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RESISTANTS ET RÉSISTANCE


FORCES FRANÇAISES DE L’INTÉRIEUR (FFI)

Les Forces françaises de l'intérieur (FFI) est le nom générique donné en 1944 à l'ensemble des groupements militaires de la Résistance intérieure française qui s'étaient constitués dans la France occupée : l'Armée secrète (AS) (regroupant Combat, Libération-Sud, Franc-Tireur), l'Organisation de résistance de l'armée (ORA), les Francs-tireurs et partisans (FTP), etc. La dénomination commune de FFI n'était pas destinée seulement à unifier et à donner un cadre légal aux forces de la Résistance intérieure, mais aussi à les structurer de manière hiérarchique. Les FFI furent ainsi placées en mars 1944 sous le commandement du général Kœnig et l'autorité politique du GPRF du général de Gaulle.

Véhicule des FFI à la libération de Paris

Les FFI jouèrent un rôle non négligeable dans la préparation du débarquement allié en Normandie de juin 1944 et dans la libération de la France. Le commandant des forces alliées en Europe, le général Eisenhower estima l'aide apportée par les FFI à l'équivalent de quinze divisions régulières.

A l'issue de la libération de la France, les FFI s'intégrèrent ensuite dans l'armée française régulière, en particulier au sein de la première armée du général de Lattre, dans le cadre de ce qui a été appelé à l'époque l'amalgame des Résistances intérieure et extérieure.

 

Maquisards et troupes régulières se concertent après le Débarquement de Normandie

Les FFI sont le résultat d'un processus complexe d'unification des mouvements de Résistance intérieure. Ils fédèrent ainsi l'Armée secrète, issue des Mouvements unis de résistance (MUR) rassemblés en mars 1943 par Jean Moulin (à peu près 90 000 hommes)? Les Francs-Tireurs et Partisans Français (FTP ou FTPF) structurés par les communistes depuis mars 1942? L’Organisation de résistance de l'armée, méfiante vis-à-vis des FTP, qui recrute parmi les militaires de carrière? Les maquis enfin. La capacité de contrôle de ces quelque 250 000 hommes est variable. De Gaulle envoie des délégués militaires nationaux (Marchal, puis Mangin, Bourgès-Maunoury et Chaban-Delmas) qui désignent des délégués régionaux, le tout sous le commandement du général Kœnig, chef à Londres de l'état-major des FFI : ils doivent coordonner, au nom du Comité français de libération nationale, les actions des FFI pour le jour J. De son côté, le Conseil national de la Résistance (CNR) constitue lui-même sa propre structure de contrôle pour les FFI, avec le Comac (Comité d'action) qui nomme un état-major (Jussieu, puis Malleret alias Joinville).

Les FFI, malgré ces multiples structures de commandement, d'ailleurs souvent plus théoriques que réelles, sont effectivement engagées sur de nombreux fronts à partir du débarquement en Normandie : d'une part, par les sabotages qui freinent de façon décisive les déplacements de la Wehrmacht (plan vert pour les voies ferrées, plan bleu pour le réseau électrique, plan tortue pour les routes)? D’autre part, par des actions militaires conjointes avec les forces alliées de libération, en Normandie et en Bretagne? Enfin, par des actions militaires où l'initiative leur revient, parfois dramatiques comme dans le maquis du Vercors, souvent victorieuses comme la Libération de Paris ou celle du centre de la France.
Les FFI ont été ensuite incorporées pour la plupart dans la 1re  armée du général de Lattre de Tassigny.

Maquis du Limousin

Le maquis du Limousin était l'un des plus grands et actifs maquis de France.

Historique

Cette région a été profondément marquée par les 99 pendus de Tulle le 9 juin 1944 et le massacre d'Oradour-sur-Glane le 10 juin 1944 suite au débarquement en Normandie et au passage de la division SS Das Reich en Corrèze et en Haute-Vienne.
De même, ce maquis a été troublé par les antagonismes constants entre les maquis A.S. et F.T.P quant aux modes d'actions (notamment à Tulle et à Guéret), à la répartition des pouvoirs locaux à la Libération en août 1944 ainsi qu'à l'ampleur de l'épuration.

Dirigé pour les Mouvements unis de la Résistance par Gontran Royer, les responsables les plus connus du maquis Limousin furent Edmond Michelet, André Malraux, Georges Guingouin ou encore Roger Lescure, Albert Fossey-François, Louis Lemoigne, Roger Cerclier, René Vaujour, Marius Guedin et leurs camarades martyrs Jacques Renouvin, André Delon, Martial Brigouleix, Raymond Farro,Florentin Gourmelen, Pierre Souletie

Dirigé depuis la région de Brive-la-Gaillarde puis de Limoges, ce maquis se scindait en plusieurs secteurs principaux : maquis AS de Basse-Corrèze (Brive), Moyenne-Corrèze (Tulle) et Haute-Corrèze (Neuvic-Ussel) maquis FTP entre Corrèze et Dordogne maquis AS Creusois (Guéret)  maquis FTP Limousin (Saint-Gilles-les-Forêts)

Il convient également de noter l'activité considérable déployée par les corps-francs en Basse-Corrèze et les agents de renseignements sur l'ensemble de la région, notamment par René Jugie-Gao ou André Girard pour le compte du réseau Alliance dont l'abbé Lair fut à Tulle l'une des plus belles et courageuses figures.

Faits d'armes principaux

Les Maquisards Limousins se sont opposés à l'occupant comme partout ailleurs en France.
Toutefois certains faits d'armes, en particulier en 1944, ont marqués la population locale et nationale :

13 mars 1943 : destruction du Viaduc de Bussy-Varache

26 mars au 19 avril 1944 : Attaques contre la division de repression du général Walter Brehmer.

7 juin 1944 : Bataille de Tulle

7 juin 1944 : Première libération de Guéret reprise par les allemands le 9 aout.

7 juin 1944 : Embuscade du Chavanon

8 au 11 juin 1944 : Attaques contre la division SS Das Reich.

14 juin 1944 : Le barrage de Marèges est libéré.

18 au 24 juillet 1944 : Bataille du Mont Gargan.

7 juin au 24 aout 1944 : Attaques contre la colonne de repression du général Kurt Von Jesser.

12 au 17 aout : Siège d'Egletons levé par l'arrivé de la colonne Jesser

17 aout : Libération d'Ussel, occupée en fin de journée par la colonne Jesser.

25 aout 1944 : Libération définitive de Guéret.

Henri Écochard

Est né le 24 avril 1923 dans une vieille famille airvaudaise. Il a 16 ans en septembre 1939 à la déclaration de guerre et entre en première au Lycée Descartes à Tours.

Alors que ses amis airvaudais sont plutôt pacifistes et certains camarades du lycée gagnés aux idées antiparlementaires du colonel de la Rocque, il a quant à lui la fibre antifasciste. Il suit en effet avec intérêt les évènements internationaux et s’est indigné des Accords de Munich. Le 1er septembre, il hisse le drapeau tricolore à la façade de la maison tricolore.

Révolté par la défaite militaire, il espère jusqu’au dernier jour que l’armée française résiste sur la Loire, à l’instar des cadets de Saumur. Le 12 juin, à l’approche de l’armée allemande, le lycée ferme ses portes mais ses parents décident de rester à Tours pour obéir aux ordres.

Rentré à Airvault en vélo chez ses grands parents, il est bouleversé par l’annonce de l’armistice entendu à la radio. Il ne comprend pas qu’on puisse traiter avec Hitler, un bandit qui avait renié sa parole plus de dix fois. Le 21 juin, il entend Churchill souhaiter courage aux Français et leur annoncer que l’Angleterre ne se rendrait jamais. Apercevant un motard allemand dans les rues d’Airvault, il prend la résolution de rejoindre le seul pays à poursuivre la guerre. Refusant d’être un esclave, Il veut un fusil pour libérer son pays, prêt à vendre chèrement sa peau.

Il gagne La Rochelle en vélo et se fait embarquer par un thonier polonais qui le dépose à Cardiff après six jours de navigation. Ne parlant pas l’anglais, et jugé suspect par les autorités britanniques, il est emprisonné pendant huit jours avant d’être conduit à Londres parmi les soldats français du général Bethouart, réfugiés en Angleterre après avoir pris Narvik en Norvège. Il entend alors parler d’un général De Gaulle qui invite tous les volontaires à se joindre à lui.

Il a dix-sept ans et doit falsifier ses papiers pour être incorporé parmi les premières forces françaises libres qui ne comptent que 2900 hommes en juillet 1940. Il défile à Londres le 14 juillet et poursuit son instruction militaire en défendant l’Angleterre contre les parachutistes allemands. Habile en mécanique, il devient instructeur motocycliste.

Le général de Gaulle passant en revue les troupes du général Leclerc en Afrique du Nord.

 

En tenue de pilote Henri Écochard devant son avion en Provence.  Août 1944.

De janvier 1942 à mai 1943, il est brigadier dans un régiment d’automitrailleuses en Égypte, en Libye et en Tunisie. En juin 1943, il est nommé officier et apprend à piloter des avions d’observation. Il suit son régiment d’artillerie en Italie et participe au débarquement en Provence. Après un passage à Airvault pour saluer sa famille qu’il n’a pas revue depuis juin 1940, il libère le territoire français jusqu’au Rhin avant d’être démobilisé le 30 juin 1945.

 

 

Un membre des FFI à l'affût derrière une traction-avant en août 1944.

Les FFI et la libération de Paris

Loin du front, des affrontements nombreux ont lieu entre l’armée allemande et les Forces françaises de l’intérieur (FFI). La Résistance déclenche en effet une guérilla visant à empêcher l’acheminement de renforts vers l’ouest. Des maquis sont anéantis comme celui du Vercors. Certaines troupes allemandes commettent des massacres, notamment à Oradour-sur-Glane et Tulle, tandis que les résistants exécutent des collaborateurs.

En parallèle, le général de Gaulle fait reconnaître l’autorité du Gouvernement provisoire de la République française (GPRF) aux Alliés réticents, ainsi qu’aux résistants communistes. Les Américains laissent la 2e DB française du général Leclerc porter secours aux Parisiens, soulevés depuis le 19 août aux côtés des FFI. La libération de la capitale, le 25 août, permet au chef de la France libre d’asseoir sa légitimité populaire.

Les Forces françaises libres (FFL), commandées par les généraux Leclerc et Kœnig, livrèrent des batailles décisives contre les Allemands commandés par le général Rommel.

Maquisard FFI en Provence

Un maquisard des Forces françaises de l’intérieur, Provence, 1944, Une ordonnance du Comité français de la Libération nationale (CFLN) crée officiellement, le 1er février 1944, les Forces françaises de l'intérieur (FFI), en fusionnant les groupes armés des différents mouvements de la Résistance.

L’objet en lui-même

Cette tenue a été reconstituée à partir d'une photographie d'époque. Elle est donc le fidèle reflet de la tenue portée par un maquisard des Forces françaises de l'intérieur (FFI) de Provence durant l'été 1944. Elle comporte des pantalons et un paletot colonial modèle 1941 provenant des stocks de l'ancienne armée d'armistice, une grenade à manche allemande modèle 1924 et un fusil allemand Mauser modèle 1898K. Cet aspect hétéroclite illustre à la fois la volonté de la résistance intérieure d'être considérée comme une véritable armée régulière mais aussi le manque de moyens dont elle dispose, notamment dans le domaine de l'armement.

L’objet nous raconte

Pour échapper au Service du Travail Obligatoire (STO) en Allemagne imposé par le gouvernement de Vichy à partir du 16 février 1943, des dizaines de milliers de jeunes Français quittent villes et villages pour se réfugier dans des zones difficiles d'accès (forêts et montagnes) où ils vivent en groupes dans des conditions précaires. Ils forment des maquis. Ce nom est repris d'une formation végétale touffue commune en Corse où elle offre un abri naturel aux fugitifs.

La Résistance les prend en charge avec l'objectif de transformer ces réfractaires en combattants. Des chefs de toutes appartenances,  Armée secrète (gaullistes), Francs-tireurs et partisans (communistes), Organisation de Résistance de l'Armée (cadres de l'armée d'armistice dissoute) les regroupent, les organisent et leur apprennent le maniement des armes. L'unification de ces mouvements s'effectue progressivement dans le cadre du Comité national de la Résistance et donne naissance aux FFI. En mars 1944, le nombre des FFI est estimé à 300 000 Les troupes allemandes et les forces répressives du gouvernement de Vichy (miliciens et policiers des Groupes mobiles de réserve) les considèrent comme terroristes. Les maquis des Glières ou du Vercors sont impitoyablement liquidés. En mai 1944, de Gaulle nomme-le général Koenig, le héros de Bir-Hakeim, commandant en chef des FFI. Ce commandement français de la Résistance est reconnu par les Alliés. Toutefois, ces derniers sont réticents à armer ces forces. Les Alliés et de Gaulle se méfient des objectifs politiques des communistes nombreux dans les états-majors FFI.

Ils considèrent les FFI comme une force auxiliaire qui doit s'insérer au sein du plan allié de débarquement et de libération du territoire.

Ils sous estiment cette force militaire potentielle qu'ils réservent aux opérations de renseignement et de sabotage.

