Oder. A partir de la mi-février, les manifestations et les rencontres de militants furent systématiquement dispersées par la police, les SS et les SA.

La dictature nazie s'est mise en place extrêmement rapidement et a instauré la terreur dans le pays : après l'incendie du Reichstag, le 27 février, plus de 4 000 sociaux-démocrates, communistes et libéraux ont été arrêtés. Le 28 février, Hindenburg s'est appuyé sur l'article 48 de la Constitution, conférant au Président de la République les pleins pouvoirs en cas de crise, pour promulguer une ordonnance pour la protection du peuple et de l'État. Les droits fondamentaux, notamment les libertés d'expression, de réunion, d'association, le droit de propriété, le secret postal, l'inviolabilité du domicile, furent suspendus. Le gouvernement du Reich s'est octroyé le droit d'intervenir dans les Länder, et des peines de mort ou de travaux forcés étaient prévues pour les opposants qui menaceraient l'ordre public. Le 1er mars fut publié un décret qui assimilait l'incitation à la grève à la haute trahison. Le 6 mars, les sièges du SPD et du KPD, ainsi que des syndicats et des maisons d'édition, furent occupés et le parti communiste fut interdit. Et le 21 mars ont été créés les camps de concentration de Dachau et d'Oranienburg, pour emprisonner les opposants politiques.

Une cinquantaine de camps secondaires, contrôlés par les SA, furent créés au cours des mois suivants. Les résistants allemands furent les premiers prisonniers des camps de concentration et durent même aider à construire certains d'entre eux, comme le camp de Buchenwald, en 1937. Au printemps 1933, plusieurs dizaines de milliers de personnes, essentiellement des sociaux-démocrates et des communistes, ont été envoyées en camp de concentration. 

Camp de concentration d'Oranianburg. avril 1933.

Étant donné ce climat de terreur, les perquisitions, les arrestations et les tortures, la liberté d'action des sociaux-démocrates était particulièrement infime. A la fin du mois de mars 1933, lorsque le Reichstag fut convoqué pour accorder au gouvernement hitlérien les pleins pouvoirs, 94 députés du SPD ont pris part au vote, malgré les menaces des SS et des SA. 26 députés du SPD avaient été arrêtés par les nazis ou s'étaient enfui et n'ont pas pu voter. Les sociaux-démocrates furent la seule fraction parlementaire qui vota contre la loi des pleins pouvoirs accordés à Hitler ; le parti communiste avait été interdit le 6 mars et tous les députés communistes étaient emprisonnés. Le chef de la fraction du SPD, Otto Wels, protesta officiellement devant les diplomates étrangers présents lors du vote contre cette atteinte à la liberté et à l'État de Droit. Hitler, en obtenant du Reichstag le droit de légiférer sans le contrôle du parlement pendant quatre ans, est devenu légalement dictateur. La démocratie parlementaire a été abolie par ce vote, ce fut la fin de l'État de Droit et le début officiel de la Gleichschaltung, la mise au pas de la population allemande.

 

En mai, les syndicats sociaux-démocrates furent interdits et dissous. Le 22 juin 1933, le SPD fut dissous, et le 14 juillet, le NSDAP fut proclamé parti unique. Une partie des dirigeants du SPD s'exila alors en Tchécoslovaquie, et tenta de coordonner l'action des militants à partir du siège de Prague. Des cellules locales de sociaux-démocrates existaient depuis 1932 ; ainsi, il y avait environ 250 groupes de ce type à Leipzig. A Hanovre, les militants recevaient une formation spéciale pour résister aux interrogatoires, et un organe de presse, les Sozialistische Blätter, diffusait les informations. Mais le contact avec d'autres groupes de résistance était très difficile, la Gestapo parvenait régulièrement à démanteler les réseaux et arrêtait les militants. Ce système de cellules locales, qui n'avaient la plupart du temps aucun contact entre elles, était la base du travail clandestin des sociaux-démocrates. Mais le manque de préparation et de coordination, ainsi que les persécutions de la part de la Gestapo ont freiné considérablement le travail de résistance, dont l'efficacité était de ce fait très réduite. Les militants se rencontraient dans des associations diverses, comme par exemple des clubs d'échecs ou de randonneurs, mais la Gestapo démantelait rapidement ces réseaux. 

Les sociaux-démocrates exilés à Prague, à Paris puis à Londres après les accords de Munich et l'occupation de la France, ont tenté de rester en contact avec les résistants restés dans le Reich. Le 8 janvier 1934, la direction du SPD exilée à Prague a publié le Manifeste de lutte du socialisme révolutionnaire. La coopération entre la SOPADE, direction exilée du SPD, et les partis sociaux-démocrates des pays voisins a permis de mettre en place des réseaux pour passer les frontières, diffuser des journaux, acheminer clandestinement de l'argent, des tracts et des machines à polycopier, et rassembler des fonds pour soutenir les familles des militants arrêtés et déportés. Des sociaux-démocrates ont également combattu aux côtés des antifascistes espagnols, au sein des Brigades internationales. En 1938 ou 1939, ils se réfugièrent pour la plupart en France, mais ceux qui ne sont pas parvenus à fuir ont été arrêtés par la police française après la déclaration de guerre, en tant que ressortissants d'un pays ennemi. Plus de vingt mille Allemands ont ainsi été envoyés dans les camps de concentration du Vernet, de Rieucros, de Gurs ou des Milles. Après la défaite, ces prisonniers furent livrés à la Gestapo en raison de l'article 19 de la convention d'armistice. Les sociaux-démocrates Rudolf Breitscheid et Rudolf Hilferding, antinazis engagés pour la défense de la paix et la réconciliation franco-allemande, furent ainsi livrés à la Gestapo et déportés à Buchenwald, où ils sont morts. Certains résistants allemands qui ont pu échapper aux persécutions ont combattu dans le maquis aux côtés des Français. Dans un article publié dans Le Populaire du 2 septembre 1939, Otto Wels et Hans Vogel avaient appelé les antifascistes allemands, au nom du comité directeur du SPD, à s'allier avec les mouvements de résistance des pays dans lesquels ils avaient trouvé refuge : La défaite de Hitler est  le but que nous devons poursuivre avec les forces démocratiques d'Europe. Nous serons pendant la guerre aux côtés des adversaires d’Hitler, de ceux qui luttent pour la liberté et la civilisation européenne.

 

Des militants sociaux-démocrates ont su aussi s'allier à des résistants issus d'autres mouvements. Ainsi, Julius Leber, Theodor Haubach, Carlo Mierendorff et Adolf Reichwein ont coopéré avec les civils et les militaires pour organiser l'attentat contre Hitler et la tentative de putsch du 20 juillet 1944. La plupart des résistants qui ont pris part à cette action ont été exécutés le 5 janvier 1945 à Berlin-Plötzensee.

Les jeunesses socialistes ont également participé activement à la résistance. Ainsi, un groupe d'adolescents socialistes de Francfort a organisé un réseau pour permettre aux personnes recherchées par la Gestapo de fuir à l'étranger. D'autre part, les jeunesses socialistes publiaient une revue clandestine, Blick in die Zeit, qui diffusait des articles sur la situation en Allemagne parus dans la presse étrangère.

Par ailleurs, d'autres sociaux-démocrates ont mis en place des réseaux de résistance qui se distanciaient de la direction du parti exilée à Prague. En novembre 1933 fut ainsi créé le mouvement de résistance Roter Stoßtrupp, constitué d'étudiants et de jeunes travailleurs sociaux-démocrates, et dirigé par Rudolf Küstermeier et Karl Zinn. Dans leurs journaux, ils critiquaient les erreurs commises par les directions du SPD et du KPD et appelaient à la formation d'un nouveau parti de travailleurs qui combattrait pour la révolution prolétarienne. Mais cette organisation fut très vite démantelée, et ses membres furent arrêtés à la fin de l'année 1933.

 

Neu Beginnen était une autre organisation sociale-démocrate qui s'est distanciée de la ligne fixée par la direction du parti. Dès 1929, de jeunes sociaux-démocrates et communistes critiques vis-à-vis de la stratégie du SPD et du KPD avaient formé ce groupe en espérant renouveler ainsi le mouvement ouvrier. Cette organisation fut tenue secrète dès sa création, ce qui favorisa le passage dans la clandestinité. Un siège de Neu Beginnen, dirigé par Karl Frank, fut créé à Prague en 1933 ; son travail consistait à se procurer de l'argent pour financer les militants vivant dans le Reich et à informer l'étranger sur les exactions du régime nazi. Le programme de ce groupe, qui décrivait la situation des travailleurs en Allemagne et proposait des lignes directrices pour combattre le national-socialisme, a trouvé un grand écho dans le Reich et à l'étranger. Des cercles de discussion clandestins se sont constitués en Allemagne et de nombreux sympathisants se sont joints au mouvement. Neu Beginnen se fixait pour objectifs de former des cadres capables d'encadrer les militants et de les préparer au travail clandestin, à la transmission illégale d'informations et au maintien du contact avec l'étranger. Ces mesures étaient censées préparer une prise de pouvoir lors de la chute du régime hitlérien. Mais à partir de 1935, la Gestapo a commencé à démanteler ces réseaux, ce qui a freiné leurs activités. Le rapprochement avec le Volksfront, alliance éphémère de communistes et de sociaux-démocrates créée en novembre 1935, permit une coopération entre ces mouvements de résistance, qui publièrent en 1938 un programme commun, intitulé Deutsche Freiheit, qui insistait sur la nécessité d'une forme de résistance non seulement morale, mais également politique et active. Mais les dirigeants de ces réseaux furent arrêtés à l'automne 1938, et le mouvement se désagrégea progressivement. Les dernières cellules furent démantelées en 1944.

