histoire-de-resistance-blog4ever-com

PROCÈS SOUS L’OCCUPATION

MARS 1942 Bataillons de la Jeunesse FTPF

Du sabotage à la lutte armée, être l’enclume ou le marteau

En 1941, explique Albert Ouzoulias, alias colonel André, dans Les Bataillons de la Jeunesse, l’heure est venue d’un développement sur une plus large échelle de cette forme avancée de la lutte. La lutte armée, les actions des francs-tireurs sont un des moyens les plus efficaces pour freiner et même faire reculer le terrorisme de l’ennemi. Si, à ce moment, le Parti communiste et sa direction avaient reculé, comme le lui conseillaient certains attentistes, c’était la capitulation et le déshonneur. Notre pays n’aurait joué aucun rôle dans la grande bataille qui se livrait dans l’Europe entière et n’aurait pas ensuite été capable de participer comme il le fit aux ultimes combats libérateurs de 1944. La répression aurait été encore plus terrible pour des dizaines de milliers d’hommes et de femmes emprisonnés ou jetés dans les camps de concentration en France et pour la population française en général. » Et à ceux qui inversent les rôles pour justifier leur refus du combat armé pendant l’Occupation, il pose cette question : Qu’avaient-ils fait, les 90 000 israélites de France qui sont allés mourir dans les fours crématoires d’Auschwitz avec les 6 millions de juifs de toute l’Europe ? Qu’avaient-ils fait, les dizaines de milliers d’ouvriers français déportés du travail envoyés dans des camps et qui sont allés mourir sous les bombardements dans la Ruhr ? Fallait-il attendre d’être tous déportés en Allemagne pour commencer la résistance ?
 Les francs-tireurs s’organisent
Côté communiste, on comptait au lendemain de l'armistice trois organisations à l'échelon national qui menaient des actions de lutte armée, chacune ayant sa direction propre :
l'OS (Organisation Spéciale), organisation de protection des militants du Parti communiste lors des manifestations, distributions de tracts, prises de parole et autres actions de propagande; les Bataillons de la Jeunesse, composés de militants issus des Jeunesses communistes; les groupes spéciaux de la MOI (Main-d’œuvre Immigrée), qui regroupaient les antifascistes immigrés.
La coordination est assurée par Eugène Hénaff. En avril 1942, la direction du Parti communiste, dans un souci d'efficacité, charge Charles Tillon d'unifier l'ensemble de l’organisation. Ce seront les FTPF (Francs-Tireurs et Partisans Français), ouverts à tous les patriotes.
Un comité militaire est constitué, il comprend entre autres Albert Ouzoulias (colonel André), ancien responsable des Bataillons de la Jeunesse, qui en assurera la direction militaire. Il a comme adjoint Pierre Georges (futur colonel Fabien). Ce celui-ci sera le premier, à la station de métro Barbès, le 21 août 1941, à ouvrir le feu sur un officier allemand.
Roger Hanlet, Acher Semahya, Robert Peltier, Christian Rizo, Tony Bloncourt, Pierre Milan et Fernand Zalkinov seront parmi les premiers à participer dès juillet 1940 à ces actions de résistance qui se multiplient sur le territoire. Ils ont alors conscience de reprendre la tradition des patriotes de 1814 et des francs-tireurs de 1870 qu’arma Gambetta, ces combattants de la République animés par l’esprit de 92 et dont Victor Hugo exaltait ainsi le combat :

Vous n’êtes pas armés, qu’importe,
Prends ta fourche, prends ton marteau,
Arrache le gond de la porte,
Délivrez, frémissant de rage,
Votre pays de l’esclavage
Et votre mémoire du mépris.

Ceux qui ont résisté n’étaient nés ni héros ni martyrs. Ils étaient nés pour une vie normale : travailler, apprendre, penser, créer, jouer, rire, aimer. Mais l’intolérable, les circonstances exceptionnelles de cet horizon soudain rayé d’une croix gammée les ont élevés au-dessus d’eux-mêmes, dans le combat qu’ils ont gagné - grâce à leur sens de la vie, de la justice et de la liberté, grâce à leur attachement à la nation française : cette "Douce France", synonyme dans le monde entier de Liberté, Égalité, Fraternité.
Tony Bloncourt, Roger Hanlet, Pierre Milan, Robert Peltier, Christian Rizo, Acher Semahya, Fernand Zalkinov ont lutté pour la dignité et la fraternité entre les hommes, contre le fascisme et l’hitlérisme dont ils ont connu la domination la plus monstrueuse, la plus perverse que l’humanité ait jamais endurée. La liberté et la paix qu’ils ont voulue pour nous sont toujours à défendre.
Ils rêvaient d’égalité et de fraternité humaine. Ce flambeau, nous avons tous le devoir de le préserver et de le transmettre aux générations futures.