Les FFI, au contraire, souhaitent une insurrection générale, étape initiale d'une libération soutenue par les alliés, mais ils surestiment leurs capacités face à une armée allemande qui reste bien équipée et entraînée. A l'annonce du Débarquement de Normandie, les FFI passent à l'offensive dans le cadre de plans d'action prédéfinis : plan vert : (destructions des voies ferrées), plan bleu : (sabotage du réseau électrique) et plan tortue : (harcèlement des renforts allemands). Souvent peu armés, ils subissent de lourdes pertes. Le 10 juin 1944, le général Koenig, chef des Forces Françaises de l'Intérieur (FFI), demande de freiner cette mobilisation. Après le débarquement de Provence, ces forces connaissent une rapide montée de leurs effectifs et prennent le contrôle de nombreuses villes. Une partie des FFI intègre ensuite l'armée régulière. Reconstitués en bataillons et régiments, ils renforcent des divisions existantes de la 1ère Armée, en forment de nouvelles au sein de celle-ci. Ils constituent aussi l'essentiel des forces chargées de réduire les poches de l'Atlantique.

 

Libération de Paris 19-25 août 1944. La mémoire plaques commémoratives

En avril 1946 un décret du Ministre de l'Intérieur fixe les conditions de pose des plaques commémoratives. Les demandes doivent être accompagnées de garanties (témoignages des camarades du mort, de la famille, d'associations); les autorisations seront accordées avec parcimonie afin de conserver un caractère exceptionnel à l'hommage; l'accord du propriétaire des murs est indispensable. L'inscription devra être noble et succincte, ceci afin d'éviter les formulations trop politiques. Les plaques commémorant le souvenir des héros de nationalité étrangère sont soumises à une autorisation spéciale.

 

Chronologie de la libération de paris

Beaucoup de Parisiens ont laissé des écrits. Adrien Dansette a fait paraître en 1946 une Histoire de la libération de Paris et de plus, le téléphone ayant fonctionné à peu près normalement pendant l'insurrection, il existe un enregistrement des communications passées à la Préfecture de police. Dans son Journal secret de la libération de Paris, Yves Cazaux, haut fonctionnaire de l'Hôtel de Ville, nous donne même des précisions climatiques.

Jeudi 17 août             la Radio nationale suspend ses émissions

Vendredi 18 août      les journaux ne paraissent plus, grève des PTT, le colonel Rol-Tanguy

                                  proclame la mobilisation par voie d'affiches

Samedi 19 août        premiers combats de l'insurrection, occupations des mairies des

                                 ministères et des sièges des journaux, occupation de la préfecture de 

                                 police   

                                 Premières contre-attaques allemandes dans l'après midi

Dimanche 20 août    nombreux combats de rues, occupation de l'Hôtel de Ville, négociations

                                  en vue d'une trêve

Lundi 21 août           malgré la trêve les combats continuent, le général Leclerc envoie

                                  un élément précurseur vers la capitale, mise en vente des premiers  

                                  journaux de la libération, premières barricades

Mardi 22 août           les combats de rues atteignent leur intensité maximale

Mercredi 23 août     incendie du Grand Palais, Radio-Londres annonce prématurément la

                                  libération de Paris, la 2ème Division blindée s'ébranle vers la capitale

Jeudi 24 août           les combats de rues se font moins nombreux, la 2ème Division blindée se

                                 heurte aux défenses allemandes dans le Sud de Paris, dans la soirée le    

                                  Capitaine Dronne atteint l'Hôtel de Ville

Vendredi 25 août     la 2ème Division blindée entre dans Paris et avec l'aide des F.F.I

                                 entreprennent la réduction des points d'appui allemands, le général von  Choltitz, Commandant du Grand Paris, signe la capitulation à la Préfecture de police, le général de Gaulle rejoint le général Leclerc à la gare Montparnasse

Samedi 26 août       acclamation du général de Gaulle de la Place de l'Étoile à la cathédrale Notre Dame, fusillade sur le parvis, dans la nuit la Luftwaffe effectue un raid vengeur

Dimanche 27 août   la 2ème Division blindée se porte au Nord de la capitale pour empêcher un retour offensif des Allemands

 

Les femmes portaient des jupes légères et les hommes portaient des chemises à manches courtes

Les Parisiens ne s'embarrassent pas de leurs papiers d'identité. Cela expliquera le nombre de victimes non identifiées et enterrées sous la simple épitaphe Inconnu mort pour la Libération de Paris.

Le combattant

  

La victime collatérale des combats (infirmier, brancardier.)

  

Les prisonniers abattus ou fusillés

 

 

 La plaque commémorative a remplacé le modeste bouquet de fleurs et l'inscription provisoire qui signalaient l'endroit où s'était déroulé le drame.

Août 1944

Depuis le débarquement du 6 juin 1944 en Normandie, les Parisiens suivaient attentivement la progression des Alliés et les divers organismes de la Résistance les incitaient à manifester. Le 6 août, ils avaient entendu l'appel au combat lancé par le général de Gaulle, président du gouvernement provisoire de la République, qui, dès le 18 avril 1942, avait affirmé que la libération de Paris devrait se faire par les armes de la France. Les services allemands commençaient à quitter la ville.

 

Convoi de prisonniers allemands autour de la place de l'Opéra le 25 août 1944.

Paris, ensoleillée et sous-alimentée, mettait en présence quatre forces:
Les Allemands, commandés depuis le 9 août par le général von Choltitz. Installé à l'hôtel Meurice, rue de Rivoli, ses moyens, en hommes et en matériel, étaient relativement limités.
Les partis collaborateurs (R.N.P. de Déat, P.P.F. de Doriot, etc.). Ils renoncèrent vite à se battre et prirent la route de l'Allemagne.
La Résistance, où agissaient plusieurs acteurs. Le gouvernement provisoire de la République, d'essence gaulliste et siégeant à Alger, était représenté par un délégué, A. Parodi dont l'adjoint militaire, le général Chaban-Delmas, dépendait du général Koenig, commandant en chef des F.F.I. Le C.N.R., présidé par G. Bidault, rassemblait les principaux mouvements, partis et syndicats. Le C.P.L. d'A. Tollet, majoritairement communiste, couvrait tout le département. Cette situation se reflétait dans les commandements : ainsi, Rol-Tanguy commandait les F.F.I. de la région parisienne, dont faisaient partie les F.F.I. de la Seine placés sous les ordres d'un officier de carrière, le colonel de Marguerittes dit Lizé. - Les armées alliées, qui avançaient alors en Bretagne et en Mayenne. Il n'entrait pas dans leur plan de s'emparer de la capitale française, mais de la contourner et de poursuivre l'ennemi.
Malgré le manque d'armes, ce fut la stratégie d'insurrection immédiate qui força les réticences de la délégation du gouvernement provisoire.

 

Évacuation d'un blessé, place de l'hôtel de ville.

Le 7 août, un ordre général de Rol-Tanguy mobilisait les chefs de secteurs et le 10, le comité militaire national des F.T.P. lança un ordre d'insurrection. Venu à Paris, Laval, chef du gouvernement de Vichy, tentait en vain de réunir l'assemblée nationale faisant libérer à cet effet E. Herriot, président de cette assemblée en 1940.
Le 11 août, les cheminots de l'agglomération parisienne entamèrent une grève qui s'étendit rapidement tandis que l'état-major parisien F.F.I. allait s'installer dans les souterrains de la place Denfert-Rochereau.
Le 15 août la C.G.T. lança la grève générale. La police entra en action : apport important, pour la Résistance, d'hommes armés, elle fit aussi figure de force stable et contrôlée au milieu de l'insurrection. A leur tour, les postiers se mirent en grève, suivis des ouvriers de la presse, des employés du métro. Alors qu'une fièvre libératrice gagnait Paris, un dernier train partait la nuit de la gare de Pantin, emmenant en déportation près de 2 400 personnes.
Le 17, la police libérait les détenus politiques, arrêtait le préfet de police Bussière. A Paris et en banlieue, la résistance attaquait les Allemands, les miliciens. Les rues voyaient passer des véhicules fuyant vers l'est, emmenant services allemands et collaborateurs français, meubles et objets pillés. Çà et là montait la fumée des archives qui brûlaient.
L'état-major F.T.P. lança son appel à la lutte décisive. Au C.N.R., l'opportunité d'une insurrection fut discutée avec le C.O.M.A.C.
Le lendemain, 4 000 policiers se pressaient devant la Préfecture de Police, en civil, munis de brassards tricolores. En banlieue Est, des F.T.P. prenaient d'assaut la mairie de Montreuil-sous-Bois.

 

Poste de surveillance et de tri FFI dans l'enceinte du portail de l'hôtel de ville.

Le 18, le colonel Rol-Tanguy lança l'ordre d'insurrection. La préfecture de police était occupée, tout comme de nombreuses administrations, et, à 10 h, Rol-Tanguy y donnait ses ordres avant de rejoindre son P.C. de la rue de Meaux (19e). Retourné à la préfecture, il vit le préfet de police désigné par le gouvernement provisoire, Luizet, et Alexandre Parodi, qui plaça sous ses ordres les forces de police, de gendarmerie, de la garde républicaine. Les combats éclatèrent.
Aux yeux des Allemands, Paris constituait un nœud de communications vital : tous les ponts sur la Seine, depuis Rouen, avaient été démolis par l'aviation des Alliés, sauf à Paris et en banlieue. Or les troupes allemandes, en retraite du front de l'Ouest, devaient impérativement passer. Von Choltitz contre-attaqua donc.

 

A 15 h, un char canonna la préfecture puis se retira tandis que des attaquants à pied, dans le Quartier Latin, tiraient contre des barricades, contre le P.C. du colonel Lizé et contre les policiers retranchés dans la préfecture. Chez les insurgés, le manque d'armes, de munitions, se fit très vite sentir et ils en prenaient aux ennemis abattus. Les drapeaux tricolores flottaient sur la préfecture, l'Hôtel de ville occupée par les F.F.I., l'Ile de la Cité était pavoisé.
Le 20 août, par l'entremise du consul de Suède, Nordling, une trêve fut conclue avec les Allemands. Toutes ces journées et celles qui suivirent, les médecins, infirmiers, secouristes de la Croix-Rouge française se dépensèrent sans compter, en y laissant parfois leur vie, auprès des blessés qu'ils évacuaient vers les points sanitaires et les hôpitaux.
Du 20 au 25, les Allemands attaquèrent les mairies du 17e, du 20e, de Neuilly (dès le 19 à 18h00). Les combats se déroulaient dans tous les arrondissements mais aussi en banlieue, à Nanterre, Suresnes, Aubervilliers, Ivry-sur-Seine, au fort de Rosny. Le 22, l'ennemi évacua le fort de Romainville après avoir abattu la centaine d'otages détenus. Tout au long de ces journées, les exécutions se poursuivirent dans la région parisienne : 35 le 17 août, 17 le 19 août, 39 le 20 août, etc.

 

Gare Montparnasse, le général de Gaulle accueilli par le général Leclerc et Rol-Tanguy, le 25 août 1944.

Le 21, le C.P.L. puis le C.N.R. décidèrent donc de rompre la trêve. Partout dans Paris les barricades se multiplièrent, dressées par une population déterminée. Parodi décida la reprise des combats. Aux abois, les Allemands tiraient sans sommation sur les passants. Nombre de leurs véhicules étaient attaqués à coups de cocktails Molotov et les accrochages étaient fréquents. A l'Hôtel de Ville le C.P.L. s'installa.
Harcelés, les Allemands se retranchèrent sur quelques points forts. Le plus important sur la rive gauche était le Palais du Luxembourg, le Sénat, hérissé de petits blockhaus et gardé par des chars.
La veille, Rol-Tanguy avait envoyé le commandant Gallois rendre compte de la situation aux Alliés dont les troupes atteignaient maintenant Mantes-la-Jolie, Chartres, Fontainebleau. Le 21, grâce au chef F.F.I. de Corbeil, Gallois, accompagné du docteur Monod, atteignit les lignes américaines à Pussay (Seine-et-Oise). Au P.C. de la 3e armée U.S., à Courville (Eure-et-Loir) il rencontra Patton qui l'envoya à Laval (Mayenne) au Q.G. du 12e groupe d'armées U.S. où il exposa la situation au général Sibert, puis au général Leclerc. Sans en référer au commandement allié, Leclerc décida d'envoyer vers Paris, en éclaireur, un élément léger sous les ordres du commandant de Guillebon qui atteindra Trappes. Devant l'opposition du général Gerow, chef du 5e corps d'armée américain sous les ordres duquel la 2e D.B. était placée, Leclerc tenta de joindre le général Bradley, commandant le 12e groupe d'armées. Ce dernier était avec le chef suprême pour l'Europe, le général Eisenhower, auprès duquel intervenait le général de Gaulle. Finalement, le 22 au soir, la 2e D.B. reçut l'ordre de faire mouvement sur Paris, appuyée par la 4e D.I.U.S. Au même moment, dans la capitale, les Allemands
contre-attaquaient depuis le Luxembourg, reprenaient la mairie du Ve. Le 24, la 2e D.B. fonçait. Ses groupements passèrent par Châteauneuf-en-Thimerais, Maintenon, Epernon (Eure-et-Loir), Rambouillet (Seine-et-Oise).

 

De violents combats eurent lieu à Palaiseau, à Champlan pour réduire des canons antichars, ainsi qu'à Toussus-le-Noble, Jouy-en-Josas, Clamart, Wissous, Croix-de-Berny, Fresnes, Antony.
Massu et ses hommes atteignirent le pont de Sèvres où ils durent stopper à 21 h 30.
Dans Paris, depuis la caserne de la place de la République (bastion de 1 200 hommes, 8 blindés, de dizaines de canons et de mitrailleuses), l'ennemi attaquait les barricades du boulevard Voltaire.
En fin d'après-midi, un avion léger Piper, piloté par le capitaine Callet de la 2e D.B., survola la ville et son observateur, le lieutenant Mantoux, jeta dans la cour de la Préfecture de Police un papier lesté portant un message de Leclerc : "Tenez bon, nous arrivons".
Au carrefour de la Croix-de-Berny embouteillé, le général Leclerc brusqua l'avance de ses unités, décidant d'envoyer coûte que coûte le capitaine Dronne à Paris avec quelques véhicules (3 chars et des half-tracks d'infanterie et de sapeurs). A la nuit tombée, par la porte d'Italie, entrèrent ainsi dans Paris les premiers soldats de la France libre, la «nueve» (9e compagnie du R.M.T.) composées en partie de républicains espagnols. Suivis des tanks Sherman du 501e R.C.C. Romilly, Montmirail, Champaubert, Dronne et son chauffeur Pirlian atteignirent l'Hôtel de Ville à 20 h 45. Le capitaine rencontra G. Bidault, Luizet, Chaban-Delmas. C.N.R. et C.P.L. se réunirent. La Radio française clama sur les ondes l'arrivée de la 2e D.B. Le bourdon de Notre-Dame résonna, tout comme les cloches de l'église Saint-Gervais.