 

Parallèlement à ces mouvements de résistance, d'autres groupuscules, issus de partis sociaux-démocrates minoritaires comme le SAP (Sozialistische Arbeiterpartei), qui s'était constitué en 1931 par l'alliance de membres de l'aile gauche du SPD et d'anciens communistes, ont essayé d'œuvrer pour l'unification des partis de gauche contre le nazisme, mais sans succès ; un front unitaire des partis de travailleurs n'a pas vu le jour en raison des divergences entre les différents courants. Certains membres du SAP se sont exilés, comme par exemple Willy Brandt, président de la section du SAP de Lübeck, futur chancelier de la RFA et prix Nobel de la paix en 1971, qui a trouvé refuge à Oslo et a contribué à la mise en place et au maintien d'organisations clandestines dans le Reich en effectuant plusieurs missions en Allemagne. Après l'occupation de la Norvège en 1940, il a fondé à Stockholm une agence de presse pour informer l'opinion internationale sur ce qui se passait en Allemagne. Une direction exilée du parti fut fondée à Paris ; ses membres publièrent pendant l'été 1933 une brochure intitulée Der Sieg des Faschismus und die Aufgaben der Arbeiterklasse (La victoire du fascisme et les tâches de la classe ouvrière), qui analysait la nature du régime hitlérien. La section des jeunes membres du SAP organisa des actions plus éclatantes, mais qui entraînèrent des vagues d'arrestations. Ainsi furent distribués en mai 1933 devant une grande usine de Dresde des tracts appelant à la lutte contre le gouvernement nazi ; une centaine de militants furent arrêtés par la Gestapo après cette action. De nombreux résistants appartenant à d'autres sections furent arrêtés et déportés en camp de concentration à la suite de trahisons ou d'imprudences, ce qui conduisit la direction du parti à transformer les cellules de cinq personnes en groupuscules de trois personnes, pour limiter au maximum les risques de démantèlement des réseaux, et on renonça aux grandes actions. Le contact avec l'étranger devenant de plus en plus difficile, la liberté d'action de ces cellules était extrêmement limitée. Grâce au soutien de l'étranger, en particulier des syndicats de transporteurs et de marins suédois, des tracts et des informations ont cependant être acheminés clandestinement en Allemagne et rompre ainsi l'isolement des opposants.

 

D'autres organisations sociale-démocrates comme le Internationaler Sozialistischer Kampf-Bunn (ISK), fondé par Leonhard Nelson, ont continué le combat contre le nazisme dans la clandestinité. Willy Eichler a fondé à Paris vers la fin de l'année 1933 une direction exilée de l'ISK, qui a maintenu le contact avec la section clandestine en Allemagne, dirigée par Helmut von Rauschenplat ; les militants ont réussi à diffuser des tracts, grâce au soutien du syndicat international des transporteurs. De nombreux membres de l'ISK, en particulier des cadres de l'organisation, ont été arrêtés par la Gestapo, ce qui a fragilisé le réseau. En 1940, Eichler dut quitter Paris et se réfugia à Londres, où il prononça régulièrement des discours à la BBC pour informer les résistants vivant en Allemagne.

La plupart des organisations clandestines furent démantelées dès leurs premiers mois d'existence, et la vague d'arrestations des premières années provoqua une stagnation des activités des sociaux-démocrates, notamment en 1935 et 1936. Les résistants qui avaient pu échapper aux persécutions de la Gestapo ont compris que leurs activités n'avaient pas réussi à fragiliser le régime nazi, et qu'elles avaient entraîné de lourdes pertes humaines dans les rangs des militants sociaux-démocrates, qui n'étaient pas en mesure d'effectuer un coup d'état contre le gouvernement hitlérien.

La Résistance communiste

Dès le début des années 30, les communistes se mobilisèrent contre le NSDAP et tentèrent de convaincre les militants nazis de rejoindre le parti communiste. Mais face à la montée du nazisme, ils durent changer de tactique, et organisèrent de grandes manifestations de protestation, qui donnèrent souvent lieu à des affrontements entre les deux camps. L'union des partis de travailleurs était problématique, car même si la base du parti communiste allemand (KPD) et du parti social-démocrate (SPD) avait la volonté de former un front uni contre le nazisme, cette union ne put voir le jour, car les dirigeants communistes traitaient les sociaux-démocrates de sociaux-fascistes, et les sociaux-démocrates refusaient de se plier aux directives idéologiques de Moscou. Le 30 janvier 1933, le jour de l'arrivée au pouvoir d’Hitler, les communistes lancèrent un appel à la grève générale et à des manifestations de masse, qui fut suivi partout en Allemagne. Les nazis réagirent en procédant à des arrestations, des perquisitions et des rafles.

Face aux mesures répressives prises par le gouvernement nazi contre les communistes, ceux-ci durent se résoudre à continuer le combat dans la clandestinité. Des réseaux clandestins se mirent en place, mais la plupart furent démantelés très rapidement par la Gestapo, qui disposait d'un très grand nombre d'informateurs. Dès février 1933, l'incendie du Reichstag fut pris comme prétexte par les nazis pour interdire le parti communiste et procéder à l'arrestation des cadres du parti ; plus de la moitié des dirigeants du parti furent arrêtés ou assassinés par la Gestapo. A la suite de l'arrestation d’Ernst Thälmann, chef du parti communiste allemand, au début du mois de mars 1933, Moscou donna l'ordre aux cadres du parti de s'exiler, afin de former une direction du parti à l'étranger, qui avait pour mission d'apporter son soutien à la base du parti restée en Allemagne. Walter Ulbricht, chef provisoire du KPD et futur dirigeant de la RDA, s'exila en 1933 en Tchécoslovaquie pour y fonder une antenne du parti, et rejoignit en 1936 Wilhelm Pieck, lui aussi futur dirigeant de la RDA, à Paris, où avait été créée une autre antenne du KPD. En 1939, ils trouvèrent refuge en URSS, où ils restèrent jusqu'à la fin de la guerre. 

 

En Allemagne, les membres du parti tentèrent de déjouer la surveillance de la Gestapo pour former des réseaux illégaux. Mais la police disposait de fichiers du parti communiste, qu'elle avait réquisitionnés lors de rafles, et les résistants furent arrêtés par milliers et envoyés dans les premiers camps de concentration, que les prisonniers politiques communistes et sociaux-démocrates furent obligés de construire. 
La presse illégale fut la première activité des résistants communistes, qui diffusèrent clandestinement des tracts et des publications visant à convaincre la population allemande de se soulever contre Hitler et de renverser le régime nazi. D'autre part, un réseau de messagers fut mis en place ; ceux-ci avaient pour mission de faire passer des informations sur le Reich à l'étranger, aux directions exilées du parti, et de transmettre en Allemagne les nouvelles de l'étranger, afin de contrer la propagande hitlérienne. 

Les syndicats communistes essayaient de leur côté de mobiliser clandestinement les travailleurs au sein des entreprises contre le gouvernement nazi. Mais leur tâche était ardue, car certains membres du parti s'étaient résignés à la victoire nazie, d'autres s'étaient engagés dans le NSDAP, et les persécutions dont étaient victimes les communistes en décourageaient plus d'un à continuer le combat. De plus, l'implantation des syndicats communistes était très faible dans les entreprises avant l'arrivée au pouvoir d’Hitler, car la majorité des membres du parti étaient alors au chômage, et les activistes ne purent former de véritable contrepoids au nazisme dans les entreprises allemandes.

En 1935, le Kominterm et le bureau politique du KPD décidèrent de changer leur tactique contre le national-socialisme, et de tenter de s'unir aux sociaux-démocrates afin de former un front uni contre le nazisme. D'autre part, la structure hiérarchique habituelle du parti, facile à démanteler par la Gestapo, qui avait pu ainsi procéder à des arrestations par milliers, fut abandonnée ; les résistants s'organisèrent en petites cellules, dirigées par des instructeurs qui avaient été formés à cette tâche, et qui fonctionnaient dans la clandestinité au sein des entreprises et à la place des anciennes antennes locales du parti. Ces cellules recevaient leurs directives des centrales du KPD coordonnées par le comité central de Moscou et exilées à Amsterdam, Strasbourg, Luxembourg, Copenhague, Prague, Paris et Stockholm, qui envoyaient clandestinement des messagers en Allemagne. Ceux-ci traversaient la frontière tchécoslovaque grâce à un réseau de passeurs ; cette organisation imprimait également des tracts, qui étaient ainsi acheminés dans le Reich, et aidait des réfugiés à fuir l'Allemagne. Le même type de réseau existait aux frontières belge et néerlandaise, mais la Gestapo parvint à démanteler ces organisations en 1935-36, grâce à l'infiltration d'espions. 