Dès juin et juillet 1940 des appels à la lutte sont lancés : d'Angleterre par la voix du général de Gaulle et, en France occupée, à l'initiative du PCF - ce sera l'appel du 10 juillet 1940 de Maurice Thorez et de Jacques Duclos, qui encourage à créer un front de la liberté, de l'indépendance et de la renaissance de la France, et proclame qu'il n'y a de paix véritable que dans l'indépendance des peuples.
Dans le XIe arrondissement, riche de toute une tradition de lutte, les premières mesures adoptées par les autorités vichystes sont mal accueillies, en particulier parmi les jeunes. Ceux-ci n’entendent pas subir ce régime au service de l’occupant ; dans les classes supérieures des lycées, dans les facultés, dans les Auberges de Jeunesse, aux Jeunesses communistes ils se mobilisent et organisent une résistance au pouvoir autoritaire, antirépublicain et de collaboration avec l’ennemi.
Ouvriers, employés, petits artisans, étudiants n’attendront pas juin 1941 et l'entrée en guerre de l'Union soviétique pour engager la lutte sous des formes variées :

Propagande anti-vichyste et anti-allemande par tracts, affiches, prises de parole sur les marchés, dans les files d'attente, publications clandestines.
attaque des permanences des associations et partis collaborateurs (RNP de Déat, PPF de Doriot), sabotage des réunions organisées par les maréchalistes (Georges Claude à la Sorbonne, etc.), manifestations publiques contre l’arrestation de Paul Langevin et contre la révocation du recteur Gustave Roussy, participation aux manifestations étudiantes des 8 et 11 novembre 1940,grèves dans les Centres de Jeunesse, actes de sabotage et récupération d'armes.

Les enfants de France, à l’avant garde
Début juillet, la Sorbonne rouvre ses portes. Son grand amphithéâtre doit accueillir un cycle de conférences animé par Abel Bonnard et Georges Claude et dont l'inauguration est prévue pour le 26 juillet. Dans un témoignage recueilli par Claude Souef, François Lescure déclarait : Nous savions qu'il devait y avoir des projections illustrant la conférence, et nous avons décidé de faire un lancer de tracts dès que la salle serait obscure. Les tracts en question étaient l'
appel du 10 juillet de Thorez et de Duclos. Le jour venu, deux étudiants de la faculté des sciences, Christian Rizo et Félix Kauer, passent à l'action depuis le balcon de l'amphi. François Lescure : Il y a eu une espèce de ahahah !, de cri général ; les tracts voletaient dans le faisceau lumineux du projecteur ; la lumière a été vite rallumée. Les deux trouble-fête seront arrêtés, emprisonnés à la Santé puis relâchés sans jugement le 10 octobre. Leur action spectaculaire constitue, souligne Claude Souef, la première manifestation organisée, chez les étudiants, d'opposition à l'occupation, à la collaboration. Il signale que, par la suite, des accrochages se produiront entre étudiants et soldats allemands, notamment au café d'Harcourt, à l'angle de la place de la Sorbonne et du boulevard Saint-Michel.

 

Libérez Langevin
C'est dans ce climat que survient l'annonce de l'arrestation, le 30 octobre, du professeur Paul Langevin, éminent physicien et antifasciste. La nouvelle soulève l'indignation de nombreux étudiants et enseignants. Une manifestation a lieu le 8 novembre au Quartier latin. Les étudiants se rassemblent aux cris de Libérez Langevin, avant d'entonner La Marseillaise puis de se disperser. Parmi eux, Pierre Daix et Bernard Kirschen. Et aussi Sam Radzinsky, ancien lycéen devenu postier pour des raisons économiques. Il raconte : On a commencé à manifester à l'intérieur de la Sorbonne, on a balancé des tracts, puis on est sortis sur la place... On a encore crié Libérez Langevin et lancé des tracts. A la fin, on s'est retrouvés au comptoir du Dupont-Latin, Tony Bloncourt, Christian Rizo, Rosine Pitkowitz et moi, pour prendre un café.