Le 25, dès l'aube, toute la 2e D.B. entra dans Paris par les portes de Saint-Cloud, d'Orléans, de Gentilly, d'Italie. Leclerc passa porte d'Orléans, rencontra Chaban-Delmas place Denfert-Rochereau puis, par l'avenue du Maine, atteignit la gare Montparnasse où il installa son P.C. Le nettoyage systématique des ennemis cernés commença. Parallèlement, la 4e D.I.U.S. entrait dans Paris par la Porte d'Italie.

 

Au petit pont, les forces Leclerc en action, 25 août 1944.

Le 12e  cuirassier était à Bagneux à 10 h 53, à 11 h 30 quai de Javel, à 11 h 57 à la Tour Eiffel où, à 13 h, les pompiers hissèrent le drapeau tricolore.
A 14 h, Massu était à l'Arc de Triomphe, saluait le Soldat Inconnu puis attaquait l'hôtel Majestic, avenue Kléber, siège du haut commandement militaire allemand en France.
L'Ecole Militaire, au Champ de Mars, fut assaillie par le capitaine Gaudet, ses tanks tirant sur toutes les fenêtres tandis que l'attaque à pied était menée par des éléments du R.M.T. avec deux sections de F.F.I. de l'Eure. Le char Montcornet, du 12e R.C.A., entra en tirant à l'intérieur de la cour d'honneur. A la fin du combat, les Français comptaient 5 tanks Sherman détruits pour 600 Allemands prisonniers, des dizaines de morts, trois fois plus de blessés. Le gros centre de résistance ennemi, autour du Palais Bourbon et du quai d'Orsay subit l'assaut des spahis, des cuirassiers, des F.F.I., des marins du R.B.F.M. ; parmi eux, l'enseigne de vaisseau Philippe de Gaulle. Le char Quimper fut détruit ; le Metz tenait sous son feu l'esplanade des Invalides. Dans le Ve, dès l'aube, les blockhaus du Luxembourg étaient pris par des éléments du R.M.T., du 501e R.C.C., aidés par les F.F.I. du colonel Fabien, avant que la 2e D.B. n'arrive en renfort pour détruire chars et canons.
Par le boulevard Saint-Michel, les soldats de Leclerc gagnèrent l'Ile de la Cité, la Préfecture, passèrent sur la rive droite rue de Rivoli, avançant vers la Concorde et l'Opéra.
Au Luxembourg, une garnison de 600 hommes se rendit. De 9 à 17 h se déroula le combat de la caserne de la République par les rues et les toits. Les défenseurs se rendirent le soir aux émissaires français et allemands.
Dans le IIe, la Kommandantur de la place de l'Opéra était reprise vers 14 h 30.
La bataille se développa autour des Tuileries. Place de la Concorde, le char Douaumont du 501e R.C.C. aborda un tank ennemi ; le chef de char, Bizien, fut tué. Rue de Rivoli se déroula l'attaque de l'hôtel Meurice. Les officiers, de La Horie, Karcher, Franjoux et leurs hommes, s'en emparèrent, capturant von Choltitz et son état-major.

A 16 h 30, le ministère de la Marine était conquis. Von Choltitz fut emmené à la Préfecture de Police où Leclerc s'entretenait avec le général américain, chef de la 4e D.I.U.S. qui, par la gare de Lyon, avançait vers Vincennes. Vers 16 h, le général allemand y signa l'acte de capitulation. Conduit à la gare Montparnasse, P.C. de la 2e D.B., il y signa l'ordre de cessez-le-feu et de reddition à transmettre à ses troupes.

 

Le général de Gaulle et le général Leclerc le 25 août 1944.

Peu après, Leclerc exposait la situation au général de Gaulle qui venait d'arriver. Il s'agissait pour ce dernier d'assumer sa légitimité et d'installer une nouvelle administration. Alors que les membres du C.N.R. et du C.P.L. l'attendaient à l'Hôtel de Ville, il gagna le ministère de la guerre où il reçut son délégué et le préfet de police. Ce n'est que vers 19 h qu'il se rendit à l'Hôtel de Ville, où il prononça un discours resté célèbre.

Le 26, Paris connut une allégresse populaire indescriptible, fêtant les libérateurs. De Gaulle, à 15 h, salua le Soldat Inconnu puis, de l'Etoile, suivi des chefs de l'insurrection, des autorités civiles et des généraux français, descendit à pied les Champs-Élysées parmi une foule immense, et se rendit à Notre Dame où retentit un Magnificat.

 

Place de l'Etoile, départ de la descente des Champs Élysées. Au centre le général de Gaulle, à sa gauche le général Koenig, à sa droite les généraux Leclerc et Juin, 25 août 1944.

 

Sur le parvis de Notre-Dame on attend l'arrivée du général de Gaulle.

Installé au ministère de la guerre, de Gaulle reçut les chefs de la Résistance puis les secrétaires généraux exerçant les fonctions de ministres, affirmant ainsi la suprématie du Gouvernement provisoire reconnu par les Alliés le 23 octobre.
L'ennemi, qui contrôlait toujours les routes de l'Est et du Nord-Est, risquait toujours de contre-attaquer : le soir même du défilé, 150 appareils de la Luftwaffe bombardaient Paris, causant 189 morts. Le lendemain, Leclerc lança le groupement Roumiantsoff sur Saint-Denis, Le Bourget, tandis que les groupements Dio et Langlade avançaient vers Montmorency et Gonesse. II fallut de violents combats, du 27 au 30 août, pour que Paris ne soit plus menacé.
Le 2 avril 1945, la ville de Paris fut décorée de l'Ordre de la Libération.


23/02/2013
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LE CORBILLARD DE VIERZON

Afin de morceler le territoire français dont ils occupaient la majeure partie depuis juillet 1940, les Allemands inventèrent cette fameuse ligne de démarcation, nouvelle frontière que l’on ne pouvait franchir qu’avec les plus extrêmes difficultés. Mais le Français est ingénieux, débrouillard, et des passeurs s’installèrent un peu partout afin de déjouer la surveillance des occupants. L’un d’eux fut le chanoine Louis Farcet.

 Le corbillard de Vierzon

Aux termes des conditions de l’armistice qui fut signé le 22 juin 1940 dans la clairière de Rethondes entre le gouvernement du maréchal Pétain et les représentants du 111e Reich nazi, la France fut divisée en une zone occupée et une zone libre, séparées par une frontière artificielle dénommée ligne de démarcation. Pourtant d’Arnéguy, sur la frontière pyrénéenne, la ligne remontait vers le nord jusqu’en dessous de Tours pour s’infléchir ensuite vers l’est, ou elle rejoignait la frontière suisse au lac Léman.

 

LES PASSEURS 

 Pour aller de zone occupée en zone libre, on inversement, il fallait disposer d’un ausweis, ou laissez-passer, chichement délivré par les autorités d’occupation après enquête. Juifs fuyant la Gestapo d’aussi loin que de la Hollande, prisonnier de guerre évadés, aviateurs alliés abattus, agents secrets des services alliés, avaient de bonnes raisons de ne pas attirer sur eux l’attention de l’ennemi. Il leur fallait donc franchir clandestinement la ligne en ayant recours à des Français et à des Françaises de bonne volonté qu’on appela des passeurs, reprenant ainsi le terme qui leur fut déjà appliqué pendant la Première Guerre mondiale dans le Nord de la France et en Belgique, territoires alors occupés par les armées du Kaiser Guillaume II, et qui vient du fond des âges, remontant aux temps lointains ou les ponts étaient rares, ce qui obligeait à avoir recours au possesseur d’un barque pour passer d’une rive à l’autre d’un cours d’eau. Les authentiques passeurs, qui payèrent souvent leur dévouement au prix de leur liberté, et parfois même de leur vie, ne permettent pas, et ils ont raison que ce titre soit accordé aux individus qui, mettant à profit les circonstances, faisaient payer leurs services à un taux souvent exorbitant : il n’était pas rare, dès l’année 1941, c’est-à-dire à une époque ou un bon salaire moyen était de l’ordre de 2 000 francs par mois, de s’entendre réclamer 5 000 francs par personnes pour le franchissement clandestin de a ligne. Encore fallait-il s’estimer heureux si l’on n’était pas dépouillé d’un bagage ayant excité la convoitise de ces exploiteurs de la misère des temps, ou abandonné par eux à la merci des patrouilles allemandes.

Carte d’interné résistant de M. le Chanoine Louis Farcet.

A Vierzon, ville située sur la rive droite du Cer, la frontière artificielle imposée à la France était représentée par cette rivière, le poste frontière allemand étant installé sur la rive gauche, au bout du pont qui aboutit à l’agglomération de Bourganeuf. La ligne scindait en deux tronçons la paroisse qui dépendait de l’église Notre-Dame, dont le curé était M. le Chanoine Pinson.

Cette paroisse, m’a dit M. le Chanoine Louis Farcet, qui en était vicaire rassemblait quelque 16 000 âmes, les 4 500 habitants de Bourganeuf étaient dépourvus d’église, et même de chapelle. Par contre Bourganeuf possédait un très beau cimetière.

Huit jours à peine après le début de l’occupation, un décès y survint. Répugnant à porter directement en terre le défunt, qui eût été ainsi privé des prières des honneurs de l’Église, la famille demanda à la Feldkommandantur de Vierzon que le convoi funèbre fût autorisé à franchir la ligne de démarcation afin que les obsèques fussent célébrées à Notre-Dame, après quoi le mort reviendrait en zone libre pour être enterré à Bourganeuf. En ce temps- là, grisés par leurs retentissantes victoires, les Allemands effectuaient de se montrer bons princes, servant ainsi leur politique de collaboration et l’autorisation demandée fut accordée avec empressement.

Monseigneur Pinson

D’autres bourgneuviens vinrent à mourir, et le même problème se posa de nouvelles, quinze ou vingt fois peut-être. La Feldkommandantur continua de permettre le franchissement de la ligne dans les deux sens, et cela se sus, des gens qui résidaient en zone libre, et qui sollicitaient vainement l’octroi d’un ausweis pour se rendre n zone occupée, se faufilèrent parmi les parents du défunt, affichant une mine de circonstance qui leur permit de voir se lever devant eux la barrière du poste-frontière allemand; on leur présenta même les armes. Il en alla de même pour ceux qui, résidant en zone libre sans tambour ni trompette, Je doit dire que ceux-là étaient plus nombreux, ce qui faisait qu’il y avait beaucoup plus de monde au retour qu’à l’aller pour accompagner le corbillard au cimetière de Bourganeuf. Pendant environ trois mois, tout alla bien. Je suppose que les factionnaires du poste-frontière se disaient qu’il s’agissait d’amis vierzonnais de la famille du mort, disposant d’un ausweis frontalier en bonne et de la forme qui leur permettait de séjourner quelque peu en zone libre, au voisinage de la ligne.

Les prisonniers de guerre évadés des camps d’Allemagne qui s’étaient trouvés profité du convoi funèbre de Bourganeuf en informèrent leurs camarades demeurés derrière les barbelés par le truchement de leurs familles en usant d’un code de correspondance dont ils étaient convenus avant leur fuite. Le truc du corbillard de Vierzon fut bientôt connu, non pas seulement dans les camps, mais aussi partout en France, et jusqu’en Hollande. Ne parlons pas de Vierzon et du département du Cher, ou l’on se repassait le tuyau de bouche à oreille! Les prisonniers évadés affluèrent bientôt à Vierzon, et je suppose que ceux qui les avaient précédés leur conseillaient de se présenter au curé car notre sonnette fonctionna de plus en plus souvent. L’on vit se présenter des inconnus à la mine timide, et même angoissée, vêtus de bric et de broc, de façon mi-militaire, mi-civile. Le plus souvent c’était moi qui leur ouvrais la porte, et c’est ainsi que, presque à mon corps défendant, je fus amené à devenir passeur. Refuser de recevoir ces pauvres hères eût été les condamner à tomber quasi inévitablement entre les mains des policiers allemands qui rôdaient autour de la Feldkommandantur, toute proche du presbytère.

Le plus souvent, celui qui avait sonné me disait : je suis un prisonnier évadé. Pouvez-vous me faire passer la ligne de démarcation? Quelques fois, ce qui confirmait que mon visiteur était bien informé, il se présentait en disant : Je suis un prisonnier avéré, n’allez-vous pas faire ces jours-ci un enterrement à Bourganeuf? La première chose à faire était de se procurer des vêtements convenables au postulant. Pour cela, nous disposions

D’un petit stock qui nous venait du Secours National : cet organisme nous connaissait bien car M. le Chanoine Pinson avait été le premier à créer un centre d’accueil pour les Alsaciens, évacués de leur province dès le début du conflit, puis pour les soldats belges qui furent les premiers à arriver en déroute à Vierzon. Notre garde-robe était donc assez bien montée, mais l’habillement n’était pas tout : il était assez difficile de camoufler convenu- bêlement dans les cortèges funèbres de pauvres diables qui, n’avaient pas une mine d’enterrement. Le complet veston de fortune qu’ils portaient avait un air passablement avachi et, ce qui était pire, le regard de l’évadé conservait une expression apeurée bien faite pour attirer les soupçons des factionnaires de la post-frontière. Enfin, même en y mettant de la bonne volonté, les habitants de Bougneuf ne passaient de vie à trépas qu’au rythme de quatre ou cinq décès par mois. Ce qui faisait qu’entre-temps nous avions les évadés sur les bras, et c’est ainsi que je fus amené à utiliser les services d’un passeur expérimenté, admirable garçon qui s’appelait Raymond Toupet et qui trouva la mort au cours d’un de ses passages.