 

En 1936, lors des Jeux Olympiques de Berlin, qui furent pour les nazis un événement majeur de propagande, les communistes organisèrent une grève dans une usine de Berlin, ce qui contredisait la propagande hitlérienne, selon laquelle toute l'Allemagne soutenait les nazis. La Gestapo fit en sorte que les journalistes étrangers ne soient pas au courant de cette grève, et plaça à la suite de cet incident des espions nazis dans toutes les usines, de façon à ce que de tels mouvements de contestation ne puissent plus se reproduire.

Pendant la guerre, la plupart des pays voisins étant occupés par les troupes allemandes, il devint de plus en plus difficiles de maintenir un contact entre les directions exilées du parti et la base restée en Allemagne ; les cellules de résistants communistes furent de plus en plus isolées et ne parvenaient que rarement à recevoir les directives du parti. Les résistants communistes qui travaillaient aux chemins de fer ou dans les compagnies de transport fluvial ou maritime purent toutefois continuer à transmettre des messages. De plus, les communistes disposaient d'un service secret qui collectait des informations et les envoyait par radio aux centrales de renseignements de Paris et Bruxelles, qui avaient des agences dans tous les pays européens. 

Le pacte de non-agression de l'URSS conclu par Hitler et Staline le 23 août 1939 choqua et désorienta les résistants qui luttaient depuis six ans dans la clandestinité ; une direction du parti indépendante de Moscou fut créée en Allemagne en réaction à ce pacte, et son comité central envoya des messagers dans les différentes cellules locales pour donner l'ordre de poursuivre le combat contre le nazisme. Après l'attaque nazie de l'URSS, la section communiste allemande renoua avec Moscou. Mais la volonté de ces résistants communistes de provoquer un soulèvement de la population allemande contre la guerre et le gouvernement nazi n'avait aucune chance de réussir, étant donné qu'une grande partie des Allemands soutenait Hitler, qui remportait une victoire après l'autre. La cote de popularité du dictateur était telle pendant les premières années de la guerre, qu'une révolution était irréalisable. Willi Gall, qui avait commencé à organiser la résistance intérieure, fut arrêté en 1940 ; son successeur, Wilhelm Knöchel, coordonna les activités des différentes cellules à partir d'Amsterdam, puis s'installa à Berlin en 1941 ; il fut arrêté en janvier 1943 et donna sous la torture des informations aux nazis, ce qui mit en danger toute la résistance communiste et fragilisa ses activités.

A la fin de la guerre, alors que les troupes soviétiques s'approchaient de plus en plus de l'Allemagne, des agents communistes furent parachutés dans le pays pour organiser la résistance communiste. Et lorsque la zone d'occupation soviétique donna naissance à la RDA, de nombreux communistes qui s'étaient exilés à Moscou, dont Walter Ulbricht et Wilhelm Pieck, en devinrent les dirigeants.

Principaux groupes de résistance communistes

 

 

 

 

 

Comité national de l'Allemagne libre (Nationalkomitee Freies Deutschland, NKFD)
Ce comité fut fondé en 1943 par la section politique de l'armée soviétique et par le comité central du KPD exilé à Moscou ; ses objectifs étaient, au moyen d'un travail de propagande, de détourner les prisonniers de guerre allemands du nazisme et d'encourager les soldats allemands à déserter. Le NKFD tentait de rallier toutes les tendances politiques à l'union contre Hitler ; dans ses rangs, on ne comptait pas uniquement des communistes, mais aussi, par exemple, une centaine de pasteurs, prêtres et étudiants en théologie de la Wehrmacht, prisonniers dans les camps russes, qui se sont joints au NKFD  en raison des persécutions dont étaient victimes les Églises dans le Reich. Les communistes, notamment Wilhelm Pieck et Walter Ulbricht, futurs dirigeants de la RDA, ont finalement pris la tête du NKFD, qui est devenu un instrument de propagande entre les mains du gouvernement soviétique.

L'organisation Allemagne libre (Freies Deutschland)
Ce groupe, fondé à Cologne en 1943 par un réseau de résistants communistes, comptait plus de deux cents membres, et rassemblait des résistants de tous les horizons politiques et idéologiques. Des tracts incitant la population allemande à commettre des sabotages, afin d'enrayer la machine de guerre nazie, et encourageant les soldats à déserter, furent distribués, et les résistants apportèrent leur aide aux travailleurs de force étrangers prisonniers en Allemagne. La Gestapo arrêta de nombreux membres du groupe, qui se disloqua progressivement.

Organisations résistantes indépendantes du KPD

Parti communiste allemand oppositionnel ("Kommunistische Partei Deutschlands (Opposition), KPO)
L'aile droite du KPD avait été exclue du parti en 1928 et avait fondé une organisation communiste indépendante, le KPO. Après l'arrivée au pouvoir de Hitler, seuls quelques militants désignés par les cadres du parti s'exilèrent en France, où ils fondèrent un comité exilé (Auslandskomitee, AK) en contact, grâce à un réseau de messagers, avec la base du parti, qui poursuivait clandestinement ses activités en Allemagne. Un comité du KPO, qui siégeait à Berlin, se chargeait de coordonner les activités des cellules locales du parti. La structure à la fois hiérarchisée et morcelée du parti permit d'éviter les grandes rafles de la Gestapo. Les objectifs principaux du KPO étaient de transmettre des informations sur le régime hitlérien et de travailler en collaboration avec les résistants exilés à l'union des travailleurs contre le nazisme. Des tracts furent distribués, et les membres du parti avaient pour mission de créer des syndicats clandestins dans les entreprises dans lesquelles ils travaillaient. Lorsque le contact avec le comité exilé fut rompu en raison de l'occupation de la France par les troupes allemandes, le KPO prit contact avec d'autres organisations de travailleurs, notamment avec les sociaux-démocrates, afin de créer des syndicats clandestins, et de distribuer des tracts visant à mobiliser la population allemande contre Hitler.

L'Orchestre Rouge (die Rote Kapelle)
A partir de la fin de l'année 1941, l'organisation Harnack / Schulze-Boysen coopéra avec les bureaux des renseignements soviétiques de Paris et Bruxelles, sans que ses membres deviennent pour autant des agents soviétiques et perdent leur indépendance, comme les autorités nazies l'ont prétendu par la suite. La Gestapo nomma ce groupe de résistance L'Orchestre Rouge (die Rote Kapelle).

Églises et Résistance. Protestants

L'Église protestante, obéissant traditionnellement à l'autorité de l'État, était majoritairement pour Hitler, et souhaitait devenir l'Église du peuple, en osmose avec la Nation. Hitler voulait créer un christianisme positif qui aurait été l'une des bases du nouveau régime, ce qui enthousiasmait beaucoup de protestants. Mais dès 1933, des voix s'élevèrent au sein de l'Église protestante pour critiquer la politique menée par Hitler.

Dietrich Bonhoeffer

Ainsi, Georg Schulz, Heinrich Vogel, Dietrich Bonhoeffer, ainsi que onze pasteurs de Westphalie rédigèrent des appels à la tolérance. Deux jours après l'arrivée au pouvoir d’Hitler, Bonhoeffer prononça une allocution radiodiffusée condamnant le nazisme ; l'émission fut interrompue par les nazis. Dietrich Bonhoeffer, pasteur et maître de conférences à l'Université de Berlin, s'opposa aux Chrétiens allemands avec un groupe d'étudiants révoltés comme lui par les mesures nazies prises à l'encontre des juifs, et parvint à convaincre une minorité de protestants de la légitimité d'une opposition à la politique antisémite menée par Hitler et soutenue par la nouvelle Église du Reich. En 1933, il rédigea un article, L'Église face à la question juive, dans lequel il rappela aux fidèles le devoir chrétien de résistance à l'État lorsque celui-ci commet des crimes. Bonhoeffer, lors d'une tournée de conférences aux États-Unis en 1939, refusa d'y trouver refuge, alors qu'on lui proposait une carte de séjour et un poste de professeur ; il préféra rentrer en Allemagne, pour tenter d'agir sur place contre le régime nazi. Il devint directeur du séminaire clandestin de Finkenwalde, qui se réclamait de l'Église confessant, et qui fut fermé par les nazis en 1940. Dietrich Bonhoeffer était conscient du fait qu'une Résistance ecclésiastique ne pourrait à elle seule renverser le régime, c'est pourquoi il collabora activement à la conspiration du 20 juillet 1944. Il prit de plus contact par l'intermédiaire de son beau-frère Hans von Dohnanyi avec le groupe de résistance formé au sein du contre-espionnage et dirigé par Hans Oster. Bonhoeffer, afin que ses activités ne soient pas découvertes par la Gestapo, obtint grâce à ses amis résistants du contre-espionnage un poste d'agent secret, ce qui lui permit d'entreprendre des voyages à l'étranger sous cette couverture. C'est ainsi qu'il put prendre contact avec des résistants, notamment des ecclésiastiques, à l'étranger. Mais lorsque la Gestapo démantela ce réseau de résistance en 1943, Bonhoeffer fut arrêté et déporté en camp de concentration. Il fut pendu le 9 avril 1945.