 

La grande manifestation du 11 novembre 1940 aux Champs-Élysées
C'est la première grande démonstration de résistance à l'occupation et à la collaboration. Il y a là des lycéens, des étudiants, des professeurs. Le récit varie selon les témoins.
Claude Souef : Des lycéens venant à pied, en cortège, déposent des gerbes sur la tombe du Soldat inconnu. La foule est dense. Finalement, la police interdit l'accès au terre-plein. Sur les Champs-Élysées, des incidents se produisent avec des groupes de jeunes fascistes de Jeune Front et de Garde-française, qui ont leur permanence sur l'avenue.
Sam Radzinsky, venu avec son copain Jean Verger, dit Nicolas (il sera fusillé deux ans plus tard), restera bloqué à l'endroit où se situait le Lido à cette époque, puis devra regagner son lieu de travail. C'est ensuite l'intervention allemande.

Claude Souef de nouveau : Des voitures et des motos zigzaguent sur les trottoirs, pourchassant les manifestants qui se replient dans les rues voisines. Il y a des tirs de mitrailleuses, des blessés, des arrestations nombreuses (témoignage cité dans L'Humanité du 11 novembre 2001).

François Lescure, responsable UNEF.A dix-sept heures exactement, un cri énorme : vive la France, éclate à hauteur du cinéma George-V, sur le trottoir de droite que remontent de nombreux groupes de jeunes. On chante La Marseillaise. Il y a, dans la foule, des anciens combattants. La Marseillaise éclate à nouveau, suivie du Chant du départ, puis de Vive la France, A bas Pétain, A bas Hitler.

Les Allemands matraquent et chassent les manifestants à coups de crosse de fusil. La Marseillaise continue, tous les étudiants se battent.

Par grappes, les étudiants sont embarqués dans des camions bâchés. Ceux qui échappent à l'arrestation se regroupent encore. Exaspérés, les nazis tirent. Ils assassinent une dizaine de jeunes on en ignore encore le nombre exact et en blessent davantage encore. Il y a une centaine d'arrestations. La chasse à l'homme continuera tard dans la nuit.La presse vichyste ne souffla mot de l'événement. Le 15, elle annonça la révocation du recteur Gustave Roussy et du secrétaire général d'académie Maurice Guyot. Le lendemain, un communiqué officiel indique que les autorités allemandes ont ordonné la fermeture de toutes les institutions universitaires à Paris. L'Université ne sera rouverte que le 20 décembre. Un mois plus tôt, vingt et un étudiants communistes avaient été arrêtés. Ils seront jugés le 1er mars 1941 et condamnés à différentes peines de prison.

Aragon célébrera cette manifestation dans Les enfants de France(Le crime contre l'esprit) :Dans Paris bâillonné, le 11 novembre 1940, moins de cinq mois après qu'un maréchal de France eut proclamé que la Patrie avait touché la terre des épaules, les étudiants descendirent dans la rue, et leur jeune voix retentit si haut que la France tout entière l'entendit et cessa de croire à la défaite. L'ennemi ne s'y trompa pas. On était au lendemain de Montoire, et cette manifestation des étudiants de Paris, il y vit bien le désaveu national de la politique de soumission instaurée  par les capitulards.

 

Arrestation du groupe
Suite à l’entrée des Allemands, ordre avait été donné de remettre aux autorités toutes les armes éventuellement détenues. Beaucoup se retrouvèrent ainsi dans les égouts, voire dans les poubelles. Un copain d’Hanlet n’appartenant pas à la Résistance a l’imprudence de montrer à sa fiancée les revolvers récupérés qu’il va lui fournir.Celle-ci le rapporte à son père qui le répète à un autre de bavardage en bavardage, on débouche sur une dénonciation à la police. La Brigade spéciale criminelle”dirigée par le commissaire Georges Veber arrête Roger Hanlet, Pierre Milan et Acher Semahya le 30 octobre 1941. Le lendemain 31 octobre, c’est le tour de Fernand Zalkinov et le 1er novembre Robert Peltier est arrêté sur son lieu de travail. Christian Rizo se fait prendre le 25 novembre dans un cinéma. Tony Bloncourt, qui a pu échapper à l’arrestation, est hébergé par des copains étudiants dont Pierre Daix. Il sera arrêté le 6 janvier lors d’un contrôle de police.
Le groupe est emprisonné à la prison de la Santé et mis au secret, avant d’être livré aux autorités allemandes. Le 6 mars 1942, jour du verdict, le président de la cour martiale allemande se félicitera d’ailleurs de l’excellente coopération des polices française et allemande, et c’est Veber en personne qui viendra recevoir les félicitations.