 

TANT VA LA CRUCHE À L’EAU

A la cure, nous faisions qu’un seul cœur et une même âme avec M. Chanoine Pinson, qui approuvait pleinement mon activité clandestine, mais ne cessait de me dire : Abbé, allez-y mais soyez prudent!  Cette recommandation n’était pas superflue, car je n’observais guère les règles de la sagesse.

En dépit de leur aveuglement, les Allemands finirent par avoir la puce à l’oreille. Peut-être y furent-ils aidés par une dénonciation. Car à Vierzon comme partout ailleurs se trouvèrent de mauvais Français, empressés à nuire à leurs compatriotes en se mettant au service de l’occupant. M. le Chanoine Pinson, fut convoquer à la Feldkommandantur, ou il s’entendit exposer des faits qualifié de regrettables par les Allemands, faits qui s’étaient produits à l’occasion d’enterrement au cimetière de Bourganeuf, précédés d’une cérémonie religieuse à l’église de Notre-Dame de Vierzon. Notre curé simula si bien la surprise qu’il n’y eut pas de sanction, mais il reçu la consigne, pour éviter le retour de pareils abus, d’inscrire désormais sur une liste les noms et prénoms des parents ou amis du mort et de présenter cette liste au bureau des ausweis, enfin que le lieutenant de service apposât sa signature accompagnée du cachet à croix gammée avant qu’elle fût remise aux douaniers du poste frontière, qui pourraient ainsi contrôler le passage des participants au convoi funèbre.

Notre curé se conforma exactement à cette injonction. Nous prîmes soigneusement en note les noms et prénoms des parents du défunt, après lesquels j’inscrivais ceux d’amis supposés, dont le nombre variait selon les besoins du moment. Le lieutenant de service signait imperturbablement la liste, qu’il tamponnait solennellement, et le tour était joué. Jamais, je ne le crois, décès ne suscitèrent autant d’intérêt et de sympathie que ceux qui survenaient à Bourganeuf. Pour un peu, nous les aurions accélérés.

Ah la mine réjouie de ceux qui faisaient fonctionner la sonnette de la cure quand je leur disais : vous me demandez si nous avons ces jours-ci un enterrement à Bourganeuf? Mais oui, vous tombez à pic, il y en a justement un demain ! Aussitôt un sourire radieux effaça l’angoisse qui se peignait sur le visage du visiteur. Je m’étais toujours élevé contre le vieux dicton qui veut que le malheur des uns fasse le bonheur des autres, mais j’ai compris que cela peu se faire sans porter préjudice à personne.

Soyez demain à 10 heures à l’église Notre-Dame, disais-je à l’évadé. Vous assisterez à la messe en compagnie de la famille du défunt. Vous pouvez bien prier un peu pour lui, puisque c’est grâce à lui que vous allez recouvrer la liberté ! L’évadé me montrait son pauvre bagage : Mais je ne peux pas aller à l’église et suivre le corbillard avec ça ! 

Donnez le moi. Nous ferons le nécessaire. Surtout, prenez un air affligé ! 

Ah soupirait l’évadé, Comme c’est dommage ! Mon pauvre ami, je ne peu tout de même pas tuer un de nos paroissiens pour vous êtes agréable !

Je comprends bien, mais quand même.

Écoutez, patientez un peu, on va vous aider.

Ça sera long ?

Mais non, mais non, j’ai un mort en chantier.

Qu’on me pardonne cette expression, qui pourrait paraître sacrilège. Elle ne faisait aucun mal à notre paroissien dont la fin était proche, mais ragaillardissait mon visiteur. Ayant bravé mille périls et enduré mille fatigues tout au long de l’âpre chemin qui l’avait amené à Vierzon, il tremblait d’être repris alors qu’il n’était plus séparé de la liberté que par la largeur du Cher.

Nous avions affaire non seulement è des prisonniers de guerre, mais aussi à des fugitifs traqués par la Gestapo, comme ce fut le cas pour le Chanoine Guérin, aumônier national de la Jeunesse ouvrière chrétienne. Avec lui, ce fut tout simple : Le Chanoine Pinson lui confia le soin de conduire le corbillard au cimetière de Bourganeuf, et son exemple fut suivi par d, autres personnalités religieuses qui franchirent ainsi la frontière de la liberté : notre bedeau, le bon Martineau, rapportait sur son bras le surplis et l’étole, et ne s’entendit jamais demander la moindre explication par les Allemands du poste frontalière. Combien de lettre aussi, dissimulées sous le drap mortuaire ou la soutane du célébrant, parvinrent de la sorte à leurs destinataires de l’une ou l’autre zone. Dieu seul le sait !

 

LA CHAPELLE DU BOURGANEUF

N’avez-vous jamais songé monsieur le Chanoine, qu’un provocateur à la solde de l’ennemi pouvait se glisser parmi les inconnus qui sonnaient à la porte de la cure de Vierzon ?

Pas toute suite, car nous agissions en pleine confiance. Mais je suis devenu plus circonspect à la suite d’une aventure qui survint au début du mois de novembre 1940. Quelques jours plus tôt, j’avais remis à une certaine dame un ausweis sur lequel j’avais gommé le nom du titulaire pour le remplacer par le sien. Malheureusement, l’ausweis en question était périmé, et cette dame a déclaré qu’elle le tenait de moi. Une demi-heure plus tard, un sous-officier se présentait au presbytère, j’ai entendu un lieutenant allemand me faire la morale : Comment vous qui êtes prêtre, avez-vous pu commettre un acte aussi répréhensible ?

Monsieur ai-je répondu, je ne puis en tant que Français admettre l’existence de la ligne de démarcation, que je considère comme injuste.

Cette riposte n’a pas plus, et une fouille sévère a été pratiquée dans ma chambre, sans aucun résultat. Mais j’ai eu à choisir entre une amende de 3 000 francs ou 30 jours de prison. La somme a été payée par M Chevalier, directeur de la Société française de la machin agricole. Glorieux combattant de la Première Guerre mondiale, président départemental des Gueules Cassée. Ayant eu un fils tué au front dès l’automne 1940. Ce Français exemplaire a été assassiné dans son lit en 1944 par de prétendus résistants qui lui reprochait d’être constamment demeuré fidèle au maréchal Pétain. J’associe dans le même respect à son nom celui du Docteur Duval, qui prodiguait ses soins aux évadés malades ou blessés que recueillaient les Sœurs blanche de l’immaculée Conception jusqu’au moment ou, il était possible de les faire  passer en zone libre. Le docteur Duval arrêté en 1941 et condamné à perpétuelle est mort du typhus à la forteresse de Düsseldorf en 1940 quelques mois avant la victoire.

Au mois de décembre 1940, une goutte d’eau fit déborder le vase, un factionnaire du poste frontière eut temps de peine à écorcher les noms portés sur la liste en faisant l’appel que le convoi funèbre resta en panne sur le pont pendant une bonne demi-heure. Désespéré de s’entendre constamment répéter présent ! L’Allemand se mit en devoir de compter les noms figurant sur la feuille qu’il tenait entre les mains et fini par se convaincre que 48 personnes étaient autorisées à rentrer en zone libre, Le nombre étant divisible par quatre, il eut l’idée géniale d’ordonner à ceux qui suivaient le corbillard de se mettre en rangs de quatre, qu’il compta, recompta, expédiant douze rangs en zone libre, et faisant refluer le surplus sur Vierzon. Dans ce surplus figuraient malheureusement des parents du mort qui, ignorant tout de notre petit commerce, protestèrent bruyamment. Perdant la tête, le factionnaire leur livra le passage mais l’incident fit du bruit et notre curé fut une nouvelle fois convoqué à la Feldkommandantur, ou il s’entendit déclarer : Maintenant, c’est fini !les enterrements de Bourgneut, Verboten !

Depuis longtemps, M. le Chanoine Pinson rêvait de créer à Bourganeuf un lieu de culte et un centre de vie religieuse. Saisissant l’occasion, il répondit : Monsieur le commandant, il n’y a qu’un moyen de rendre acceptable votre décision, c’est que Bourganeuf ait sa chapelle. M’autorisez-vous à faire démonter un baraquement métallique de l’armée française qui se trouve à Vierzon-Forges ? Il a abrité des blessés, mais se trouve aujourd’hui en souffrance.

   Cher monsieur le Chanoine, fis-je remarquer à mon interlocuteur, j’ai lu que Sain-Augustin, alors évêque d’Hippone et s’adressant à ses paroissiens en des temps fort troublés, leur déclara : Il est très vrai que Dieu permet qu’il y ait des méchants, mais on se tromperait singulièrement si l’on pensait qu’il ne sait pas quoi en faire : La chapelle de Bourganeuf est une nouvelle illustration de la vérité de cette parole.

 

N.B. Victime d’un provocateur qui s’était présenté à lui comme un officier de l’Armée de l’Air Française désireux de rejoindre  sa base, le Chanoine Louis Farcet tomba dans le piège qui lui était tendu par la Gestapo et subit à Bourges une dure détention. Accusé non seulement de passages clandestins, mais aussi d’espionnage et de la constitution de dépôt d’armes, il risquait la peine de mort. Il ne fut que condamné qu’à un an de prison.


23/02/2013
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LA TRAGÉDIE DE GABAUDET: 8 JUIN 1944

Affiche de propagande du maréchal Pétain en début d'occupation

Avec un gouvernement à Vichy qui lui est tout dévoué, Hitler et sa puissante armée vole de victoires en succès. La France ne lui pose apparemment plus de problème, s'étant retirée du conflit avec la signature de l'armistice par le Maréchal Pétain.  

La zone dite « libre » est mise à profit par les premiers éléments de résistance, encouragés par l'appel du Général de Gaulle, depuis Londres, le 18 juin 1940. La résistance à l’envahisseur sur le territoire va germer et s’accroître, alimentée en cela par l’oppression, les pénuries, les vexations… Avec l'appui et la protection des populations, elle va pouvoir s'organiser et se préparer à jouer un rôle prépondérant dans la victoire finale avec les alliés.  

La Résistance Française doit cependant se structurer en matériel, en hommes et en armement. Ces maquis composés d'hommes refusant le travail obligatoire, déterminés à ne pas se soumettre aux ordres de Vichy, mais peu ou mal entraînés, peu armés, rassemblés en petits groupes mal encadrés, recevant des instructions parfois contradictoires ou imprécises, une coordination encore mal établie, sans cesse recherchés par la Milice  et la Gestapo, maquisards la nuit, se cachant le jour, obtiennent des résultats, grâce  à la collaboration étroite et inconditionnelle d’une bonne partie de la population.  

C'est ainsi que la résistance vit, ces premières années d'occupation, dans la clandestinité, opérant embuscades, coups de main, destruction de ponts, routes, voies ferrées, opération de harcèlement déstabilisant la quiétude de l'occupant et rendant tous ces placements bien plus difficiles et incertains. Si leurs actions ont certes des effetspositifs, un certain manque de rigueur et d'organisation leur valent malheureusement de lourdes pertes et de regrettables représailles parmi la population civile.

 

Le régime du Maréchal Pétain n’a plus beaucoup de crédit dans le Lot et la rupture avec le régime de Vichy est consommée depuis longtemps.

La présence de la Résistance dans le département implique une certaine complicité avec la population, ce qui a accentué depuis 1943, ce détachement à Vichy. Si la Résistance active y est minoritaire, l’aspect quantitatif n’est pas forcément déterminant : les maquis ne peuvent exister et survivre que s’ils bénéficient de complicités et de solidarités au quotidien. Placés directement à leur contact, les paysans indiquent des caches, gardent le silence lors des enquêtes de gendarmerie ou devant les G.M.R., assistent en observateurs complices à leurs implantations, et même, pour certains d’entre eux, aident à leur ravitaillement. 

Le département du Lot a été un de ceux, dans le Sud-Ouest, qui a payé la plus lourde tribu de l’occupation ; les épisodes dramatiques des années 43 et 44 en témoignent. C’est aussi ce département qui a fourni le plus grand nombre de résistants, par rapport à sa population. Le bilan fût très lourd : plus de 500 victimes dont une centaine trouve la mort au combat ; 447 déportés hommes et femmes, dont 198 ne reviendront pas.

Le 8 juin 1944, la ferme de Gabaudet et le petit village de Donnadieu sont parmi tant d'autres lieux en France, le théâtre de la barbarie nazie, où résistance et population civile payèrent une lourde tribu. La ferme de Gabaudet est mise à feu et à sang par la division Das Reich  conduite par le Général Lammerding. Située au carrefour de trois chemins (Gramat, Issendolus, Reillhac), celle-ci ne sera jamais reconstruite. Un monument du souvenir y a été érigé. Quant au hameau de Donnadieu situé à 800 mètres de la ferme, en direction de Gramat, il fut, quant à lui, reconstruit après la guerre. 