En 1932 se forma un groupe protestant national-socialiste, les Chrétiens allemands, qui réclamèrent après l'arrivée au pouvoir de Hitler la formation d'une Église du Reich, structurée selon le Führerprinzip et rejetant les juifs, ce qui se réalisa quelques mois plus tard. L'Église protestante, désormais dirigée par les Chrétiens allemands, était devenue un instrument entre les mains d’Hitler. En septembre 1933 fut organisé le synode brun ; la majorité des responsables ecclésiastiques s'y rendirent en uniforme nazi. Il fut décidé, malgré l'opposition des adversaires des Chrétiens allemands, que les pasteurs qui n'étaient pas aryens seraient exclus de l'Église du Reich ; 70 responsables ecclésiastiques suivirent l'exemple du pasteur Koch et quittèrent alors la salle en signe de protestation.

 

Martin Niemöller

Quelques semaines plus tard, le pasteur Martin Niemöller appela les pasteurs hostiles à ces mesures antisémites à s'unir au sein d'une nouvelle organisation, le Pfarrernotbund, la Ligue d'urgence des pasteurs, qui respecterait les principes de tolérance énoncés par la Bible et la profession de foi réformatrice. Cet appel eut un grand écho : à la fin de l'année 1933, 6 000 pasteurs, soit plus d'un tiers des ecclésiastiques protestants, s'étaient joints à ce groupe dissident. La Ligue d'urgence des pasteurs, soutenue par des protestants à l'étranger, adressa au synode une lettre de protestation contre les mesures d'exclusion et de persécution prises envers les juifs et envers les pasteurs refusant d'obéir aux nazis. Malgré les protestations, Martin Niemöller fut déchu de ses fonctions de pasteur et mis prématurément à la retraite au début du mois de novembre 1933. Mais la grande majorité des croyants de sa paroisse décida de lui rester fidèle, et il put ainsi continuer à prêcher et à assumer ses fonctions de pasteur.

Le 13 novembre 1933, lors d'une manifestation des Chrétiens allemands au Palais des Sports de Berlin, un pasteur nazi déclara que l'Ancien Testament et des passages du Nouveau Testament n'étaient que des superstitions, et se réclama d'une nouvelle profession de foi qui mettrait l'accent sur les valeurs héroïques de l'idéologie nazie, soi-disant défendues par Jésus. Il s'agissait de transformer l'Église du Reich en un instrument de propagande diffusant l'idéologie nazie, et n'ayant plus rien à voir avec les véritables principes chrétiens. Ce scandale déclencha une nouvelle vague de protestations ; Martin Niemöller s'éleva contre ce reniement de la foi chrétienne. En 1934, il fut convoqués par Hitler et Göring et sa maison fut perquisitionnée ; les nazis espéraient trouver des pièces à conviction leur permettant de se débarrasser de lui, mais durent le relâcher en raison de sa grande popularité.

Parallèlement à la Ligue d'urgence des pasteurs se formèrent dans plusieurs régions de l'Allemagne des synodes libres. Ainsi, en Westphalie, des fidèles réunis sous la direction du pasteur Koch refusèrent d'obéir aux ordres donnés par le régime nazi. La Gestapo empêcha les membres de ces groupes de se réunir. Une manifestation de protestation, à laquelle prirent part 30 000 personnes, fut organisée à Dortmund, et d'autres synodes libres virent le jour dans d'autres régions de l'Allemagne. Des pendants régionaux de la Ligue d'urgence des pasteurs, les Bruderräte, les conseils de frères virent le jour et se rassemblèrent en un Reichsbruderrat, un conseil de frères du Reich, qui s'unit aux synodes libres.

Un synode libre national se réunit en mai 1934 à Barmen, en Rhénanie du Nord - Westphalie. Les ecclésiastiques présents, qui étaient les véritables héritiers de l'Église protestante, déclarèrent qu'ils refusaient d'obéir à l'Église du Reich manipulée par les nazis, appelèrent les fidèles à suivre les principes de la Bible et de la profession de foi réformatrice, délimitèrent les domaines de compétence de l'État et de l'Église, et refusèrent ouvertement la création d'un État totalitaire auquel serait soumise l'Église. A la suite de cette déclaration, des mesures furent prises contre les opposants, qui furent poursuivis, démis de leurs fonctions, arrêtés et contraints au silence. Mais la résistance ecclésiastique se poursuivit ; des manifestations d'ecclésiastiques et de fidèles eurent lieu pour protester contre les révocations de pasteurs, et lors du deuxième synode libre national, à la fin de l'année 1934, les opposants rompirent définitivement avec l'Église du Reich, appelèrent les pasteurs et les fidèles à désobéir à cette Église, et à se rassembler au sein d'une Bekennende Kirche, l'Église confessant respectant les principes chrétiens.

Le régime hitlérien réagit en interdisant la publication de tout écrit théologique n'allant pas dans le sens de l'idéologie de l'Église du Reich, en infligeant de lourdes amendes aux membres des conseils de frère, et en suspendant de leurs fonctions ou en arrêtant des pasteurs ; le travail des résistants se poursuivit alors de façon clandestine. Le synode libre de Prusse décida de publier tout de même une déclaration contestant l'autorité du régime nazi, en objectant qu'il n'avait aucune justification divine, et appelant au rejet de l'idéologie raciste nazie et du régime totalitaire hitlérien. 500 pasteurs furent arrêtés, puis certains d'entre eux furent libérés, en raison de la protestation massive contre ces mesures. Mais la Gestapo ne renonça pas aux persécutions. Pendant l'été 1935, 27 pasteurs furent déportés en camp de concentration. En 1935, les synodes de Berlin-Stieglitz et de Dresde eurent malgré tout le courage de se prononcer contre les lois raciales de Nuremberg.

Paul Schneider

Le combat entre la dictature et l'Église confessant se durcit encore en 1936, lorsque les opposants publièrent un mémorandum condamnant l'idéologie et les pratiques du régime hitlérien, et réclamant la dissolution de la Gestapo ainsi que la fermeture des camps de concentration. Des dirigeants de l'Église confessant, dont le pasteur Niemöller, furent arrêtés. Le juriste Friedrich Weißler, qui avait participé à la rédaction du mémorandum, fut arrêté et déporté ; il mourut en 1937 au camp de concentration de Sachsenhausen. Le pasteur Paul Schneider, un antinazi déclaré, fut déporté en novembre 1937, torturé, et finalement assassiné le 18 juillet 1939 au camp de concentration de Buchenwald par une injection de poison.

La popularité de Martin Niemöller était telle que le soutien de l'étranger ne se fit pas attendre : deux jours après son arrestation, l'évêque de Londres, Bell, qui dirigeait le mouvement œcuménique, publia un article de protestation dans le Times et déposa une plainte officielle à Berlin. Des manifestations eurent lieu en Allemagne pour réclamer la libération de Niemöller ; la police essaya sans succès de disperser les fidèles, qui continuèrent à manifester ; à Berlin, 250 personnes furent arrêtées. Himmler décida de fermer tous les séminaires se réclamant de l'Église confessante. Le procès de Martin Niemöller commença en 1937, et le jugement fut prononcé en 1938. Le Reichsgericht le condamna à une amende ainsi qu'à sept mois de détention. Comme il avait déjà purgé cette peine en détention préventive, il fut relâché, mais la Gestapo l'arrêta immédiatement après le procès et le déporta au camp de concentration de Sachsenhausen puis à celui de Dachau, où il eut le statut de prisonnier personnel du Führer. Malgré les protestations internationales, il dut rester en camp de concentration jusqu'à la fin de la guerre.

En 1938, après l'annexion de l'Autriche, et alors que les intentions belliqueuses de Hitler devenaient de plus en plus évidentes, les pasteurs Albertz et Böhm, de l'Église confessante, célébrèrent une messe en faveur de la paix. Cette même année fut fondé le bureau Grüber qui apportait son soutien aux protestants d'origine juive en leur proposant une aide juridique et en les aidants à trouver un pays d'accueil. Le pasteur Heinrich Grüber, qui dirigeait cette organisation d'aide aux persécutés, fut arrêté en 1940 et déporté au camp de concentration de Sachsenhausen puis à Dachau. L'un de ses collaborateurs, Werner Sylten, un membre de l'Église confessante d'origine juive, fut arrêté en 1941, déporté au camp de concentration de Dachau et assassiné. Gertrud Staewen, une pédagogue membre de l'Église confessante, dont les livres furent interdits par les nazis, créa elle aussi avec Franz Kaufmann, un ancien haut-fonctionnaire d'origine juive, une organisation clandestine qui fournissait de faux-papiers et des cartes de rationnement aux juifs ; elle fut arrêtée par la Gestapo mais put survivre à la guerre, contrairement à Franz Kaufmann, qui fut arrêté en 1943, torturé, déporté en camp de concentration et assassiné le 17 février 1944 au camp de concentration de Sachsenhausen.