Un procès expéditif

Il semble que fin février 1942, le nouveau gouverneur militaire en France, Karl Heinrich von Stülpnagel, sur l’avis de ses services juridiques, ait décidé de monter une série de procès à grand spectacle pour frapper l’opinion française et tenter de mettre un terme aux attentats.
Le commandement militaire allemand organise donc un procès à la Chambre des Députés, alors siège de différents services du Kommandant von Gross-Paris, procès auquel peuvent assister les journalistes de la zone occupée, de même que ceux de la zone non occupée. La Propagandastaffel est également présente. Il apparaît même, d’après la presse de l’époque, que le procès fut filmé, mais la bobine n’a pas été retrouvée, comme elle l’a été pour le second procès à grand spectacle qui, celui-là, eut lieu à la Maison de la Chimie en avril 1942.
Mercredi 4 mars. L’accusation.
Jeudi 5 mars. Les débats.
Vendredi 6 mars. La défense et le verdict.
Les sept jeunes sont défendus par des avocats alsaciens commis d’office. L’acte d’accusation, que les avocats reçoivent le 2 mars, leur apprend que leurs clients sont jugés pour Freischärlerei, c’est-à-dire activité de francs-tireurs. On retient contre eux 17 actions de sabotages, incendies et attentats.Nous ne dirons rien des débats, ne pouvant reprendre à notre compte la relation qui en fut donnée par les journaux de l’époque, lesquels s’évertuèrent à comparer les sept jeunes résistants à de vulgaires bandits à la solde de la ploutocratie Anglo-judéo-bolchevique. Ils rapportèrent les faits en les déformant, en y ajoutant des qualificatifs infamants et mensongers, voire racistes à l’égard de certains.
La lecture de cette presse laisse cependant transparaître une attitude digne et courageuse. Ce qui fut confirmé par ceux qui assistèrent au procès, notamment par Yolande Bloncourt, la tante de Tony. Ils se transformèrent tous en accusateurs, s’attachant à replacer les faits dans le contexte réel de l’occupation de leur pays. Ils ne contestèrent nullement leurs actes, mais au contraire les revendiquèrent pleinement. J’ai agi en patriote et par conviction communiste, dira Robert Peltier. La perspective d’être fusillé ne le retint pas une seconde, ajoutera l’officier nazi présidant la cour martiale. Cette attitude combative fera dire au Pariser-Zeitung qu’ils répondirent avec une effrayante insolence aux accusations. Le journal de Doriot, Le Cri du peuple, écrivit que pendant la suspension d’audience qui précéda le verdict, les terroristes firent preuve d’un cynisme déconcertant, en riant et plaisantant, alors qu’un peu avant, ils avouaient une fois de plus les attentats.