 

La ferme de Gabaudet avant le drame (Photo figurant sur le panneau d'informations)

Cette ferme, établie sur 250 hectares, est une des plus importantes de cette région tranquille du causse. Elle est située à la limite des trois communes de Gramat, Issendolus et Reillhac et distante de chacune d’elles de 5 kilomètres environ. Les bâtiments qui la composent sont à la dimension de l’exploitation : grange destinée aux bovins, moutons et chevaux, le dessus étant accessible par une large terrasse protégeant une citerne, sert à engranger paille, foin et fourrage pour l’année. La maison des métayers est indépendante et relativement confortable pour l’époque. Dans un parc clôturé, cachée par quelques grands arbres, se trouve la maison de maître. D’autres dépendances complètent la ferme : étable, porcherie, fournil, poulailler et divers abris pour le matériel. 

 

Le site de Gabaudet aujourd'hui. En jaune, les bâtiments existants au 8 juin 1944. (D'après le plan figurant sur le panneau d'information.

La famille Joutet l’exploite comme métayers depuis 1920. Jean-Pierre Joutet décédé le 7 avril 1944, son épouse Philomène, 56 ans, assure la continuité de l’exploitation avec l’aide de ses enfants et d’un ouvrier agricole. Philomène a 8 enfants : 5 filles et 3 garçons. Marthe, l’ainée a 33 ans et est marié avec Antoine Joyeux de Reillhac, village tout proche. Les autres sont célibataires : Louis, 32 ans ; André, 30 ans ; Antonin, 26 ans ; Yvonne, 22 ans ; Paulette, 21 ans ; Hélène, 19 ans et Denise, 17 ans. 

Ce 8 juin, Philomène, Louis, Yvonne et Denise sont présents à la ferme, en compagnie de Guy, fils d’Yvonne qui a 2 ans, de l’ouvrier agricole Jean Labarière et d’un couple de cousins venus de Toulouse leur rendre visite, Émile et Maria Lacan. Paulette et Hélène sont à Gramat. Quant à André, il est parti pour l’après-midi et Antonin, agent SNCF, est allé à la gare de Gramat afin de consulter les horaires des prochains trains. 

Malgré la présence d’une centaine de maquisards installés dans la ferme depuis une quinzaine de jours, le travail des champs bat son plein en ce mois de juin ensoleillé, saison où les travaux y sont importants. 

Depuis fin mai environ, de plus en plus de maquisards se présentaient à la ferme, instituée en camp par les F.T.P. du Lot. Gabaudet était aussi un lieu de rassemblement de tous les jeunes gens de la région qui passait au maquis. C’est là qu’ils y étaient recensés. Le choix de ce lieu a été déterminé par son isolement, loin de toute voie importante de communication, d’accès difficile par les chemins, dans un secteur qualifié de calme. Un endroit parfait pour s’organiser et préparer une offensive. 

En effet, les allemands sont partout, omniprésents, et traquent sans relâche les maquisards, l’oppression ennemie devenant de plus en plus pesante. Quant à la police Vichyssoise soumise à l’occupant, elle fouine, traque, recherche. Sans parler de la Gestapo. De plus, la proximité annoncée du jour J, rend chacun très fébrile. 

La ferme, de par sa capacité, se prête à l’accueil de tous ces hommes : granges pour le repos, dépendances pour le stockage des vivres et du matériel sensible. Le chef de détachement, ainsi que quelques uns de ses adjoints, utilisent quelques pièces de la maison de maitre. A côté du four, une cuve à vin, est installée afin de pourvoir au moral des hommes.

En juin 44, l’ensemble des forces de la Résistance regroupe près de 3.000 hommes, appartenant en majorité aux F.T.P., puis aux Groupes Vény, enfin à l’O.R.A. et à quelques maquis M.U.R.[ -A.S. qui s’étaient reconstitués dans la région de Figeac en mars 44. 

Dès l’annonce du débarquement allié en Normandie, et simultanément aux appels lancés par Vichy et le Général de Gaulle, les fonctionnaires de gendarmerie se mettent en rapport avec la résistance locale, se rallient à elle, amenant leurs armes : révolvers, fusils, MAS 36 et quelques armes  automatiques. Dès le 7 juin, plus de 200 hommes, dont beaucoup de gendarmes, mais également des civils, convergent de tous les coins du département et même de l’Aveyron, vers Gabaudet, venant ainsi se joindre au groupe déjà en place. Ces arrivées massives qui se succèdent renforcent considérablement les moyens en homme, mais dépassent les prévisions et prennent ainsi de court les responsables chargés de coordonner. 

Au fur et à mesure que l’effectif augmente, arrivent aussi des véhicules : jeep, side-cars, motos, véhicules militaires. C’est le 7 juin et le matin du 8 qu’hommes et véhicules arrivent massivement. Les gendarmes sont les plus nombreux. Le parc de véhicules s’est enrichi de voitures particulières dont quelques tractions ; les hommes sont entre 300 et 400. 

L’organisation de ce camp de fortune, n’est pas encore bien établie : hommes et véhicules vont et viennent, et sur ces chemins de campagne non goudronnés, soulèvent des nuages de poussière, visibles de loin. 

Gabaudet, rattaché au poste de commandement F.T.P. cantonné à  Escazal, à la ferme Lafon, près d’Espédaillac, est placé sous la protection des maquis (France) et (Gabriel Péri). Malheureusement, cette protection se trouva réduite les 7 et 8, une partie de l’effectif étant envoyé en renfort vers Bretenoux où une compagnie de l’Armée secrète de Corrèze se trouvait en difficulté lors de l’attaque d’une autre colonne allemande remontant vers la Normandie. 

Le commandement essaye d’organiser : on alterne pour cela, réunions et conférences. Cependant, une telle concentration d’hommes et de véhicules ne peut passer inaperçue, surtout en cette période. La surveillance du camp, tant éloignée que rapprochée est surement négligée ; le pays tout entier étant en effervescence depuis la réussite du débarquement allié. Les gendarmes, quant à eux, essayent d’inculquer aux jeunes maquisards, les rudiments nécessaires au maniement des armes, ainsi que quelque instruction au tir. Des groupes sont néanmoins constitués, des effets militaires distribués, mais il n’y avait pas assez d’armes pour tout le monde. 

Vers 17 heures, un Piper noir, venu de l’ouest, vint tourner à deux reprises au dessus de Donnadieu et de la ferme, puis continua son vol vers Issendolus. 

Dans la journée une colonne allemande de la division Das Reich, arrivant de Montauban, via Figeac, où elle était stationnée depuis la veille, s’ébranla vers Saint-Céré et en début d’après-midi, un détachement, pris, depuis Le Bourg, la direction de Gabaudet, via Issendolus. Après un arrêt à Issendolus, la colonne reprend sa route ; cent mètres plus loin Antoine Gauthier, 83 ans, cherchait des nids de poules dans une haie ; l’apercevant, les soldats allemands tirent trois coups de mitraillette dans sa direction ; le malheureux tombe : il sera la première victime de ce massacre. Quelques minutes avant, les allemands venaient de dévaliser l’hôtel propriété de sa belle-fille. 

Louis Joutet, son cousin Emile Lacan et l’ouvrier agricole Jean Labarière, sont entrain de faner dans le Grand pré  non loin de la ferme, quand tout à coup, vers 18 h 30, leur attention est attirée par de puissants bruits de moteur. Non loin, apparaît une jeep allemande, dont les occupants ouvrent le feu. Ils détalent aussitôt, leur connaissance du terrain leur permettant de s’enfuir et de se mettre à l’abri dans les sous-bois, avant de pouvoir regagner le petit village de Scelles, où ils furent recueillis par une famille. 

Ce détachement appartenant au S.S Panzer Régiment II de la division Das Reich, arrivait de Figeac, probablement bien renseigné et guidé par l’avion mouchard. Il se scinde en trois, à 800 mètres de la ferme, lui permettant ainsi de l’encercler : ainsi, chars et voitures blindées convergent vers celle-ci  au même moment et sur les trois chemins qui la desservent. 

 

Carte de marche de la division SS Das Reich

Partie de Montauban, forte de 150.000 hommes, la division Das Reich a reçu l’ordre, en cas de débarquement, de se diriger vers le front de Normandie où elle était attendue en renfort, tout en anéantissant, sur son passage toute velléité de résistance. Pour atteindre ses objectifs, la division s’était scindée en plusieurs colonnes, dont celle-ci qui devait emprunter l’axe Montauban-Tulle, via Figeac. Elle devait donc progresser vers Tulle, via Figeac, Le Bourg, Lacapelle-Marival, Aynac, Saint-Céré où était prévu un regroupement.

Cet itinéraire ne devait pas menacer la région de Gramat, si toutefois, un adjudant de gendarmerie collaborationniste qui rentrait en permission sur Gramat, n’avait prévenu les responsables allemands de ce rassemblement à Gabaudet. Le repérage de l’avion mouchard  fit surement le reste. 

Ce gendarme, adjudant chef à la gendarmerie de Gramat avait renseigné exactement les allemands sur la position de la ferme et sur son rôle du moment. A la suite de plusieurs affaires de collaboration et malgré l’intervention de ses amis, il fut muté à Castelsarrasin, mais sa femme (dont deux de ses frères étaient officiers dans l’armée allemande) et ses deux enfants sont restés à Gramat. Il fut arrêté fortuitement le 8 au soir par le maquis de l’Alzou (O.R.A.) avec toute sa famille, ceci bien avant l’intervention ennemie à Gabaudet.

La surprise est totale : les rafales crépitent, les ballent sifflent et s’écrasent contre les murs ; une véritable  panique s’empare des occupants du camp. C’est la débandade : certains courent sous le couvert des bâtiments, d’autres rampent vers les buissons du causse ; quant aux responsables ils essayent de sauver les documents. 

Les allemands sont venus en formation puissante ; le détachement fort de trois chars et de seize chenillettes déclenche un feu nourri de mitrailleuses et de mortiers. Après un mitraillage sans merci, les chars entrent dans la cour, suivis des fantassins qui fouillent systématiquement granges, étables, habitations, mitraillent à bout portant ceux qui tentent de sortir. Les chars, les mitrailleuses tirent sans arrêt dans un encerclement brutal et total, les soldats allemands, arme à la hanche, complétant ce barrage de feu. Des bêtes et des hommes sont tués ou blessés ; le déluge de feu se poursuit sous les cris des uns, les râles atroces et les gémissements des autres. Dans la cour, quelques gendarmes résistent, mais leur geste reste dérisoire face aux armes automatiques, aux grenades, et ils sont mitraillés à bout portant. D’autres Waffen-S.S. achèvent lentement à la baïonnette des maquisards blessés. Puis les tirs de canon viennent détruire les bâtiments : l’incendie provoqué par les obus incendiaires ravage la ferme au milieu des ordres, des cris, des crépitements, du cliquetis des armes et des chenillettes.

Vers 22 heures, les chars se retirent ; seules les plaintes désespérées d’hommes et d’animaux troublent encore le crépitement des flammes. 

Eloi Rossignol, de Reillhac, est très attaché à la famille Joutet. Dès les premiers coups de feu, il se précipite dans la maison, se saisit de l’enfant et engage les quatre femmes (Philomène, Maria, Yvonne et Denise) à le suivre. Connaissant très bien le terrain, il possède déjà son plan pour la fuite. Traversant la cour, il longe les étables et le fournil, puis plonge dans le Champ de la Font en utilisant haies et murets pour se cacher et se diriger vers les sous-bois en direction de Reillhac afin de s’y cacher. Cependant les chars allemands se rapprochent d’eux et ils se cachent derrière un mur suffisamment haut, tout en gardant la main sur la bouche de l’enfant pour l’empêcher de crier. A ce moment, Denise se rend compte que sa mère et sa cousine n’ont pas suivi ; Eloi tente bien de l’en empêcher, mais Denise repart en courant au milieu du champ de blé, revenant vers la ferme à la rencontre de Philomène et de Maria. Quand les S.S. l’aperçoivent, ils la mitraillent sans hésitation.

 

Philomène et Maria sont restées prostrées contre un mur de la ferme durant toute la tragédie. A la fin des combats, elles furent chargées debout sur un camion débâché avec les 71 autres résistants faits prisonniers, dont plusieurs finiront en déportation. Certains furent même attachés à l’avant des chars comme otages, afin de décourager les éventuelles attaques des maquis. Le convoi s’ébranle vers Gramat, laissant Gabaudet et Donnadieu à la proie des flammes. Le détachement allemand arrivera à Saint-Céré vers 23 heures, avant de partir pour Tulle le lendemain. 

A Tulle, c’est l’heure des pendaisons ordonnées par les Allemands suite à la tentative de libération de la ville par les F.T.P. J.-J. Chapou, Capitaine Philippe dans le Lot, est maintenant chef régional des F.T.P. de Corrèze, sous le nom de Kléber. Avec ses maquisards il décide d'attaquer le 7 juin à l’aube la garnison de Tulle, dont on avait peut-être sous évalué l’effectif. L’objectif était de prendre et de garder la ville. Les premières heures furent pour tous ces maquisards descendus des collines au-dessus de la ville, une terrible leçon de guérilla urbaine alors qu’allemands et miliciens bien mieux armés étaient à l’abri des bâtiments. En fin de matinée, après négociations, la garnison de Gardes Mobiles et de la Milice, retranchée dans la caserne du Champ-de-Mars, quittait la ville avec l'accord des partisans et prenaient la direction de Limoges, drapeau blanc aux camions.