Mais ces actions courageuses se firent de plus en plus rares, et la politique ecclésiastique du Troisième Reich se durcit davantage à partir de 1938. Les nazis publièrent en 1939 la Déclaration de Godesberg, qui fixa les grandes lignes de l'idéologie de l'Église du Reich. Celle-ci fut désignée comme l'héritière des idées de Luther ; la persécution des juifs fut une fois de plus présentée comme nécessaire, et toute collaboration ecclésiastique entre les protestants allemands et des organisations internationales fut qualifiée de dégénérescence politique du christianisme, en contradiction avec l'ordre de la Création. Cette déclaration suscita l'indignation de nombreux pasteurs, qui refusèrent d'y apposer leur signature. Le régime nazi réagit en persécutant encore plus les membres de l'Église confessante.

Pendant la guerre, la Gestapo bénéficiait de pleins pouvoirs exceptionnels, et put faire régner la terreur sans se préoccuper de conserver les apparences d'un État de Droit. Les persécutions à l'encontre des résistants ecclésiastiques s'accentuèrent. Des mesures disciplinaires furent prises à l'encontre des pasteurs ayant soutenu l'Église confessante, certains d'entre eux furent arrêtés, d'autres parvinrent à échapper aux persécutions en devenant aumôniers militaires.

Les protestations concernant les crimes commis au front, le génocide des juifs et l'euthanasie d'invalides et de malades mentaux furent étouffées par des vagues d'arrestations. Dans le régime de terreur nazi, quiconque objectait une critique à l'égard de l'État était immédiatement arrêté et déporté. Mais le travail de l'Église confessante se poursuivit de façon clandestine ; l'aide aux persécutés fut l'un des axes principaux de cette résistance. Certains pasteurs, comme Helmut Gollwitzer à Berlin, continuèrent à condamner les exactions commises par les nazis et à prêcher ouvertement pour la paix et la tolérance au sein de leur paroisse.

Des adolescents militant au sein de mouvements de jeunesse protestants - qui étaient tolérés par les nazis à condition qu'il n'y soit question que de religion - s'engagèrent eux aussi contre le nazisme. Après l'interdiction de tous les mouvements de jeunesse non-nazis, en 1936, des organisations continuèrent à exister dans la clandestinité. La revue protestante Jungenwacht put être diffusée jusqu'en 1938, et des adolescents protestants distribuèrent des tracts antinazis ainsi que des sermons du pasteur Niemöller.

Theophil Wurm

Après l'arrestation de Martin Niemöller, Theophil Wurm, évêque du Wurtemberg, prit sa succession à la tête de l'Église confessante. Il protesta à plusieurs reprises contre les crimes nazis, notamment en 1940 contre l'assassinat d'invalides et de malades mentaux, et en 1941 contre la déportation des juifs. Il entra en contact avec Friedrich Bonhoeffer, avec le groupe de Carl Goerdeler et avec le Cercle de Kreisau et s'engagea ainsi dans la résistance politique.

La résistance de protestants, réunis pour la plupart au sein de l'Église confessante, consistait au début en des oppositions internes portant sur des principes théologiques, sans qu'il soit pour autant question de s'opposer à l'autorité de l'État. Mais peu à peu, les limites du devoir d'obéissance à l'État sont devenues plus claires pour certains pasteurs, qui ont refusé de servir la dictature, et se sont engagés au nom des principes chrétiens dans la voie de la résistance politique et morale.

Églises et Résistance. Les Catholiques

L'Église catholique ne pouvait pas s'engager politiquement contre le régime nazi, en raison du Concordat signé avec le Reich. Mais contrairement aux protestants, qui étaient organisés en Landeskirchen, des instances locales élues qui étaient infiltrées par les nazis, les personnalités ecclésiastiques catholiques étaient nommées par Rome, ce qui permit une plus grande imperméabilité de l'Église catholique à l'infiltration nazie. Si l'opposition politique était impossible en raison du Concordat, des catholiques ont cependant résisté au nazisme sur le plan moral. On peut distinguer deux attitudes : d'une part, les catholiques qui voulaient maintenir un contact avec le régime nazi, afin d'obtenir des compromis, d'autre part, quelques personnalités hors pair qui refusaient tout compromis. Plusieurs ecclésiastiques catholiques se sont opposés dans les années 30 à l'idéologie nazie, en soulignant qu'elle n'était pas compatible avec la foi catholique. Ainsi, le cardinal Bertram critiqua les théories nationalistes et racistes nazies, ainsi que la prétention d’Hitler de créer un christianisme positif imprégné de l'idéologie nazie, indépendant de Rome et de toute autorité internationale, et incorporé à l'État totalitaire. Mais la même année, l'évêque de Berlin, Schreiber, déclara qu'il n'était interdit à personne de devenir membre du parti nazi. Les divisions internes étaient telles que le cardinal Bertram ne parvint pas à inciter tout l'épiscopat allemand à faire une déclaration commune contre le nazisme. En 1931, les évêques de Bavière, puis de Cologne et de Paderborn condamnèrent l'idéologie nazie, incompatible avec la foi chrétienne, en s'appuyant sur le fait que le Pape Pie XI avait condamné auparavant le mouvement fasciste Action française.

Bernhard Pribilla

Le parti politique catholique, le Zentrum, collabora à partir de 1932 avec le NSDAP. Peu de voix catholiques s'élevèrent contre cette compromission avec les nazis : le père jésuite Max Pribilla, Fritz Gerlich et Ingbert Naab dans la revue catholique Der Gerade Weg et Bernhard Letterhaus. Ce dernier était membre d'un syndicat catholique et du parti Zentrum ; après l'arrivée au pouvoir d’Hitler, il fit plusieurs voyages à l'étranger, afin de prendre contact avec d'autres syndicats catholiques, en vue de préparer la résistance au nazisme. A partir de 1939, il travailla dans le service de contre-espionnage de la Wehrmacht, ce qui lui permit de pouvoir transmettre des informations confidentielles à ses amis résistants. Il participa à la préparation de l'attentat du 20 juillet 1944, et fut arrêté immédiatement après la tentative de putsch. Il fut condamné à mort, et fut exécuté le 14 novembre 1944.

 

Lors de la conférence épiscopale de Fulda en 1932, les évêques catholiques allemands décidèrent que des catholiques ne pouvaient pas devenir membres du NSDAP, le programme de ce parti étant hérétique. Mais l'épiscopat était extrêmement divisé, et si des évêques comme Preysing et Kaller condamnaient le nazisme, d'autres s'en accommodaient très bien. Et deux mois après l'arrivée au pouvoir d’Hitler, à la suite de sa déclaration sur le respect des droits des Églises et de son vœu d'établir des relations amicales avec le Vatican, il fut décidé que les catholiques pouvaient finalement devenir membres du parti nazi, et que l'Église catholique pourrait s'arranger avec Hitler. Et en avril 1933, lors du boycott des juifs par les nazis, le cardinal Bertram, qui avait quelques années auparavant critiqué l'idéologie nazie, décida de ne pas prendre position. Seul le père Eckert protesta alors au nom de l'éthique chrétienne contre la persécution des juifs.

 

Dès le mois d'avril 1933 commencèrent des pourparlers entre le Vatican et le régime nazi au sujet d'un Concordat, qui vit le jour au mois de juillet de la même année. Quelques membres du clergé catholique allemand, tels le cardinal Schulte et l'évêque Preysing, critiquèrent ce Concordat, estimant qu'il serait préférable de condamner le gouvernement nazi, au lieu de pactiser avec lui. Ils n'accordaient pas leur confiance à Hitler, qui s'était engagé à faire du christianisme la base du nouveau régime, et en avait donné sa parole d'honneur au Pape. Le parti centriste avait décidé le 5 juillet 1933 de se dissoudre, et le 20 juillet fut signé le Concordat, qui garantissait aux catholiques allemands la liberté de culte en échange de la non-ingérence de l'Église catholique dans la politique nazie.

 

Cette reconnaissance officielle du régime nazi par l'Église catholique fut lourde de conséquences. L'Église ne se prononça plus sur des questions qui n'avaient pas de rapport direct avec le culte catholique. Ainsi, lorsqu'en novembre 1933 l'ancien dirigeant de l'action catholique de Munich, Mühler, fut arrêté parce qu'il avait raconté des mensonges au sujet du camp de concentration de Dachau, le Vatican ne prit pas position.