Samedi 7 mars Deux jours avant l’exécution de la sentence, la maman de Christian Rizo fut autorisée à aller voir son fils à la Santé pour les derniers adieux ; elle ne put le voir qu’à travers un grillage. Sur son insistance, Christian finit par lui avouer, entre autres confidences, que lui et ses camarades avaient été odieusement maltraités par les policiers de la Brigade spéciale criminelle et qu’il en était écœuré. Trop courageux et trop fier pour se plaindre, l’euphémisme qu’il utilisa en disait long sur la gravité des sévices endurés. Lundi 9 mars Étudiants et professeurs font circuler en Sorbonne une pétition demandant le recours en grâce. Elle se couvre rapidement de signatures, certains professeurs y ajoutent des éloges et des annotations.
Yolande Bloncourt, arrivée au fort du Mont-Valérien, ne sera pas autorisée à voir Tony et ses camarades avant leur exécution ; elle sera refoulée mais entendra un puissant cri : Vive la France!, suivi d’une salve nourrie. Maître Wilhelm, l’avocat alsacien du Barreau de Paris désigné d’office pour assurer la défense de Christian Rizo et Tony Bloncourt, assistera à la mort des sept jeunes résistants ; dans une lettre adressée le jour même à Mme Rizo, il témoignera qu’ils ont pris congé dans la dignité, le courage et la foi de leur conviction. Il ajoutera : Vous ne devez penser qu’avec honneur à votre fils et accepter le malheur qui vous frappe si durement comme si Christian avait été tué en soldat à la guerre. Il n’y a que cinq poteaux Roger Hanlet et Robert Peltier seront fusillés immédiatement après leurs camarades, avec trois autres patriotes.
Dès que la nouvelle sera connue, le XIe arrondissement se couvrira de papillons, de tracts, d’affichettes réalisées à la main ou à la machine, afin d’honorer la mémoire des sept martyrs et d’appeler au renforcement de la lutte contre l’occupant. L’arrestation et l’exécution des sept membres des Bataillons de la Jeunesse n’ont pas pour autant stopper le combat contre l’occupant. Albert Ouzoulias (colonel André) assure la direction des opérations, assisté de Pierre Georges (colonel Fabien), avec comme agents de liaison leurs courageuses épouses respectives, Cécile Ouzoulias et Andrée Georges. Ils dirigeront, impulseront les initiatives et participeront aux actions, y compris les plus dangereuses. Fabien et son épouse seront arrêtés plusieurs fois ; lui réussira, comme Ouzoulias, à s’enfuir. Andrée Georges sera déportée et, heureusement, nous reviendra des camps.
Les autres groupes parisiens des Bataillons de la Jeunesse réalisent plus de quarante opérations du 6 septembre 1941 au 29 mai 1942 ; ils sont dirigés par : Marcel Bertone (21 ans), Pierre Tourette (23 ans), Paul Tourette, Louis Coquillet (21 ans), Marcel Bourdarias (18 ans), Maurice Touati (21 ans), René Toyer (20 ans), Pierre Tirot, Georges Tondelier (20 ans), Maurice Feferman (21 ans), Gérard Hilsum, Jean Quarré (22 ans), André Aubouet (18 ans), Raymond Tardif, Jean Garreau (29 ans), Bernard Laurent (20 ans), André Kirschen (15 ans et demi), Camille Drouvot, Roger Debrais, Maurice Feld (18 ans), Maurice Le Berre (19 ans), Karl Schoenhaar (17 ans et demi), Guy Gauthier, Lucien Legros, Pierre Benoît, Rousseau (Dupré), Baraqui, André Biver, Pierre Leblois, Jacques D’Andurain. A ces actions s’ajoutent celles, nombreuses, de l’Organisation Spéciale (OS), conduites par Yves Kermen, Louis Marchandise, Raymond Losserand, Gaston Carré, Roger Linet, Henri Tanguy (colonel Rol) et des groupes spéciaux de la MOI dirigés par Miret-Must.
Le journal collaborationniste de Déat, L’Œuvre du 3 mars 1942, dénombrera 230 attentats et sabotages du 1er juillet 1941 au 18 février 1942 dans la seule région parisienne, ce que confirmera le sinistre commissaire Veber qui, lors de son audition devant la cour de justice du CNR, déclarera que les attentats étaient devenus quotidiens.

1942 procès àa la chambre des députés

Le 4 mars 1942 se déroula, dans la Chambre des députés, à l’endroit même où le nazi Rosenberg avait prononcé une apologie du national-socialisme, le procès de sept très jeunes résistants, procès qui devait, dans l’esprit de l’ennemi, être un élément d’intimidation de la Résistance en cours de développement. Le 4 mars, dans la salle de la Présidence, étaient introduits sept jeunes résistants enchaînés. Le tribunal était entièrement composé d’officiers nazis. Non seulement la presse et les actualités cinématographiques sont présentes, mais, à la tête de nombreux officiers hitlériens et d’une cour de collaborateurs, se trouve von Stülpnagel en personne.

Le journal allemand publié chez nous, le Pariser-Zeitung, exposa le 5 mars que les sept jeunes se voyaient accuser de dix-sept opérations de guerre. Il écrivait : Les deux intellectuels de la bande que l’on juge, les étudiants Christian Rizo et Tony Bloncourt, ont commencé à militer au sein d’un Front dit National Ils passèrent à l’action, croyant peut-être au début servir sous le drapeau combien périmé de Déroulède. Et suit cette phrase invraisemblable: L’un d’eux alla jusqu’à parler des armées étrangères qui occupaient la France. Est-ce à dire que les armées allemandes n’étaient pas étrangères ? La France était donc l’Allemagne !

Quant au journal de Doriot, ce même 5 mars il écrivait : Tous les accusés ont dit comment ils comprenaient le fameux Front National, organisation bolchevique camouflée allant des gaullistes aux communistes. Le journal allemand précité de préciser, avec un grand frisson d’horreur : “Un des accusés, par exemple, avait fait partie des Jeunesses (communistes) avant la guerre.