Une sortie des allemands s’effectua dans le bas de la ville en face de la gare : 18 gardes-voies sont assassinés à bout portant.  Si dans l’après-midi les maquisards occupaient presque toute la ville les allemands tenaient encore l'École Normale au nord, la Manufacture d'armes et l'école de Souillac au sud. Les combats reprennent le 8 au matin, particulièrement contre les assiégés de l'École normale de filles. Vers 16 heures, des groupes de soldats tentent une sortie. Plus de cinquante hommes tombent sous les tirs des F.T.P. et soixante autres se rendent, dont dix sont exécutés, comme membres de la Gestapo, coupables de tortures et d’exactions. Ces exécutions furent jugées responsables des représailles qui d’ensuivirent. Il y eut 139 allemands tués par les F.T.P. Ceux-ci  établissent leur quartier général dans la caserne du Champ-de-Mars et le drapeau tricolore flotte sur la ville : durant plus d’une demi-journée la ville est libérée.

Le 8 juin au soir, un groupe de reconnaissance de la division S.S. du major Heinrich Wulf arrive sur Tulle ayant reçu instruction de régler le problème. Les F.T.P., en accord avec les ordres généraux qui étaient d’éviter une bataille rangée avec des forces lourdement armées, se retirent, sans que les S.S., qui occupent maintenant la ville, ne cherchent pas à les poursuivre. 

Le lendemain, dès six heures, les troupes allemandes raflent les « hommes valides » (entre 16 et 60 ans) et perquisitionnent les habitations à la recherche d'armes et de matériel de guerre. Environ 3.000 hommes de tous âges, sont ainsi rassemblés dans la Manufacture d'armes. Les procédures policières habituelles (contrôle des documents d'identité, interrogatoire de chaque individu) furent mises en œuvre dans une certaine précipitation par Walter Schmald du S.D. de Tulle, en présence du maire, le Colonel Bounty selon la clause n° 10 du traité d'Armistice. Elles résultèrent en la désignation arbitraire de 120 suspects aux yeux des Allemands de participation à la Résistance. Ces 120 hommes devaient être pendus. Tous les prisonniers, y compris ceux encore détenus dans la Manufacture furent amenés afin d’assister aux exécutions.

Finalement, la procédure de pendaison aux balcons et réverbères du centre ville s'arrêta à 19 heures, au chiffre de 99. Les victimes, tous des hommes, avaient de 17 à 42 ans.

Des prisonniers encore maintenus en détention, les Allemands effectuèrent un second tri, assistés de Miliciens, qui en retint 149 destinés à la déportation au titre de « complicité avec les francs-tireurs ». Seuls 48 en reviendront vivants. 

D’autres prisonniers furent – à leur grande surprise -  relâchées après d’âpres discussions avec les autorités Allemandes. Philomène Joutet et Maria Lacan furent ainsi libérés et ont pu regagner Gramat à pied, où elles arrivèrent le 14. 

Le 10 juin au matin, Otto Dickmann commandant du 1er bataillon, choisissait la 3e compagnie commandée par Heinz Barth pour l'expédition qui venait d'être autorisée contre Oradour-sur-Glane où les hommes  de la division Das Reich massacreront la population et détruiront le village (642 victimes dont 247 enfants, furent fusillés ou brûlés vifs).

Louis, Jean et Émile devront attendre tout en guettant, angoissés, en direction de Gabaudet, seulement distant de quatre kilomètres. Vers onze heures ou minuit, le calme semble revenu. Avant le lever du jour, sans avoir dormis, ils partent vers la ferme à travers bois.

Arrivés à proximité, ils commencent à rencontrer des bêtes en liberté ; un soldat allemand avait libéré le bétail avant d’incendier les bâtiments. 

Avançant encore au hasard, ils découvrent à la lumière de la pâleur du jour qui se lève, la cour de la ferme : des ruines encore fumantes, des corps humains et d’animaux à demi-calcinés gisent sur le sol, laissant dégager une odeur acre et insoutenable. Dépassant les ruines, enjambant des morts, et encore des morts, arrivés au milieu du champ de la Font, ils découvrent le corps de Denise, 17 ans, criblé de balles, face contre terre. 

 

Le puits toujours existant : il était le point d'eau potable de la ferme. Contre la margelle de celui-ci, un corps mutilé devait-être découvert.

En cette fin d’après midi, Antonin Joutet rentre en vélo, depuis la gare de Gramat où il était allé se renseigner sur les horaires des trains, car, employé à la SNCF, il devait rejoindre Capdenac-Gare, le lendemain matin, et le trafic ferroviaire était très irrégulier et même parfois inexistant.

S’arrêtant pour bavarder avec Emmanuel Alvez, qui allait couper du bois près de Donnadieu, ils furent surpris par l’arrivée de jeeps qui débouchaient d’un chemin de terre. Le temps de réaliser que ces véhicules étaient allemands, les soldats les fouillent pour vérifier s’ils n’avaient pas d’arme et les font monter dans leurs véhicules, sans ménagement, à coups de crosse. 

Mais après une rencontre inopinée, à hauteur du Calvaire, avec un side-car de Résistants qui rentrait de Bedes, une fusillade éclate ; les deux résistants réussissent tant bien que mal à s’enfuir, Emmanuel Alvez également, profitant de la confusion. La colère des allemands est grande, furieux de leur échec, ayant laissés s’enfuir trois résistants ; arrivant au Calvaire, ils crient, tirent à bout portant sur Antonin avant de poursuivre leur chemin vers Gabaudet.

A Donnadieu, tout le hameau n’est que ruines et brasiers, à l’exception de deux granges. Trois familles y vivaient. La plupart du cheptel a péri dans les bâtiments fermés. Jacques Thamié, 60 ans, qui n’avait pas voulu s’enfuir à l’approche de la colonne allemande, est retrouvé mort contre le mur de la grange. Malgré la défense qui lui en était faite, il voulait absolument libérer les animaux avant l’incendie de sa grange.

 

La stèle inaugurée en 1945. On voit encore les ruines de la ferme. (Photo figurant sur le panneau d'informations)

Dès les premières lueurs du matin, beaucoup d’hommes et de femmes prennent le chemin de Gabaudet : durant toute la nuit, ils avaient pu apercevoir l’impressionnante lueur des incendies qui ravageaient Gabaudet et Donnadieu. Vision d’apocalypse : poutres calcinées, charpentes effondrées, les murs fument encore. Plus loin des corps, encore des corps. Quelques poules se promènent et picorent les entrailles. Des cadavres broyés, déchiquetés, écrasés par les chenillettes des panzers. Un groupe de résistants, sous l’impulsion de leur chef Raymond Lacam, se joint à eux pour rassembler les 35 corps mutilés, carbonisés, à l’ombre d’un grand marronnier. Une odeur pestilentielle se dégageait encore de ces ruines fumantes. 

L’inhumation d’Antonin et de Denise eut lieu le dimanche 11, au cimetière de Lunegarde, village d’où la famille Joutet était originaire. 

 

Stèle commémorative

Liste des victimes à Gabaudet et Donnadieu :

Volontaires FFI
Baillot René, Beaumont Pierre, Bordes Marcel, Contesenne Roger, Couhot Claude, Cremoux Jean, Darnis Pierre, Depré Jean, Descole Jean-Henri, Dupui Bernard, Forestier Fernand, Galarzac, Joliton Martial, Lafon Jean-Pierre, Lascombes Roger, Maury Jean-Louis, Pack, Pierret Raymond, Plantié Lucien, Teisseyre René, Thamié Claude, Vernaujou Roland, 3 inconnus et des disparus.

Civils
Joutet Denise, Joutet Antonin, Thamié Jacques, Gauthier Antoine.


23/02/2013
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PERSONNAGES DE LA RÉSISTANCE

René Chabasse (1921 - 1944)

Traqué par la Gestapo, René CHABASSE est arrêté le 21 février 1944 à Angoulême et abattu par une sentinelle allemande lors de sa tentative d'évasion.

Pierre Chabasse (1925 - 1945)

Nommé sergent, il est tué à la tête de ses hommes devant le point d'appui de Brie (Charente-Maritime), le 14 avril 1945. 

André Chabanne (1914 - 1963)

Il meurt le 12 février 1963.

Claude Bonier (1897 - 1944)

Arrêté sur dénonciation à Bordeaux par la gestapo, le 9 février 1944, Claude BONNIER se donne la mort à l'aide d'une capsule de cyanure. 

Jacques Nancy (1912 - 1987)

 Il décède le 10 juillet 1987, à Salon de Provence (Bouches du Rhône).

Bernard Lelay (1911-1975)

Il meurt en 1975 à Bagnolet.

Jean-Pierre LevyFausse carte d'identité remise à Jean-Pierre Lévy à Londres

1910-1996

Il est décédé en 1996.

 Jean-Louis Cremieux-Brilhac 1917-

Yves Guena 1922-

 Stéphane Hessel 1917-

René Cassin 1887- 1976

Mort en martyr une semaine avant la reddition des troupes allemandes.

Joseph Epstein 1919-1944

Manouchian Missak 1906-1944

Levy Jean-Pierre 1911-1996

Passy (colonel) André Dewavrin 1911-1998 

Tillon Charles 1897-1993

Delestaint Charles-Antoine  1879-1945

Claude Lerude 1920-1945

Mort d'épuisement en 1945

Elisabeth Torlet 1915-1944

Abattue d'une balle dans la tête

 André Maillet, dit Polyte, de la Chaussée St Victor

 Responsable A.J. Blois, réseau France Liberté

 Arrêté en décembre 1942, déporté, mort à Mauthausen Gusen le 6 avril 1945

André Filloux, de Villefranche/Cher

Mort le 3 septembre 1942 à Auschwitz

Robert Auger, de St Romain/Cher, transporteur à Blois

Membre du Comité clandestin départemental F.N. F.T.P.F. avec Lucien Jardel

Liaison blésoise avec Pierre Georges Colonel Fabien

Arrêté en avril 1944 avec Maurice Caillard et sa femme Odette

Fusillé avec M. Caillard le 19 avril 1944 à la Chaussée St Victor

Frère de Marc Auger, fusillé le 5 mai 1942 aux Grouets

Un boulevard de Blois-Vienne porte leurs noms.

Julien Nadeau, de Contres

Membre de Libé Nord, chef du Bureau des Opérations Aériennes (B.O.A.)

Arrêté à Chateauvieux la Raberie le 2 mai 1944 avec les Cabreux et les Bourbonnais

Déporté, mort le 6 mars 1945 à Neuengamme.

Auguste Michel, dit Fito, élève du lycée Augustin Thierry de Blois

Chef détachement F.T.P.F.

Tué le 5 juillet 1944 à St Gervais la Forêt, où une stèle marque l'endroit de sa mort

Une rue de St Gervais la Forêt porte son nom.

Hubert Jarry, dit Priam, aspirant de l'armée française

Chef du détachement Capitaine F.T.P.F.

Tué le 23 juillet 1944 à Chambon/Cisse Varennes avec Robert Tanvier (Bill)

Par le nombre et la qualité de ses sabotages il doit être considéré comme l'un des Résistants les plus efficaces

Ancien élève du collège Augustin Thierry de Blois.

Yvonne Cholet, institutrice à Vendôme

Arrêtée pour propos antinazis et déportée

Morte le 23 février 1945 à Ravensbrück

Une école de Vendôme porte son nom.

Gontran Labregère Premier fusillé charentais

Jean-Jacques Rivière, compagnon de Gontran Labrégère déporté en février 1942

Raymonde Capdehorat

Georges Dussaigne 1922-

Jacques Joly 1928-1944, 16 ans tués à Sainte- Catherine le 24 août 1944 dans les combats précédant à la Libération d'Angoulême

 Henri Borgia 1913-1944

Armand Colard

Fusillé à La Citadelle le 7 juin 1944.

Adrien Colard, (en haut), avec le Cdt du Refuge de Harre - St -Antoine, Antoine Bosak (Soviétique évadé)

Cette résistante s'appelle Lydie. Remarquez son bonnet de police de fabrication artisanale: le nom Byl est brodé

Marcel Tassin: officier de Byl. Il un cousin de Byl. Fusillé à La Citadelle de Liège le 24 mai 1944. 


17/02/2013
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EDMOND MICHELET ET LE MOUVEMENT COMBAT

Edmond Michelet, décédé en 1970 fut l’un des premier Résistants de France et la ville de Brive-la-Gaillarde, ou il habitait avec sa femme et ses sept enfants, fut certainement celle qui bascula à peu près tout entière dans la Résistance à l’envahisseur. L’un des fils d’Edmond Michelet raconte, ce que fut l’œuvre clandestine de son père et comment, après une action vigoureuse qui se prolongea pendant plus de deux années, il fut arrêté par la Gestapo.

Edmond Michelet décéda au mois d’octobre 1970. Dans sa résidence de Marillac, près de Brive, des suites d’une congestion cérébrale. Il occupait, à l’époque le poste de ministre des Affaires culturelles. Il y avait succédé à André Malraux. Le portrait a été pris peu de temps avant sa mort. Edmond Michelet a survécu à Dachau.

Sept heures moins le quart du matin. En ce mois de février, la nuit est encore complète. La ville de Brive dort. Dans les rues désertes, obscures, silencieuses, exceptionnelles sont les voitures; les réquisitions, la pénurie de carburant et de pneus, ont vidé pour un temps les artères de la ville. Le quartier Champanatier, déjà très calme avant-guerre est plus que jamais engourdi dans le silence.