August Froehlich

Les prêtres comme le père jésuite Rupert Mayer qui n'hésitaient pas à critiquer ouvertement le régime dans leurs sermons furent persécutés par les nazis. Le prêtre August Froehlich, qui refusait de faire le salut hitlérien, fut arrêté en 1941 après avoir protesté contre les mauvais traitements infligés aux travailleurs forcés dans une entreprise allemande. Il fut déporté, torturé, et mourut le 22 juin 1942 au camp de concentration de Dachau. Le père Muckermann, exilé aux Pays-Bas, parvint à diffuser clandestinement en Allemagne des tracts condamnant le nazisme et la politique d’Hitler. Et le 22 mars 1935 fut fondé un Comité d'aide aux non-aryens catholiques, qui proposait une aide juridique aux catholiques d'origine juive, et les aidait à trouver un pays d'accueil pour fuir l'Allemagne. Le 10 novembre 1938, au lendemain de la Nuit de Cristal, le prieur de la cathédrale de Berlin, Bernhard Lichtenberg, appela les fidèles à prier pour les juifs et les prisonniers des camps de concentration, parmi lesquels se trouvaient également beaucoup de prêtres. Arrêté en octobre 1941, il fut déporté et mourut en 1943. Margaret Sommer, une universitaire qui avait perdu son poste en raison de son engagement catholique, aida des catholiques d'origine juive. En 1942, elle rédigea un rapport qu'elle envoya au Vatican sur le traitement réservé aux juifs par les nazis, sur la déportation en camps de concentration. Gertrud Luckner, un pacifiste engagée qui travaillait pour l'organisation de bienfaisance catholique Caritas, aida des prisonniers de guerre et des juifs ; elle fut arrêtée en 1943 par la Gestapo et déportée au camp de concentration de Ravensbrück. En 1943, des prêtres catholiques de Stettin, dont Carl Lamprecht, Friedrich Lorenz, Herbert Simoleit et Alfons Maria Wachsmann, furent condamnés à mort pour démoralisation des troupes parce qu'ils avaient écouté des émissions radiodiffusées étrangères.

La Gestapo veillait, et le régime adopta une attitude de plus en plus agressive vis-à-vis des catholiques. Ainsi, le journal des jeunesses catholiques, Junge Front, qui adoptait une attitude réservée face aux nazis, fut interdit de publication à plusieurs reprises, avant d'être définitivement interdit en janvier 1936 ; peu de temps après, 50 dirigeants de mouvements catholiques furent arrêtés. En 1933, ce journal, qui était diffusé à 300 000 exemplaires, avait appelé à la solidarité avec les juifs lors du boycott des magasins juifs. De plus, les jeunesses hitlériennes, assistées par la police, essayaient constamment de perturber les réunions des associations de jeunesse catholiques. Celles-ci, ainsi que toutes les organisations de jeunesse non nazies, furent interdites en décembre 1936 ; tous les jeunes Allemands furent désormais obligés d'intégrer les jeunesses hitlériennes. Mais des mouvements de jeunesse catholiques continuèrent à exister dans la clandestinité, aidèrent des persécutés, et diffusèrent des tracts hostiles au régime.

Walter Klingenbeck

En 1941, Walter Klingenbeck, un ancien membre des jeunesses catholiques, diffusa avec quelques adolescents catholiques, grâce à un émetteur clandestin, des émissions qui appelaient à la chute du régime nazi et qui communiquaient les nouvelles censurées par les nazis et entendues dans des émissions radiodiffusées étrangères. Walter Klingenbeck fut arrêté en 1942, condamné à mort, et exécuté le 5 août 1943. La condamnation à mort de ses amis Daniel von Recklinghausen et Hans Haberl fut finalement commuée en une peine de travaux forcés de huit ans. D'autres adolescents, comme Theo Hespers, Walter Hammer et Karl Paetel, ont pu à partir de leur pays d'exil diffuser des journaux et des tracts antinazis en Allemagne.

En 1935-36, les nazis eurent recours à des pseudo-procès afin d'éliminer des opposants catholiques : des prêtres furent accusés d'être mêlés à des scandales financiers et à des affaires de mœurs, et furent arrêtés sous ce prétexte.

En 1937, l'Église décida de réagir : les évêques allemands écrivirent un mémorandum au ministre chargé des questions religieuses, afin de protester contre l'attitude du régime à l'égard des catholiques, et le Pape Pie XI publia en mars 1937 l'encyclique Mit brennender Sorge, Avec un souci brûlant, dans laquelle il fit part de son inquiétude quant aux multiples violations du Concordat de la part du gouvernement nazi. Des centaines de milliers d'exemplaires de ce document furent imprimés et distribués clandestinement en Allemagne ; les nazis, en guise de représailles, arrêtèrent des prêtres et des adolescents ayant distribué des exemplaires de l'encyclique, et les déportèrent en camp de concentration.

Mais des ecclésiastiques catholiques soutenaient Hitler, et après les succès militaires de celui-ci, certains lui envoyèrent même des lettres de félicitations. Ainsi, le cardinal Bertram, qui avait présidé en 1932 la conférence de Fulda, au cours de laquelle il avait été décidé que des catholiques ne pouvaient devenir membres du NSDAP, envoya des lettres élogieuses à Hitler, dans lesquelles il tentait cependant d'amadouer le dictateur vis-à-vis de l'Église catholique.

Konrad Graf von Preysing

L'évêque de Berlin, Konrad Graf von Preysing, fut l'un des rares évêques qui continuèrent à défendre ouvertement et courageusement des opinions antinazies, même après l'arrivée au pouvoir d’Hitler. Il faisait partie avec Fritz Gerlich et Ingbert Naab, les rédacteurs de la revue Der Gerade Weg, d'un groupe de résistance catholique, le cercle de Konnersreuth, qui se fixait pour objectif de trouver des mesures permettant de contrer le régime nazi. Après l'assassinat de Gerlich en 1934, Preysing parvint à faire fuir Naab en Suisse ; Preysing ne fut pas arrêté en raison de sa très grande popularité. Il avait à plusieurs reprises mis les autres évêques en garde contre le nazisme, était un ennemi déclaré du Concordat, et participa à la rédaction de l'encyclique du Pape Pie XI. Preysing critiquait l'attitude de l'Église vis-à-vis du nazisme ; il rendit compte au Pape des événements se déroulant dans l'Allemagne nazie, et il était persuadé que l'on ne pourrait rien obtenir d’Hitler par des voies diplomatiques ; il était partisan d'une prise de position claire de la part du Vatican, qui serait capable d'encourager les Allemands à organiser de grandes manifestations contre le régime. Preysing, choqué par les télégrammes élogieux que le cardinal Bertram envoyait à Hitler, démissionna en 1940 de son poste de secrétaire de presse de la conférence épiscopale de Fulda, et entra en contact avec le cercle de Kreisau et les conjurés du 20 juillet 1944, tout comme les Pères jésuites Alfred Delp, Lothar König et Augustin Rösch. Juriste de formation, Konrad Graf von Preysing rédigea également une lettre pastorale concernant le Droit et ses violations par le régime nazi, qui fut lue en chaire et qui eut un grand écho en Allemagne et à l'étranger.

 

D'autres catholiques ont manifesté leur opposition vis-à-vis de certains points de la politique nazie. Ainsi, des organismes caritatifs, des médecins et des ecclésiastiques catholiques protestèrent contre l'eugénisme, que les nazis avaient rendu légal en juillet 1933 sous la forme d'une loi sur la prévention de la transmission héréditaire de maladies. L'encyclique Casti connubii, publiée en 1930, interdisait ces pratiques au nom du respect de la vie. En 1934, le directeur de l'action catholique de l'évêché de Berlin, Erich Klausener, qui avait organisé les Journées catholiques de Berlin.

 

Erich Klausener

En 1933 et 1934, fut assassiné sur l'ordre personnel d’Hitler le 30 juin 1934, quelques jours après une messe en plein air qui avait rassemblé des dizaines de milliers de fidèles, ce qu’Hitler avait considéré comme un affront personnel. En 1940, l'archevêque Michael von Faulhaber protesta auprès du ministre de la Justice au sujet de l'assassinat des invalides et des malades mentaux, jugés par les nazis indignes de vivre, car improductifs sur le plan économique. L'opération T4, qui fit plusieurs milliers de victimes, fut finalement suspendue officiellement en août 1941 mais continua sous d'autres formes plus insidieuses : les nazis administrèrent des médicaments aux malades ou les laissèrent mourir de faim dans les institutions. Faulhaber proposa de plus en 1941 au cardinal Bertram que l'Église catholique condamne publiquement les persécutions dont étaient victimes les juifs, ce qui ne se réalisa pas.

Clemens August Graf von Galen

En 1935, l'évêque de Münster, Clemens August Graf von Galen, avait osé protester officiellement contre la venue à Münster d'Alfred Rosenberg, l'un des théoriciens du nazisme, et en 1941, il prononça des sermons condamnant l'assassinat des malades mentaux et des invalides, qui connurent un grand écho et furent reproduits sous forme de tracts et distribués également à l'étranger. Les nazis n'osèrent pas arrêter Clemens August Graf von Galen en raison du soutien que lui témoignait la population.

 

 

 

Max Josef Metzger

D'autres résistants ne furent pas épargnés par la dictature. Ainsi, le prêtre Franz Reinisch fut incorporé en 1941 dans l'armée mais refusa de prêter serment à Hitler ; il fut exécuté. Le prêtre Max Josef Metzger, qui prônait l'œcuménisme et le pacifisme, fut arrêté par la Gestapo en 1939 en raison de son engagement pour la paix, et fut exécuté en 1943.