La parodie de procès dura trois jours. Le jugement - si l’on peut employer ce mot - se félicite de l’excellente collaboration fournie par la police française. Il condamne à mort Roger Hanlet, Acher Semhaya, Robert Peltier, Christian Rizo, Tony Bloncourt, Pierre Milan et Fernand Zalkinov. Le 9 mars, les sept héros sont fusillés au Mont-Valérien. L’un d’eux, Fernand Zalkinov, dédia sa dernière lettre à sa soeur, la chargeant d’être son interprète auprès de ses parents : il ne savait pas que son père et sa mère étaient déjà déportés et mourraient à Auschwitz.
Extrait d’un article paru en mars-avril 1999

Plaque commémorative a été apposée sur la façade nord de l’Hôtel de Lassay

Que sont devenus les autres
Que sont devenus les autres combattants ayant participé à ces opérations mais qui ne comparurent pas en cour martiale les 5, 6 et 7 mars 1942 ? Sept combattants appartenaient à d’autres groupes des Bataillons de la Jeunesse dont l’un avait combattu en Espagne. Trois venaient des Brigades internationales.
Pierre GEORGES (le futur colonel Fabien) (22 ans). Ancien combattant à dix-sept ans des Brigades internationales, il commandera après la libération de Paris le Groupe Tactique Lorraine composé de volontaires parisiens des FTP. Cette unité sera intégrée dans l’Ire armée par le général de Lattre de Tassigny. Ce sera le 151e régiment d’infanterie, unité qui sera l’une des premières à franchir le Rhin. Fabien sera tué le 27 décembre 1944 à Habsheim dans le Haut-Rhin.
Gilbert BRUSTLEIN (22 ANS), qui commande le groupe, a participé à de nombreuses opérations. Il échappe de peu à l’arrestation, passe en zone sud puis en Espagne, avant de gagner l’Algérie.
Marcel BOURDARIAS (17 ANS 1/2). Après de nombreuses actions, il sera arrêté et fusillé le 17 avril 1942 (procès de la Maison de la Chimie).
Jacques D’ANDURAIN (23 ANS). Après de nombreuses actions en zone nord, il passera en zone sud et continuera la lutte jusqu’en 1944.
Jules DUMONT (colonel) (53 ans). Grièvement blessé en 14-18, il reçoit la Légion d’honneur. Volontaire en Espagne, commandant de la célèbre 14e Brigade internationale (composée de Français, elle prit le nom de Brigade la Marseillaise), il participe à de très nombreuses opérations sous l’Occupation ; arrêté, il sera fusillé le 15 juin 1943.
Maurice FEFERMAN (19 ANS). Après de très nombreuses actions, il préférera se tuer avec sa dernière balle, le 10 mai 1942, plutôt que de tomber aux mains des Allemands.
Albert GUEUSQUIN (19 ANS). Après de très nombreuses actions, il sera arrêté et fusillé le 9 juillet 1943.
Maurice LE BERRE (19 ANS). Après de très nombreuses actions, il sera arrêté le 28 août 1942, s’évadera le 1er janvier 1943, sera de nouveau arrêté quinze jours plus tard, puis déporté. Il reviendra des camps de la mort en 1945. Il est aujourd’hui décédé.
Conrado MIRET-MUST. Républicain espagnol, il est le premier dirigeant fondateur des Francs-Tireurs de la MOI. Il sera arrêté après de très nombreuses actions. Il mourra sous la torture avant l’ouverture du procès de la Maison de la Chimie lors duquel il devait comparaître le 15 avril 1942.
Spartaco GUISCO (28 ans). Antifasciste italien, ancien des Brigades internationales. Il participe à de très nombreuses actions. Il est arrêté et fusillé le 17 avril 1942 (procès de la Maison de la Chimie).