Comme tous les matins, Mme Hyllaire s’est levée tôt. Bientôt, elle préparera le petit déjeuner de son fils qui dort avec ses secrets; elle le devine plus qu’elle le sait. Soudain elle tressaille. Quelle est cette voiture qui passe dans la rue? Elle tend l’oreille. Une voiture? Non, plusieurs qui bourdonnent, moteur au ralenti. Alors elle comprend, elle sait que dehors les autres préparent une rafle. Pour qui sont-ils là? Pour qui cernent-ils le quartier? Pour son fils qui dort dans la pièce à côté? Pour Edmond Michelet qui habite à deux pas de là? Pour les deux à la fois sans doute! Mme Hyllaire sait bien qu’un lien unit les deux hommes. Son fils n’est pas très bavard mais elle a compris que certaines des occupations relèvent du terrorisme, comme disent les Vichyssois. Une voiture passe lentement devant la maison. Mme Hyllaire éteint la lumière, se précipite jusqu’à la fenêtre qu’elle entrouvre. La Citroën prend la direction de la rue Champanatier, la rue des Michelet. Oui, c’est bien la rafle. Alors elle bondit jusqu’à la chambre de son fils.

Gaston! Réveille-toi. Ils sont chez Michelet!

Brive la Gaillarde, patrie d’Edmond Michelet, a ses petites rues, ses placettes pratiquement désertes mais qui s’animent aux soirs d’été, avec ses antiques voitures à chevaux.

Son fils comprend aussitôt, la clandestinité a affûté ses réflexes. Il s’habille à la hâte, embrasse sa mère : Tu leur diras que tu ne ma pas vu depuis longtemps et que tu ne sais pas ou je suis! Déjà il est dans le garage, il charge son vélo sur ses épaules et sort sans bruit dans le jardin. Il ne peut fuir que par-là puisque les autres surveillent toutes les rues du quartier. Le jardinet des Hyllaire communique avec ceux des voisins. Le fugitif saute les clôtures et disparaît dans la nuit. Quand la Gestapo arrivera chez lui, un peu plus tard, Gaston Hyllaire, dit Léonie pédale dans la nuit. Il pense qu’Edmond Michelet est pris, que le mouvement Combat de la Région 5 n’a plus de chef, mais que lui, Léonie adjoint de Michelet Duval, va prendre la suite pour que continue l’aventure commencée voici bientôt trois ans.

Au Congrès eucharistique de Munich, un pèlerinage expiratoire se déroule à l’ancien camp de concentration de Dachau. La chapelle édifiée au centre du camp est dédiée àl’Agonie du Christ. Mgr Neuhausen, ancien prisonnier de Dachau, la bénit. M. Edmond Michelet, alors garde des Sceaux assiste à la cérémonie.

BRIVE, UNE HALTE SUR LES ROUTES DE L’ÉXODE

17 juin 1940, C’est le cœur serré que je vous dis aujourd’hui qu’il faut  cesser le combat. Je me suis adressé cette nuit à l’adversaire pour lui demander s’il est prêt à chercher avec moi, entre soldats, après la lutte et dans l’honneur, les moyens de mettre un terme aux hostilités. Que tous les Français se groupent autour du gouvernement que je préside pendant ces dures épreuves et fassent taire leur angoisse pour n’obéir qu’à leur foi dans le destin de la Patrie.

 Edmond Michelet éteignit le poste de radio et étouffa ainsi la voix un peu chevrotante du vieux maréchal. Ainsi donc il fallait cesser le combat! Et non content de demander à tous de déposer les armes, le chef du Gouvernement osait parler d’honneur! Edmond Michelet sentit soudain tout le poids de la fatigue accumulée depuis des mois, depuis qu’il avait accepté de diriger le Secours National, organisation qui s’occupait d’héberger et de nourrir des réfugiés et des convois militaires.

   Père de sept enfants, donc définitivement éloigné du service armé. Edmond Michelet, pourtant déjà très pris par sa profession d’agent commercial et ses multiples activités sociales et culturelles, n’avait pas hésité à assumer la responsabilité du Secours National de Brive; elle lui permettait de servir pacifiquement le pays et de ne pas rester passif au milieu de la tempête. Il n’était pas étonné par l’annonce de la défaite. Le passage des milliers  de fuyards dont il avait assuré le gîte, lui avait ouvert les yeux et fait comprendre l’ampleur de la catastrophe. Avant eux, et au fur et à mesure de l’avance ennemie, il avait discuté avec des Alsaciens, des Lorrains, des Belges, et des Luxembourgeois. Mais désormais, ce ne serait plus des hommes, des femmes et des enfants apeurés, transis et affamés qu’il faudrait recevoir, ce serait des vainqueurs bien nourris, sûrs d’eux et de leur force, pleins de morgue, qui imposeraient au pays vaincu les principes du système nazi. Edmond Michelet n’ignorait rien du sort qui attendait la France. Il avait déjà hébergé et fait fuir des catholiques allemands et autrichiens et ceux-ci lui avaient brossé en connaisseurs le sombre tableau de l’hitlérisme. Edmond Michelet, catholique pratiquant, voyait entre autres, dans le nazisme l’ennemi redoutable de la liberté, donc du christianisme. Si des catholiques s’étaient expatriés, avant même que n’éclatât la guerre, c’est bien la preuve que, quoi qu’aient pu dire un Daladier ou un Chamberlain, l’entente avec Hitler était impossible pour ceux qui croyaient à la dignité humaine. Désormais, il allait falloir courber la tête et se plier aux exigences d’un dictateur.

 Affiche du maréchal Pétain

LA PREMIÈRE FUEILLE CLANDESTINE DE FRANCE

Aussi pas un seul instant, il n’envisagea d’obéir à la demande que le maréchal Pétain vienne d’adresser à la France en ce 17 juin 1940. Ne pas obéir est une chose, désobéir en est une autre. On peut ne pas obéir en faisant la sourde oreille et en restant inerte, mais pour désobéir il fau aller à l’encontre de l’ordre reçu. Le maréchal demandait de déposer les armes, Edmond Michelet décida non seulement de n’en rien faire mais encore de se servir, et plus une jamais, de toutes ses armes, morales et spirituelles, s’entend, il lui parut impensable qu’on pût s’avouer vaincu avant d’avoir usé toutes ses forces et il était impossible que le pays tout entier fût affaibli au point de ne pouvoir résister davantage. Il en voulait come preuve sa propre réaction. Certes, il était plein de tristesse et d’amertume, certes il se sentait abattu, mai Grand Dieu! Pas encore suffisamment pour ouvrir sa porte à l’ennemi. Et si lui se sentait ainsi poussé à relever la tête et à refuser la défaite, il ne faisait aucun doute que, dans le pays, d’autres hommes partageaient son état d’esprit. La France millénaire ne pouvait du jour au lendemain, cesser d’être la France pour satisfaire aux ambitions d’un Autrichien mégalomane. Dans sa mémoire chantèrent soudain les paroles de Péguy, ce Péguy qu’il admirait tant et dont il connaissait, par cœur, tant de poèmes et c’est à son œuvre qu’il emprunta des citations pour composer un tract propre à faire naître l’esprit de résistance chez les Brivistes.

 Au pèlerinage des Prisonniers et Déportés. À Lourdes. M. Edmond Michelet, alors ministre des Armées, assiste à la messe des dix-sept autels, présidée par Mgr Puquet, ancien camarade de déportation.

Mais pour mener à bien ses projets, il avait besoin de complices. Oui il s’agirait bien de complices puisqu’ils accompliraient un acte rendu délicieux par la seule déclaration du maréchal Pétain.

Depuis plusieurs années, Edmond Michelet dirigeait un groupe d’équipes sociales ou se pressaient surtout des jeunes ouvriers avides d’acquérir, ou de parfaire, une formation intellectuelle ou professionnelle. Il connaissait bien des sentiments de certains de ses équipiers et savait trouver en eux les hommes qui le seconderaient. Il se tourna aussi vers un de ses amis qui l’aidait dans l’animation des équipes, Antoine Mérignac, alors professeur au lycée de Brive, qui fut un des premiers à répondre à son appel. Vinrent aussi de jeunes hommes comme Vidal, Bourdelle, Soulingeas, Ils travaillaient presque tous à la S.N.C.F. ou ils menèrent, plus tard, un combat plus rude et plus dangereux que ce premier acte clandestin de résistance du 17 juin 1940. Ils se rassemblèrent au numéro 4 de la rue  Champanatier, domicile d’Edmond Michelet, Celui-ci leur expliqua ce qu’il compta faire et tous furent unanimes pour lui venir en aide. Alors se posa le problème de l’impression du tract. Il était impossible de se rendre chez le premier imprimeur venu car déjà, il  fallait être prudent! Ils décidèrent alors de s’adresser à M. Frédéric Malaure qui était digne d’être mis dans la confidence. M. Malaure n’étai pas imprimeur, mais vendait des machines à écrire et à polycopier et devait donc savoir s’en servir. Il apporta son concours sans hésiter, ce fut donc lui qui édita la première feuille clandestine de France.

DES CACHETS ET DES TAMPONS PLEIN LES POCHES

Edmond Michelet et sa poignée d’amis attendirent la nuit pour glisser dans les boîtes aux lettres, et partout ou ils le jugèrent bon, le texte de Péguy. Déjà, le général de Gaulle n’était plus le seul à vouloir poursuivre la lutte. Ce premier acte de Résistance n’eut pas un grand retentissement, mais il démontra aux Brivistes qui prirent connaissance du tract que certains Français refusaient la défaite, avant même l’appel du 18 juin, un petit noyau d’hommes, qui voulaient résister par tous les moyens, était formé. On est amené à penser, alors, comme le colonel Rémy, qu’il n’y a pas de coïncidence, que tout est lié et qu’un acte découle d’un autre, ce qui expliquerait que Brive, première ville résistante de France, fut aussi la première à se libérer par ses propres moyens, le 15 août 1944.

Le premier tract une fois diffusé, Edmond Michelet et ses comparses (moins d’une dizaine) décidèrent de ne pas s’arrêter en si bonne voie. Ils comprirent cependant que, faute de moyens et pour un temps, ils devraient se contenter de réitérer l’opération tract  ce qu’ils firent en juillet et d’inscrire quelques slogans vengeurs sur les murs de la ville ou sur les wagons. C’était peu et quoique dangereux, presque puéril mais suffisant pour entretenir la flamme et attirer aussi les sympathisants. Le petit groupe s’étoffa peu à peu et se baptisa : Liberté. L’année 1940 s’achevait. Edmond Michelet décida très tôt de compartimenter au maximum son équipe. Il voulait éviter qu’un bavardage imprudent ou une confidence de l’un des membres ne déclenchât la réaction en chaîne qui anéantirait toute l’organisation car déjà Vichy veillait. Très prudent pour les autres, il assuma en revanche tous les risques. Pas un instant il ne cessa d’héberger les Juifs ou les Allemands qui lui demandèrent asile. Ainsi dut-il un jour prendre en charge seize intellectuels allemands que traquaient les nazis. Ces hommes et ces femmes avaient besoin de faux papiers; dépourvus, ils étaient à la merci du premier contrôle d’identité. Il décida de pallier cet état de chose et se rendit à la Préfecture. Une fois dans la place, il parvint à voler les cachets dont il avait besoin pour établir les fausses cartes d’identité et les faux passeports. Il revint de Tulle les poches pleines de tampons et put, grâce à ce larcin, donner une identité à ceux qui en avaient besoin.

M. Edmond Michelet recevant, en février 1968, il est ministre d’Etat, le général Abdel Rahman Aref, chef de l’Etat irakien, qui vient d’arriver à Nice en voyage officiel.

DES IMPRUDENCES CALCULÉES

La logique voudrait qu’un homme qui choisit de travaillé dans l’illégalité fasse son maximum pour que nul ne puisse soupçonner son rôle clandestin. Non content d’organiser des actions subversives, de colporter les nouvelles de la radio anglaise, de se plaindre de ne pouvoir rejoindre le général de Gaulle, il s’offrit le luxe de mener au grand jour sa petite campagne patriotique. Ainsi par exemple, décida-t’il d’intervenir lorsqu’il constata, au début de juillet 1940, que le buste de Marianne avait disparu dans de nombreuses mairies de la Corrèze. Partout ou cela se révéla nécessaire, il exigea la remise en place immédiate du symbole de la République trop vite enterrée. De telles démarches ne passèrent pas inaperçues, aussi, très tôt, fut-il considéré comme un farouche opposant au régime de Vichy.

   Lorsqu’il fut arrêté en février 1943, il abonda dans le sens de l’accusation et reconnut, bien volontiers, être l’auteur de toutes ces peccadilles qui, expliqua-t-il, donnaient bien la preuve de son innocence en matière de vraie Résistance. En effet, dit-il aux enquêteurs, si comme vous l’affirmez, j’étais responsable d’un mouvement clandestin, me croyez-vous assez stupide pour me faire remarquer par toutes ces petites actions sans conséquences? Non, certainement pas! Si j’étais celui que vous cherchez, je me serais tenu coi, c’est élémentaire! Cette argumentation n’était pas sans finesse; il était en effet peu normal qu’un terroriste chef de mouvement ait pris le risque d’attirer aussi bêtement l’attention sur lui comme le faisait le suspect Michelet depuis juin 1940. Car en sus de ses récriminations aux maires, om pouvait aussi mettre à son actif plusieurs lettres de protestation qu’il avait envoyées aux journaux et dans lesquelles il n’avait pas mâché ses mots, Nul n’ignorait non plus qu’il avait témoigné en faveur d’un jeune communiste poursuivi et traduit devant le tribunal de Périgueux. De plus, de nombreux Brivistes pro-Allemands pouvaient rapporter les propos virulents qu’il ne s’était pas privé de tenir en public. La Gestapo n’ignorait rien de tout cela et peut-être pensa-t-elle qu’un individu aussi inconscient était incapable d’assumer les responsabilités de chef du mouvement Combat de la Région 5. Il n’est donc pas impensable de croire que sa folle témérité et ses écarts de langage lui évitèrent le poteau d’exécution.