L'attitude d'une partie des catholiques allemands oscilla entre le soutien et l'accommodement au nazisme. Certes, leur marge de manœuvre était minime, étant donné les persécutions nazies dont ils étaient victimes. Cependant, quelques personnalités comme l'évêque de Berlin Konrad Graf Preysing, l'évêque de Münster Clemens August Graf von Galen, ou encore les prêtres Franz Reinisch et Max Josef Metzger ont eu le courage de s'opposer aux nazis et à leur politique criminelle, et de défendre les persécutés au nom des valeurs chrétiennes, incompatibles avec l'idéologie nazie. Des pèlerinages ainsi que de grandes manifestations, comme celle de 1938 à Aix-la-Chapelle (Aachen) menée sous le slogan Le Christ pour l'Allemagne, l'Allemagne par le Christ rassemblèrent également des dizaines de milliers de catholiques opposés à l'idéologie nazie. Les communistes donnèrent l'ordre à leurs militants de se joindre à ces grandes manifestations qui représentaient l'un des rares moyens de se lever contre le régime.

Autres communautés religieuses. Les Témoins de Jéhovah

Refusaient de faire le salut hitlérien, d'effectuer le service militaire et d'être incorporés dans l'armée. Ils ne pouvaient accepter la volonté de domination nazie, qui allait à l'encontre de leurs convictions religieuses, et furent de ce fait persécutés par les nazis. Des milliers d'entre eux furent déportés en camp de concentration. Après le début de la guerre, beaucoup de Témoins de Jéhovah furent exécutés en raison de leur refus d'intégrer l'armée. Plus de deux mille Témoins de Jéhovah moururent à la suite des persécutions nazies.

Les Quakers

Qui étaient partisans de la tolérance, de la non-violence et de la paix, purent aider jusqu'en 1939 plus d'un millier de juifs à émigrer, grâce à leurs contacts avec les communautés de Quakers à l'étranger. Ils furent persécutés par les nazis en raison de leur engagement pour les victimes du nazisme et pour la paix, et de leur refus des dogmes, qui se heurtait à l'idéologie nazie.

La Résistance juive

Depuis les Lumières allemandes, les relations entre Allemands chrétiens et Allemands juifs s'étaient consolidées, et les juifs allemands étaient intégrés dans la société allemande. La montée de l'antisémitisme, la prise du pouvoir par le parti nazi en 1933, l'action de boycott des magasins juifs le 1er avril 1933, ainsi que l'exclusion croissante des juifs de la société et les diffamations dont ils étaient victimes furent un choc pour les 500 000 juifs allemands. Beaucoup de juifs allemands réalisèrent alors pour la première fois de leur vie qu'ils étaient juifs, et les actions des nazis engendrèrent chez eux une nouvelle conscience de soi.

Le boycott des magasins juifs avril 1933

Le pogrom dans la nuit du 9 au 10 novembre 1938, appelé également la Nuit de Cristal, mit définitivement fin à l'espoir que la persécution des juifs en Allemagne se terminerait un jour, et fit prendre conscience à beaucoup de juifs allemands du danger auquel étaient exposées leurs vies. Dans toute l'Allemagne, des synagogues furent brûlées et détruites, environ 7 500 magasins juifs furent saccagés, 90 juifs perdirent leur vie cette nuit-là, et au moins 26 000 juifs furent arrêtés et internés dans les camps de concentration de Dachau, de Sachsenhausen et de Buchenwald, où des centaines de personnes furent assassinées les jours suivants. Beaucoup de juifs, et surtout ceux appartenant au mouvement sioniste, se préparèrent alors à l'émigration en apprenant un nouveau métier et en prenant des cours de langue. Des centaines de juifs allemands rejoignirent les Brigades internationales, et plusieurs milliers d'exilés juifs allemands combattirent le régime hitlérien au sein des armées alliées et des mouvements de résistance des pays dans lesquels ils résidaient. Mais 150 000 des 500 000 juifs allemands ne purent fuir à l'étranger.

Le lendemain du pogrom les magasins juifs sont saccagers Berlin 10 novembre 1938

La Grande-Bretagne ne laissa immigrer dans son protectorat, la Palestine, que 50 000 juifs allemands. Ceux qui restèrent en Allemagne essayèrent de sauver leur dignité en prenant activement part au travail des institutions juives restantes, et s'entraidèrent afin de limiter la détresse des personnes persécutées et menacées de déportation.
Certains se dressèrent contre l'injustice quotidienne et contre les crimes nazis, d'autres essayèrent de survivre à la persécution en se cachant. Les organisations culturelles et caritatives juives qui se mirent en place essayèrent de limiter l'exclusion des juifs de la vie sociale et de remédier au dénuement financier croissant de la population juive exclue de l'économie. 

Leo Baeck 

La Fédération des juifs d'Allemagne œuvrait sous la direction de Leo Baeck pour la sécurisation sociale des juifs allemands, et organisa la coopération entre les différentes institutions juives pour permettre l'assistance économique et morale des persécutés. Le refus de la communauté juive de se résigner se manifesta surtout dans le domaine des activités culturelles, dont furent exclus les non-aryens dans la société allemande. Des associations de musique, de théâtre, d'Art et de sport renforcèrent leurs activités, et lors de l'exclusion progressive des juifs de l'éducation, un système d'éducation juif fut mis en place.

Kurt Singer

Le chef d'orchestre et réalisateur Kurt Singer créa en 1933 la Fédération culturelle des juifs allemands (Kulturbund deutscher Juden) pour permettre aux artistes juifs de continuer à exercer leur métier, et pour œuvrer contre l'exclusion des juifs de la vie culturelle en Allemagne. Mais en 1935, les autorités nazies contraignirent la scène culturelle juive à fonder la Fédération du Reich des associations culturelles juives (Reichsverband der jüdischen Kulturbünde) et placèrent son travail sous le contrôle direct de la Gestapo. Au moyen de cette mesure et de l'interdiction qui fut faite aux aryens d'assister aux représentations culturelles juives, la Gestapo transforma la fédération en un instrument de mise à l'écart de la population juive, isolée ainsi dans un ghetto culturel et intellectuel. Kurt Singer fut arrêté en Hollande en 1940 et déporté à Theresienstadt, où il mourut en février 1944. 

Chug Chaluzi
Le groupe sioniste clandestin Chug Chaluzi (Cercle de pionniers) se forma au printemps 1943 autour de Jizchak Schwersenz et d'Édith Wolff. Ses 40 membres, provenant pour la plupart des mouvements de jeunesse sionistes, refusèrent de se résigner. Ils apportèrent leur aide aux déportés dans les camps de concentration à l'Est et essayèrent de fuir à l'étranger.

Fête Chavouot du groupe Chug Chaluzi Berlin 1943

Édith Wolff, considérée par les nazis comme métisse de 1er degré, reçut une éducation protestante, mais elle se déclara juive par protestation contre la politique raciale nazie et devint pacifiste et sioniste. Elle permit à plusieurs persécutés de fuir, avait beaucoup de contacts avec des juifs qui se cachaient, et leur procura des cartes de rationnement. Lorsqu'en 1941 commença la déportation massive de juifs à Berlin, le groupe parvint à trouver des cachettes à quelques personnes menacées, et fabriqua également des faux-papiers, ce qui sauva la vie à Jizchak Schwersenz lors d'une razzia de la Gestapo. Celui-ci put fuir en 1944 en Suisse, puis à Haïfa. Édith Wolff fut arrêtée en 1944 par la Gestapo pour avoir procuré des cartes de rationnement à des juifs ; elle put couvrir ses contacts avec des juifs cachés et fut condamnée à une lourde peine de prison. Elle put survivre au régime nazi.

Communauté pour la paix et le renouveau

Werner Scharff fut l'initiateur de la Communauté pour la paix et le renouveau (Gemeinschaft für Frieden und Aufbau), une association d'aide aux persécutés, à laquelle adhéraient une vingtaine de personnes juives et chrétiennes. Werner Scharff était juif et fut déporté en août 1943 au ghetto de Theresienstadt ; il parvint à fuir un mois plus tard et retourna à Berlin, où il vécut dans la clandestinité. Il procura à des juifs, grâce à son grand réseau de relations, des faux-papiers et de l'argent, et leur trouva des cachettes. Il écrivit également des tracts pour la Communauté pour la paix et le renouveau, qui voulait informer la population allemande du véritable caractère du régime nazi, inciter les soldats à déposer les armes, et qui appelait à la résistance contre le nazisme. Ces tracts furent déposés dans des boîtes aux lettres à Berlin et expédiés à des centaines de personnes.

Certains purent même être acheminés clandestinement aux Pays-Bas et en France. En octobre 1944, la Gestapo démantela ce réseau et arrêta Werner Scharff, qui fut assassiné le 16 mars 1945 dans le camp de concentration de Sachsenhausen, quelques semaines avant la libération du camp. Eugen Herman-Friede, un adolescent juif qui avait été caché et protégé par Hans Winkler et qui avait pris part aux activités de la Communauté pour la paix et le renouveau, fut arrêté le 11 décembre 1944 mais parvint à survivre à sa détention. La plupart des membres de ce groupe de résistance purent survivre grâce à la confusion qui régnait en Allemagne lors des derniers mois de la guerre.