Procès de la maison de la chimie 7-14 avril 1942

Du 7 au 14 avril 1942, vingt-sept combattants appartenant aux Bataillons de la Jeunesse et à l’Organisation Spéciale (OS) comparaissent devant une cour martiale réunie à la Maison de la Chimie, après avoir été, comme les sept jeunes combattants du XIe arrondissement, arrêtés et livrés par la police vichyste à ses homologues allemands. Arrêté en même temps que ses camarades, Conrado Miret-Must, républicain espagnol et fondateur de la MOI, ne comparaîtra jamais devant le tribunal : il fut massacré avant même l’ouverture du procès, dans les locaux du sinistre Brigade spéciale n° 2 créée par Pétain.
Vingt-cinq de ces combattants seront exécutés, parmi lesquels vingt-trois fusillés au Mont-Valérien immédiatement après le procès. Les Allemands, voulant faire assaut de mansuétude, commuèrent la condamnation à mort en déportation pour quatre d’entre eux : ce sera le cas de Paul et Marie-Thérèse Lefebvre, ainsi que d’André Kirschen, âgé de 15 ans, et de Simone Schloss, laquelle sera cependant décapitée par les nazis à Cologne le 2 juillet 1942. D’autres procès suivront, le plus souvent à huis clos. Près de 9000 combattants seront exécutés par les nazis dans la région parisienne, 21000 en province. Sans oublier les dizaines de milliers de déportés-résistants qui ne revinrent pas et les milliers d’otages exécutés.

Bataillon de la Jeunesse

André Aubouet  janvier 1923-17 avril 1942

Né à Paris (XIe), domicilié 15 rue de Vanves (actuelle rue Raymond-Losserand, XIVe). Il fréquente l’école primaire de la rue Pierre-Larousse et fait du sport au gymnase de la rue Huyghens. Après son certificat d’études il est engagé comme apprenti à l’Imprimerie nationale où travaillait déjà son père.

Le 20 janvier 1942, 15 boulevard de Vaugirard (métro Bienvenüe), il participe avec Jean Garreau et Raymond Tardif à un attentat contre un soldat allemand de la poste militaire nommé Pepling, lequel est sérieusement blessé. Nous manquons d’informations concernant les autres opérations auxquelles il a participé. Il semble qu’il opérait le plus souvent avec Garreau et Tardif. Il a été arrêté en mars 1942 sans que nous puissions préciser le jour.

Marcel Bretone 9 octobre 1920-17 avril 1942

Né à Lyon, au cœur du quartier de la Croix-Rousse. Marié, père d’un enfant, domicilié 6 rue de La Folie-Méricourt (XIe). Membre des Jeunesses communistes, il s’engage dans les Brigades internationales à l’âge de 16 ans. Il sera blessé à trois reprises durant les combats.
Rentré en France en 1939, il remplace Albert Ouzoulias (futur colonel André) comme secrétaire des Jeunesses communistes de la région lyonnaise. Cela ne l’empêche pas de partir presque chaque dimanche faire du camping à la campagne.
Il travaille comme aide-comptable mais en septembre 1939 il est interné, comme de nombreux responsables communistes, au fort du Paillet à Dardilly-le-Mont (Rhône), puis au fort Barraux à Riom-ès-Montagnes (Cantal), à Carpiane près de Marseille, et enfin au camp de Chibron (Var) d’où il s’évade le 7 octobre 1940. Pendant son internement, il épouse sa compagne Jeannette Fédit dont il aura une fille. Après son évasion, il est contraint de gagner sa vie comme conducteur de vélo-taxi. Il est arrêté le 18 décembre 1941 alors qu’avec ses camarades Touati et Coquillet il était en train d’incendier des camions de la Wehrmacht rue Lamartine, à l’angle de la rue Buffault (IXe).
La veille, le 17, il avait également incendié avec eux un camion allemand en stationnement rue Mayran (IXe). Poursuivis par des soldats allemands et des gardiens de la paix, Maurice Touati et Louis Coquillet parviennent à s’échapper. Bertone se réfugie au 26 de la rue Cadet, mais le locataire (un opérateur de cinéma) de l’appartement où il s’est réfugié le livre à la police. Lors de son arrestation étaient présents, dit le procès-verbal, le commissaire principal Charles Dubelon, le commissaire divisionnaire Silvestre, le commissaire principal Veber, chef de la Brigade spéciale P.J. et le major allemand Weigert. Marcel Bertone était emmené à 0 h 35 à la Feldgendarmerie.

Marcel Bourdarias alias Alain 23 janvier 1924-17 avril 1942

Né à Paris (XIIIe), domicilié 16 rue Anatole-France à Alfortville. Fils d’un ouvrier cimentier originaire de la Corrèze. Entré en 1937 à l’école Arago, place de la Nation (XIIe), il adhère aux Jeunesses communistes en 1938, à Saint-Ouen. Entre en contact avec des jeunes militants qui participeront à la formation des groupes armés des Bataillons de la Jeunesse et de l’Organisation Spéciale (OS). S’il n’est pas toujours facile de préciser sa participation aux très nombreuses actions effectuées par son groupe, on peut néanmoins l’associer avec certitude aux opérations suivantes:

Le 14 août 1941, grâce à des renseignements fournis par deux ouvriers de l’usine, Bresler et Lastennet, Maurice Le Berre et son groupe attaquent l’usine des Isolants de Vitry (163 boulevard Amouroux à Vitry-sur-Seine), qui fabrique du matériel destiné aux sous-marins et aux avions allemands. Maurice Le Berre lance des bouteilles incendiaires, tandis que Jacques d’Andurain et Marcel Bourdarias assurent la protection, assistés de Roger Hanlet et Pierre Milan.