Coupures de journaux Français ainsi que des tracts de la Résistance

Très imprudent par certains côtés, il usa pourtant d’une grande circonspection pour établir le contact avec ceux de chez qui il espérait trouver des sentiments analogues aux siens. En effet, le groupe Liberté ne lui suffisait plus, il rêvait d’élargir son champ d’action. Mais pour cela, il fallait sortir du cadre de Brive et même du département. Il comprit que le ciel lui venait en aide lorsqu’une lettre, anonyme, mais dont il reconnut l’auteur à son écriture, lui rappela les idées débattues jadis par ceux qui animaient la Démocratie chrétienne. La missive était  de François de Menthon et c’est par lui qu’il put entrer en relation avec ceux qui, partout en France, luttaient eux aussi.

L’INITIATION AU TERRORISME

Il avait lui-même milité dans la Démocratie chrétienne et connaissait bon nombre de ces hommes qui, comme lui, résistaient. Il était l’ami du père Maydieu, d’Étienne Borne, de Pierre-Henry Teitgen et de quelques autres, dont Georges Bidault. Alors se nouèrent les contacts qui, en 1941, permirent l’entrevue Frenay-Michelet. Henry Frenay qui créait le mouvement Combat  à l’échelon national, voyant le groupe Liberté  bien structuré et déjà efficace, décida de confier à Edmond Michelet la responsabilité de la Région 5 qui couvrait les départements de la Corrèze, du Lot, de la Dordogne et de la Haute-Vienne. A compter de ce jour, Edmond Michelet se débaptisa au profit du pseudonyme Duval. Il nomma aussitôt ses adjoints, MM.Baillely, Mérignac, Biberson, Faure et veilla à que ceux-ci bien que se connaissantm ignorent les tâches confiées à leurs complices. Le groupe Liberté  disparut et céda la place au mouvement Combat. Dès lors, les activités prirent une autre ampleur. D’une part se développa toute la presse clandestine grâce à la diffusion des journaux Combat et Liberté et à l’édition du manuscrit de Jacques Maritain : A travers le désastre. D’autre part se créèrent les petits groupes francs dont le premier but fut l’intimidation des Français trop complaisants à l’égard de Vichy. Edmond Michelet confia à son cousin le bijoutier André Delon, la responsabilité de ses groupes; il lui demanda, dans un premier temps, de borner ses actions à des seuls avertissements propres à inquiéter ceux que l’on nommait déjà des collaborateurs et à prouver à la population que, en dépit des affirmations de Vichy, une organisation clandestine agissante existait.

Pendant toute l’année 1941, le mouvement Combat  développa son implantation dans la zone sud encore inoccupée. Des responsables furent nommés pour donner le maximum d’efficacité à l’action clandestine orientée vers plusieurs formes d’action. Certaines équipes se spécialisèrent dans l’action directe (bombes et premiers sabotages), d’autres dans la propagande, d’autres enfin dans l’impression de tracts et journaux.

Ce fut l’époque ou Edmond Michelet hébergea de curieux clients, personnages dont le courtier assermenté n’avait que faire, mais que Duval recevait à bras ouverts. Ainsi Pierre Brossolette, Jacques Renouvin, Berthie Albrecht (La secrétaire d’Henry Frenay), Jean-Guy Bernard, l’abbé Charles Lair, bien d’autres encore qui, presque tous, n’eurent pas la joie de célébrer le 8 mai 1945. Pierre Brossolette se tua en cherchant à s’évader, Renouvin, Jean-Guy Bernard, l’abbé Lair moururent en déportation ou furent fusillé Berthie Albrecht fut décapité à la hache. Tous ceux-là passèrent au 4 de la rue Champanatier. Avec Renouvin commença l’ère du plasticage du vrai. Responsable national des groupes francs, il multiplia les expéditions punitives contre les collaborateurs; il donna le nom de  kermesse  à ses séances nocturnes. Mais qu’il s’agisse de ces kermesses un peu spéciales, du recrutement de sympathisants, de diffusion de journaux, tout dut être organisé pour préserver le secret dont dépendaient le sort du mouvement et la vie de ses animateurs. La stricte prudence observée dans les contacts fut efficace elle réduisit plus tard la portée des rafles de la Gestapo et sauva même la vie d’Edmond Michelet. C’est ainsi que Schneider, qui vendit le mouvement Combat, fut incapable de le reconnaître ni de donner son vrai nom.

UN COLONEL ALLEMAND D’ORIGINE CORRÉZIENNE

Là encore, ce fut pour répondre à l’appel de Londres qu’Edmond Michelet et ses amis organisèrent cette mémorable cérémonie. Ils commencèrent par faire imprimer des milliers de tracts invitant la population à se rendre, le 11 novembre à 18 heures, devant le monument aux morts pour assister au dépôt d’une gerbe. Les tracts étaient distribués lorsque Londres, apprenant l’entrée des Allemands en zone Sud, décida d’annuler toute manifestation. Trop tard, les Brivistes étaient prêts. Edmond Michelet et ses amis comprirent qu’ils ne pouvaient plus reculer et cela d’autant moins que les autorités venaient d’interdire toute forme de rassemblement. Ils décidèrent donc d’agir comme si de rien n’était, comme si nul cordon de police n’était là pour fermer l’accès au monument aux morts, comme si les Allemands n’étaient pas aux portes de la ville. Les citoyens firent de même et vers 17 heures, les rues et les boulevards conduisant au lieu de rendez-vous étaient noirs de monde. Déjà des cris fusaient en direction des forces de l’ordre, déjà ça et là, on fredonnait la Marseillaise, déjà on envoyait Laval au poteau. La foule grossit et devint de plus en plus agressive envers les gardes mobiles qui protégeaient toujours les abords du monument. Vers 18 heures éclatèrent quelques brèves bagarres et c’est à ce moment que la colonne Allemande déboucha au sein même de la manifestation. Unique sans doute fut la ville ou les Allemands furent reçus aux cris de Vive de Gaulle, Vive la Résistance, Vive la France! Et ou ils durent en guise de chant d’accueil, entendre la formidable Marseillaise que lancèrent des milliers de gorges. Il y eut aussi des heurts, des motocyclistes se firent gifler, d’autres furent jetés par terre. Malgré cela, les troupes Allemandes ne réagirent pas; elles laissèrent aux policiers le soin de retenir, non sans peine, la colère des Brivistes qui, furieux, organisèrent un défilé sur les boulevards. Le calme ne revint que plus tard dans la soirée et, comme il avait été prévu, et malgré les barrages de police, une gerbe fut déposée au pied du monument aux morts.

Pour saisir l’attitude passive de l’envahisseur, il faut savoir que le colonel qui commandait les troupes était un certain Von La chaud, lointain descendant de huguenots émigrés, natifs de la Corrèze. Peut-être ne voulut-il pas mater une population dont il se sentait proche, mais il se rattrapa ensuite. D’ailleurs, et dès le lendemain, plusieurs manifestants furent arrêtés. La ville entière fut désormais suspecte aux yeux de l’envahisseur qui confia à sa Gestapo la charge de la débarrasser de ses brebis gaullistes, donc galleuses.

En décembre 1958, M. Edmond Michelet commente la victoire des L’U.N.R. devant les journalistes.

LA GESTAPO PERD LA PREMIÈRE MANCHE

L’envahisseur de la zone Sud compliqua beaucoup le travail clandestin. La Gestapo, à peine installée, se montra plus tenace et plus efficace que la police de Vichy. Néanmoins, Edmond Michelet persista à suivre la ligne qu’il s’était tracée, mais il sut bientôt que de lourds soupçons pesaient sur lui. Certes, il faisait maintenant tout pour donner le change, mais il en était au point ou bien rares sont les ruses qui peuvent encore tromper l’enquêteur. Vint le temps ou l se sentit épié, suivi et ou il dut prendre les plus invraisemblables précautions afin d’honorer ses rendez-vous. Ainsi un jour où il était dans l’obligation de contacter directement son cousin André Delon il dut, pour justifier sa visite dans la bijouterie, acheter la première bricole qui lui tomba sous la main (un affreux confiturier en pseudo-porcelaine). Cela lui permit de ressortir du magasin en portant, ostensiblement, le petit paquet alibi. Mais trop d’actions terroristes excitaient la hargne des vainqueurs pour que ceux-ci relâchent leur attention et soient dupes d’un tel procédé. En effet, André Delon et ses groupes francs entretenaient au mieux un climat d’insécurité : poteaux indicateurs inversés qui expédiaient les véhicules allemands dans de fantaisistes directions, paquets de journaux clandestins déposés dans la boîte aux lettres du commissariat de police; enfin, en pleine ville de Brive, c’était le jeune Champeval qui semait la perturbation en sabotant les câbles téléphoniques. Placée dans un tel climat, la Gestapo se devait de frapper un grand coup. Il fut désastreux pour le mouvement Combat  qui, le 29 janvier 1943, vit arrêter vingt de ses membres et non des moindres puisque furent pris, entre autres : Renouvin, André Delon (qui ne Revin pas de la déportation), André Faure (alors chef régional de la propagande) Roubinet Madelrieux et Jarasse (responsables de Tulle ret d’Ussel).

Le 14 juillet 1958 : le général de Gaulle, ayant à ses côtés M. Edmond Michelet, ministre des Anciens combattants. S’adresse aux vétérans et aux jeunes d’Algérie rassemblé à Vincennes. C’est encore au temps de l’Algérie Française.

Dans l’étendue du désastre, Henry Frenay demanda alors à  Duval de fuir au plus vite et d’aller se cacher à Montpellier ou, une fois oublié, il prendrait la place de P.H. Teitgen obligé, lui aussi de changer de secteur. Mais Edmond Michelet ne pouvait quitter Brive en laissant derrière lui sa femme et ses sept enfants, il ne ses serait jamais pardonné cet abandon de poste. Il refusa de partir et entreprit de réorganiser le mouvement. Il savait devoir agir rapidement, il se considérait en sursis et s’étonnait d’être encore libre. L’avertissement qu’il reçut le 2 février le renforça dans la conviction que l’heure des menottes était proche.

Ce soir-là, Edmond Michelet présidait une conférence à laquelle assistaient de nombreux agents commerciaux de la zone Sud. La séance était déjà avancée lorsqu’elle fut interrompue par l’arrivée de la police allemande. L’officier fit savoir qu’il venait pour procéder à l’arrestation d »Edmond Michelet. Celui-ci se piquant d’audace, prit la chose de très haut; loin de se laisser emmener, il attaqua :

Messieurs, dit-il, le droit international, les lois françaises et allemandes s’opposent à mon arrestation. M. le Maire et ses conseillers, qui sont là, vous diront que cette arrestation est illégale puisqu’elle se déroule dans un établissement public!

L’officier, interloqué, bafouilla quelque peu, puis se reprit, il ne comprit pas pourquoi la salle croula de rire lorsqu’il eut déclaré :

Ah? On ne m’avait pas dit que c’était ici la maison publique.

Mais les farces courtelinesques n’étaient pas de mise en 1943, la Gestapo prisait peu l’humour et Edmond Michelet fut conduit jusqu’à la Kommandantur. Il prit soin de se faire accompagner par le maire et nombreux furent aussi les amis qui lui emboîtèrent le pas. Les autorités allemandes comprirent sans doute qu’une arrestation aussi peu discrète risquait de réveiller la colère de ces Brivistes, dont il fallait se méfier, le 11 novembre n’était pas loin.Et Edmond Michelet fut relâché, il était trop connu, trop populaire, son arrestation devait être moins spectaculaire, elle le fut.

JUDEN ? NON CE SONT MES ENFANTS

L’heure du laitier. Ainsi Edmond Michelet dans son livre, Rue de la Liberté, baptisa-t-il l’heure de son arrestation. Il était environ 7 heures et il achevait sa toilette. Il avait déjà enfilé son pantalon et, une veste de pyjama, une serviette autour du coup, il se rasait. Comme tous les jours il serait prêt pour la messe de 7 heures et demie à Saint-Cernin. Sa femme préparait les petits déjeuners. Dans la chambre, ses trois derniers fils chahutaient dans le grand lit; ils s’y nichaient tous les matins dès que les parents l’avaient déserté. Edmond Michelet n’entendit pas la voiture de la Gestapo car, profitant de la rue en pente, elle glissa et s’immobilisa sans bruit devant la maison. Il n’entendit pas non plus la courte scène qui se déroula au rez-de-chaussée quand les policiers allemands se heurtèrent à Mme Michelet et à la femme de ménage. Elles tentèrent de retenir les Policiers, mais elles furent bousculées. L’un des hommes voyant que Mme Micheket se préparait à téléphoner (elle voulait alerter la sous-préfecture), lui arracha l’appareil des mains et débrancha les fils. Puis ils exigèrent qu’elle les conduisit jusqu’à son mari. Celui-ci finissait de se raser lorsque les quatre individus, en cirés noirs et chapeaux mous se précipitèrent dans la chambre.

Vous êtes Edmond Michelet? On vous arrête, annonça l’un d’eux.

Puis il aperçût le grand lit ou, apeurés, se pressaient les enfants. On ne prête qu’aux riches, aussi l’homme de la Gestapo pensa-t-il faire coup double et ouvrant le lit, il interrogea :

Jugen?

Non, ce sont mes enfants, dit Edmond Michelet.

Bon, dépêchez-vous on vous emmène.

Il lui laissa à peine le temps de finir de s’habiller, puis ils l’encadrèrent et le poussèrent dehors ou il faisait encore nuit et froid. Opération réussie car discrète. Michelet était pris. Maintenant il allait devoir fournir quelques explications.

La voiture démarra. Elle prit la direction de l’hôtel Terminus ou siégeaient alors ces messieurs de la Gestapo. C’était le 25 février 1943.


17/02/2013
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