Organisations chrétiennes

Des organisations chrétiennes ont aidé des chrétiens d'origine juive et des juifs convertis au christianisme  à émigrer, leur ont fourni des faux-papiers et des visas.

Ainsi, l'association Saint-Paul (Paulus-Bund) a apporté son aide aux persécutés. Le bureau Grüber, fondé en 1938 par le pasteur Heinrich Grüber, apportait son soutien aux protestants d'origine juive en leur proposant une aide juridique et en les aidants à trouver un pays d'accueil. Le pasteur Grüber fut arrêté en 1940 et déporté au camp de concentration de Sachsenhausen puis à Dachau. L'un de ses collaborateurs, Werner Sylten, un membre de l'Église confessante d'origine juive, fut arrêté en 1941, déporté au camp de concentration de Dachau et assassiné.

Gertrud Staewen, une pédagogue membre de l'Église confessante, dont les livres furent interdits par les nazis, créa elle-aussi à Dahlem, avec Helene Jacobs, Mélanie Steinmetz et Franz Kaufmann, un ancien haut-fonctionnaire d'origine juive, une organisation clandestine qui fournissait de faux-papiers et des cartes de rationnement à des juifs ; Gertrud Staewen fut arrêtée par la Gestapo mais put survivre à la guerre, contrairement à Franz Kaufmann, qui fut arrêté en 1943, torturé, déporté, et assassiné le 17 février 1944 au camp de concentration de Sachsenhausen.

Margarete Sommer

L'association catholique Saint-Raphaël et l'œuvre d'assistance de l'ordinariat épiscopal de Berlin ont également apporté leur aide aux persécutés. Margaret Sommer, une universitaire qui avait perdu son poste en raison de son engagement catholique, aida ainsi à partir de 1935 des catholiques d'origine juive. Elle devint en 1941 directrice de la section d'aide aux juifs convertis au catholicisme de l'ordinariat épiscopal de Berlin. Et le 22 mars 1935 fut fondé le Comité d'aide aux non-aryens catholiques, qui proposait une aide juridique aux catholiques d'origine juive, et les aidait à trouver un pays d'accueil pour fuir l'Allemagne. 

Les Quakers, qui étaient partisans de la tolérance, de la non-violence et de la paix, purent aider jusqu'en 1939 plus d'un millier de juifs à émigrer, grâce à leurs contacts avec les communautés de Quakers à l'étranger. Ils furent persécutés par les nazis.

Hans Winkler, Günther Samuel et Erich Schwarz fondèrent après le pogrom de 1938 un cercle de discussion hostile au régime, qui se faisait passer pour un groupe d'épargne (Sparverein Hoher Einsatz). Hans Winkler était employé au tribunal de première instance de Luckenwalde, et assista à partir de 1933 en tant que greffier à des interrogatoires de la Gestapo. Révolté par ce qu'il y vit, il devint un ennemi du régime et décida d'apporter son aide aux persécutés. En août 1943, le couple Samuel et leur fils de dix ans furent déportés, le cercle d'amis n'ayant pas réussi à leur trouver une cachette. Peu de temps après, Winkler parvint à cacher chez lui Eugen Herman-Friede, un adolescent de dix-sept ans, qui vivait depuis le début de l'année 1943 dans la clandestinité à Berlin.

L'Opération Sept

Hans von Dohnanyi

Travaillait au Ministère de la Justice et faisait partie du groupe de résistance formé au sein du contre-espionnage et dirigé par Hans Oster, qui voulait éliminer Hitler et collabora à la conspiration du 20 juillet 1944. Profondément choqué par les exactions commises par les nazis envers les juifs, Hans von Dohnanyi aida des persécutés, rassembla des preuves documentant les crimes nazis, et prépara le putsch du 20 juillet 1944.

Hans Oster

A l'automne 1941, lorsque commencèrent les déportations massives de juifs, le groupe de résistance du contre-espionnage ne put pas protester ouvertement, pour ne pas mettre en danger les activités du réseau, qui prenait part à la conspiration contre Hitler. Hans von Dohnanyi transmit aux généraux des rapports rédigés par son beau-frère Dietrich Bonhoeffer sur la déportation des juifs, afin de les inciter à agir. Mais les militaires n'entreprirent rien pour empêcher ces crimes, et les déportations continuèrent. Le groupe de résistance décida alors de sauver au moins quelques familles juives, en les déclarants en tant que pseudo-agents du contre-espionnage, ce qui permit à quinze juifs berlinois de trouver refuge en Suisse. Cette action fut appelée Opération Sept (Opération Siegen), car il s'agissait au début d'aider sept personnes à fuir. Finalement, le groupe continua ses activités d'aide aux persécutés et entreprit de secourir davantage de personnes, afin d'en sauver le plus grand nombre possible.

Wilhelm Canaris

L'amiral Wilhelm Canaris, chef du contre-espionnage, couvrit ces activités. Pendant les années précédentes, il avait déjà aidé des juifs à fuir et il en protégeait en gardant des officiers d'origine juive au sein du contre-espionnage, malgré la loi de 1935 interdisant aux juifs d'exercer des activités dans l'armée. Couverts par Canaris, des officiers du contre-espionnage organisèrent la fuite de juifs des Pays-Bas, qui devaient être déportés, en prétendant que c'étaient des espions qui devaient s'infiltrer en Amérique du Sud. Entre mai 1941 et janvier 1942, 468 juifs allemands et néerlandais purent ainsi trouver refuge en Espagne et au Portugal, et s'exiler à partir de ces pays vers des pays d'accueil. Cette opération fut nommée l'Action Aquilar.

Ludwig Beck

Essaya d'influencer Hitler et les généraux afin d'éviter la guerre qui, et les généraux le savaient à partir de 1937, était l'objectif proclamé de Hitler pour conquérir de l'espace vital au peuple allemand. Il appela même tous les généraux allemands à menacer Hitler de démissionner s'il ne retirait pas ses plans de guerre, mais le chef suprême des forces armées von Brauchitsch, dont la décision était essentielle pour le reste des généraux, n'était pas prêt à faire ce pas de désobéissance collective. Ludwig Beck démissionna alors le 18 août 1938 de son poste de chef de l'état-major de l'armée de terre pour poursuivre sa lutte contre la dictature à l'extérieur de l'appareil militaire. Celui-ci fut en 1938 complètement mis au pas par Hitler, qui limogea tous les généraux s'opposant à sa politique agressive. Le régime continuait à procéder au réarmement massif de l'armée, et à préparer et commettre des crimes au nom du peuple allemand. Ludwig Beck entra alors définitivement dans la Résistance allemande et il fut prévu qu'il devienne chef d'État après l'élimination du dictateur. Le soir du 20 juillet 1944, après l'échec du putsch, on l'obligea à se suicider; grièvement blessé, il fut abattu par un adjudant.

Carl Friedrich Goerdeler

Maire de la ville de Leipzig à partir de 1930, était convaincu déjà avant la guerre que le régime nazi allait conduire l'Allemagne vers une catastrophe économique, politique et surtout morale. Il décida en 1937 de démissionner de ses fonctions et de regrouper des amis qui partageaient ses convictions, afin d'organiser la chute du régime hitlérien. Il trouva un poste dans l'entreprise de Robert Bosch, dont il avait fait la connaissance auparavant, et qui participait à des actions d'assistance à des hommes et des femmes persécutés par la dictature. Son emploi de conseiller chez Bosch était une couverture idéale pour ses activités, car il lui permettait d'effectuer des voyages dans quasiment tous les pays européens, ainsi qu'aux États-Unis et au Canada, où il faisait tout son possible pour avertir les gouvernements étrangers, avant la guerre, du danger que représentait le régime nazi, et pour les convaincre de l'existence d'une autre Allemagne. L'opinion internationale avait avant la guerre encore tendance à voir en Hitler une chance pour l'Allemagne, et on l'admirait partiellement pour sa victoire impressionnante contre le chômage, ce qui est l'une des raisons de l'échec des nombreuses tentatives des résistants allemands de trouver du soutien à l'étranger.
A partir de 1938, Carl Friedrich Goerdeler fut le centre de la résistance civile. Après un putsch, il devait prendre la fonction de chancelier du Reich. Parallèlement à sa critique du régime totalitaire nazi, il développa des projets pour la nouvelle Allemagne post-hitlérienne. Ses idées concernant le nouvel ordre politique de la société allemande s'approchaient des conceptions du cercle de Kreisau constitué autour de Helmut James Graf von Moltke ; Goerdeler projetait une société consensuelle, reposant sur le partenariat, avec des instances de médiation autonomes. D'autre part, il était pour une Allemagne forte en Europe, mais dans une vision très humaniste, c'est-à-dire en tant que facteur de stabilité.
La Gestapo recherchait déjà Carl Friedrich Goerdeler avant le 20 juillet 1944. Il parvint à se cacher après l'échec du coup d'état, mais fut dénoncé et arrêté. Il fut condamné à mort le 8 septembre 1944, et exécuté le 2 février 1945.



08/03/2013
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