Du 15 au 17 août 1941, il participe au stage d’entraînement organisé par Albert Ouzoulias (futur colonel André) et Pierre Georges (futur colonel Fabien) dans les bois de Lardy, près d’Etampes.

Le 19 septembre 1941, il participe à l’opération organisée par Conrado Miret-Must (alias Lucien) contre le garage SOGA (HPK503), 21 boulevard Pershing (XVIIe), où sont réparées les voitures de l’état-major allemand et de nombreux véhicules de la Wehrmacht. Tous les groupes armés de Paris, répartis en quatre ou cinq groupes (le groupe Marchandise, le groupe Le Berre, le groupe Brustlein et un ou deux autres), interviendront. Les dégâts sont très importants, même s’ils ne réussiront pas à incendier l’atelier de menuiserie.

20 octobre 1941 : participation au déraillement du train Paris-Nantes, tandis que Spartaco Guisco et Gilbert Brustlein abattent le Feldkommandant Hotz. Il revient avec un stock de dynamite récupéré dans une carrière.

21 novembre 1941 : participation à l’attentat contre la librairie allemande Rive Gauche du boulevard Saint-Michel (à l’angle de la place de la Sorbonne).

26 novembre 1941 : attentat à la bombe contre la librairie militaire allemande située à l’angle de la rue de Rivoli et de la rue Cambon (Ier). Participent à cette action plusieurs détachements des Bataillons de la Jeunesse et de l’Organisation Spéciale, dont Coquillet.

2 décembre 1941 : participation à l’attentat à la bombe contre le local du RNP (Rassemblement national populaire) boulevard Blanqui, avec Fabien et Coquillet. Cinq cartouches de dynamite font littéralement sauter ce repaire de la collaboration.

6 décembre 1941 : il est en protection lorsque le lieutenant Rahl est grièvement blessé boulevard Pereire (XVIIe) par Louis Coquillet.

15 décembre 1941, 7 h 30 du matin : Marcel Bourdarias et Louis Coquillet, à la tête de leurs groupes, attaquent à la bombe le poste de la Feldgendarmerie situé à l’Hôtel Universel, rue de la Victoire (IXe).

Fin décembre 1941, avec Louis Coquillet, il sectionne un câble de transmission de l’armée allemande dans le bois de Meudon.

3 janvier 1942 : Bourdarias, Coquillet, Gueusquin et quatre autres membres des Bataillons de la Jeunesse attaquent au pistolet et à la grenade une permanence du RNP de Marcel Déat située 11 bis rue de la Procession (XVe). Bilan : les locaux sont détruits et un membre du RNP est blessé.

Arrêté le 3 ou le 5 janvier 1942 par la police française au métro Croix-Rouge, il fut torturé pendant cinq jours et cinq nuits avant d’être remis aux Allemands. Jugé à la Maison de la Chimie, rue Saint-Dominique, avec vingt-six autres résistants, le 14 avril 1942, il fut fusillé par les Allemands le 17 avril 1942 au Mont-Valérien (Suresnes), à l’âge de 18 ans. Il a laissé une dernière lettre d’une touchante simplicité : Chers Amis, Je vous écris une dernière fois pour vous adresser mon adieu. Il est environ 1 heure et à 5 heures je serai fusillé. Donc quelques heures devant moi. Je suis calme et tranquille. Oui pour moi, c’est fini. Je me souviens du bon temps que j’ai passé près de vous et je vous demande de vous en souvenir également. Ne pleurez pas pour moi. Je ne suis pas à plaindre. Mais aimez mon souvenir.

Marcel Bourdarias est enterré au cimetière d’Ivry-sur-Seine. Une rue d’Alfortville porte son nom.



04/03/2013
0 Poster un commentaire

A découvrir aussi


Inscrivez-vous au blog

Soyez prévenu par email des prochaines mises à jour

Rejoignez les 4 autres membres